Formes et modes d’adoration de Dieu

Formes et modes d’adoration de Dieu
L’adoration peut s'effectuer sous la forme de paroles ou d'actes. L’adoration par la parole consiste dans une série de phrases et de prières que nous prononçons, comme le fait de réciter la sourate al-Fâtiha, les invocations que nous prononçons lors de l’inclinaison ou de la prosternation durant la prière musulmane, ou encore la répétition de la talbiyya (c'est-à-dire le fait de prononcer la formule : labbayka Allahuma labbayk…) pendant le pèlerinage. L’adoration pratique consiste dans les différentes postures que prend le corps durant la prière comme la station debout, l’inclinaison, la prosternation, la position assise, ou bien la station debout à 'Arafat, à Mash’ar et durant les circumambulations autour de la Kaaba durant le pèlerinage à La Mecque (Hajj). Généralement, les rites d’adoration réunissent à la fois des rites par la parole et par les actes, comme la prière et le pèlerinage. Certains docteurs de la loi musulmane préfèrent néanmoins faire la distinction entre l’adoration par l’esprit (cœur) et l’adoration par le corps. Un autre groupe est d’avis que les rites doivent être classés au point de vue de la façon dont les croyants les perçoivent, à savoir deux perceptions de la religion : la perception commune et la perception propre aux gnostiques.

Ainsi, selon eux, la compréhension par les musulmans des enseignements spéciaux de l’adoration comme la prière, le jeûne, le pèlerinage est de deux sortes :

1. La compréhension populaire et marchande.

2. La compréhension par la voie de la gnose et celle de l’Amour.

Dans la première approche, l’adoration ou le culte est une sorte de transaction, d’échange avec l’individu. Tel un ouvrier qui reçoit un salaire en échange de son travail, les adorateurs de ce genre attendent en contrepartie une récompense et un salaire pour le culte rendu. La seule différence entre l’ouvrier qui vend sa force de travail moyennant salaire et cette sorte d’adoration, consiste dans le fait que l’employeur bénéficie du travail de l’ouvrier, alors que Dieu, qui est l’Employeur de ce monde et du Royaume céleste, n’a aucun besoin de l’adoration de Ses créatures.

L’Emir des croyants, 'Alî (as) a dit : « Dieu, qu’Il soit exalté, a créé les êtres. Puis, après les avoir créés, Il n’eut aucun besoin de ceux qui obéissent à Ses ordres, et Il est dans la sécurité face aux désobéissants. Car la désobéissance de ceux qui désobéissent ne lui cause pas de préjudice, pas plus que l’obéissance de ceux qui obéissent ne Lui rapporte de gain. » (Nahj al- Balâgha).

Dans l’approche gnostique, l’adoration est perçue comme une échelle permettant de se rapprocher de Dieu. En rendant un culte à Dieu, les potentialités spirituelles se développent et l’esprit devient peu à peu en mesure de dominer le corps. Dans cette conception, l'adoration est le comportement le plus élevé de l’homme à l’égard du Créateur du monde et elle permet de manifester concrètement son amour et son aspiration à la perfection.

L’adoration possède une forme et une apparence, mais elle a aussi un esprit. Ce qui s’accomplit par le corps et ses autres organes en est la dimension matérielle, formelle. Le bénéfice que le croyant retire de l’adoration et le chemin qu’il trouve pour le mener dans la proximité divine font partie des éléments constitutifs de l’esprit d’adoration.

L’Imam 'Alî (as) distingue trois sortes d’adoration en fonction des motivations et des intentions des hommes :
L’adoration des marchands, celle qui vise à l’obtention d’un bénéfice, d’un profit.

L’adoration des esclaves, celle que l’on fait par peur et pour se prémunir contre le préjudice ou la perte.

L’adoration des hommes libres, libérés des contraintes du profit, de la peur de la perte et qui adorent Dieu pour Lui rendre grâce.

Certains adorent Dieu par aspiration pour le Paradis : cette adoration est celle des marchands. D’autres adorent Dieu par peur du châtiment : c’est l’adoration des esclaves qui ont peur de leurs maîtres. Enfin, un autre groupe adore Dieu pour Le remercier : c’est l’adoration des hommes et des femmes libres (Nahj al-Balâgha). L’adoration des deux premiers groupes n’est pas dépourvue du vice ou d’associationnisme discret, c'est-à-dire qu’à leur insu, ils associent à Dieu d’autres forces, et font preuve en réalité d’amour excessif de soi.

Les deux premiers types d'adoration sont ceux du commun des mortels, tandis que le troisième présente une dimension gnostique fondée sur l’Amour universel. L’adoration commune est validée du point de vue du droit religieux (fiqh), mais le croyant doit faire des efforts pour que son adoration soit de la troisième sorte, l’adoration par l’esprit et l’Amour. L’attitude des hommes et des femmes libres qui se sont libérés du choix entre le Paradis et l’enfer est celle qui consiste à exprimer à Dieu les louanges et les grâces pour Ses bienfaits. Ils n’adorent pas Dieu par peur de l’enfer, ni dans l’espérance du Paradis. A leurs yeux, même si un péché n’entraînait pas une punition, la reconnaissance des bienfaits de Dieu suffirait pour empêcher les hommes de tomber dans la désobéissance.

L’Imam 'Alî a dit : « Si Dieu n’inspirait pas la peur pour les désobéissances à Ses commandements, il serait encore obligatoire de Le louer et de Le remercier pour ses bienfaits. » (Nahj al-Balâgha, sagesse numéro 290). La sagesse qui réside dans l’adoration, d’après l’Emir des croyants, ‘Alî (as), est de nature mystique. Les paroles de l’Imam sont la source des conceptions mystiques de l’adoration ; conceptions qui sont d’ailleurs confirmées par les paroles du Noble Prophète de l’islam (s). L’Envoyé de Dieu a dit en effet : « Le meilleur des hommes est celui qui aime adorer Dieu, qui embrasse l’adoration, qui l’aime de tout son cœur. S’il s’y attache de tout son corps et qu’il libère totalement son esprit pour l’adoration de Dieu. Un tel être n’a aucun souci dans ce monde pour affronter les difficultés ou pour avoir la paix. » (Bihâr al-Anwâr, volume 67, page 253). En résumé, la meilleure adoration est celle qui repose sur l’amour de Dieu. L'une des raisons en est que celui qui est motivé par la peur de l’enfer ou la convoitise du paradis perd de vue son objectif premier qui est Dieu, et Dieu devient même un simple moyen pour lui de parvenir à son but. L’Amour de l’adoration appartient aux pèlerins dans le chemin de Dieu. Ainsi, les hommes ayant atteint de hauts degrés spirituels sont ceux qui éprouvent de l’amour pour l’objet de leur adoration. La véritable adoration est celle qui est inséparable de l’amour.

Les cultes rendus par peur ou par convoitise de quelque intérêt n’ont pas une grande valeur selon le point de vue de l’islam. Ils n’ont de valeur qu’en tant qu’éléments conduisant l’homme à percevoir une dimension supérieure et à souhaiter y parvenir. Cela est comparable à ce qu’un père fait avec son enfant : il le menace ou lui promet des choses pour le convaincre d’aller à l’école. Mais cela ne signifie pas qu'aller à l’école soit quelque chose qui soit sujet à transaction, ou pour lequel on devra payer : au contraire, l’école a une valeur intrinsèque, mais comme l’intelligence et la conscience de l’enfant ne le comprennent pas encore, il faut le motiver par des bonbons ou une bicyclette.

Ceux qui cheminent sur la rue du Bien-aimé sont de deux sortes : les uns s’y engagent d’eux-mêmes, les autres sont convoqués.

Voici ce que dit le Coran à propos du prophète Ibrâhîm (Abraham) :
« Il dit : " J’émigre vers mon Seigneur. Lui me guidera " ». (As-Sâfât (Les rangés) ; 37 : 99).

Quand il est question de la rencontre de Mûssâ (Moïse) avec Dieu, voici en quels termes le Coran rapporte l’évènement : « Or quand Moïse vint à Notre rendez-vous et que Son Seigneur lui parla, il dit : " O^ mon Seigneur, montre-Toi à moi pour que je Te voie ! " Dieu dit : " Tu ne Me verras pas ; mais regarde la montagne : si elle reste ferme en sa place, alors tu Me verras ". Or quand son Seigneur se manifesta à la montagne, Il la pulvérisa et Moïse tomba foudroyé. Puis revenant à lui, il dit : " Gloire à Toi ! Je me repens à Toi. Je suis le premier des croyants " ». (Al-A'râf ; 7 : 143).

Comme on le voit, il est question de venir : " Moïse est venu à Notre rendez-vous…"

Au sujet de l’Envoyé Muhammad ibn ‘Abdullâh, il est question du verbe faire porter et non du verbe venir.

« Gloire et pureté à Celui qui de nuit, fit voyager Son serviteur de la Mosquée Al-Harâm à la Mosquée Al-Aqsâ dont Nous avons béni le pourtour, afin de lui découvrir Nos signes. C'est Lui, vraiment, l’Entendant, le Clairvoyant ». (Al-Isrâ' (Le voyage nocturne) ; 17 : 1)

L’adoration possède donc de nombreux degrés dont certains constituent le but intermédiaire et d’autres, le but final. D’autre part, les actes des hommes sont limités et leur contemplation est illimitée. Par conséquent, les rites d’adoration pratique sont limités et les adorations par la contemplation sont illimitées. Pour l’Imam 'Alî (as), l’amour et la sincérité sont les éléments fondamentaux de l’adoration. Sans l’amour, l’adoration est incomplète et sans la sincérité, l’adoration n’est pas acceptée. Le signe de la sincérité dans l’adoration consiste dans la compatibilité et l’harmonie entre l’intérieur et l’extérieur, le fond et l’apparence, les paroles et les actes, dans l’homme. L’Emir des croyants a dit : « Celui chez qui le fond et l’apparence, les actes et les paroles ne sont pas séparés ni doubles est un homme qui est digne de confiance, et son adoration est accomplie de façon convenable. » (Nahj al-Balâgha, lettre numéro 26).

Références :
Motaharî, Mortezâ, Jahânbînî-e towhîdî (La vision du monde basée sur l'unicité), pp. 42-43 ; Motaharî, Mortezâ, Fetrat (La nature divine originelle), pp. 61-62 ; Motaharî, Mortezâ, Majmû'eh-ye âthâr (Anthologie), Vol. 16, pp. 413-416 ; Motaharî, Mortezâ, Seyrî dar Nahj al-Balâgha (Une étude de Nahj al-Balâgha), p. 86 ; Ayatollah Javâdî Amolî, Hekmat-e nazarî va 'amalî (Théosophie théorique et pratique).