Introduction à la notion d'Imamat

Introduction à la notion d'Imamat
I. La nature des imâms
Imam est un titre donné à une personne qui prend la tête d'une communauté dans un mouvement social, une idéologie politique ou religieuse. Sur le plan étymologique, le mot imâmat évoque des termes tels que guider, conduire ou encore diriger. Cette direction concerne aussi bien celle de la religion que celle d'un état.

L’islam ne dissocie pas la religion, de la vie en société et de la politique, comme la laïcité se plaît à le faire d’une manière aussi absurde.

Ainsi, la prière était le geste politique par excellence tout en étant un rituel et un biais pour resserrer les liens sociaux au sein de la communauté. Ce devoir était l'expression même de l'union politique et sociale musulmane. La direction de la prière revenait au chef de la communauté ou aux personnes que celui-ci aurait désignées.

La mosquée était véritablement le lieu de commandement de la communauté avant de se déplacer vers les palais califal après la mise en place des premiers califats. L'intégrité de l'imâmat et sa compétence sur le plan aussi bien religieux que politiques sont parfaitement reconnues par les sunnites et les shiite. Mais sunnites et shiites ne conçoivent pas cette notion de la même façon. Pour notre part, nous allons développer la conception shiite de l’imâmat : une continuité et un complément de la prophétie.

A. L’imâmat, un complément de la prophétie
La croyance shiite repose sur la notion d'imâmat tandis que celui des sunnites repose sur la notion de Khalafat al-Rassul, c’est-à-dire la succession du prophète.

L'erreur serait de penser comme les sunnites que « le califat, l'imâmat et le commandement des croyants, Amir al-mu'minin, sont trois termes qui ont la même signification. » Mais le shiisme fait quant à lui une distinction entre la notion d'imâmat et de califat.

Le califat, tel qu'il est admis unanimement, représente la succession du prophète et celle du successeur du prophète dans l'ordre hiérarchique. Le shiisme conteste fortement l'ordre dans lequel sont arrivés au pouvoir les trois premiers califes. Le prophète n'a pas laissé vide derrière lui la place de commandeur des croyants. En effet, avant même son décès, le Prophète (saww) avait pris le soin d’informer la Ummah qu’Ali (as) était son successeur par ordre divin. Dès le décès du prophète, Ali (as) était le successeur désigné par le prophète lui-même. De nombreux hadiths tant sunnites que shiites l'attestent sans aucune forme d'équivoque. L'imâm est cet être infaillible et désigné par ALLAH par l'intermédiaire de l'apôtre.

Succéder à un apôtre n'est en aucun cas la succession à un homme politique quelconque et il s'agit encore moins de gérer les affaires d'un empire.

Il s'agit de guider la communauté, de l'éduquer et de lui enseigner la perfection. Ils vont ainsi poursuivre et assurer la continuité du travail accompli durant la vie du prophète. La prophétie s'achève mais le rapport entre Dieu et l'homme ne prend pas fin pour autant puisque ce dialogue continue par l'intermédiaire des imâms choisis par ALLAH. Le cycle de la prophétie prend certes fin avec le prophète MOHAMMAD (saww). Il est le sceau des prophètes. Mais pour que la mission soit totalement complétée, le prophète annonce un nouveau cycle à travers l'imâmat d’ALI (as). Ce nouveau cycle permet de conserver le dynamisme de l'Islam et stimuler la communauté. Le but est de ne laisser aucune coupure et aucun vide.

Il est vraiment important de ne laisser aucune forme de césure s'installer: c'est un point essentiel. L'être humain et les sociétés, quelque ils soient, nécessitent une autorité qui soit un modèle pour chaque individu, un modèle infaillible et possédant toutes les qualités requises pour donner l'exemple à l'ensemble de la société, qu'il soit jeune ou vieux, qu'il soit riche ou pauvre, quelque soit sa catégorie, son âge.

B. Le rôle d'enseignement de l'imâmat
La conception shiite de l'imâmat est de loin la plus originale et la plus rationnelle qui puisse être. Dans la doctrine sunnite, le calife n'est là finalement que pour jouer un rôle purement régalien: «afin d'assurer l'accomplissement des obligations de l'Islam, pour rendre tangibles et concentrer en sa personne les devoirs de la communauté musulmane. » Mais les imâms eux ont une mission qui leur est assignée: celui de compléter la prophétie par l'enseignement.

Le Coran est un livre exceptionnel dans la mesure où il possède deux sens: le sens exotérique (zâhiri) et le sens ésotérique (bâtini.) Le premier sens est à la portée d'une intelligence moyenne. L'autre sens ne peut être saisi que par des individus qui jouissent d'un don divin car sa connaissance nécessite une très haute aptitude. Seul les imâms ont ce pouvoir afin de montrer au reste des hommes ce sens ésotérique: comme Kulayni le stipule très clairement, « les imâms sont les détenteurs du pouvoir de Dieu et les conservateurs de sa science. » De nombreux versets du Coran témoignent de ce pouvoir des imâms et de leur rôle essentiel dans la pérennité et dans l'enseignement de l'Islam. Voici un exemple: « Sont-ils égaux ceux qui savent et ceux qui savent point? Seuls réfléchissent ceux qui sont doués d'esprit.» (Sourate 39­verset 12/9) Notre cinquième imâm voit dans ceux qui savent nos imâms et ceux qui ne savent point les ennemis de l'Islam. Tandis que les shiites, autrement dit ceux qui croient dans l'imâmat, sont ceux qui réfléchissent.

Pour finir, il faut savoir que cette science des imâms est une science héréditaire. Un hadith précise que «la science qui descendit sur terre avec Adam n'est pas partie (depuis.) Le savant meurt mais la science reste. Elle se transmet en héritage. » Les imams sont les héritiers de la science « des premiers et des derniers », en particulier celle des très grands prophètes, « Possesseurs de la décision. »

II. La nécessité de l'imâmat
Qu'il soit sunnite ou shiite, tout le monde reconnaît que l'imâmat au sens du commandement politique et religieux est indispensable pour ne pas dire obligatoire. L'importance et même l'indispensabilité des imâms s'expriment sur trois plans :

* Sur le plan rationnel

* Sur le plan religieux

* Sur le plan divin.

A. La nécessité rationnelle ou wudjûb'aqlî
Que ce soit les sunnites ou les shiites, il est indéniable que toute société humaine ne peut exister par elle-même. Selon IBN KHALDUN, «toute société doit avoir un modérateur (wâdi') qui le gouverne et qui constitue son recours.» AL-HILLI^ considère que l'imâmat est incontournable «pour diriger les gens vers le Créateur, contrôler les alimentations, protéger les frontières etc. » Et « l'homme est un être social par sa nature.» Un autre auteur, FARABI, reprends cette idée essentielle qui est de dire que «chacun suivant sa nature a besoin (d'un chef) pour son maintien, pour l'épanouissement de ses meilleures qualités et pour l'acquisition de nombreuses choses qu'il n peut pas se procurer tout seul. »

Avoir un cœur organisateur, régulateur, modérateur est donc indispensable pour le bon fonctionnement d'une société: il faut faire face à l'ennemi extérieur, protéger les droits de l'opprimé face à l'oppresseur, pour les régler les affaires sociales, administratives et politiques (TUSI et aussi NASIR AL-DIN TUSI.)

B. La nécessité religieuse ou wudjûb shar'î
L'Islam n'est pas une religion individuelle; Le Coran est un livre saint qui contient tout un ensemble de règles sociales, juridiques, politiques et même commerciales qu'il faut respecter et il est donc indispensable d'avoir une autorité responsable à même de garantir le respect de l'ensemble de ces règles. La sourate IV - verset 62/59 confirme ainsi cette nécessité de l'obéissance à l'autorité et en occurrence celle des imâms: «obéissez à Allah et à ceux d'entre vous qui détiennent l'autorité. » il y a obligatoirement cette nécessité religieuse d'obéir à un gouvernement qu'il soit bon ou mauvais mais cela n'est pas acceptable sur le plan politique.

Mais au regard de l'aspect religieux, la communauté ne peut avoir entre ses mains le pouvoir de même que les oulémas restent en perpétuel désaccord avec eux-mêmes. Et comme Shaytan on ne peut pas utiliser le syllogisme pour justifier une règle ou une loi ou même une décision. Rappelons-nous que Shaytan utilisa ce type de raisonnement afin de justifier son refus de prosternation devant Hazrat ADMA A.S.

Cela justifie donc le choix de shiisme de préférer l'HIJTIHAD et la nécessité d'avoir des dirigeants et des leaders qui soient infaillibles afin de maintenir le Coran. Seuls les imâms, choisis par ALLAH, preuves d’ALLAH, possèdent ces qualités requises pour assurer le maintien du Coran.

C. La nécessité divine
La justice divine est l'un des principes clé de l'Islam shiite au même titre que:

* L'unicité de Dieu
* La prophétie
* L'imâmologie
* La résurrection
* Et donc la justice divine.

Le principe essentiel est indéniablement la reconnaissance du fait que toute chose et tout acte de Dieu possède une finalité précise car TI est juste et sage. La mort du dernier et du sceau des prophètes n'annonce que la fin d'un cycle, celui de la prophétie. Mais dieu ne laisse pas les hommes sans guide et il est indéniable que l'imâmat est une continuation de cette clémence divine car grâce aux imâms les hommes évitent de tomber dans l'erreur et l'égarement. L'homme est destiné à se perfectionner et l'imâmat est une preuve pour l'homme de la perfection et de la présence divine.

L'imâm aux yeux du shiisme est le vicaire d'Allah sur terre et c'est sur ce point que les sunnites contestent la position shiite : les trois califes qui ont précédé l'imâm ALI (as) ont toujours exigé d'être vu comme les vicaires du prophète. Une autre divergence de conception concerne l'imâmat et l'attribution de l'imâmat. Les sunnites soutiennent que Dieu n'a pas l'obligation de désigner l'imâm mais, comme RASHID RI^DA le dit, c'est plus un devoir religieux de la communauté que de désigner cet imâm. Hors le monde, ce qu'il y a entre le ciel et la terre est création d’ALLAH. Il lui appartient donc de désigner celui qui sera à même de gérer sa création et de le représenter auprès d'eux.

L'homme est la meilleure des créations divines (ASHRAF MAKHLUQAT) dont le but ultime est de se perfectionner et de se purifier. TI est accompagné dans sa démarche de la grâce divine et l'imâmat est une preuve absolue de cette grâce. Quelque soit l'époque, les êtres humains ne sont jamais laissés seuls car un imâm les accompagne, et même à l'heure actuelle.