Histoire des Premiers Temps de l'Islam

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Histoire des Premiers Temps de l'Islam Auteur:
Catégorie: L'Imam Al-Hassane
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Histoire des Premiers Temps de l'Islam

Auteur: Safdar Hussein
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Histoire des Premiers Temps de l'Islam
  • L'AUTEUR

  • 1 ERE PARTIE LA TERRE DE LA NAISSANCE DU SAINT PROPHETE MOHAMMAD 9

  • L'Ancienne et la Nouvelle Arabie 9

  • La Terre Sainte 10

  • Le Hajj 10

  • Le Territoire Sacré et les Mois Sacrés 11

  • Le Peuple et sa Religion 12

  • L'époque de l'Ignorance 13

  • LES ANCETRES DU PROPHETE 14

  • L'Ascendance du Prophète 14

  • Les Antécédents 15

  • La Jalousie de Omayyah 16

  • Comment Chayba al-Hamd fut appelé 'Abdul- Muttalib 17

  • L'Usurpation des Droits de 'Abdul-Muttalib 18

  • Le Vu de 'Abdul-Muttalib. Le Puits de Zam-Zam 18

  • 'Abdul-Muttalib Tient sa Promesse 20

  • La Jalousie des Omayyades 22

  • Les Changements 23

  • LA NAISSANCE DU PROPHبTE MOHAMMAD ET LES QUARANTE PREMIبRES ANNةES DE SA VIE

  • Lieu et Date de Naissance 24

  • Le Nom

  • La Mort de 'Abdullâh 26

  • L'Allaitement de Mohammad 27

  • La Mort de âminah 27

  • La Mort de 'Abdul-Muttalib 28

  • A la Garde d'Abû Tâlib 28

  • Le Voyage de Mohammad en Syrie 29

  • La Disposition d'Esprit de Mohammad 30

  • La Guerre de Sacrilège (585 ap. J. -C.) 30

  • Hilf al-Fudhûl (595 ap. J. -C.) 30

  • Al-Amîn 32

  • Khadîjah (595 A. -J.) 32

  • Khadîjah fait sa Demande en Mariage à Mohammad 34

  • Mohammad épouse Khadîjah

  • La Naissance de 'Alî 36

  • 'Alî Adopté par Mohammad 38

  • Zayd Ibn Hârithah 38

  • La Reconstruction de la Ka'bah 39

  • Al-Hajar al-Aswad ou la Pierre Noire 40

  • Les Retraites Spirituelles de Mohammad 42

  • Le Lieu de Séjour Favori de Mohammad 43

  • LA MISSION ET SES TROIS PREMIبRES ANNةES 45

  • Les Révélations 47

  • Les Premiers Croyants 48

  • La Conversion d'Abû Bakr 49

  • Ja'far Rallie la Foi 52

  • LES PRECHES PUBLICS ET LES PERSECUTIONS QURAYCHITES

  • Mohammad Se Proclame Prophète 54

  • Mohammad Proclame 'Alî comme son Successeur 55

  • Mohammad Prêcha en Public 56

  • Mohammad Est Indirectement Attaqué 57

  • Les Persécutions 58

  • Violences contre les Adeptes de Mohammad 58

  • L'Emigration en Abyssinie 60

  • Une Délégation de Quraych en Abyssinie 61

  • Le Prophète à Dâr al-Arqam 63

  • 'Omar Accepte la Mission de Tuer Mohammad 64

  • La Conversion de 'Omar 65

  • La Délégation de Quraych auprès d'Abû Tâlib 66

  • L'Interdiction et la Mise au Ban 68

  • Quelques-uns des Miracles les Plus Remarquables 70

  • Le Miracle de la Disjonction de la Lune 73

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Histoire des Premiers Temps de l'Islam

Histoire des Premiers Temps de l'Islam

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Français
L'AUTEUR Histoire des Premiers Temps de l'Islam

Histoire des Premiers Temps de l'Islam Safdar Hussein
Traduit de l'anglais, édité et annoté par Abbas Ahmad al-Bostani Edition La Cité du Savoir Abbas Ahmad al-Bostani C.P. 712, Succ. (B) Montréal, Qc, H3B 3K3 Canada E-mail: abbas@bostani.com
Copyrights: Tous droits réservés à l'éditeur
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L'AUTEUR
Sayyed Safdar Hussayn, fils de Sayyed Ahmad 'Alî, naquit en 1868. Son grand-père, Sayyed Bahadur 'Alî, un calligraphe bien connu de son époque, avait émigré du Punjab à Awadh sous le règne du Maharadjah Ranjit Singh et obtenu l'asile auprès de Mirza Nasir-ud-Din Hyder, le Roi d'Awadh, en 1828.

Sayyid Safdar Hussayn passa son "Middle Examination", et devint instituteur à "Government Jubilee High School", Lucknow, (actuellement Jubilee Degree College). Après avoir servi comme instituteur pendant quatre ou cinq ans, il rejoignit le "Lucknow Collectorate". En 1897, il fut nommé "Mir-Munshi" par le gouvernement britannique à Kaboul, et il occupa ce poste pendant plus de trois ans, et par la suite il poursuivit sa fonction comme agent politique à Kaboul. Il resta dans cette affectation pendant environ deux ans, et c'est à Kaboul qu'il commença à écrire son célèbre livre "Histoire des Premiers Temps de l'Islam".

A son retour d'Afghanistan il fut nommé Tehsildar Adjoint et quelque temps après, promu Tehsildar. Cependant, détestant de par sa nature les institutions féodales tyranniques, il ne pouvait pas supporter les mesures oppressives prises par les propriétaires terriens contre de pauvres locataires. Aussi pria-t-il le gouvernement de le transférer à un autre poste. Il fût par conséquent muté au département de la Régie. Par la suite il fut promu Collecteur UNNAO (U. P.). Il quitta ce poste pour consacrer le reste de sa vie aux recherches islamiques. Il écrivit un livre très volumineux en ourdou, mais sur le conseil de ses amis Sayyed Kazim Hussayn et 'Alî Jalal-ud-Din, il changea de direction pour écrire en anglais "The Early History of Islam" (le titre anglais du présent livre). Sayyed Safdar Hussayn avait été favorisé par la Providence de qualités de cur et d'esprit. Il était très bon et noble envers ses proches. Il avait l'habitude de prélever régulièrement une très grande somme d'argent sur son salaire pour aider ses proches dans le besoin. Quelques familles de veuves ou d'orphelins recevaient de lui de l'aide régulièrement même après qu'il eut pris sa retraite. M. Chahîd 'Alî, le petit-fils de l'auteur, raconte un incident très significatif, survenu alors que l'auteur mettait la touche finale au manuscrit de ce livre. Pendant la période de la rédaction du livre, il avait l'habitude de porter des lunettes, mais une nuit il fit un rêve dans lequel le Saint Prophète (Que la paix soit sur lui et sur sa famille) lui demande d'ôter ses lunettes.

Le matin suivant, il les jeta et constata que sa vue était nettement meilleure. Jusqu'à sa mort il ne portera plus jamais de lunettes. Il rendit le dernier soupir en février 1949, à l'âge de quatre-vingt-un ans à la suite d'une attaque cardiaque. Qu'Allah bénisse sa noble âme.

1 ERE PARTIE LA TERRE DE LA NAISSANCE DU SAINT PROPHETE MOHAMMAD
L'Ancienne et la Nouvelle Arabie
L'Arabie, le lieu de naissance de notre Maître Mohammad, le Prophète d'Allâh dont la religion a pour adeptes plus d'un cinquième de la population du monde, est une péninsule située à l'ouest de l'Asie. Elle est limitée par l'Asie Mineure et la Syrie au nord, par l'Euphrate et le Golfe Persique à l'est, par la Mer Arabique au sud, et par la Mer Rouge à l'ouest. Jadis, l'Arabie était divisée en trois régions:

a. - l'Arabie Felix ou l'étendue fertile longeant le littoral et comprenant les côtes ouest et sud-ouest;

b. - l'Arabie Petraea ou l'étendue rocheuse qui inclut toute la partie nord-ouest;

c. - l'Arabie désertique ou le désert sablonneux comprenant tout l'intérieur. Elle est maintenant divisée par les géographes modernes en sept provinces à savoir:

1. Le Hijâz (Hidjâz)

2. Le Yémen

3. Hadhramawt

4. Oman ou le Royaume de Muscat

5. L'Arabie Centrale ou le Royaume de Najd

6. L'Irak, région qui s'étend tout au long de la frontière de la Perse

7. Le Bahrein ou les provinces situées au long du Golfe Persique.

La Terre Sainte
La province de Hijâz est connue comme la Terre Sainte ou la Terre de Pèlerinage. Elle doit son importance aux lieux saints qu'elle renferme. La Mecque (ou le Beqâ' selon les termes du Coran), la principale ville de Hijâz, est la plus ancienne cité, ou de l'aveu général, l'une des plus anciennes cités du monde.

La Mecque est célèbre pour son édifice sacré, la Ka'bah, qui est un lieu de grand rassemblement depuis l'époque d'Ibrâhîm et de son fils Ismâ'îl qui construisirent le Sanctuaire.

Ibrâhîm fut le premier à appeler les gens à visiter la Maison Sacrée. La tradition présente la Mecque comme étant le centre du pèlerinage annuel des gens venant de toute l'Arabie et des pays voisins depuis des époques immémoriales, et probablement depuis l'appel d'Ibrâhîm.

Le Hajj
La Ka'bah a donc toujours été un grand centre religieux. S'y rendre et y accomplir les rites qui lui sont propres a constitué à toutes les époques un devoir sacré. Elle continue encore de nos jours à commander la révérence et la dévotion de toute la Ummah islamique. Le Saint Coran dit:

"Oui, la première maison fondée pour les gens est bien celle de la Mecque: elle est bénie et elle sert de Direction aux mondes. On y trouve des signes évidents et le lieu de station d'Ibrâhîm. Quiconque y pénètre sera en sécurité. Il incombe aux gens, ceux qui en ont les moyens d'aller, pour Allâh, en pèlerinage à la Maison".

(Sourate آle 'Imrân, 3: 96-97).

"Appelle les gens au Pèlerinage: ils viendront par des chemins encaissés". (Sourate al-Hajj, 22: 27)

Le Hajj, accompli au mois de Thilhaj - le dernier mois du calendrier de l'hégire - avec un hajj supplémentaire à 'Arafât (petite éminence de roches granitiques située dans une vallée à l'intérieur d'une région montagneuse, à une quinzaine de kilomètres à l'est de la Mecque) fut appelé Hajj al-Akbar (le Pèlerinage Majeur) et il est obligatoire pour chaque Musulman, sauf au cas d'excuse légale; alors que celui qu'on accomplit à toutes les autres époques de l'année (sans le pèlerinage de 'Arafât), fut nommé 'Omrah ou Hajj al-Açghar (le Pèlerinage Mineur).

La 'Omrah peut être accomplie valablement à toute période de l'année, mais particulièrement en Rajab, le septième mois de l'année hégirienne, tandis que le Hajj doit être accompli obligatoirement au mois de Thilhaj.

La Mecque doit également sa célébrité au fait qu'elle est le lieu de naissance du Saint Prophète Mohammad, tout comme Médine, l'autre ville principale de la même province, devint la deuxième ville importante, après la Mecque, pour avoir été le lieu de résidence du Prophète et le lieu de son enterrement.

Le Territoire Sacré et les Mois Sacrés
La Mecque, avec le territoire qui l'entoure sur plusieurs kilomètres, tient son caractère sacré de la présence de la Ka'bah. Le territoire sacré fut appelé "Haram".

Les mois de Zhilqa'd, Thilhaj, Moharram et Rajab furent considérés comme sacrés, sans doute depuis l'époque de la construction de l'édifice: "Oui, le nombre des mois, pour Allâh, est de douze mois (inscrits) dans le Livre d'Allâh, depuis le jour où IL créa les cieux et la terre. Quatre d'entre eux sont sacrés". (Sourate al-Tawbah, 9: 36). Durant ces quatre mois, toutes les formes d'hostilité étaient interdites, toutes les activités hostiles et tous les conflits tribaux suspendus, et une amnistie générale prévalait dans toute l'Arabie, alors que les pèlerins affluaient de toutes les régions vers la Mecque.

Ultérieurement une foire établie à 'Okâdh, dans la banlieue de la Mecque, où avaient lieu toutes sortes de festivités: les poètes récitaient leurs chefs-d'uvre, les marchands négociaient leurs affaires et les athlètes exhibaient leurs exploits, prouesses et tours de force. Les gens qui s'assemblaient à la Mecque en vue du pèlerinage s'intéressaient eux aussi au grand marché de 'Okâdh, pour profiter des avantages des mois sacrés.

Le Peuple et sa Religion
Les Arabes modernes descendent de deux souches: celle de Qahtân ou Jactân, qui remonte à Nouh et dont les descendants sont appelés les 'Arab-al-'Arib, et celle de 'Adnân, qui remonte à Ismâ'îl, le fils d'Ibrâhîm, et dont les descendants sont appelés les 'Arab Mostariba.

Ces derniers s'établirent autour de la Ka'bah. Mohammad, le Saint Prophète est issu de cette souche.

Les Arabes croyaient originellement en un Dieu, mais à l'époque où le Prophète Mohammad naquit, leur religion avait tourné en polythéisme, culte des étoiles et fétichisme. Ils adoraient de nombreuses divinités. Chaque secte ou tribu avait son propre dieu particulier. Les idoles se trouvaient dans chaque maison et on leur rendait hommage pour s'assurer leur contentement et prévenir leur colère. Néanmoins, ils avaient une vague idée d'un تtre Suprême, appelé Allâh, qui se trouvait au dessus de toutes ces divinités. C'est par Allâh qu'ils juraient et c'est en Son Nom (Bismuka Allâhumma) qu'ils scellaient leurs conventions et traités, étant donné que les dieux inférieurs appartenaient à une partie et non à l'autre, et qu'il ne convenait donc pas de les invoquer dans de tels cas.

De là, la nécessité d'un Dieu universel. Welhausen dit: "L'adoration d'Allâh venait en dernier lieu. Les dieux préférés furent ceux qui représentaient les intérêts d'un cercle particulier et qui satisfaisaient les désirs de leurs adorateurs".

Ils adoraient aussi les anges, qu'ils appelaient déesses, c'est-à-dire, les femmes ou les filles de Dieu. Ils représentaient leurs images et leur rendaient un hommage divin. Al-Lat, une immense image de granit gris, principale idole de la tribu de Thaqif à Tâ'if, et al-'Uzza, un bloc de granit, long de quelques six mètres, furent adorées comme les femmes du Dieu Suprême. Hobal, une immense idole de forme humaine, apportée de Syrie et installée avec ostentation dans un haut lieu d'honneur, fut adorée à la Ka'bah où furent consacrées un grand nombre d'idoles et les images d'Ibrâhîm et d'Ismâ'îl portant chacun dans ses mains des flèches divinatoires. Tel était l'état de la religion des Arabes avant que le Prophète Mohammad sorte parmi eux pour prêcher la doctrine du monothéisme, la marche droite et intègre de la vie, et l'idée de la responsabilité à assumer le Jour du Jugement.

L'époque de l'Ignorance
L'époque du polythéisme, des conflits tribaux, de l'infanticide etc... qui prévalaient tous dans l'ensemble de l'Arabie avant la venue du Prophète Mohammad, fut appelée par ce dernier, l'époque de l'Ignorance.

LES ANCETRES DU PROPHETE
Etant donné que je dois traiter, à propos de la venue du Prophète Mohammad, de l'histoire de ses ancêtres (les Hâchimites), en particulier, il est convenable de décrire ici, aussi brièvement que possible, leurs origines et leurs antécédents, afin que le lecteur puisse s'en faire une idée.

Les Hâchimites sont connus comme les véritables Isma'îlites, étant la descendance de Kinânah qui fut le 7è descendant en ligne directe de 'Adnân, lequel est un descendant d'Ismâ'îl, le fils du grand Prophète Ibrâhîm.

Fihr, le grand petit-fils de Kinânah, s'appelait Quraych. La postérité de Quraych (Fihr) forma une vingtaine de familles ou clans dont tous les membres se faisaient appeler Quraychites ou tout simplement Quraych. Pour faciliter la distinction d'une famille ou d'un clan des autres, chaque clan portait le nom de son chef distingué, bien qu'ils soient tous, individuellement et collectivement, des Quraychites. Ainsi, les descendants de Hâchim (un Quraychite de marque), s'appellent les Banî Hâchim, de même que ceux de Ummayyah (le fils du frère jumeau de Hâchim) s'appellent Banî Omayyah.

L'Ascendance du Prophète
Mohammad, le Prophète de l'Islam, appartenait à Banî Hâchim dont la ligne ci-dessous le relie directement à 'Adnân, un descendant d'Ismâ'îl, le fils béni d'Ibrâhîm: Mohammad Ibn (fils de) 'Abdullâh, Ibn 'Abdul-Muttalib, Ibn Hâchim, Ibn 'Abd-Manâf, Ibn Quçay, Ibn Kelab, Ibn Morrah, Ibn Ka'b, Ibn Lu'ay, Ibn Ghâlib, Ibn Fihr (Quraych), Ibn Mâlik, Ibn Nazâr, Ibn Kinânah, Ibn Khazima, Ibn Modrika, Ibn Ilyâs, Ibn Modhar, Ibn Nazâr, Ibn Ma'd, Ibn Adnân, un descendant d'Ismâ'îl fils d'Ibrâhîm.

Les Antécédents
Quçay, le grand-père de Hâchim et le sixième descendant en ligne directe de Fihr, fut Cheikh de la Mecque et le chef du territoire environnant. Quçay fut investi des cinq privilèges du gardien de la Ka'bah, à savoir:

1. Le Hijâbah, c'est-à-dire la possession des clés et du contrôle du Sanctuaire;

2. La Siqâyah et la Rifâdah, c'est-à-dire le droit de fournir boisson et nourriture aux pèlerins;

3. La Qiyâdah, c'est-à-dire le commandement des troupes en temps de guerre;

4. Le Liwâ', c'est-à-dire le droit d'attacher la bannière à la Hampe et de la présenter au porte-étendard;

5. Le Dâr-al-Nadwah, c'est-à-dire la présidence du Conseil.

Ses ordres étaient souverains (éminents). Ultérieurement, ces fonctions furent héritées par les petits-fils de Quçay, en l'occurrence, Hâchim (né en 442 après Jésus Christ), al-Muttalib, Nawfal et 'Abd Chams.

A Hâchim fut affecté le droit de fournir la boisson et la nourriture aux pèlerins. Il était riche et en position de s'acquitter de sa tâche avec une munificence princière et d'entretenir les pèlerins royalement. Son hospitalité princière le fit entourer, aux yeux de toute l'Arabie, d'un halo particulier de gloire. Sa charité dévouée au bien public, pendant la famine qui dura trois ans à la Mecque, accrut encore plus sa popularité. Hâchim organisait les expéditions commerciales de son peuple de sorte qu'à chaque hiver une caravane partait pour le Yémen et l'Ethiopie, alors qu'une seconde prenait la route de Ghaza et d'Angora et d'autres centres commerciaux de la Syrie, en été.(1)

La Jalousie de Omayyah
La renommée et les succès de Hâchim, sans cesse croissants dans tout ce qu'il avait entrepris, suscitèrent la jalousie de son frère jumeau, 'Abd Chams et du fils de ce dernier, Ommayyah.(2) Certes ceux-ci étaient sans doute riches, mais au lieu de dépenser leur argent dans une entreprise utile, ils s'efforçaient de se montrer trop généreux devant leurs proches, et finirent par paraître ridicules aux yeux des Quraych qui observaient leurs vains efforts avec mépris. Omayyah devint, à la longue, si enragé qu'il défia ouvertement Hâchim de se soumettre à une épreuve de supériorité. Hâchim voulut éviter de se mesurer à quelqu'un de si inférieur à lui, à la fois en âge et en dignité; mais les Quraych qui aimaient de tels duels, ne le laissèrent pas s'esquiver.

Aussi accepta-t-il le défi, mais à condition que le perdant offre cinquante chameaux aux yeux noirs et qu'il s'exile de la Mecque pendant dix ans. Un devin Khozâïte fut désigné arbitre. Ayant écouté les prétentions des deux parties, il déclara Hâchim vainqueur. Celui-ci prit les cinquante chameaux, les abattit et nourrit de leur viande toutes les personnes présentes. Omayyah partit donc pour la Syrie et s'y exila pendant dix ans comme convenu. Telle est donc l'origine de la rivalité et du conflit entre les Omayyades et les Hâchimites, qui feront, après plusieurs générations des ravages parmi les Hâchimites, c'est-à-dire, les descendants du Prophète en particulier, et leurs partisans en général.

Comment Chayba al-Hamd fut appelé 'Abdul- Muttalib
A l'époque où mourut Hâchim (environ 510 après J. C.), son fils était un petit garçon et se trouvait au loin, à Médine, avec sa mère Salma Bint (fille de) 'Amr, une dame distinguée des Banî Najjâr, un clan de la tribu de Khazrah. Hâchim confia les fonctions dont il avait la charge à son frère al-Muttalib (à ne pas confondre avec 'Abdul-Muttalib), en lui laissant des instructions précises pour qu'il les transmette à son fils. Al-Muttalib mena l'entretien des pèlerins d'une façon si splendide qu'il mérita le qualificatif d'al-Faydh (le Munificent). Entre temps, son petit neveu, Chayba al-Hamd (appelé ainsi parce que sa tête enfantine était couverte de cheveux blancs) grandissait sous les soins de sa mère veuve à Médine. Les Mecquois, ayant remarqué le beau jeune homme avec lui, présumèrent qu'il était son esclave et dirent à al-Muttalib: "Quelle belle affaire tu as faite!". Al-Muttalib, les informa, toutefois que ce garçon était son neveu Chayba, le fils de Hâchim. Ils scrutèrent minutieusement ses traits et jurèrent qu'il était le portrait de Hâchim. C'est cet incident qui fut à l'origine de son nom 'Abdul-Muttalib (l'esclave de Muttalib) et c'est à partir de là que le fils de Hâchim prit définitivement ce nom.(3)

L'Usurpation des Droits de 'Abdul-Muttalib
L'incident suivant offre un autre exemple des mauvais sentiments d'Omayyah envers les Hâchimites.
Al-Muttalib(4) transféra les fonctions du défunt Hâchim, à son fils conformément à sa volonté, tout en continuant à administrer les affaires lui-même. Mais al-Muttalib ne tarda pas de mourir. Le jeune 'Abdul-Muttalib avait deux oncles - 'Abd Chams et Nawfal. La mauvaise disposition du premier à son égard était évidente.

Les quatre fils de 'Abd Manâf furent divisés en deux parties opposées l'une à l'autre. Hâchim et al-Muttalib formaient une partie, alors que 'Abd Chams et Nawfal constituaient la seconde partie. Nawfal, profitant de la faiblesse du jeune homme, le priva de ses droits à l'instigation de 'Abd Chams (le père d'Omayyah), et les usurpa pour lui-même, mais il fut contraint de reculer après l'intervention des proches parents maternels de 'Abdul-Muttalib qui leur demanda de venir de Médine pour l'aider.

Le Vu de 'Abdul-Muttalib. Le Puits de Zam-Zam
Ainsi, installé dans sa fonction d'entretien des pèlerins, 'Abdul-Muttalib accomplit sa tâche pendant des années. Mais il était dépourvu de force et d'influence et, n'ayant qu'un fils pour l'assister, il lui fut difficile de venir à bout de la faction contestataire des Quraych. Il sentait si profondément sa faiblesse et son infériorité par rapport aux familles puissantes et nombreuses de ses opposants qu'il fit le vu de sacrifier un fils à la Divinité. Sa prière fut entendue et il commença à avoir un fils après un autre. En même temps la fortune lui sourit. Il reçut en vision l'ordre divin de creuser le puits de Zam-Zam qui était comblé depuis des siècles et dont on ne se souvenait même pas de l'emplacement exact. Il fit des recherches diligentes pour le site du puits dans la proximité de la Ka'bah et il finit par retrouver les traces des travaux de sa maçonnerie. Aidé de son fils Hârith, le seul à être déjà grand, 'Abdul-Muttalib creusa de plus en plus profondément, malgré l'opposition des Quraych, jusqu'à ce qu'il trouvât les deux "Ghezalles" dorés, avec les épées et les armures complètes enterrées là depuis plus de trois siècles par le roi 'Amr Ibn Hârith. Ainsi fut découvert le puits de Zam-Zam.

Le flot d'eau fraîche et abondante qui jaillit du puits fut un triomphe pour 'Abdul-Muttalib. Jusqu'ici, on se procurait l'eau dans des puits dispersés un peu partout à la Mecque et emmagasinée dans des citernes près de la Ka'bah, pour être mise à la disposition des pèlerins. Mais désormais tous les autres puits furent abandonnés, et seul ce puits-là fut utilisé en raison du bon goût et de la pureté de son eau. L'origine de Zam-Zam reste entourée de mystère. Selon la tradition l'eau se mit à jaillir du sol pour la première fois sous les talons de l'enfant Ismâ'îl dont le père Ibrâhîm avait émigré avec sa mère Hagar dans ce pays inculte. Cette dernière avait continué à courir çà et là avec ardeur, derrière le mirage des sables mouvants, à la recherche de l'eau pour étancher sa soif. De là ce puits devint sacré et par la suite il acquit une sainteté(5) supplémentaire en partageant le caractère sacré de la Ka'bah et de ses rites.

'Abdul-Muttalib Tient sa Promesse
Les années s'écoulèrent et 'Abdul-Muttalib(6) se vit enfin entouré du nombre de fils qu'il avait souhaité. Chaque jour qui passait ainsi lui rappelait le vu qu'il avait fait témérairement alors qu'il était seul et troublé. Aussi amena-t-il ses fils à la Ka'bah pour tirer le sort pour chacun d'eux afin de désigner celui d'entre eux qui devait être sacrifié.

Le sort fatal tomba sur 'Abdullâh qui était le plus beau et le plus honnête parmi la jeunesse de l'Arabie, et le fils le plus chéri de 'Abdul-Muttalib. Celui-ci fut donc très affligé, mais il savait qu'il n'avait pas le choix, car il devait tenir sa promesse. Comment aurait-il dû accomplir le sacrifice, sinon par le couteau sacrificatoire? Ses six filles pleurèrent à chaudes larmes et s'accrochèrent à 'Abdul- Muttalib pour le persuader de faire un tirage au sort entre 'Abdullâh et dix chameaux qui représentaient le rachat courant du sang d'un homme. Si Dieu acceptait ce rachat, le jeune homme serait sauvé. Le sort fut tiré, mais le résultat ne fit que décevoir la famille angoissée. Le tirage au sort fut répété avec dix chameaux supplémentaires. A chaque nouvel essai 'Abdul-Muttalib rajoutait dix chameaux à la mise, mais Dieu semblait refuser toujours le rachat et exiger le sacrifice du garçon. Au dixième jet où la rançon atteignit cent chameaux, le sort tomba sur les chameaux. Pour mieux s'assurer que cette dernière rançon était bien acceptée par Dieu, il répéta trois fois le tirage au sort, et chaque fois le sort tomba sur les chameaux. Aussi égorgea-t-il joyeusement les cent chameaux entre اafâ et Marwah et organisa-t-il un festin pour les habitants de la Mecque. C'est ce même 'Abdullâh qui deviendra le père du Saint Prophète Mohammad. Le sacrifice du père du Prophète et de son ancêtre Ismâ'îl fut annulé, mais pour être remplacé par un plus grand sacrifice, que ferait la postérité du Prophète Mohammad à Karbalâ'.(7)

"Et nous avons racheté son fils par un plus grand sacrifice". (Sourate al-اaffât, 37: 108)

Désormais le renom et l'influence de 'Abdul-Muttalib commencèrent à s'établir. Une grande famille de treize fils puissants renforça sa dignité. Il devint, et restera jusqu'à sa mort, le chef virtuel de la Mecque. Les grandes fonctions de Siqâyah et de Rifâdah - c'est-à-dire le privilège exclusif de fournir l'eau et la nourriture - assurèrent aux Hâchimites une influence importante et permanente sous la direction solide de Hâchim, d'al-Muttalib et enfin de 'Abdul-Muttalib qui fut considéré, tout comme l'avait été son père Hâchim, comme le chef des Cheikhs de la Mecque.

La Jalousie des Omayyades
Mais la branche des 'Abd Chams, forte de leurs relations nombreuses et puissantes, continua ses manuvres contre les Hâchimites et s'efforça de crier à l'hérésie et l'impiété pour les évincer de la garde de la Ka'bah. Suivant l'exemple de son père, Harb, fils de Omayyah essaya de déloger 'Abdul-Muttalib de sa position, en le défiant, pour prouver sa supériorité en vue d'occuper son poste. Mais à sa grande déception, l'arbitre prononça un jugement en faveur de 'Abdul-Muttalib, le déclarant détenteur légal de ce poste. Harb fut humilié et fuit la société de ses adversaires. Cet incident peut être considéré comme une cause supplémentaire de la haine noire qui agitait l'intérieur des poitrines des Omayyades contre les Hâchimites et, plus tard, d'autres événements plus sérieux contribuèrent à attiser les flammes de cette haine, lorsque les Omayyades se virent suffisamment forts pour se venger.

Harb, fils de Omayyah, était le chef des Omayyades à l'époque dont nous parlons. Il détenait déjà le poste de commandant pendant la guerre qui contribua beaucoup à son ascension. En outre, il était un homme d'affaires plein de succès, ce qui le rendait à la fois riche et influent.

Les Changements
Tant qu'il vécut, 'Abdul-Muttalib fut considéré comme le vrai chef de la Mecque mais, après sa mort, il n'y avait pas un dirigeant puissant parmi les Hâchimites pour le remplacer. Hârith, le fils aîné de 'Abdul-Muttalib était déjà mort. Zubayr était le plus âgé et ce fut à lui que 'Abdul-Muttalib légua ses fonctions. Zubayr les transmit à son tour à Abû Tâlib, mais celui-ci était trop pauvre pour assumer la tâche de fournir aux pèlerins l'eau et la nourriture. Aussi abandonna-t-il son droit en faveur de 'Abbâs qui était plus âgé que Hamzah et plus riche que les autres. Abû Lahab, bien qu'il fût plus âgé que ces deux frères, n'était pas bien disposé envers ses frères, en raison de ses liens étroits avec les Omayyades et de son mariage avec la fille de Harb. Mais al-'Abbâs aussi s'avéra incapable de s'acquitter des deux tâches du père. Ainsi, alors que la Rifâdah fut passée aux mains des rivaux, al-'Abbâs se contenta-t-il de la Siqâyah, qui impliquait la responsabilité du puits de Zam-Zam et qu'il détint jusqu'à l'avènement de l'Islam où le Prophète l'y confirma en la transmettant à sa famille. Ainsi, alors que la famille de Hâchim vit sa position se rabaisser, ses rivaux, les Omayyades, qui avaient pour dirigeant Harb, fils de Omayyah, réussirent une longue ascension tant désirée. Cet état de choses dura jusqu'à la conquête de la Mecque par le Prophète, environ cinquante ans plus tard.

LA NAISSANCE DU PROPHبTE MOHAMMAD ET LES QUARANTE PREMIبRES ANNةES DE SA VIE
Lieu et Date de Naissance
Le Prophète de l'Islam, Mohammad (Que la paix soit sur lui et sur sa sainte famille), est né à la Mecque, l'année où Abraha B.

al-Achram, le vice-roi éthiopien du Yémen, de religion chrétienne, envoya une expédition contre la Mecque pour détruire la Ka'bah.


Cette année-là fut baptisée 'آm al-Fîl (l'Année de l'ةléphant), du nom de l'expédition, étant donné que les Arabes virent un éléphant pour la première fois à cette occasion. Les envahisseurs sont mentionnés dans le Coran sous la dénomination de "Açhâb al-Fil" (les Gens de l'ةléphant). Ils périrent par la Colère Divine:

"N'as tu pas va comment ton Seigneur a traité les hommes de l'Eléphant? N'a-t-IL pas détourné leur stratagème, envoyé contre eux des bandes d'oiseaux qui leur lançaient des pierres d'argile? IL les a ensuite rendus semblables à des tiges de céréales qui auraient été mâchées". (Sourate al-Fîl, 105: 1-5)

Quarante-cinq ou cinquante-cinq jours après l'expédition, le saint enfant est né, un vendredi, dans une maison connue sous l'appellation de Che'b Abî Tâlib.

La date de naissance retenue par les Chiites comme étant la plus probable est le 17 Rabî' al-Awwal, alors que les Sunnites retiennent le 12 Rabî ' al-Awwal, comme étant la date correcte. Toujours est-il que même entre eux-mêmes, ni les Shî'ites ni les Sunnites ne sont unanimes sur une date de naissance précise. Selon le calendrier chrétien, Cassin de Perceival, retient le 29 août 570 (après J. -C.) comme la date de naissance du Saint Prophète.

Le Nom
âminah, la mère de Mohammad, n'avait senti ni gêne ni pesanteur due à sa grossesse et, de ce fait, ne savait pas qu'elle était enceinte. Elle apprit la nouvelle de sa grossesse dans une vision. Plus tard, elle rêva d'un ange qui lui suggéra de nommer son enfant Ahmad ou Mohammad. Elle appréhendait de tels rêves, et pour en conjurer les mauvais effets, on lui conseilla de porter quelque médaillon de fer, ce qu'elle fit jusqu'à la délivrance. L'ancêtre de Mohammad, c'est-à-dire Ismâ'îl, avait reçu son nom de la même façon; d'autres Prophètes aussi. (Voir Genèse XVI-11: "L'Ange du Seigneur lui dit: "Voici que tu es enceinte et tu enfanteras un fils. Tu l'appelleras du nom d'Ismâ'î1, car le Seigneur a entendu ton affliction""; et Genèse XVII-19: "Et Dieu dit (à Abraham): "C'est Sarah, ta femme, qui t'enfantera un fils et tu l'appelleras du nom de Isaac"", et St. Matthieu, I-2: "Tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus".

Dès qu'il fut né, un messager fut envoyé à 'Abdul- Muttalib pour lui communiquer l'heureuse nouvelle de la naissance de l'enfant béni qui avait apporté avec lui une lumière soudaine(8) qui illumina tout le lieu sur le moment. 'Abdul-Muttalib accourut joyeusement vers l'enfant, le prit dans ses bras et le porta à la Ka'bah pour remercier Dieu de ce cadeau. II l'appela Mohammad, ce qui signifie en arabe "Celui qui est loué". Ce nom fut justifié par le Prophète après avoir reçu sa mission, pour le désigner comme le Paraclet promis.(9) (Voir "Le Nouveau Testament", Jean, XIV-26, XVI-27). Le septième jour après sa naissance bénie, un festin fut organisé par 'Abdoul-Muttalib avec grand éclat pour célébrer l'heureux événement.

La Mort de 'Abdullâh
Le père de Mohammad, 'Abdullâh, fils de 'Abdul- Muttalib, n'avait pas vécu assez longtemps pour voir la naissance de son fils.(10) Laissant sa femme enceinte, 'Abdullâh était parti en voyage d'affaires pour la Syrie. Sur le chemin du retour, il tomba gravement malade et il fut abandonné par la caravane à Médine, auprès des proches parents maternels de son père. En apprenant la nouvelle de la maladie de 'Abdullâh, 'Abdul-Muttalib envoya son fils Hârith pour le ramener à la Mecque, mais il était déjà trop tard. Hârith retourna donc pour rapporter la triste nouvelle de la mort de son frère et pour mettre toute la maison en deuil. 'Abdullâh n'était âgé que de 25 ans. Son vieux père l'aimait tendrement parce qu'il possédait ses traits et ses talents personnels qu'aucun de ses frères ne portait. La nouvelle porta un coup mortel à sa jeune femme. Elle ne put survivre longtemps à sa disparition. Lorsqu'il la quitta, ils venaient à peine de se marier. La seule consolation qui lui resta fut l'enfant. Mais le chagrin pesa si lourd sur sa santé que la fontaine de ses seins tarit, ne lui laissant aucune possibilité d'allaiter le nouveau-né.

L'Allaitement de Mohammad
Ainsi, celui-ci fut confié tout d'abord à Thawbiyyah, une servante d'Abou Lahab, son oncle, pendant une courte période. Plus tard Halîmah, une femme bédouine le prit en nourrice et l'éleva parmi les siens, les Banu Sa'd - la plus noble des races bédouines - qui habitaient sur les hauteurs au sud de Tâ'if.

Les femmes bédouines avaient l'habitude d'allaiter les enfants des citadins, et Halîmah était suffisamment riche pour prendre en charge Mohammad, et contrairement aux habitudes des tribus bédouines qui vivaient constamment en guerre les unes contre les autres, elle resta paisiblement à la maison pendant toute la période où elle prit soin de Mohammad. Halîmah garda Mohammad avec elle pendant environ cinq ans, au terme desquels il devint suffisamment grand pour n'avoir plus besoin des soins de sa nourrice.

Halîmah le rendit donc à contrecur à sa mère âminah.

La Mort de âminah
Tout de suite après(11), âminah se rendit à Médine (575 ap. J. -C.) pour montrer le petit garçon aux proches parents maternels de son père, emmenant avec elle Mohammad et Um Aymân, la servante de son défunt mari; ou plutôt elle voulait consoler son cur qui brûlait de jeter un regard sur le monticule de terre sous lequel son mari avait été enseveli à Médine. Durant son court séjour d'environ un mois à Médine, âminah sentit une défaillance dans son cur. Elle se hâta de rentrer, mais pendant son voyage de retour elle mourut à Abwa, à mi-chemin entre Médine et la Mecque, et elle y fut enterrée. Um Aymân ramena Mohammad à la Mecque où il fut pris en charge par son grand-père 'Abdul- Muttalib qui avait atteint l'âge respectable de quatre-vingt ans. Mohammad avait alors six ans et était traité par son grand-père avec une tendresse infinie. Um Aymân était encore sa nourrice.

La Mort de 'Abdul-Muttalib
La garde de 'Abdul-Muttalib ne dura toutefois qu'environ deux ans.(12) Il rendit le dernier soupir en 578 ap. J.-C., laissant derrière lui l'orphelin à l'âge de huit ans. Mohammad sentit amèrement cette perte et il suivit le convoi funèbre les larmes aux yeux.

A la Garde d'Abû Tâlib
Alors qu'il se trouvait sur son lit d'agonie, 'Abdul- Muttalib avait embrassé Mohammad pour la dernière fois et l'avait confié à ce moment-là à son fils Abû Tâlib, le demi-frère (par la mère) du père de Mohammad, en lui enjoignant de traiter l'orphelin aussi tendrement que s'il avait été son propre fils. Il avait dit: "Ils doivent prendre soin de ce beau petit garçon: rien dans leur famille n'est plus précieux que lui". Abû Tâlib avait promis très affectueusement de le faire, et son comportement ultérieur montra combien il tint scrupuleusement parole. Il aima l'enfant tendrement, il le faisait dormir au chevet de son propre lit et l'emmenait avec lui partout où il allait. Cela continua jusqu'à ce que Mohammad ait environ vingt ans.(13)

(Le dévouement d'Abû Tâlib pour Mohammad pendant sa jeunesse et la protection qu'il lui avait assurée contre l'hostilité des Quraych à son égard seront expliqués ultérieurement. Sa femme Fâtimah Bint Asad - la mère de 'Alî - ne fut pas moins ardente dans son affection pour Mohammad qu'elle traita comme son propre fils).

Le Voyage de Mohammad en Syrie
Abû Tâlib décida un jour d'entreprendre un voyage d'affaires en Syrie (528 ap. J.-C.), avec l'intention de laisser Mohammad à la Mecque. Mais l'enfant refusa de se séparer de lui et s'accrocha tellement à son oncle que celui-ci en fut profondément touché. Ne pouvant pas le voir pleurer, il consentit à l'emmener avec lui en Syrie.

Il est à noter que pendant ce voyage, lorsque la caravane fit halte à sa dernière étape vers Bostra, Abû Tâlib se reposa près d'une église de moines nestoriens. Là, l'un de ceux-ci, dont le nom était Boheira ou Sergius, remarqua qu'un nuage couvrait de son ombre Mohammad.(14) Aussi vint-il près de lui lorsqu'il s'assit sous un arbre(15) qui se plia comme pour présenter ses respects à Mohammad, et examina-t-il méticuleusement ses traits. Il vit alors une impression pareille à un grand grain de beauté, de la taille d'un uf de pigeon, entre ses deux épaules (le sceau, ou la pièce justificative de sa Mission Divine), ainsi que certaines indices sur son visage, ce qui lui donna la conviction d'avoir affaire à la personne prédite dans l'Ecriture comme le futur Prophète. Après un peu de méditation et de contemplation, il conseilla à Abû Tâlib de protéger le garçon contre les innombrables dangers qui, dit-il, l'attendaient et qui émaneraient de son propre peuple dont il était destiné à être le Sauveur.

La Disposition d'Esprit de Mohammad
Etant donné que Mohammad était né et avait été élevé dans la famille sacerdotale des gardiens du sanctuaire de la Ka'bah, et qu'il était naturellement doué d'un esprit pensif et méditatif, l'ordre et la bienséance de la maison d'Abû Tâlib, les offrandes pieuses et les prières dévotes faites par lui-même et ses proches, l'observance scrupuleuse des rites sacrés, et surtout l'environnement sacré et impressionnant du Sanctuaire lui-même, laissèrent une forte impression sur l'esprit de Mohammad et lui inculquèrent une tendance à la dévotion à l'Omnipotent et Omniprésent Seigneur.

La Guerre de Sacrilège (585 ap. J. -C.)
Lorsque Mohammad eut quatorze ou quinze ans, une guerre, ou plutôt un conflit tribal, éclata entre les Banî Kinânah et les Banî Hawâzin, dans laquelle Mohammad fut forcé de s'engager deux fois pour aider son oncle Zubayr. La guerre eut lieu pendant les mois sacrés, sur le territoire sacré, et dura, avec des engagements épisodiques, environ neuf ans. Ces événements furent appelés Fujâr ou la "Guerre sacrilège".

Hilf al-Fudhûl (595 ap. J. -C.)
Etant donné que Mohammad était doté par la nature d'un esprit compatissant, son cur saignait de douleur à la vue des outrages terribles qui étaient perpétrés im-pitoyablement sous ses yeux, souvent par ses propres concitoyens, contre des gens sans secours.(16) Il désirait donc sérieusement corriger leurs murs, si possible, et cultiver en eux la crainte de Dieu, et il uvra sans relâche dans ce sens. Animé par de tels nobles sentiments, alors qu'il n'avait que vingt ans, il voulut prendre quelques mesures en vue de l'éradication de la violence et de l'injustice. Ce fut dans ces circonstances que Zubayr, le plus âgé des fils survivants de 'Abdul-Muttalib, forma une ligue dans le but de suggérer aux principales tribus de Quraych de s'engager par serment à assurer la justice aux faibles. Les Hâchimites, les Banû Zohrah et les Banû Taym participèrent à la ligue et jurèrent qu'ils se dresseraient comme défenseurs des gens lésés, qu'ils veilleraient à ce qu'aucune injustice ne restât impunie et que les revendications des opprimés seraient pleinement satisfaites.

Le serment est connu sous le nom de Hilf al-Fudhûl. Il s'avéra utile autant comme une prévention de la violence que comme un moyen de réintégration. Quelques années plus tard, Mohammad dira qu'il se sentait heureux du souvenir de l'initiative qu'il avait prise lui-même dans la création de la Ligue du Serment, initiative prise dans la maison de 'Abdullâh B. Jod'ân pour mettre fin à la violence et à l'oppression.

Al-Amîn
Ayant acquis, sous la direction de son oncle Abû Tâlib un homme de grandes compétences commerciales - une véritable connaissance et expérience des transactions commerciales par caravanes, et étant très apprécié par ceux qui avaient eu l'occasion d'avoir des contacts avec lui, quelques commerçants l'engagèrent comme représentant pour conduire des affaires commerciales pour leur compte. Mohammad s'acquitta avec un tel succès de son travail que les gens s'étonnèrent de son intelligence et de sa capacité dans les affaires. Ils furent tous parfaitement satisfaits de son honnêteté, et toute la Mecque se confondit en louanges pour sa véracité, son fort caractère moral, son honnêteté dans la conduite des affaires et le crédit de confiance dont il jouissait à tous égards. Son caractère irréprochable et la conduite honorable de ce jeune homme discret lui firent gagner le respect de tous ses concitoyens, et lui valurent le titre unanimement consenti d'Amîn, "Le Digne de confiance".

Khadîjah (595 A. -J.)
Le renom de droiture et de rectitude de Mohammad par vint aux oreilles de Khadîjah, une noble dame Mecquoise de Quraych. Son père Khuwaylid était le fils d'Asad, lequel était le petit-fils de Quçay.(17)

Khadîjah était suffisamment riche pour exercer le commerce avec ses propres caravanes que menaient ses esclaves et ses serviteurs. Aussi avait-elle besoin d'un homme capable de faire des voyages pour son compte. Elle envoya donc un mot à Mohammad par l'intermédiaire de l'ami de ce dernier, Khozaymah Ibn al-Hakam, qui avait des liens de parenté avec elle - lui offrant le double du salaire pratiqué à l'époque. Mohammad entra dans son service avec le consentement d'Abû Tâlib.

Conduisant une caravane de commerce pour elle, il partit pour Bostra, sur le chemin de Damas. Maysarah, un serviteur de Khadîjah, l'accompagna pendant son voyage. Au cours du voyage à Bostra, Maysarah remarqua que Mohammad était ombragé par un nuage pendant la chaleur de la journée. Grandement surpris par ce phénomène, il le relata à Khadîjah à son retour. Une fois arrivé à destination, Mohammad réussit, par des échanges commerciaux avec les marchands syriens, à doubler les bénéfices habituels des marchandises de Khadîjah.

Selon un récit, avant de disposer des marchandises, il y avait eu un contentieux entre Mohammad et la personne qui voulait les lui acheter. Cette personne désirait que Mohammad jure par les déesses mecquoises: "Lât et 'Uzza", mais Mohammad refusa absolument de s'exécuter. Ce refus montre que Mohammad ne crut jamais aux idoles.
Lorsque Mohammad eut disposé des marchandises de son employeur et qu'il eut acquis pour elle les articles qu'elle voulait, il retourna à son pays natal avec Maysarah; et lorsqu'ils approchèrent de la Mecque, le serviteur reconnaissant persuada Mohammad d'être lui-même à la tête de la caravane à partir de Marr-al-Tzohran et d'apporter lui-même à sa maîtresse la bonne nouvelle de ses transactions réussies.

Khadîjah, entourée de ses servantes, était assise à l'étage supérieur de sa maison (qui est encore connue et vénérée comme étant "Mawled Fâtimah" ou le lieu de naissance de Fâtimah - La Dame de Lumière - un peu au nord-est de la Ka'bah) guettant l'arrivée de la caravane, lorsqu'un chameau apparut à l'horizon, s'avançant rapidement.
Quand il s'approcha un peu plus, elle s'aperçut que c'était Mohammad qui le montait, et qu'il arborait un visage brillant, protégé de la chaleur du soleil par un nuage. Elle fut éblouie par sa beauté et par tout ce qu'elle savait à son propos. Il entra dans la maison, raconta l'issue heureuse de ses affaires, et énuméra les articles de son goût qu'il lui apportait. Elle fut extrêmement contente de ce succès. Elle l'envoya ensuite pour la même raison au Yémen où, là encore, il obtint grâce à son savoir-faire et sa diligence un succès similaire, à la grande joie de Khadîjah.(18)

Khadîjah fait sa Demande en Mariage à Mohammad
Elle était une dame distinguée autant par sa haute naissance que par sa fortune. Elle avait déjà été mariée deux fois, et avait accouché de plusieurs enfants, mais elle était veuve à présent. Bien qu'elle eut quarante ans, elle paraissait plus jeune et avait un visage attirant, beau et rayonnant de bonne santé. Beaucoup de nobles Quraychites l'avaient demandée en mariage, mais préférant vivre dans un veuvage digne et indépendant, elle avait rejeté toutes ces demandes.

Mohammad était alors à la fleur de l'âge, n'ayant que vingt-cinq ans. Il était doté par la nature de beauté et d'une apparence agréable. Noble de naissance, il était aussi noble par sa conduite et par ses manières élégantes. Attirée par ses qualités personnelles, et fascinée par sa beauté et son élégance, Khadîjah désira l'épouser.(19)

Pour sonder son opinion à cet égard, elle députa une servante qui l'aborda: "Oh! Qu'est-ce qui se passe Mohammad?", faisant allusion adroitement au fait anormal de rester célibataire à cet âge. "Mais qu'est-ce qui t'empêche de te marier?". "Je n'ai rien à ma disposition, qui me permettrait de me marier", répondit-il. "Et si cette difficulté disparaissait et que tu sois invité à épouser une dame belle et riche, de noble naissance, qui te rendrait riche, ne désirerais-tu pas l'avoir?", lui dit la servante. "Qui pourrait ce être?", demanda Mohammad qui commençait à être saisi par cette idée. "C'est Khadîjah". "Mais comment pourrais-je y parvenir?".

"Laisse-moi faire", rétorqua la femme. "Je n'ai pas d'objection à une telle union", affirma Mohammad. La femme repartit et rapporta la réponse à Khadîjah qui, sans perdre de temps, annonça à Abû Tâlib, l'oncle et le gardien de Mohammad, son désir de contracter une alliance matrimoniale avec ce dernier.


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Mohammad épouse Khadîjah Histoire des Premiers Temps de l'Islam Mohammad épouse Khadîjah
Après avoir consulté Mohammad, Abû Tâlib accepta la proposition, et le mariage eut lieu en 599 ap. J. -C. avec grand éclat et donna lieu à de nombreux festins.(20) Les invitations furent envoyées par Abû Tâlib et Khadîjah elle-même. Abû Tâlib lut lui-même le sermon de la cérémonie et paya de sa poche la dot de douze Okes et demi d'or, équivalent au prix de vingt jeunes chameaux de bonne race.(21)

Ce mariage s'avéra très avantageux pour Mohammad, car il le mit à l'abri de la nécessité de travailler dur pour gagner sa vie et lui donna le loisir de s'adonner à la méditation à laquelle il avait originellement tendance et qui avait été développée pendant la période de sa prise en garde par son oncle Abû Tâlib.

Il vécut d'une façon on ne peut plus affectueuse avec sa femme. Elle lui rendit bien son amour pour elle, et son estime pour lui augmentait au fur et à mesure que le temps passait. Le mariage fut un succès parfait à tous égards pour le couple. Khadîjah porta de lui son illustre fille, Fâtimah, destinée à devenir l'aïeule des Saints Descendants de Mohammad. Elle lui engendra également deux fils: Qâcim - dont le nom valut à Mohammad le sumom d'Abû Qâcim, et 'Abdullâh. Mais tous les deux moururent pendant leur enfance.

La Naissance de 'Alî
Ce fut sans doute à l'occasion de la mort d'un de ceux-ci que la femme d'Abû Tâlib, Fâtimah Bint Asad, qui était enceinte, offrit de céder son futur enfant, qu'il fût garçon ou fille à Mohammad, pour le consoler dans son deuil (Fâtimah n'était pas encore née). Cette offre s'avérera être un Décret Providentiel plus tard.

Fâtimah Bint Asad sentait l'enfant qui était dans son ventre la forcer à se lever par respect pour Mohammad chaque fois qu'il lui rendait visite, et il ne lui permit jamais de la laisser détourner sa face de Mohammad aussi longtemps qu'il se trouvait là. Ordinairement c'était le contraire qui aurait dû se produire, puisque la tante de Mohammad étant supérieure à ce dernier par le lien de parenté (tante - neveu) - elle était presque comme sa mère - avait droit à son respect pour elle; mais elle ne savait pas quelle force la faisait se lever dès qu'il arrivait, alors qu'il n'avait encore que trente ans.

Cet enfant n'était autre que 'Ali, qui naquit dans l'enceinte de la Ka'bah (600 ap. J. -C.), où personne d'autre n'était né depuis sa fondation des milliers d'années auparavant.

Lorsqu'il ouvrit ses yeux pour la première fois, la première chose qu'il vit fut le visage de Mohammad qui l'avait pris dans ses bras en le caressant. Son premier bain après sa naissance fut fait par Mohammad qui prédit à ce moment-là que l'enfant s'occuperait de son dernier bain (après sa mort). Cette prophétie se réalisera après le décès du Prophète. Le nouveau-né n'acceptait aucune autre nourriture que la salive de la langue de Mohammad, qu'il suça pendant plusieurs jours après sa naissance. Mohammad le caressait en le mettant sur ses genoux, et avait l'habitude de mâcher la nourriture pour nourrir 'Alî. Il le faisait souvent dormir à côté de lui dans le même lit, et 'Alî jouissait de la chaleur du corps de Mohammad et inhalait le parfum sacré de son souffle. Lorsqu'il grandit, il partagea les repas de Mohammad et il fut élevé, sous ses soins personnels, de façon à partager aussi son éthique élevée et ses murs.

'Alî était toujours prêt à risquer sa propre vie pour protéger Mohammad aux moments de danger et il lui était attaché affectueusement et avec une fidélité à toute épreuve. Les deux cousins étaient si soudés l'un à l'autre qu'ils vécurent toujours ensemble jusqu'à ce que la mort les séparât.

'Alî Adopté par Mohammad
Lorsque 'Alî ne fut plus un petit enfant, Mohammad, voulant compenser autant que possible toutes les peines que son oncle Abû Tâlib s'était données en prenant soin de lui et en lui assurant une éducation excellente, prit à sa charge son cousin 'Alî, âgé de cinq ans, en 605 ap. J. -C., afin de l'éduquer selon sa propre méthode; et selon la plupart des hadiths, il l'adopta.(22) Et, étant donné qu'une famine sévissait dans le pays à cette époque, Mohammad persuada son oncle al-'Abbâs de décharger Abû Tâlib des soins d'un autre fils, Ja'far.

Zayd Ibn Hârithah
Presque à la même époque, un garçon nommé Zayd, fils de Hârithah, fut offert à Mohammad par sa femme Khadîjah, comme esclave. Il était originaire d'une famille respectable d'une branche de la tribu des Khozaite, appelée Kalb; mais il avait été enlevé pendant son enfance par une bande de pillards et vendu à Khadîjah.

Ayant trouvé les traces de son fils, le père vint à la Mecque, prit contact avec Mohammad et lui proposa une grande somme pour son rachat, somme que Mohammad refusa poliment. Ce dernier(23), qui avait déjà affranchi Zayd, lui donna la permission d'opter pour le retour chez son père, mais Zayd ne voulut pas perdre le traitement affectueux auquel il s'était habitué, et préféra rester avec Mohammad qui le mariera plus tard à Om Ayman, son ancienne servante. Osâmah, le célèbre Général à qui Mohammad confiera le commandement de l'expédition contre les Grecs tout juste avant son décès, était le fils de ce même Zayd, et le fruit de ce mariage. Zayd fut tué à Mota alors qu'il commandait une précédente expédition contre le même peuple.

La Reconstruction de la Ka'bah
Mohammad était âgé de trente-cinq ans lorsqu'un événement survint qui augmenta sa popularité parmi les membres des tribus. Les murs de la Ka'bah étaient bas et délabrés, devenus mal affermis à la suite d'une inondation qui causait souvent des ravages similaires, comme ce sera le cas encore en 1627 ap. J. -C. où une telle inondation endommagera trois côtés du bâtiment sacré. En raison de l'absence d'un toit, des voleurs avaient escaladé les murs et volé de précieuses reliques, qu'on retrouva heureusement. C'est pourquoi on décida de rehausser les murs et de les couvrir d'un toit.

Entre-temps un bateau grec avait fait naufrage au bord de la Mer Rouge, près de Cho'aybah, l'ancien port de la Mecque. Walîd Ibn Moghîrah assista à la scène du désastre, récupéra les bois du bateau détruit, et s'assura les services de son capitaine, Baqum, qui était un architecte compétent, pour l'aider à la reconstruction de la Ka'bah.

Les nombreuses tribus de Quraych s'étaient regroupées en quatre corps dont chacun avait la charge d'un des quatre côtés de la Ka'bah. Ainsi, un côté était assigné aux Banî 'Abd Manâf, y compris les descendants de Hâchim: 'Abd Chams, Nawfal et 'Abdul-Muttalib, et aux Banî Zohrah; un second aux Banî Asad et aux 'Abd-al-Dâr; un troisième aux Banî Makhzûm et aux Banî Taym; et le quatrième aux Banî Sahm, à 'Adî et 'Amr Ibn Lo'ay. Les vieux murs dégradés furent démolis jusqu'à la couche de pierres vertes, appelées "Fondations d'Ibrâhîm", et c'est sur elles que furent élevés les nouveaux murs.

Pour la construction de l'enceinte sacrée, des pierres de granit vert furent coupées dans les collines avoisinantes et apportées par les citoyens sur leurs têtes. Mohammad et tout le corps de Quraych assistèrent aux travaux. Comme à l'accoutumée, les gens ôtèrent leurs sous-vêtements pour les poser sur leur tête afin de mieux supporter le poids et la rudesses des pierres. Lorsque Mohammad ôta à contrecur son vêtement, il tomba malencontreusement par terre et une voix s'éleva d'une source invisible, le prévenant de ne pas s'exposer au danger. Il se leva sur-le-champ, et personne ne le vit jamais dénudé depuis sa première jeunesse jusqu'à sa mort.

Al-Hajar al-Aswad ou la Pierre Noire
Lorsque les murs de l'angle est furent suffisamment hauts pour fixer al-Hajar al-Aswad, ou la "Pierre Noire" sacrée, une dispute éclata à propos de la partie à qui revenait l'honneur de placer la "Pierre Noire" dans son nouveau réceptacle, car chaque famille des Quraych revendiquait ce privilège. Le contentieux s'aggrava tellement qu'il faillit tourner à l'effusion de sang. La construction fut suspendue pendant quatre ou cinq jours. A la fin, Abou Omayyah (de la famille des Banî Makhzum, le frère de Walîd père de Khâlid), le citoyen le plus âgé, suggéra que celui qui aurait la chance d'entrer le premier dans l'enceinte sacrée par la porte de Banî Chaybah (ainsi appelée parce qu'elle avait été probablement construite par Chaybah Ibn Ahmad) soit choisi pour régler le différend ou placer lui-même la Pierre.

Sur quoi Mohammad apparut, alors qu'il s'était absenté provisoirement. Il fut donc le premier homme à entrer par ladite porte à l'intérieur de l'enceinte. Et l'assistance s'écria: "Voilà venu al-Amîn, l'arbitre! Nous sommes prêts à accepter ce qu'il décidera!".

Mohammad reçut la mission calmement et avec sang froid, et il saisit lui-même l'occasion à la fois d'accomplir son devoir comme le Missionnaire Divin (bien que ce fait n'eût pas été réalisé à ce moment là) et de réconcilier les quatre parties en conflit par sa solution rapide et judicieuse à ce problème épineux. Il ôta son manteau, l'étendit sur le sol, y plaça la pierre sacrée, invita un chef de chacune des quatre parties à s'avancer pour relever les quatre coins du manteau au niveau du mur. "Ils s'exécutèrent, et Mohammad poussa la "Pierre Noire" de ses propres mains vers sa place dans le mur, au coin sud-est de l'édifice, cinq pieds au dessus du niveau du sol". ("Madârij al-Nubuwwah"; "Rawdhat al-Ahbâb")

Il n'y a pas de doute que le fait que le jeune Mohammad ait été choisi pour arbitrer entre ses propres concitoyens des questions sacrées, malgré la présence de chefs âgés et vénérables, laisse entrevoir la main de la Providence et la Volonté Divine d'en faire l'ةlu de Dieu pour être le prophète de son peuple. Bien que ce fait passât inaperçu parmi ce peuple, cette décision souligna le caractère de Mohammad pour son esprit prompt et pour sa détermination prudente, et rehaussa l'estime et le respect dont il jouissait parmi les membres des tribus.

Je n'essaierai pas de décrire la Pierre Noire de la Ka'bah comme un aérolithe ou comme un ange transformé en pierre. Quelle qu'elle puisse être, il suffit de dire qu'elle avait été tenue pour sacrée par Ibrâhîm et Ismâ'îl, universellement reconnus comme des Prophètes révérés, qui l'avaient fixée dans le sanctuaire de la Ka'bah, et qu'elle est considérée comme sacrée depuis lors.

Les Retraites Spirituelles de Mohammad"
L'environnement de recueillement de la Ka'bah et les cérémonies sacrées que les gens y accomplissaient avaient déjà profondément marqué l'esprit de Mohammad. Mais sa dernière expérience lui avait montré que les diverses formes d'adoration n'étaient que des bêtises ou du moins des rites simplement transmis de père en fils. Les gens n'étaient pas sincères dans leur adoration. Il se sentit profondément affligé de leur irrespect et de leur négligence complète de leurs responsabilités devant le Tout Puissant Créateur et le Jour du Jugement.

Les traditions lui indiquaient la pureté de la foi de leur ancêtre Ibrâhîm, et il se rendit compte donc combien cette dévotion pure était maintenant corrompue et érigée en idolâtrie grossière et en crimes atroces perpétrés dans le pays. Il avait grande envie de ramener l'humanité égarée vers le droit chemin et de faire revivre l'adoration du Tout Puissant Seigneur telle qu'avait été pratiquée à l'époque d'Ibrâhîm.

En fait il avait toujours été un homme de réflexion et enclin aux méditations religieuses. Maintenant il se retirait avec ardeur dans le silence et la solitude pour prier et méditer. Pendant les heures de ses retraites solitaires dans le désert, que ce soit dans les ténèbres de la nuit ou sous la lumière éblouissante du jour, son attention était toujours fixée sur les preuves naturelles des étoiles scintillantes et des constellations brillantes, de la lune et du soleil glissant silencieusement tout au long du profond ciel bleu. Tous ces témoignages désignaient du doigt l'existence du Créateur, l'Administrateur Suprême. Ils semblaient le charger d'une mission spéciale. Une voix basse, qui ne passe jamais inaudible pour l'auditeur attentif, s'enflerait jusqu'à devenir majestueuse et prendre des tons plus impérieux, comme lorsque l'orage éclate avec son éclair en zigzag et son tonnerre grondant dans la vaste solitude des montagnes mecquoises.

Le Lieu de Séjour Favori de Mohammad
Le lieu de séjour favori de Mohammad était une grotte dans la Montagne de Hirâ, donnant sur la Ka'bah, à une distance d'environ cinq kilomètres au nord de la Mecque, où il se retirait fréquemment pour prier et méditer, et où il vivait tout seul, réservé et méditatif, pendant de longues périodes. II passait souvent des nuits entières dans cette grotte, absorbé par des pensées profondes, comme s'il était plongé dans une profonde communion avec l'Omniprésent Dieu de l'univers.

Pendant les mois de Rajab et de Ramadhân, il avait l'habitude de passer tout son temps dans cette grotte obscure et entourée d'un environnement sauvage, se résignant totalement à la Volonté du Tout Puissant et du Gouverneur Suprême et Juge de l'humanité. Enfin il eut des visions dans ses rêves où il entendit des voix d'une source invisible indiquant les traces de l'objet qu'il cherchait. Les conceptions du Très Haut se présentèrent à son esprit, exactement comme il l'espérait: une foi profonde et sérieuse en l'Omnipotent et l'Omniprésent Seigneur, le Seul Etre digne d'être adoré.

Désormais, il était considéré par les membres de la famille et les proches parents, ainsi que dans le cercle d'amis et de connaissances, comme un homme très pieux et saint. Lorsqu'il eut trente-huit ans, il commença à être conscient d'une certaine lumière qui l'entourait pendant ses prières de dévotion.

Le Lieu de Séjour Favori de Mohammad
A l'âge de quarante ans, alors que Mohammad passait le mois de Rajab, comme il en avait l'habitude, dans la solitude solennelle de la grotte de la montagne de Hirâ', priant, jeûnant et méditant sur la conception divine et sur la régénération humaine, il entendit subitement une voix qui rompit le silence profond et l'atmosphère calme de la nuit du 27 de ce mois-là pour l'appeler par son nom. Il regarda autour de lui, mais il ne vit personne. Il entendit de nouveau la même voix et un flot de lumière d'une splendeur éblouissante se présenta devant lui. Il vit tranquillement une forme humaine s'approcher de lui. C'était l'Ange Gabriel qui venait calmement vers Mohammad, tenant devant lui un rouleau de soie et lui demandant de lire ce qui y était écrit. Mohammad s'étonna: "Que devrais je lire?" Là, l'Ange pressa Mohammad fort contre lui de sorte qu'il fût humecté de sueur. Il sentit alors son esprit s'illuminer d'une lumière céleste, et ses yeux s'ouvrir pour lire ce qui était écrit sur le rouleau. Aussi put-il réciter:

"Lis au Nom de ton Seigneur Qui a créé. IL a créé l'homme d'un caillot de sang. Lis! Car ton Seigneur est le Très Généreux, Qui a instruit au moyen du calame. IL a appris à l'homme ce qu'il ne savait pas". (Sourate al-'Alaq, 96: 1-6).

Lorsqu'il eut fini la récitation, le messager céleste annonça: "ش Mohammad! En vérité, tu es le Prophète de Dieu et je suis Son Ange Gabriel!".

Ce fut la première révélation du Ciel à Mohammad, et le premier passage du Livre Céleste, le Coran, descendu sur lui. L'Ange Gabriel partit. Les mots qu'il avait demandé à Mohammad de lire restèrent gravés dans le cur du Prophète.

Ne sachant pas avec certitude si tout ce qui s'était passé cette nuit était la réalité, et si son désir profond de ramener l'humanité égarée vers le droit chemin et de restaurer la vraie adoration du Tout-Puissant Allâh, telle qu'elle avait été pratiquée par les adeptes d'Ibrâhîm, avait été exaucé, ou si ce n'était qu'une pure illusion, il retourna troublé à la maison, tôt le lendemain matin.

Sur le chemin du retour il entendit des voix: "Que la paix soit sur toi! ش Prophète d'Allâh!", comme si elles sortaient des pierres et des arbres. Les mots du rouleau de soie revinrent alors à son esprit et il sentit qu'il avait reçu l'ordre de promulguer l'Unicité Divine.

Il arriva enfin à la maison, tremblant, comme s'il avait peur, et il dit à sa femme Khadîjah: "Cache-moi! Cache-moi!". Elle le couvrit promptement et lui demanda tendrement la cause de ce comportement inhabituel. Il lui raconta tout ce qu'il lui était arrivé. Khadîjah reçut la nouvelle avec une grande joie, étant donné qu'elle croyait déjà en Un Dieu Unique et qu'elle reniait le polythéisme. Elle savait déjà que son vieux et vénérable cousin, Waraqah Ibn Nawfal, croyait Mohammad prophète. Aussi accourut-elle pour l'informer de l'événement en détail.

L'ayant écoutée attentivement s'écria: "Quddûsun! Quddûsun! Ceci était al-Namûs al-Akbar qui vint à Moïse", et il crut volontiers à tout ce qui lui avait été communiqué, affirmant qu'à son avis tel était le mode habituel de la Révélation. Il dit que de même qu'aux époques antérieures Dieu avait envoyé Gabriel pour faire des révélations aux grands prophètes, de même Gabriel était envoyé à présent par Allâh à Mohammad.(24)

Waraqah Ibn Nawfal connaissait très bien l'hébreu et était versé dans la connaissance des Ecritures juives et chrétiennes. Ayant lu dans ces livres sacrés des prophéties sur le futur prophète, il trouva que les traits caractéristiques de Mohammad correspondaient parfaitement, dans tous leurs détails, aux dites prophéties; aussi crut-il en lui comme étant le Prophète Promis.

La date de la première révélation fut, selon plusieurs historiens, le 27 Rajab (610 après J. -C.)(25), un lundi. Selon d'autres, ce fut le 17, le 18 ou le 19 Ramadhân, ou bien le 12 Rabî' al-Awwal. Il n'y a pas de différend concernant le jour de la semaine. La mission de Mohammad est considérée généralement comme ayant commencé à cette date, qui marque le début d'une ère qu'on appelle l'année de la Bi'thah (Mission). A partir de là, et quelque temps après la première révélation, une succession de révélations lui furent faites tout au long de sa vie.

Les Révélations
Les révélations furent reçues de plusieurs manières: parfois comme une impression faite par l'action divine sur l'esprit du Prophète pendant son sommeil, parfois l'Ange Gabriel apparaissait soit sous forme humaine pour lui communiquer la révélation, soit sous sa forme angélique réelle, tout en restant invisible pour tous les autres yeux que ceux du Prophète; parfois le Prophète se trouvait dans un tel état d'esprit et de nerfs qu'il était insensible à toutes les apparences extérieures et qu'il avait une pâleur sur le visage qui reflétait une intense anxiété. Ce mode de révélation était d'autant plus pénible que même par un jour très froid son front était humecté de sueur dans ces moments-là. Le temps ou les circonstances de la révélation variaient également. Ainsi, parfois, il recevait des révélations même lorsqu'il se trouvait à cheval ou sur le dos de sa mule ou de son chameau.

Les Premiers Croyants(26)
On a déjà noté que Khadîjah crut à la mission prophétique de son mari dès son début. Le cousin du Prophète, 'Alî âgé alors d environ dix ans, le suivit ensuite aussi rapidement que Khadîjah. Puis Zayd Ibn Hârith, l'esclave affranchi qui vivait sous le même toit que Mohammad, embrassa sa foi.

"En fait, Ibn 'Abbâs, Anas, Zayd Ibn Arqam, Salmân al-Farecî et bien d'autres affirmèrent qu'il ('Alî) avait été le premier à embrasser l'Islam, et selon certains, il y a même un consensus sur cette question". ("History of Califat", p. 171, la traduction anglaise de Major Jarret de "Târîkh al-Kholafâ'" d'al-Suyûtî (abrév. "Histrory of Califat", traduc. Major)

L'illustre 'Ali fut donc le premier à embrasser sans hésitation la croyance de Mohammad et à croire qu'il était le Prophète de Dieu.

Mohammad disait que trois hommes, à savoir Ezakiel, Habîb Najjâr et 'Alî, qui avaient été les premiers à embrasser la foi de leurs prophètes respectifs, à savoir Mûsâ, 'Isâ et lui-même, sont notés comme اiddîq.(27) 'Alî rejetait la revendication de cette épithète par toute autre personne (en dehors des trois désignés par le Prophète).(28)

Il est notable que Mohammad se présenta comme Prophète au début seulement aux membres de sa famille, c'est-à-dire à ceux qui étaient censés connaître le mieux ses défauts humains si défauts il y avait. Et on a là la preuve la plus crédible de la pureté de son caractère dans la vie domestique; autrement ils auraient dû être les derniers à croire à ses assertions.

La Conversion d'Abû Bakr
Plus tard, Abou Bakr Ibn Abî Qohâfah, un ami du Prophète, fut facilement persuadé de devenir un disciple de ce dernier, à l'âge de trente-huit ans. L'histoire de sa conversion se présente comme suit: au cours d'un voyage vers le Yémen, Abû Bakr rencontra un vieux sage très instruit de la tribu de Azd, qui lui prédit qu'un Prophète apparaîtrait à la Mecque, dans un proche avenir, avec un jeune homme et un autre homme d'un âge avancé pour l'aider. Lorsque Abû Bakr retourna à la Mecque, il rendit visite à son ami Mohammad qui l'invita à se joindre à sa religion, l'Islam, en se déclarant lui même Prophète.(29) Abû Bakr lui demanda alors de lui donner une preuve à l'appui de son assertion, Le Prophète lui relata la prédiction du Sage du Yémen alors qu'il n'avait pas assisté lui même à la relation de cette prédiction, puisqu'il était resté à la Mecque pendant toute l'absence d'Abû Bakr. Abû Bakr accepta alors l'Islam et devint un adepte de Mohammad.

"Ibn 'Asâkir rapporte le témoignage suivant de Mohammad Fils de Sa'd Abî Waqqâç: "Lorsque j'ai demandé à mon père: "Est-ce que Abû Bakr (al-اiddîq) fut le premier d'entre vous à embrasser la foi (musulmane)?". Il répondit: "Non, car il y avait plus de cinq personnes qui s'étaient converties avant lui, mais il était le meilleur d'entre nous en Islam"".(30)

Ibn Kathîr dit: "Il est clair que la famille de Mohammad - sa femme Khadîjah, son esclave affranchi, Zayd et la femme de celui-ci, Om Aymân, 'Alî et Waraqah - crut en lui avant tous autres".(31)

Salim Ibn Abî Ja'd, cité par Ibn Abî Chayhab et Ibn 'Asâkir, dit: "J'ai demandé à Mohammad Ibn Hanîfah: "Abû Bakr fut-il la première personne à embrasser l'Islam?". Il a répondu: "Non". Je lui ai demandé encore "Pourquoi est-il donc si exalté et si préféré que tout le monde ne parle que de lui?". Il a répondu: "Parce qu'il était le plus excellent de tous en Islam, depuis sa conversion jusqu'à sa mort"".(32)

Ibn 'Abd al-Bar, un savant de l'Ecole Malikite, rapporte que lorsqu'on a demandé à Mohammad Ibn Ka'b al-Qartdhi, qui de 'Alî ou d'Abû Bakr fut le premier à embrasser l'Islam, il répondit que c'était certainement 'Alî, ajoutant que quelques autres compagnons éminents du Prophète - tels que Salmân al-Farçî, Abû Thar, al-Miqdâd, Khabab, Jâbir, Abû Sa'îd al-Khudri, Zayd Ibn Arqam - avaient eux aussi affirmé que 'Alî fut le premier parmi les hommes à embrasser l'Islam, et qu'ils l'exaltent et le préfèrent à tous les autres Musulmans.(33)

C'est un fait admis que 'Alî fut placé pendant son enfance sous la garde de Mohammad qui, comme un parent, lui donna une éducation morale, sociale et religieuse. Il vécut sous le même toit et dormit sur le même lit que Mohammad dont il partagea les repas. Ainsi, depuis sa tendre enfance, 'Alî suivit Mohammad aussi bien dans sa foi que dans tous les autres domaines. Il continua de le suivre lorsque Mohammad déclara être Prophète. Donc, on ne peut pas dire que 'Alî était un converti, car une conversion implique un changement de religion, alors qu'il n'y avait jamais eu aucune conversion dans le cas de 'Alî; ou en d'autres termes, on pourrait dire que 'Alî était né Musulman. Telles semblent être les circonstances dans lesquelles 'Alî déclarait qu'il s'était joint à Mohammad dans des prières, sept ans avant que nul autre n'en fasse autant. Par conséquent, personne d'autre que 'Alî ne peut prétendre avoir été le premier Musulman.

D'aucuns soutiennent qu'en soulevant cette controverse, bien que vaine, on cherchait à semer le doute dans l'esprit des masses dans le but de diminuer l'estime à laquelle 'Alî avait droit en tant que premier Musulman.(34)

Ja'far Rallie la Foi
Quelques temps après les événements précités, Abû Tâlib voyait parfois son fils 'Alî et son neveu Mohammad prier ensemble dans un endroit éloigné. 'Alî se mettait debout à droite de Mohammad. Abû Tâlib observait silencieusement leur nouvelle façon de pratiquer l'adoration - se courbant jusqu'à leurs genoux, puis se redressant tout droits, se prosternant ensuite jusqu'à ce que leur front eût touché le sol. Assistant à leur absorption et à leur humilité devant Dieu, il fut si impressionné par leur aspect de recueillement dans leur adoration qu'il(35) ordonna à Ja'far, un autre fils qui l'accompagnait, de se joindre à Mohammad à sa gauche. Lorsqu'ils eurent fini leurs prières, 'Alî expliqua à son père: "Je crois à l'Unicité d'Allâh, et que mon cousin Mohammad est Son prophète que je suis". "Suis-le, mon fils", répondit Abû Tâlib. "Il te guidera sur le droit chemin, et il ne t'invitera pas à fuir ce qui est bien".

Abû Tâlib, en tant que gardien de Mohammad, avait observé attentivement son comportement après la prédiction du moine nestorien, et il le trouvait supérieur en vertu à la jeunesse moyenne, ou pour mieux dire, il trouvait qu'il était considéré comme un homme saint.

Et sachant qu'il était déjà reconnu comme le guide spirituel de certaines gens, il croyait sans doute possible Mohammad le Messager de Dieu. C'est pourquoi il consentit à ce que ses fils Ja'far et 'Ali le suivent.


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LES PRECHES PUBLICS ET LES PERSECUTIONS QURAYCHITES Histoire des Premiers Temps de l'Islam LES PRECHES PUBLICS ET LES PERSECUTIONS QURAYCHITES
Mohammad Se Proclame Prophète
La quatrième année de sa Mission, le Prophète Mohammad reçut l'ordre d'Allâh d'avertir ses proches parents: "Avertis tes plus proches parents" (Sourate al-Cho'arâ', 26: 214).

Aussi les invita-t-il tous à un entretien dans le but d'exécuter le Commandement d'Allâh. Un banquet consistant en une grande tasse de lait avec un pain d'un çâ' (environ trois kilos) de farine de blé et de viande avait été préparé par 'Alî conformément aux instructions du Prophète. Quarante personnes de ses proches parents, les 'Abdul-Muttalib, répondirent à l'invitation. Les oncles du Prophète, Abû Tâlib, al-'Abbâs, Hamzah et Abû Lahab étaient parmi les invités.

Mohammad leur servit ce repas apparemment sobre et le goûta lui-même en le commençant par l'invocation du nom d'Allâh, le Clément, le Miséricordieux. Ils le suivirent tous et mangèrent à leur faim; mais à la surprise générale, rien ne fut entamé, tout semblait rester tel qu'il avait été servi. Abû Lahab se leva alors en s'écriant que Mohammad les avait tous ensorcelés. La réunion fut ainsi rompue. Mohammad ne put prononcer un mot, car ils étaient tous partis.

Mais il les invita à nouveau pour un entretien semblable. Cette fois-ci il s'adressa à eux comme suit: "ô fils de 'Abdul-Muttalib! Je ne connais personne en Arabie qui ait apporté à ses proches parents une chose plus excellente que ce que j'ai apporté pour vous. Elle vous servira dans cette vie et dans la vie future. Me croiriez-vous si je vous disais qu'un de vos ennemis vous attaquera le jour ou la nuit?". Ils répondirent en chur qu'ils le croyaient être un homme véridique. Il dit alors: "Sachez donc tous qu'Allâh m'a envoyé pour guider l'homme dans le Droit Chemin, et qu'IL m'a ordonné d'appeler tout d'abord mes proches parents, de les inviter à Sa Sainte Volonté et de les avertir de Sa Colère. Vous avez vu le festin miraculeux auquel vous avez assisté, ne persistez donc pas dans votre infidélité! ô fils de 'Abdul-Muttalib! Allâh n'a jamais envoyé un Messager sans qu'il ait désigné son frère, héritier et successeur parmi ses propres parents. Qui va donc m'assister dorénavant dans ma noble tâche et devenir mon frère, mon héritier et mon successeur? Il sera à moi ce que fut Hâroun à Mûsâ (Moïse)".

Mohammad Proclame 'Alî comme son Successeur
Mohammad qui venait de prononcer son discours avec une ferveur religieuse fut déçu de voir toute l'assemblée garder le silence, quelques-uns étonnés, d'autres souriant avec un air d'incrédulité et de dérision.

Personne n'était prêt à l'accepter comme guide spirituel. Mohammad semblait compatissant à leur égard. A ce moment critique, 'Alî, le cousin favori du Prophète s'avança. Mais Mohammad lui ordonna d'attendre jusqu'à ce que quelqu'un de plus âgé s'avance. Le Prophète essaya en vain trois fois. A la fin, 'Alî, n'appréciant pas l'attitude ridicule adoptée par l'assemblée, s'avança impatiemment pour la troisième fois, et déclara avec enthousiasme que, non seulement il croyait Mohammad Prophète de Dieu, mais aussi il s'offrait corps et âme au bon plaisir du Prophète: "ô Prophète!, dit-il. Je suis l'homme (que tu cherches). Quiconque se lève contre toi, je lui casserai les jambes et l'éventerai. ô Prophète! Je t'assisterai et je serai ton vizir auprès d'eux".(36)

Sur ce, Mohammad, lançant ses bras autour du généreux jeune homme et le pressant contre sa poitrine, s'écria: "Voilà mon frère, mon lieutenant et mon successeur (ou Calife). Ecoutez-le tous et obéissez-lui".(37)

Ayant entendu ces propos, toute l'assemblée exhorta Abû Tâlib avec un rire de mépris bas et ironique, à se plier devant son fils 'Ali et à lui jurer obéissance. Ainsi les invités de Mohammad se dispersèrent-ils avec de la haine dans le cur et de l'ironie sur le visage.

Dans son livre "On Heroes, Hero-Worship and the Heric in History" ("Héros et Culte des Héros") Thomas Carlyle écrit: "L'assemblée se dispersa dans le rire. Pourtant il n'y avait rien de risible: tout était très sérieux. Quant à ce jeune 'Alî, on ne peut que l'aimer. Une créature noble d'esprit: comme il le montra sur le moment et par la suite, c'était un homme affectueux et d'un courage enflammé. Il y avait quelque chose de chevaleresque en lui: il était courageux comme un lion et digne de la chevalerie chrétienne".

Mohammad Prêcha en Public
Mohammad ne fut pas du tout découragé par le traitement dédaigneux que lui avaient réservé ses proches. Il se mit à prêcher publiquement à la Mecque. Il put, grâce à son air naturellement noble, son habileté plaisante et ses manières agréables, réussir toujours à rassembler autour de lui un grand nombre d'auditeurs. Et tant qu'il prêchait les croyances de l'Islam - c'est-à-dire:

reconnaître Un Seul Vrai Dieu, le Tout-Puissant, le Juge Omniscient de l'humanité, se soumettre à Sa Volonté et se vouer à Son adoration en accomplissant les prières, en faisant l'aumône, et en se conduisant d'une manière honnête et droite conformément à Ses Commandements - les assistants l'écoutaient avec patience et attention. Mais dès qu'il aborda le sujet inévitable du rejet du polythéisme et de l'idolâtrie, et dès qu'ils constatèrent qu'il parlait légèrement de leurs dieux et de leur adoration impie, ils se mirent à le conspuer et à l'insulter, mais il continua patiemment ses prêches qui, malgré toute l'opposition qu'ils rencontrèrent finirent par être payants.

Mohammad Est Indirectement Attaqué
Mohammad continua à gagner du terrain, bien qu'à très petits pas. Quelques personnes, dont un membre des Omayyades en vue, 'Othmân fils de 'Affân, embrassèrent sa foi. Les Quraych, et notamment le clan des Omayyades qui vouait une vieille inimitié aux Hâchimites, s'en alarmèrent. Mais ils n'osaient pas s'attaquer franchement à Mohammad à cause de la protection d'Abû Tâlib. Lui nuire sérieusement les impliquerait nécessairement dans des conflits familiaux, risque qu'il ne fallait pas prendre à la légère.

Aussi élaborèrent-ils un plan visant à mener un combat indirect mais efficace contre Mohammad, de l'intérieur même de sa famille.
Abû Lahab - le seul Hâchimite opposé à Mohammad et l'ami intime des Omayyades, ayant épousé une sur d'Abû Sufiyân, leur chef(38) - en accord avec sa femme, obligea ses deux fils 'Otbah et 'Otaybah à divorcer de leurs femmes respectives, Om Kulthûm et Roqayyah qui étaient les filles de Khadîjah - nées de son premier mari - et les belles-filles de Mohammad, et qu'ils avaient épousées longtemps avant que Mohammad ne se proclamât Prophète. Mohammad dut souffrir beaucoup de ces troubles familiaux.

Mais Roqayyah ne tarda pas à se marier avec 'Othmân Ibn Affân et plus tard après sa mort, sa sur Om Kulthûm, se maria avec lui aussi.

Les Persécutions
Sans trop se soucier des affaires domestiques, le Prophète poursuivit sa mission avec plus de ferveur que jamais. Les Quraych commencèrent à réagir violemment à son action et à s'opposer vigoureusement à ses enseignements et innovations. Ils l'insultaient publique-ment, jetaient de la poussière et de la saleté sur lui pendant qu'il priait, criaient à tue-tête, sifflaient ou chantaient des chansons frénétiques pour couvrir sa voix lorsqu'il prêchait. Mais à leur grande déconvenue ils ne purent le décourager.(39) Ayant échoué dans leurs tentatives de réduire au silence Mohammad, par les mots, les menaces, les insultes et les attaques, ils essayèrent de le pacifier en lui faisant miroiter fortune, pouvoir, position ou mariage avec la plus belle femme. Mais il rejeta avec dédain toutes ces offres.

Violences contre les Adeptes de Mohammad
Constatant que tous leurs efforts avaient été vains, ils se mirent à utiliser la violence contre ses adeptes et à les traiter avec mépris.(40) Les principales victimes de ces violences parmi ses adeptes furent ceux qui n'avaient aucune position indépendante ni aucun soutien familial pour les défendre. C'est sur eux que les Quraych vidaient leur colère. Ils étaient détenus et emprisonnés.

Quelques-uns furent enfermés dans des cottes de mailles et allongés sur les sables arides sous le soleil brûlant de midi. La torture infligée par le métal chauffé par le soleil torride au-dessus d'eux et par le sable brûlant au-dessous, est difficilement descriptible. Les esclaves convertis des Quraych, qu'ils fussent hommes ou femmes, étaient traités impitoyablement par leurs maîtres qui les torturaient brutalement et les frappaient sauvagement. Par exemple, 'Omar Ibn al-Khattâb avait l'habitude de frapper son esclave, une femme, dénommée Lobaynah, jusqu'à ce qu'il fût fatigué lui-même.(41)

Bilâl, l'Africain, un converti, esclave de Omayyah Ibn Khalf, fut torturé cruellement, exposé au grand soleil de midi, allongé sur le gravier brûlant de la vallée mecquoise.(42) Lorsque le tourment était aggravé par une soif insupportable, on exigeait du malheureux supplicié de reconnaître les idoles de la Mecque; cependant Bilâl refusait d'abjurer, et du fond de son angoisse, il criait: "Ahad! Ahad!" (Un, Un le Dieu Unique!). Mohammad (Que la paix soit sur lui et sur sa Famille), ayant appris son malheur, fut tellement apitoyé sur son sort qu'il décida de l'arracher aux tortures en le rachetant.

Yâcir et sa femme Somayyah, ayant refusé catégoriquement d'abjurer, furent torturés à mort par les Quraych. Somayyah avait été attachée à deux chameaux et cruellement transpercée par une lance.(43) Leur fils, 'Ammâr, lorsqu'il fut torturé et forcé d'abjurer, ayant peur de partager le sort insoutenable de ses parents qu'il avait vu mourir de ses propres yeux, et désirant échapper à une mort certaine, finit par obéir aux exigences de ses tortionnaires,(44) bien que son cur ne s'accordât pas avec sa langue. Le Prophète ayant été informé que 'Ammâr avait renié la foi, dit que cela était impossible, car 'Ammâr était imprégné de foi, du sommet de la tête jusqu'à la plante des pieds, la foi étant fusionnée dans son sang et sa chair. Lorsque 'Ammâr réapparut devant lui, pleurant et poussant des cris de regret, le Prophète récita ces paroles du Coran: "Celui qui renie Dieu après avoir cru - sauf celui qui le fait par contrainte et dont le cur reste ferme dans la foi (...) la colère de Dieu est sur lui et un terrible châtiment l'atteindra". (Sourate Al-Nahl, 16: 106).

Il essuya les larmes sur le visage de 'Ammâr et le consola en lui disant: "Tu n'es pas coupable, s'ils t'y ont forcé".

L'Emigration en Abyssinie
Dans de telles circonstances, il n'était plus possible pour les adeptes de Mohammad de vivre en paix plus longtemps à la Mecque, et il n'était plus raisonnable pour lui de poursuivre ses prêches dans une ville où ses auditeurs risquaient d'être attaqués.

Aussi conseilla-t-il à ses adeptes qui n'avaient pas de protection à la Mecque de chercher refuge et pays d'exil ailleurs.

L'Abyssinie fut l'endroit proposé à cet effet, et accepté unanimement. Conformément à cette décision, un groupe de onze hommes et quatre femmes, dont Othmân et sa femme Roqayyah, fuirent vers ce pays au mois de Rajab de la cinquième année de la Mission (environ 615 ap. J. -C.). Ils furent reçus avec une bienveillance remarquée par Najâchî (le Négus), le Roi chrétien d'Ethiopie, qui embrassera lui-même l'Islam et deviendra un adepte de Mohammad un peu plus tard.

Encouragé par cet accueil aimable des réfugiés en Abyssinie, le Prophète permit à d'autres adeptes d'y émigrer pour avoir la vie sauve. Par conséquent, trente hommes et dix-huit femmes quittèrent la Mecque individuellement ou par petits groupes et se rendirent en Abyssinie. Ja'far Ibn Abî Tâlib les suivit avec cinquante autres personnes. Ainsi cent treize réfugiés arrivèrent sains et saufs en Abyssinie.

Une Délégation de Quraych en Abyssinie
Les Quraych se sentirent déjoués par la fuite des convertis en Abyssinie; aussi décidèrent-ils d'envoyer une délégation dirigée par 'Amr Ibn al-'âç et 'Abdullâh Ibn Omayyah, et munie de cadeaux coûteux au Roi d'Ethiopie. 'Amr et 'Abdullâh se prosternèrent tout d'abord devant le Roi en signe de respect et ouvrirent ensuite leur mission par la présentation de leurs cadeaux de grande valeur.(45) Puis ils expliquèrent au Roi que certains membres de leurs tribus, ayant adopté une nouvelle Foi qui leur enseignait de penser légèrement à propos de Jésus et de sa mère Marie, avaient abandonné leur véritable religion ancestrale et fui dans son pays. Ils le prièrent, au nom des Quraych - les nobles de la Mecque - de leur livrer les fuyards.

Le Roi était un homme juste. Il fit venir les Musulmans pour entendre leur défense à propos de l'accusation d'hérésie dont ils faisaient l'objet. Ils se présentèrent en un groupe dirigé par Ja'far, le frère de 'Alî, un des fils d'Abû Tâlib, et un cousin du Prophète Mohammad. Aucun membre de la délégation musulmane ne se prosterna devant le Roi, se contentant de le saluer à leur manière habituelle par la formule: "Assalâmu 'Alaykum". Le Roi n'en fut pas offusqué; il admira même leurs manières. Puis, il leur exposa les charges portées contre eux par leurs propres compatriotes.

Ja'far, qui était un homme d'apparence noble, favorisé par une expression de visage et une éloquence persuasives, s'avança et exposa les croyances de l'Islam avec zèle et enthousiasme. Le Roi, qui était, comme nous l'avons déjà noté, un chrétien nestorien, trouva ces doctrines similaires à celles de sa propre religion et opposées au polythéisme des Quraych. Il manifesta son désir d'entendre Ja'far réciter quelques passages des Révélations faites au Prophète.(46)

Ja'far récita quelques versets de la Sourate Mariyam qui touchèrent le Roi au cur, au point qu'il ne put retenir ses larmes. Il était surtout heureux d'entendre Ja'far présenter ses arguments. Il s'ensuivit qu'au lieu de livrer les Musulmans aux membres de la délégation Quraychite, il leur octroya des faveurs bien supérieures à la protection dont ils jouissaient déjà. Il expulsa la délégation Quraychite de sa cour en lui rendant les cadeaux qu'elle lui avait apportés.

Le Prophète à Dâr al-Arqam
Après l'exil d'un nombre aussi grand que cent treize membres du petit groupe des adeptes du Prophète, la position de celui-ci s'affaiblit beaucoup à la Mecque. D'autre part les Quraych, ayant durement ressenti l'expulsion déshonorante de leurs envoyés à la Cour d'Abyssinie, décidèrent de se venger de Mohammad en persistant dans leurs tentatives de s'opposer à ses prêches avec plus de rigueur.

Mohammad décida donc de chercher refuge, en cette sixième année de sa Mission, dans la maison de l'un de ses adeptes, nommé al-Arqam, près du sanctuaire de la Ka'bah, où il put faire ses prières et ses enseignements paisiblement.

Un jour, pendant que le Prophète était assis à la porte de la maison, Abû Jahl, le chef de la grande et riche famille de Banî Makhzûm, passa à son niveau et proféra des mots grossiers à son encontre. Le Prophète fut très choqué, mais il ne prononça aucun mot de remontrance.

Une fille esclave de 'Abdullâh Ibn Jod'ân, qui vivait tout près, fut très mécontente de cette insulte gratuite de la part d'Abû Jahl. Peu après, elle raconta l'incident à Hamzah - un oncle du Prophète - qui passait par là pour regagner sa maison après une excursion de chasse. Hamzah, qui était un homme célèbre parmi les Arabes pour sa grande vaillance et sa chevalerie se sentit profondément affecté par ce traitement outrageux qu'Abû Jahl avait réservé à Mohammad. Aussi se rendit-il directement chez Abû Jahl, et après lui avoir fait des remontrances, il le frappa avec son arc, lui portant un coup sur la tête. Les partisans d'Abû Jahl se levèrent pour le venger, mais il les calma et dit à Hamzah sur un ton conciliant que s'il avait insulté Mohammad, c'était seulement parce qu'il vilipendait leurs dieux. Hamzah déclara alors qu'il méprisait lui-même ces dieux de pierre, et il défia Abû Jahl de faire quoi que ce soit contre lui. Et pour se proclamer publiquement protecteur de Mohammad, Hamzah prononça à haute voix la profession de Foi islamique: "Il n'y a pas de dieu, si ce n'est Le Vrai Dieu Unique; et Mohammad est Son Prophète". Sur ce, il se déclara Musulman. Dès lors il s'avéra être un Musulman ferme jusqu'à la fin de sa vie.

Ce fut là un très heureux événement pour Mohammad et pour les Musulmans, spécialement à ce moment critique où les choses tournaient si mal pour le petit groupe de Musulmans que l'adhésion d un tel notable à leur cause, adhésion qui constitua une vraie main secourable tendue par le Ciel.(47)

'Omar Accepte la Mission de Tuer Mohammad
Ayant subi cette humiliation que lui avait infligée Hamzah, Abû Jahl décida de mettre un terme, une fois pour toutes, aux innovations contagieuses de Mohammad, et fixa une récompense de cent chameaux ou de mille onces d'or, payée comptant, pour la tête de Mohammad. 'Omar Ibn al-Khattâb, qui était aussi viscéralement hostile à Mohammad qu'Abû Jahl, son oncle maternel se proposa de gagner la prime de ce crime de sang.(48) Il avait à l'époque trente-trois ans. Il prit donc son épée et se dirigea vers la maison d'al-Arqam.

En chemin, 'Omar rencontra Sa'd Ibn Abî al-Waqqâç à qui il lui fit par de son projet, ne sachant pas qu'il était un adepte de Mohammad. Sa'd le mit d'abord en garde contre le risque qu'il courait, puis il lui conseilla d'aller voir en premier lieu sa propre sur et son mari qui étaient déjà des adeptes de Mohammad. 'Omar, se rendant compte de la sagesse de cet avertissement, se tourna vers la maison de sa sur, où il entendit un cours d'enseignement du Coran dispensé par un Khabbâb à sa sur آminah, et à Sa'îd Ibn Zayd, son mari. Il entra brusquement dans la maison fonça tout droit sur Sa'îd, engagea un corps à corps avec lui, et le jetant à terre où il tomba sur le dos, il s'assit sur sa poitrine. Là, sa sur intervint. Elle reçut à son tour une claque qui la fit saigner, mais dans un accès de colère elle cria. "ô fils de Khattâb! Fais ce que tu voudras! J'ai vraiment changé de Foi", et elle avoua qu'ils étaient tous deux - elle et son mari sans aucun doute Musulmans.

La Conversion de 'Omar
Ayant honte de l'avoir acculée à une telle effronterie, 'Omar s'écarta et lui demanda de réciter ce qu'elle apprenait. Elle récita les versets avec une solennité qui affecta le fond de son cur. Le passage qu'elle lui avait récité était les quatorze premiers versets de la Sourate Tâhâ.

'Omar fut stupéfait par la langue, qui avait un effet surnaturel auquel il ne put résister lui-même. A la fin, il leur demanda à tous les deux de le conduire à Mohammad. Khabbâb qui s'était caché dans la maison en voyant 'Omar foncer vers eux, sortit alors de sa cachette. Ils amenèrent tous les trois 'Omar à la maison d'al-Arqam où il croisa Hamzah à la porte. Il fut conduit auprès du Prophète. 'Omar était si intimidé qu'il frémissait devant le Prophète qui le tint par la main et dit: "ô Omar! Veux-tu continuer jusqu'à ce que Dieu envoie sur toi une calamité et un châtiment comme IL l'a fait avec al-Walîd Ibn Moghîrah?", et il l'appela à l'Islam, qu'il accepta tout de suite en prononçant sa Profession de Foi (les Chahadatayn). La conversion de 'Omar eut lieu seulement trois jours après que Hamzah se fut proclamé Musulman, la sixième année de la Mission.

La Délégation de Quraych auprès d'Abû Tâlib
Après la conversion de Harnzah et de 'Omar, le Prophète prit deux fois le risque de faire ses prières avec ses adeptes publiquement à la Ka'bah, et la nécessité de tenir les rassemblements religieux dans le secret, notamment chez al-Arqam, ne s'imposait plus.(49) Il réapparut donc publiquement pour prêcher, et l'Islam faisait des progrès sûrs parmi les différentes tribus arabes. Cela ne manquait pas de faire enrager plus que jamais les Quraych. Désormais, ils changèrent de tactique et pensèrent qu'il était plus sage de s'approcher d'Abû Tâlib, l'oncle et le protecteur du Prophète, et le chef de sa famille. Ils le prièrent chaleureusement d'imposer silence à Mohammad, et en cas d'insuccès, de lui retirer sa protection. Abû Tâlib les calma d'une manière ou d'une autre, mais sans toutefois informer Mohammad de leurs exigences. Mohammad continua donc à accomplir son travail selon sa manière habituelle.(50)

Les Quraych se contentèrent d'observer pendant un certain temps, mais à la longue, n'ayant constaté aucun changement dans l'attitude de Mohammad, ils perdirent patience. Ils se rendirent de nouveau, en groupe, chez Abû Tâlib, et lui demandèrent, sur un ton menaçant, ou bien de convaincre son neveu de s'abstenir d'attaquer leurs dieux, ou bien de le laisser seul. Abû Tâlib convoqua alors son neveu et lui fit part de tout ce dont les Quraych le chargeaient. Il lui suggéra de modérer ses attaques contre les Quraych afin d'éviter un conflit familial.

Mohammad mit en avant ses convictions avec force et dit fièrement qu'il ne se permettrait pas de désobéir aux Commandements de Dieu, et qu'il était décidé à les appliquer jusqu'aux derniers moments de sa vie: "Même s'ils mettaient le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche, dit-il, pour me faire abdiquer ma tâche, je ne le ferais pas, et ce jusqu'à ce que Dieu la couronne de succès, ou que je me sacrifie pour elle" ("Abul-Fidâ'").

Mohammad pensa que son oncle voulait lui retirer sa protection pour éviter un conflit familial. Aussi lui dit-il qu'il ne comptait que sur la protection et d'aide de Dieu, le Tout-Puissant, même si son oncle n'était pas désireux de continuer de se charger de la défendre.

Ayant dit cela, Mohammad se tourna pour s'en aller, le cur serré, mais Abû Tâlib le retint, et sans plus discuter, lui promit de s'élever lui-même contre tous ses ennemis et de le défendre jusqu'à sa mort contre toutes les agressions. Abû Tâlib crut lui-même aux convictions de son neveu, et en conséquence il fit comprendre aux Mecquois que son neveu était réellement un Messager de Dieu et que pour cela, ils devraient le considérer comme leur dirigeant et guide spirituel.(51)

Avec cette réponse froide d'Abû Tâlib, les Mecquois ne savaient plus quoi faire contre Mohammad et ses adeptes. Abû Sufiyân, le chef des Omayyades, saisit l'occasion pour jeter le discrédit non seulement sur Mohammad ou sur tel ou tel de ses proches parents qui avaient épousé sa Foi, mais sur toute la lignée de Hâchim qui, bien que ne partageant pas ses croyances, le protégeait par solidarité clanique.

Evidemment l'hostilité d'Abû Sufiyân n'était pas suscitée simplement par sa haine personnelle ou par ses scrupules religieux, mais par rivalité familiale. II avait l'ambition de transférer à sa propre famille les honneurs de la cité, si longtemps accaparés par les Hachimites. (W. Ivring, "Life of Mohammad", p. 56). D'après les témoignages historiques disponibles c'est à cette époque-là que l'opposition à la propagation de la Foi de Mohammad atteignit son paroxysme.

L'Interdiction et la Mise au Ban
Poussés par Abû Sufiyân, les chefs des différentes familles décidèrent de former une ligue pour couper tous contacts avec Mohammad, ses adeptes et les Hâchimites qui avaient refusé de se séparer de Mohammad. Ils prirent l'engagement solennel de n'avoir aucune sorte de relation commerciale avec eux - ne rien leur acheter et ne rien leur vendre - et de ne contracter aucune alliance matrimoniale avec eux. La septième année de la Mission (environ 616 ap. J. -C.) cette Convention fut rédigée, signée et scellée. Et pour lui conférer une valeur solennelle, elle fut conservée dans la Ka'bah.(52)

Abû Tâlib amena alors Mohammad à son logement connu sous la dénomination de Chi'b Abî Tâlib. Les Hâchimites soumis eux aussi au boycottage à cause de Mohammad, se retirèrent au même endroit. L'un d'entre eux seulement, Abû Lahab, s'en sépara et fit cause commune avec les Mecquois.(53)

Désormais les Hâchimites, mis au ban de la société, furent entièrement éloignés du reste des habitants de leur ville. Ils devinrent des gens excommuniés, condamnés à souffrir toutes les privations. Même la forteresse de Chi'b Abî Tâlib était occasionnellement assiégée par les Quraych afin de renforcer le blocus et de prévenir toute possibilité d'approvisionnement. Les Hâchimites se virent ainsi acculés à la famine pour cause de manque de provisions qu'ils ne pouvaient acquérir qu'à des prix exorbitants chez des commerçants étrangers pendant les jours de Trêve, c'est-à-dire aux mois de Rajab et de Thilhaj de chaque année.

Ils étaient constamment surveillés par les Quraych et n'osaient pas sortir dehors. Abû Tâlib craignait même des assassinats nocturnes. Aussi était-il toujours sur ses gardes et changeait-il souvent la chambre à coucher de Mohammad par mesure de précaution contre une attaque surprise. Cet état des choses dura environ trois ans. II commença vers la fin de la septième année de la mission et se termina la dixième année, où Mohammad atteignit l'âge de cinquante ans.

Il est à noter ici que pendant ces années-là le Prophète ne négligea pas sa Mission. Il s'appliquait à l'amélioration des mentalités de ses proches en prêchant le Monothéisme afin de rendre plus effective leur soumission à sa Foi, et chaque fois qu'il lui arrivait de sortir pendant les jours de Trêve, il se mêlait aux pèlerins, effectuait ses prêches parmi eux, exposait ses doctrines et annonçait ses révélations dans des occasions propices.

Quelques-uns des Miracles les Plus Remarquables
"De cette façon - écrit W. Ivring dans son livre "Life of Mohammad", pp, 57- 60 - il fit de nombreux convertis qui à leur retour dans leurs régions respectives apportèrent avec eux les germes de la nouvelle religion. Parmi ces convertis on comptait même des princes ou des chefs de tribu dont l'exemple fut suivi par leurs partisans. Les légendes arabes font un récit fastueux de la conversion de l'un de ces princes, laquelle conversion, étant en rapport avec l'un des miracles les plus notables de Mohammad, mérite d'être racontée:

"Le prince en question était Habîb Ibn Mâlik, surnommé le Sage en raison de sa vaste connaissance et érudition, puisqu'il est présenté comme étant versé profondément dans la magie et les sciences et comme connaissant parfaitement toutes les religions jusqu'à leurs fondements mêmes, ayant lu tout ce qui avait été écrit à leur propos et ayant acquis une information pratique les concernant après avoir appartenu tour à tour au Judaïsme, au Christianisme et au Zoroastrisme. Il est vrai qu'il avait eu largement le temps pour acquérir des connaissances si vastes et des expériences si larges, puisque, selon la légende arabe, il vécut cent quarante ans. Un jour, il vint à la Mecque à la tête d'une puissance armée, forte de vingt mille hommes, amenant avec lui une belle jeune fille, Satihah, pour qui il offrit des prières à la Ka'bah, parce qu'elle était devenue sourde, muette, aveugle, et privée de l'usage de ses membres.

"Toujours selon la légende, Abû Sufiyân et Abû Jahl pensèrent que la présence de ce prince très puissant, très idolâtre, très âgé et très sage à la tête d'une armée si formidable, constituait une occasion favorable de provoquer la ruine de Mohammad. Par conséquent, ils informèrent Habïb le Sage de l'hérésie du prétendu prophète et obtinrent de lui qu'il le convoquât à son campement dans la vallée de "Flints", pour qu'il justifiât ses croyances. Ils espéraient ainsi, qu'en s'obstinant dans l'erreur, Mohammad s'attirerait la mort ou le bannissement.

"La légende fait un conte somptueux de la parade des Quraychites idolâtres, fièrement ornés, à cheval et à pied, conduits par Abû Sufiyân et Abû Jahl, venus assister à la grande inquisition dans la Vallée de "Flints", et de la façon orientale dont ils furent reçus par Habîb le Sage, assis sous une tente de tissu cramoisi, sur un trône d'ébène incrusté d'ivoire et de santal, et couvert de plaques d'or.

"Mohammad était dans la maison de Khadîjah lorsqu'il reçut la sommation de comparaître devant ce formidable tribunal. Khadîjah criait fort ses avertissements et ses filles s'accrochèrent à son cou, pleurant et se lamentant, car elles pensaient qu'il allait à la rencontre de sa mort certaine. Mais il apaisa gentiment leurs craintes et leur demanda d'avoir confiance en Allâh.

"A la différence des manières ostentatoires de ses ennemis, Abû Sufiyân et Abû Jahl, il s'approcha de la scène du procès en vêtements simples, habillé d'une longue chemise blanche, d'un turban noir et d'un voile fait d'étoffe d'Aden. Ses cheveux tombaient au-dessous de ses épaules, la lumière mystérieuse de la prophétie rayonnait sur son visage, et bien qu'il n'eut pas oint sa barbe ni utilisé aucun parfum excepté un peu de musc et de camphre sur les poils de sa lèvre supérieure, partout où il passait, un parfum doux répandait autour de lui et exhalait de sa personne.

"Une crainte silencieuse régna dans l'assemblée lorsque le Prophète s'approcha. Pas un murmure, pas un chuchotement. Les animaux sauvages même parurent se plaire dans le silence; les hennissements des coursiers, les cris des chameaux et les braiments des ânes avaient cessé.

"Le vénérable Habîb le reçut gracieusement. Sa première question était déjà prête: "Ils disent que tu prétends être envoyé par Dieu. Est-ce ainsi?" "Certainement, Allâh m'a envoyé pour proclamer la Véritable Foi", répondit-il.

"Bien, répliqua le Sage, prudent. Mais chaque prophète a donné la preuve de sa Mission par des signes et des miracles. Noé avait son arc-en-ciel; Salomon, son anneau mystérieux; Abraham, le feu de la fournaise qui devint froid sur son ordre. Ismâ'îl, le bélier qui fut sacrifié à sa place; Moïse, son bâton magique, et 'Issâ ressuscitait les morts et calmait les tempêtes par de simples mots. Donc, si tu es vraiment un prophète, fais nous un miracle en guise de preuve.

"Les partisans de Mohammad tremblèrent de peur pour lui lorsqu'ils entendirent cette demande, et Abû Jahl battit des mains et exalta la sagacité de Habîb le Sage. Mais le Prophète le réprimanda avec mépris. "Paix! Chien de ta lignée! Disgrâce de ta famille et de ta tribu!" Puis, il se mit calmement à exécuter les désirs de Habîb.

"Le premier miracle demandé à Mohammad consistait à révéler ce que Habîb gardait dans sa tente et pourquoi il l'avait amené à la Mecque.

"Sur ce, dit la légende, Mohammad se pencha vers le sol et traça des figures sur le sable. Puis, relevant la tête, il répondit: "ش Habîb! Tu as amené ici ta fille, sourde-muette, estropiée et aveugle, Satihah, dans l'espoir d'obtenir du Ciel qu'elle soit soulagée. Va à ta tente, parle-lui et écoute sa réponse, et sache que Dieu est Tout-Puissant".

"Le vieux prince se dépêcha vers sa tente. Sa fille le reçut d'un pas léger et les bras ouverts, en possession de toutes ses facultés: ses yeux rayonnaient de joie, son visage dessinait un sourire et elle paraissait plus belle que la lune d'une nuit sans nuage". (W. Irving)

Le Miracle de la Disjonction de la Lune
Le second miracle que Habîb avait demandé au Prophète de réaliser c'était de faire couvrir le ciel de midi de ténèbres surnaturelles et de faire apparaître la lune au-dessus de la Ka'bah. Le Prophète pria. Tout d'un coup une noirceur complète couvrit la lumière de jour et l'orbe glorieux de la lune brilla sur le sanctuaire. Le Prophète fit un signe de son doigt et l'orbe fut coupé en deux moitiés de sorte que la montagne d'Abû Qubays se dressa entre elles. Un peu plus tard, il fit de nouveau un signe et les deux moitiés se rejoignirent.(54) Quelques fissures profondes sont toujours visibles sur le disque de la lune, comme si elles voulaient indiquer les traces de la réunion de deux parties.

Le prince et quatre cent soixante-dix de ses partisans, ainsi qu'un grand nombre de Mecquois, ayant été parfaitement convaincus, embrassèrent la foi du Prophète. Abû Jahl et Abû Sufiyân s'écrièrent que tout cela n'était qu'un ensorcellement de Mohammad; ils étaient des incroyants endurcis. On dit que les événements ci-dessus relatés eurent lieu cinq ans avant l'Emigration.(55)


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