L'unité islamique : un devoir religieux et une nécessité humaine

Par Cheikh Muhammad Abû Zahrah
'L'unité islamique : un devoir religieux et une nécessité humaine'
Dans les sociétés fondées sur la religion islamique, les individus sont liés entre eux par des valeurs morales fondées sur les principes de bienfaisance et de piété et non point sur le rang social, sur le respect de la dignité humaine qui est un droit commun à tous les hommes et non point sur l'excellence de la lignée...
Il n'est guère utile, aux yeux de ceux qui connaissent les réalités de l'islam, de rappeler que les musulmans constituent une même communauté. De tels propos paraîtraient même comme des banalités dans lesquelles il convient de ne pas verser, tant cela fait partie des évidences établies par l'islam, tant cela fait partie des choses nécessairement connues de la religion, dont nul croyant ne peut douter, et que nul musulman ne peut remettre en cause. Toutefois, nous vivons l'âge de la singularité de l'islam [1] ; ses réalités y sont devenues singulières, si bien que leur énoncé nécessite quelque introduction pour atténuer leur singularité. Nous avons même besoin de les expliquer, de prendre leur défense sans relâche. Il est même indispensable qu'un groupe parmi nous se fasse un devoir d'y appeler, et d'y inviter les gens, faute de quoi l'islam n'aura aucune dignité et les musulmans n'auront aucun poids. Parmi les vérités établies, il est en effet celle qui stipule que ce qui relèvera les générations postérieures de cette communauté n'est autre que ce qui a servi à relever les générations antérieures. Elle ne saura retrouver son passé glorieux et honorable que lorsqu'elle réunira les prémices de ce passé. Cette communauté n'aura aucune puissance sauf à puiser dans l'aube de son histoire la force et la foi, et dans sa religion la force et la constance. Cela se réalisera lorsque ses contrées et ses individus seront réunis autour d'un principe unificateur dont nul ne départira ni ne divergera.

Si par le passé nous péchâmes par négligence, nous nous devons de nous réveiller à présent. Car notre négligence eut pour effet que des loups humains nous dévorèrent, contrée après contrée, et notre succession fut ouverte de notre vivant, si bien que les autres s'accordaient ou divergaient sur notre affaire, tandis que nous nous tenions complètement impuissants. Nos ennemis furent consultés à notre sujet alors que nous observions en toute soumission ce qui adviendrait de nous sans point nous battre. Tandis qu'ils amassaient leurs épées, nous les regardions briller sans penser qu'elles seraient orientées, avant tout, spécifiquement contre nous.

En fin de compte, le dormeur se réveilla de son somme, les sentiments s'avivèrent, les esprits s'activèrent, mais dans des cercles régionaux et nationalistes. Cela est louable en soi en guise d'étape et non en tant que finalité, en tant que démarche initiale et non en tant que destination finale. L'on ne pouvait guère faire autrement puisque les ennemis de l'islam n'auraient point permis que nous nous réunissions pendant qu'ils gouvernaient toutes les nations musulmanes, tout comme ils ne nous auraient pas laissés nous retrouver autour de la table de l'islam car cela signifiait la fin de leurs profits et de leur colonisation. Afin de s'affranchir, chaque région se devait donc d'agir localement jusqu'à se débarrasser du joug de la servitude. Puis, lorsque tous furent libres, il devint alors possible de se
retrouver dans la dignité et la liberté, afin de gérer leurs affaires et la religion qu'ils agréèrent pour eux-mêmes, entendant la voix de la Vérité retentir de Son appel éternel : " ? les croyants ! Craignez Allah comme Il doit être craint. Et ne mourez qu'en pleine soumission. Et cramponnez-vous tous ensemble à l'anse d'Allah et ne soyez pas divisés ; et rappelez-vous le bienfait d'Allah sur vous : lorsque vous étiez ennemis, c'est Lui qui réconcilia vos cœurs. Puis, par Son bienfait, vous êtes devenus frères. Et alors que vous étiez au bord d'un abîme de Feu, c'est Lui qui vous en a sauvés. Ainsi Allah vous montre Ses signes afin que vous soyez bien guidés. Que soit issue de vous une communauté qui appelle au bien, ordonne le convenable, et interdit le blâmable. Car ce seront eux qui réussiront. Et ne soyez pas comme ceux qui se sont divisés et se sont mis à disputer, après que les preuves leur furent venues, et ceux-là auront un énorme châtiment. " [2]

Nous autres musulmans étions dépassés par les événements, tant et si bien que nous servions de combustible pour des guerres où nous étions dévorés sans jamais manger à notre tour, où nos forces étaient exploitées sans que le moindre profit nous revienne, toutes nos richesses étaient épuisées sans jamais en voir la couleur sauf les miettes que voulaient bien nous jeter ceux qui nous gouvernaient. Ils firent de nous une culture dont ils récoltaient les fruits, et une industrie dont ils
accaparaient la richesse. Ils nous poussèrent à abandonner les principes de notre religion, principe après principe, et déracinèrent de nos cœurs l'amour du jihâd, tout en y insufflant la faiblesse et l'amour de ce bas-monde éphémère et futile, et ce, par le biais des inimitiés qu'ils cultivaient entre nous et des pots-de-vins qu'ils versaient à nos notables. Ainsi l'affaire de cette nation s'éparpilla et le leadership y fut confié à des gens totalement ignorants de leur religion.

Telle était notre situation dans leurs guerres qu'ils se livraient les uns aux autres. Mais Dieu nous combla par la suite du bienfait de la dignité, et nous cessâmes d'être dupes de ces gens qui nous insufflaient la faiblesse et qui nous faisaient goûter à la coupe de l'humiliation à cause de ce que nous avions acquis et à cause de notre négligence.

? l'issue de la Première Guerre mondiale, la conscience des peuples s'éveilla et leur volonté s'anima. Un bras de fer les opposa aux puissants colonisateurs d'une part, tandis qu'ils s'opposèrent d'autre part aux marionnettes que les colonisateurs avaient choisies pour gouverner les peuples en leur nom, et qui disposaient des gens en vertu de leur pouvoir virtuel et illégitime. Mais lorsque les peuples se mobilisent, plus rien ne les arrête.

Lorsque éclata la Seconde Guerre mondiale et qu'ils nous y conduisirent alors que nous n'avions rien à y faire, les peuples furent dans l'incapacité d'y échapper, puisque les rênes du pouvoir n'étaient pas entre les mains de leurs représentants. Toutefois, ce round n'était pas comme le précédent, et nos ennemis furent pire qu'ils ne l'avaient été auparavant : ils chassèrent les musulmans de leurs terres et de leurs biens dans l'une des contrées de l'islam, et massacrèrent ses habitants, les laissant dans le dénuement et la faim, sans abri et sans terre où ils pouvaient se poser. La situation était comparable à celle d'un boucher coupant des tranches dans un corps vivant dont l'anesthésie touchait à sa fin, ou encore un couteau découpant un homme ayant retrouvé une volonté et une détermination.

Les musulmans surent avec certitude qu'il s'agissait là d'un début et qu'il fallait barrer le chemin devant ces gens avant qu'ils n'aillent jusqu'au bout de leur idée qui n'était autre que la mort dissimulée. Ils surent également qu'il n'y avait plus aucune place à la soumission dans leur détermination, que celui qui voulait vivre y parviendrait, que le désespoir et la résignation n'apportaient que l'anéantissement, et que la mort pour défendre la justice était l'éternité véritable. Ils
s'éveillèrent et trouvèrent la Parole éternelle de la Vérité : " Ceux qui ont fait du tort à eux-mêmes, les Anges enlèveront leurs âmes en disant : "Où en étiez-vous ?" - "Nous étions impuissants sur terre", dirent-ils. Alors les Anges diront : "La terre d'Allah n'était-elle pas assez vaste pour vous permettre d'émigrer ?" Voilà bien ceux dont le refuge est l'Enfer. Et quelle mauvaise destination ! ? l'exception des impuissants : hommes, femmes et enfants, incapables de se débrouiller, et qui ne trouvent aucune voie : à ceux-là, il se peut qu'Allah donne le pardon. Allah est Clément et Pardonneur. Et quiconque émigre dans le Sentier d'Allah trouvera sur terre maints refuges et abondance. Et quiconque sort de sa maison, émigrant vers Allah et Son Messager, et que la mort l'atteint, sa récompense incombe à Allah. Et Allah est Pardonneur et Miséricordieux. " [3]

? la fin de ce combat décisif entre le sommeil et l'éveil, et entre l'humiliation et la suprématie, les contrées islamiques se redressèrent, certaines accédant à une indépendance complète, d'autres à une indépendance relative où les mains étrangères disparurent même si elles continuaient à œuvrer secrètement. Mais les peuples avaient une volonté, ils voulaient l'islam et la dignité qu'il confère, ils voulaient l'indépendance complète et la liberté qui l'accompagne.

Par ailleurs, nous sommes dans l'ère des regroupements internationaux, l'ère où tout pays se sent en danger s'il ne fait pas partie d'un regroupement d'autres pays, et craint d'être contraint dans ses choix s'il ne rejoint pas de son propre chef une alliance internationale. Diverses unions et alliances militaires virent le jour, chacune visant à avoir la suprématie dans les conflits armés. Puis les regroupements se réunirent pour ne plus faire que deux blocs : l'Est et l'Ouest. Serions-nous capables, nous autres musulmans, de nous rassembler dans une union spirituelle, fondée non pas sur la suprématie militaire et l'amour du pouvoir, mais plutôt sur la foi et l'obéissance à Dieu ?

Un tel rassemblement n'est pas contre-nature, comme le sont les autres rassemblements fondés sur la lutte contre la nature. Il correspond à l'appel de la nature et à l'appel de la vérité éternelle exprimée dans le Coran dans la Parole du Très-Haut : " ? hommes ! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entreconnaissiez. Le plus noble d'entre vous, auprès d'Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand Connaisseur. " [4]

Des ?tats islamiques gouvernant des peuples islamiques virent le jour, et les mains étrangères furent bannies de certains de ces pays tandis qu'elles se cachèrent dans d'autres. Mais leur bannissement ne demanderait pas un effort guerrier ni une révolution violente ; il suffirait simplement de donner la priorité aux intérêts réels au lieu des intérêts fictifs, de donner la priorité aux principes islamiques par rapport aux viles ambitions, à l'âme droite sur l'âme incitatrice au mal gouvernée par les passions. Cela nécessite de gouverner les passions et de ne chercher l'honneur que par l'intermédiaire de l'islam : " Or c'est à Allah que revient l'honneur ainsi qu'à Son Messager et aux croyants. " [5]

Le temps est venu pour nous de nous réunir, car l'islam invite à une telle union, mais aussi parce que si nous ne nous rassemblions pas autour de la devise de l'islam uniquement, et que chaque pays prenait part à d'autres coalitions ne portant pas la devise de l'islam, les guerres opposeraient les musulmans les uns aux autres, et les musulmans combattraient leurs frères sous une bannière qui n'est pas celle de l'islam. Personne ne s'attendrait à ce qu'une chose pareille se produise, et pourtant cela se produisit bel et bien. Ainsi, pendant la Première Guerre mondiale, de nombreux musulmans combattirent-ils les soldats turcs musulmans, tout en étant dans le camp des ennemis de l'islam. Cependant, Dieu dit : " Les croyants ne sont que des frères. Etablissez la concorde entre vos frères, et craignez Allah, afin qu'on vous fasse miséricorde. " [6]

Il est donc indispensable que les musulmans se réunissent, qu'ils ne divergent point et qu'ils se constituent en communauté unie. Le Très-Haut dit à cet effet : "
Votre communauté que voici est une seule communauté " [7]. Le fait de constituer une seule communauté n'implique pas nécessairement que nous soyons gouvernés par un seul gouvernement car cela est irréalisable, mais nous pouvons constituer un groupement uni, ou une ligue islamique unie, comme nous le verrons plus loin.
Les liens qui traversent la communauté musulmane se fondent sur une unité de religion et de croyance, une unité de principes éthiques et de rites. Chaque jour que Dieu fait, le musulman ressent cette unité islamique s'il accomplit ses rites quotidiens comme il se doit. Cette unité est portée dans son cœur à toute heure, de jour comme de nuit, par le biais des cinq prières que les musulmans accomplissent tous orientés vers une même direction. Si le musulman se voit, alors qu'il accomplit sa prière, comme étant un individu parmi des millions d'individus priant dans la même direction que lui, et se tenant tous face à la Maison Sacrée de Dieu, vers une direction unique et dans une congrégation unique, il comprendra alors qu'il est une brique dans un grand édifice social regroupant des pays d'Orient et d'Occident, un édifice fondé sur la vertu et le dévouement pour Dieu - Exalté soit-Il. Cet aspect grandiose se reflète également dans le jeûne et se révèle dans toute sa splendeur dans le pèlerinage, lorsque les cœurs perçoivent la signification de l'adoration.

La construction de l'union islamique autour de la vertu et de l'éthique est la façon idéale de constituer des groupements internationaux. Les nations fondées sur des considérations ethniques ou économiques n'ont rien d'exemplaire car l'unité d'une nation exige l'unité des sentiments, des passions et des aspirations. De tels sentiments ne prennent pas corps sous l'effet d'un intérêt commun uniquement, car ils naîtraient et disparaîtraient avec la naissance et la disparition de l'intérêt commun. Les esprits ne s'unissent point dans un cadre aussi éphémère et l'on ne vit jamais une nation se constituer uniquement autour d'un échange commercial ou d'un intérêt matériel commun.

Lorsque l'on compare les nations fondées sur des considérations raciales et celles fondées sur des principes religieux, il s'avère que le cheminement de l'humanité vers le progrès et l'établissement de liens humains fondés sur l'amitié et la vertu se font sous les auspices de la religion et non point du racisme. Le racisme érige en effet une ethnie aux prises avec les autres ethnies et monopolise un espace vital dans lequel elle exerce sa domination sur les autres. Le regroupement des hommes sur des critères raciaux n'est que l'un des vestiges de la bestialité auto-destructrice qui subsiste en l'homme. Nous voyons cela de manière manifeste dans les nations qui traitent leurs peuples en fonction de leur couleur. L'idée même de peuples blancs et de peuples de couleur n'est que le reflet de l'emprise du racisme et d'un vestige de cette bestialité auto-destructrice ; c'en est même la caractéristique la plus saillante.

Le regroupement autour de l'islam, quant à lui, n'est pas fondé sur la confrontation, mais plutôt sur la fraternité générale et la douce amitié auxquelles invite cette religion droite. Cette union musulmane fonde une nation unie dans ses sentiments, aspirant à la vertu et aux valeurs supérieures qui élèvent l'esprit humain vers les sphères supérieures, une nation où l'homme n'est soumis qu'au Créateur des mondes. Ainsi le fils de l'homme s'élève au-dessus de la confrontation sauf lorsqu'il est agressé, auquel cas il est autorisé à se battre pour repousser la corruption et défendre l'intérêt général. Le Très-Haut dit : " Autorisation est donnée à ceux qui sont attaqués de se défendre - parce que vraiment ils sont lésés ; et Allâh est certes Capable de les secourir " [8] ; " Si Allâh ne repoussait pas les gens les uns par les autres, les ermitages seraient démolis, ainsi que les églises, les synagogues et les mosquées où le nom d'Allâh est beaucoup invoqué. Allâh soutient, certes, ceux qui soutiennent Sa Religion. Allâh est assurément Fort et Puissant. " [9]

Dans l'union islamique réside une justice véritable qui ne fait pas de discrimination entre les races ni entre les couleurs. Une telle discrimination dans l'exercice de la justice n'existe que dans les systèmes raciaux. L'exemple de l'Amérique suffit aux gens clairvoyants. Alors que les libertés sont garanties aux blancs et que l'esclavage a été aboli, les Noirs subissent des injustices comparables aux injustices de la jâhiliyyah [10] ; les droits qui leur sont reconnus par les textes n'ont en pratique aucune existence.

Dans les sociétés fondées sur la religion islamique, les individus sont liés entre eux par des valeurs morales fondées sur les principes de bienfaisance et de piété et non point sur le rang social, sur le respect de la dignité humaine qui est un droit commun à tous les hommes et non point sur l'excellence de la lignée.
La constitution de regroupements sur des principes religieux a pour effet de réduire les affrontements entre les hommes, si tant est qu'ils mettent en pratique les préceptes religieux. Si l'histoire relate des conflits entre les hommes au nom des religions, cela n'émane pas de la religion elle-même mais de l'égarement de l'entendement. La religion peut se transformer, aux yeux de certains individus qui n'en saisissent pas la réalité, en une chose comparable à une nationalité ou à une appartenance ethnique, auquel cas les affrontements ne sont pas dûs à la religion en elle-même ni à ses préceptes, mais plutôt au racisme qui se vêt de la cape de la religion, alors que celle-ci en est innocente. Les conflits peuvent émaner d'une mauvaise compréhension des vérités religieuses ; la religion se transforme alors en une sorte d'esprit tribal où se perd le sens du bien et de l'élévation morale.

Cela ne correspond pas au rassemblement des disciples de l'islam, lequel se fonde sur l'obéissance au Coran et est régi par la Parole d'Allâh - Exalté soit-Il : "
Entraidez-vous dans l'accomplissement des bonnes œuvres et de la piété et ne vous entraidez pas dans le péché et la transgression. " [11]

Il s'agit là de vérités incontestables concernant la dimension panislamique du rassemblement en islam. Cela exclut tout esprit chauvin, raciste, nationaliste ou régionaliste. Mais sous quelle forme peut se faire le rassemblement actuellement ? Serait-ce la forme empruntée dans les débuts de l'islam ou bien une forme nouvelle plus en phase avec l'esprit de notre ère et réalisant le sens de l'union, sachant que l'esprit de notre ère ne nous influence que sur la forme de l'union et non point sur le fond ? Nous ne sommes pas en effet de ceux qui soumettent les prescriptions de l'islam à la modernité. Toutefois, l'islam nous commande d'accomplir certaines vérités incontestables et nous laisse le choix de la méthode pour ce qui est de la mise en œuvre ; nous nous efforçons alors de trouver les méthodes les plus
efficaces et les plus à même de réaliser ces vérités. De la modernité, nous puisons le chemin et la forme que peut prendre l'union, mais nous n'autorisons personne, quel qu'il soit, à manipuler les vérités de la religion au nom de la modernité, car les vérités de l'islam sont immuables, établies et n'admettent aucun changement. Il faut savoir de manière absolument certaine - comme nous l'avons indiqué précédemment - que l'union que nous appelons de nos vœux ne menace aucunement le pouvoir de quiconque gouverne les musulmans avec justice et équité. Elle ne remet pas en question non plus la forme des gouvernements dans les contrées musulmanes. Chaque contrée peut en effet avoir son style de gouvernement du moment que cela réalise la justice et l'équité ainsi que les nobles finalités islamiques.

Le panislamisme revient à considérer, en dépit des distances qui séparent nos contrées, que nous sommes liés par des liens puissants enracinés au plus profond de nos âmes. Ces liens sont consitués par les préceptes de l'islam, par ses rites, par son culte et par ses croyances. L'islam est en effet la religion de l'union globale comme il est la religion de l'Unicité divine épurée de toute idolâtrie, quelle qu'en soit la nature, et quelle qu'en soit la forme.

L'union se réalise autour de trois points capitaux :
1. Que nos sentiments se rejoignent sur le fait que nous sommes des frères en islam et que la fraternité islamique transcende les nationalités et les ethnies. Nous devons également nous rappeler que le premier commandement exécutoire mis en œuvre par le Prophète - paix et bénédictions sur lui et sur sa famille - fut de sceller la fraternité islamique entre les Muhâjirûn et les Ansâr, puis entre les Ansâr les uns les autres et entre les Muhâjirûn les uns les autres. Il fit cela afin que chacun ressente que c'est la fraternité islamique qui unit et que le reste divise. Or, les raisons de cette fraternité sont présentes ; les croyances et les commandements à eux seuls suffisent à cet effet. As-Sayyid Jamâl Ad-Dîn Al-Afghânî, le revivificateur de la réforme islamique des temps modernes dit : " Par la Toute-Puissance du Vrai et la Sainteté du Juste, si les Musulmans étaient laissés entre eux avec leurs principes et leur estime pour leurs savants actifs, ils se seraient retrouvés et se seraient unis spontanément. Mais hélas, ils ont été infiltrés par ces corrupteurs qui ne voient leur bonheur que dans le titre de " prince " ou de " roi ", et qui sont prêts à faire valoir leurs droits sur une outre insignifiante. Ce sont ceux-là qui ont détourné les Musulmans de la direction vers laquelle Dieu leur a demandé de se tourner. Ce sont eux qui se sont rebellés contre leurs rois et leurs califes et qui se sont emplis d'animosité les uns contre les autres, en raison des divergences de leurs intérêts. " [12]

2. Une union culturelle, linguistique et sociale qui rallie les sentiments, de sorte que chaque musulman fasse la même lecture que ses frères du monde qui les entoure, qu'ils combattent tout ce qui renferme dans ses plis la destruction de l'islam, qu'ils s'accordent sur ce qui réalise son ascension, qui protège la dignité des musulmans, et qui permet de fonder une société musulmane sur les authentiques principes de l'Islam.

3. Qu'aucune contrée musulmane ne livre la guerre à une autre contrée musulmane, de quelque nature que soit cette guerre, qu'elle soit économique ou militaire, car dans les deux cas cela affaiblit les forces de l'islam et rabaisse son rang. Or, nous avons reçu l'ordre de réconcilier les musulmans lorsque deux parties d'entre eux s'affrontent. Nous avons également reçu l'ordre enjoignant au musulman d'aider son frère musulman ; le Prophète - paix et bénédictions sur lui - dit en effet : " Le musulman est le frère du musulman, il ne l'opprime pas, ne le délaisse pas, et ne l'abandonne pas. Certes, Allâh aide le Serviteur aussi longtemps que ce dernier aide son frère. "

Après ce préambule, nous aborderons dans la suite les différents aspects de cette union globale.

Notes
[1] Conférer le hadîth : "L'islam a débuté singulier et redeviendra singulier, bienheureux sont les gens singuliers." NdT.
[2] Sourate 3, ?l `Imrân, la Famille d'Amram, versets 102 à 105. NdT.
[3] Sourate 4, An-Nisâ', les Femmes, versets 97 à 100. NdT.
[4] Sourate 49, Al-Hujurât, les Appartements, verset 13. NdT.
[5] Sourate 63, Al-Munâfiqûn, les Hypocrites, verset 8. NdT.
[6] Sourarte 49, Al-Hujurât, les Appartements, verset 10. NdT.
[7] Sourate 23, Al-Mu'minûn, les Croyants, verset 52. NdT.
[8] Sourate 22, Al-Hajj, le Pèlerinage, verset 39. NdT
[9] Sourate 22, Al-Hajj, le Pèlerinage, verset 40. NdT.
[10] ?re précédant l'islam désignée comme étant l'ère de l'ignorance (sens littéral de jâhiliyyah) du fait des coutumes iniques et des pratiques inhumaines qui y régnaient et que l'islam a abolies. NdT.
[11] Sourate 5, Al-Mâ'idah, la Table servie, verset 2. NdT.
[12] Conférer l'article de Jamâl Ad-Dîn Al-Afghânî intitulé "L'unité islamique". NdT.

Cheikh Muhammad Abû Zahrah Un juriste atypique
Né en 1898, à Al-Mahallah Al-Kubrâ, Province de Gharbiyyah, égypte
Décédé en 1974

Le père de Cheikh Abû Zahrah était un théologien musulman qui enseignait les sciences islamiques dans Al-Mahallâ, une des grandes villes du delta du Nil. Ainsi, Cheikh Abû Zahrah naquit dans une famille, de la classe moyenne, pieuse et très attachée à l'islam.
Il commença sa carrière religieuse très tôt par la mémorisation du Coran dans sa ville Al-Mahallâ.
En 1913, il partit à Tanta (grande ville du delta du Nil, capitale de Gharbiyyah) pour suivre les cours du cycle primaire d'Al-Azhar qui se déroulaient alors dans la mosquée de Sayyidî Ahmad Al-Badawî. L'intelligence et la vivacité d'esprit de Cheikh Abû-Zahrah firent de lui un élève remarquable. Conscient des capacités de son jeune élève, Cheikh Adh-Dhawahri a essayé de faire une exception au règlement pour que Cheikh Abû Zahrah saute une classe. Cette tentative a échoué à cause de la rigidité du règlement.

En 1916, il fut le premier au concours d'admission de " Al-Qadâ' As-Shar`î " (la magistrature islamique). C'était alors une école qui venait de naître. Elle avait pour vocation la formation de savants musulmans spécialistes en jurisprudence et en lois islamiques. Le cursus de formation durait neuf ans dans cette école.
Après y avoir terminé ses études, Cheikh Abû Zahrah occupa divers postes du ministère de l'éducation. Il enseigna ensuite " l'histoire des religions " à la Faculté des Fondements de la Religion (Usûl Ad-Dîn). Il resta dans cette faculté d'Al-Azhar jusqu'en 1942.

En 1934, il enseigna la Shari`ah Islamique ( i.e. Lois Islamiques) à l'Université du Caire, en Faculté de Droit.
En 1962, il fut choisi pour être membre de L'Académie des Recherches Islamiques d'Al-Azhar.

Il est connu dans le monde musulman pour son précieux ouvrage consacré à la vie des grands Imâms de la jurisprudence islamique (fiqh) et leurs méthodologies dans leurs écoles de pensées. Même si les ouvrages de Cheikh Abû Zahrah exposaient une partie de la vie des Imâms, il ne s'agissait pas des biographies. Il mettait surtout l'accent sur le développement des écoles de jurisprudence islamique à travers la vie de leurs fondateurs.

La renommée de ses ouvrages dépassa très vite les frontières de l'égypte. Dans de nombreuses Universités Islamiques du monde, ses livres sont la référence pour ce qui est du développement des écoles de jurisprudence. Sheikh Muhammad Al-Ghazâli, qui se considère comme l'un des étudiants de Cheikh Abû Zahrah, affirmait que celui qui a écrit ces ouvrages sur les Imâms de l'Islam était lui-même un Imâm et un admirable savant.

Les livres de Cheikh Abû-Zahrah développaient la biographie et la jurisprudence des Imâms suivants :
o Imâm Abû Hanifah An-Nu`mân et le développement de son école de jurisprudence, " Al-fiqh Al-Hanafî "
o Imâm Mâlik Ibn Anas et le développement de son école de jurisprudence, " Al-fiqh Al-Mâlikî "
o Imâm Muhammad Ibn Idrîs Ash-Shâfi`î et le développement de son école de jurisprudence, " Al-Fiqh Ash-Shâfi`î "
o Imâm Ahmad Ibn Hanbal et le développement de son école de jurisprudence, Al-fiqh Al-Hanbalî
o Imâm Ja`far As-Sâdiq et le développement de son école de jurisprudence, Al-fiqh Al-Ja`farî
o Imâm Zayd Ibn `Alî et le développement de son école de jurisprudence, Al-fiqh Az-Zaydî
o Imâm Ibn Hazm et le développement d'Al-fiqh Adh-Dhâhirî.

Cheikh Abû Zahrah était connu pour son caractère plein de bravoure et d'assurance. Détestant l'hypocrisie, il tenait à la liberté de pensée et refusait d'être sous le contrôle d'une autre personne. Pendant ses cours académiques, il avait l'habitude de relever et critiquer les erreurs et les torts des gouverneurs. Une fois, il arrêta son cours et exigea que la fille du président (une de ses élèves) assiste au cours comme tout le monde, sans garde de corps.

Son caractère fort lui causa de nombreux problèmes avec des personnalités politiques. Au milieu des années 60, on lui interdit d'enseigner. Mais Cheikh Abû Zahrah ne plia pas l'échine et resta l'homme qu'il était. Au début des années 70, le président Sadât rencontra une assemblée de savants musulmans. Cheikh Abû Zahrah, qui était présent, adressa la parole au président en l'appelant directement par son prénom. Il lui donna de nombreux conseils de façon posée et respectueuse et le président ne pouvait qu'acquiescer en écoutant ce Cheikh plein de franchise.

Cheikh Abû Zahrah était connu pour son esprit vif, son intelligence et son enthousiasme. Ses élèves appréciaient beaucoup son humour et le respectaient comme leur père. Très populaire pour son humour et son caractère très aimable, ses élèves le surnommèrent Abû Zahrah As-Sukkarah (Abû Zahra le délicieux).

Les fatâwas de Sheikh Abû Zahrah devinrent célèbres grâce à ses livres, ses cours magistraux et son apparition régulière dans le programme télévisé hebdomadaire Nûr `Alâ Nûr, ("Lumière sur lumière").

En plus de la biographie des Imâms de la jurisprudence et de l'évolution de leurs écoles, Cheikh Abû-Zahrah a écrit :
1. Ahkâm At-Tarikât wa Al-Mawârîth
Les règlements relatifs aux successions et à l'héritage
2. Usûl Al-Fiqh
Les fondements de la jurisprudence
3. Târîkh Al-Jadal
L'histoire de la polémique
4. Al-Ahwâl Ash-Shakhsiyyah
Les statuts personnels
5. Sharh Qânûn Al-Wasiyyah
Commentaire de la loi relative au testament
6. Al-Jarîmah wal-`Uqûbah fil-Fiqh Al-Islâmî - Al-Jarîmah
Le crime et la peine dans la jurisprudence islamique : le crime
7. Al-Jarîmah wal-`Uqûbah fil-Fiqh Al-Islâmî - Al-`Uqûbah
Le crime et la peine dans la jurisprudence islamique : la peine
8. Muhâdarât fin-Nasrâniyyah
Cours sur le christianisme
9. Târîkh Al-Madhâhib Al-Islâmiyyah
L'histoire des écoles de jurisprudence islamique
10. Al-`Ilâqât Ad-Dawliyyah fil-Islâm
Les relations internationales en islam
11. Khâtam An-Nabiyyîn
Le Sceau des Prophètes

Source : www.islamophile.com