La méthodologie de Mawlânâ dans le Mathnawî

La méthodologie de Mawlânâ dans le Mathnawî
Dès le commencement de sa rédaction, l’œuvre précieuse de Mohammad Jalâl ad-Dîn Balkhî Rûmî (604-672 de l’Hégire) a attiré l’attention de l’élite et des maîtres à penser ainsi que des spirituels de l’islam. La recherche et l’examen autour du Mathnawî (1) possèdent une longue histoire.

Des sages qui dans les cellules secrètes de la réclusion ont goûté aux aventures merveilleuses de l’amour réel, et ont entendu les révélations du secret bien gardé dans les arcanes de l’Invisible, nous ont laissé des œuvres de grande valeur en héritage. Ces hommes de perfection, chacun selon sa capacité et sa compréhension, et aussi selon son goût, c'est-à-dire selon ce que sa propre complexion spirituelle lui permettait de l'apprécier, ont ouvert la voie de l’étude de cette œuvre pour la faire connaître devant différents auditoires.

Malgré cela, le bilan des recherches de la méthode d’approche de cette œuvre immense en est encore à ses balbutiements. Etant donné la méconnaissance et le manque d’intérêt nécessaire pour la méthode utilisée par Mowlânâ dans le Mathnawî et de l’entrelacement singulier de ses motifs, la compréhension de cette œuvre est devenue problématique. En l’absence d’une connaissance des soubassements culturels (cognitifs), de sa méthode dans l’expression et la transcription par la parole de ses états spirituels tumultueux et de sa pensée, les hautes significations du Mathnawî sont parfois traitées comme une proie par des chasseurs sans compétence. Leur savoir est trop faible et creux. Ils se comportent en contempteurs trop englués dans leurs illusions et leurs passions pour espérer entrer dans les arcanes de cette œuvre sublime qui raconte l’histoire de l’Amour. Ces hommes à la vue courte se sont fixé pour tâche d’étendre leurs bras afin de détourner les significations du Mathnawî et de le polluer en débitant à son propos des banalités.

Par conséquent, la première étape indispensable pour comprendre et appréhender correctement et globalement cette œuvre éternelle, (dont on peut dire qu’elle est surement un vaste ensemble de réalités et de vérités profondes) est intimement dépendante de la maîtrise préalable de la méthode de Jalâl ad-Dîn dans son Mathnawî.

Dans cette perspective, nous avons essayé dans cet écrit de retracer les grandes lignes de cette méthode en nous référant à l’ensemble des "Cahiers" qui composent l’œuvre du Mathnawî et aux distiques plein d’excellence, avec un regard approfondi sur les fondations gnostiques et la vision du monde de Mowlânâ afin de redécouvrir une compréhension juste de l’approche et de la méthode de Mowlânâ dans la rédaction du Mathnawî.

La vision du monde de Rûmî
Pour la connaissance et la découverte du Mathnawî, il faut d’abord s’intéresser à la vision du monde particulière à Mowlânâ. Quand on parle de sa vision du monde, il ne faut pas s’attendre à un exposé exhaustif et systématique ou à un examen scientifique de la vie ordinaire. Mowlânâ possède une façon de s’exprimer, d’exposer les choses selon une « méthode » qui avance par à-coups subits, par des extases de l’âme, c'est-à-dire des états qui ne sont pas comparables aux « méthodes » de l’enseignement professoral. De façon générale, on peut dire que compte tenu de la diversité des dimensions et de l’extension des capacités psychiques d’un cerveau qui a atteint sa maturité, il serait tout à fait vain de s’attendre à un exposé systématique de l’enseignement d’une école de pensée philosophique et d’une conception générale du monde ou aussi d’un regard scientifique ordinaire.

Ceux qui cherchent à insérer cette montagne majestueuse de science dans les catégories habituelles de la philosophie comme celles du platonisme, de l’aristotélisme, de l’illumination néoplatonicienne ou du réalisme, ou dans le moule classique de la connaissance et de l’action, ignorent tout ou partie de ce qu’est la psychologie de Rûmi, ou sont à ce point attachés à ces catégories qu’ils sont incapables de concevoir l’existence d’une catégorie supérieure... (2)

Il ne faut donc pas faire fausse route et s’imaginer que Rûmi n’a pas une conception élevée du monde. Il a un regard spécial sur le monde, un regard sur l’existence. Sa vision du monde est une vision gnostique, car l’axe principal de la vision gnostique du monde est celle de l’unité de l’être. (3)

Cela signifie que l’univers, le monde existe en tant que manifestation de Dieu (Haqq (4) ). Tout ce qui est, est considéré comme une apparition de l’essence parfaite des attributs de Dieu. Le monde est le miroir de Dieu. Le secret de cette épiphanie divine est l’Amour. Ce dernier est la cause première de l’apparition du monde. Les gnostiques s’appuient sur la tradition sacrée du Prophète qui dit : « J’étais un Trésor caché. J’ai aimé être connu. J’ai donc créé la création afin d’être connu ». C’est la fameuse tradition du Trésor caché (al-kanz al-makhfî). Ce principe se vérifie dans toutes les choses existantes, et il n’est pas de moindre atome qui ne soit pourvu de cet « amour pour Dieu ». La majesté divine règne sur tous les atomes de l’être. Cette majesté et cette grandeur que le verset du Trône a exposées de la façon la plus éloquente aux musulmans scrupuleux :

« Dieu : il n’est de dieu que Lui, le Vivant l’Agent suprême… » (Sourate Al- Baqara (La vache) ; 2 : 255).

Porter son attention sur la question de l’attraction de l’âme et de l’amour pour la compréhension de Dieu, exalté soit-Il, prendre conscience que l’univers de l’être fait partie d’une unité supérieure, et que sans cette connaissance, le monde serait privé du rayon de la lumière divine, et ne révélerait son existence à personne…

Aux yeux des grands maîtres de la gnose et des maîtres des états mystiques libérés de tout propos futile, étant donné que Dieu s’est manifesté en eux avec Son Nom : « Le Vivant » (al-Hayy), comme dans toute autre chose, toute l’existence est une manifestation d’un Nom de Dieu. C’est pourquoi, dans la vision mystique du monde de Mowlânâ, rien d’autre ne prévaut que la beauté, rien d’autre ne règne que la justice. Le monde est donc la manifestation de la beauté et de la majesté divine, et il n’y a en lui aucune imperfection ni aucun défaut.

Un autre principe de base de la connaissance gnostique que l’on retrouve dans la vision du monde de Mowlânâ est celui du retour ultime des choses à Dieu. Les choses retournent toutes au point même d’où elles sont venues à l’être. Mowlânâ exprime cela dans de beaux distiques :

Jozv hâ râ rûy hâ sû-ye koll ast

Bolbolân râ eshq bâ rûy-e gol ast

A^nche az daryâ be daryâ mî ravad

Az hamânjâ k-âmad ânjâ mî ravad

Les parties aspirent à la jonction avec le Tout

Les rossignols chantent leur amour à la rose

Ce qui vient de la mer retourne à la mer

Chaque chose retourne à son origine

(Mathnawî, Cahier 1, section 36)

La place de l’homme dans la vue spirituelle de Mowlânâ
L’homme est au centre de la vision du monde chez Mowlânâ. Il reçoit un traitement spécifique dans son œuvre. En témoignent de nombreux vers du Mathnawî. Cela peut se comprendre aisément : car si toutes les créatures sont rattachées à un ou plusieurs Noms divins dont elles sont les manifestations, l’homme lui, occupe une place encore plus importante : il est le microcosme, (âlam-e saghîr), alors que le monde est le macrocosme, (âlam-e kabîr)

Chîst andar khom ke andar nahr nîst

Chîst andar khâneh k-andar shahr nîst

I^n jahân khomm ast o del chon jûy-e âb

I^n jahân khâneh ast, del shahrî ‘ojâb

Qu’y a-t-il dans l’amphore, qui ne soit pas dans le fleuve ?

Qu’y-t-il dans la maison qui ne soit pas dans la ville ?

Ce monde est comme la cruche, et le cœur est comme un ruisseau

Ce monde est une maison et le cœur une ville vaste et merveilleuse

(Mathnawî, Cahier 4, section 32)

De même, on considère que l’homme est le lieu de manifestation parfait et complet de tous les Noms et attributs, ainsi que la manifestation parfaite de tous les Noms divins, et qu’on l’appelle le « lieutenant de Dieu » (khalîfat Allah), et la manifestation de l’Esprit, car on juge que l’Homme occupe une station qu’aucune autre religion ne lui reconnaît.

Un autre thème qui revient souvent sous la plume de Mowlânâ est celui de l’exil de l’homme sur cette terre. La véritable patrie de l’homme n’est en effet pas cette terre. Il y est venu comme un étranger, comme un exilé. Il est le seul être de son genre, quand il considère les autres créatures. Un exemple supérieur de cette vision de l’homme nous est d’emblée donné par les premiers vers qui ouvrent le Mathnawî, quand il parle de la plainte de la flute arrachée de sa roselière. Mais dans tout cela, il ne faut pas perdre de vue que le soubassement qui fonde le Mathnawî est la conception islamique du monde. Comme l’a confirmé le regretté Mohammad Taqî Ja’farî : « Aucun chercheur sérieux qui passerait en revue tous les aspects de l’œuvre de Mowlânâ ne pourra hésiter un seul instant au sujet du fait que Mowlânâ n’a jamais transgressé le système de croyance de l’islam. Bien au contraire : il s’est engagé d’un pas ferme sur la voie de cette idéologie, avec une foi bien ancrée. Le meilleur argument de l’engagement de Mowlânâ dans l’islam ressort de son appui très documenté sur les versets coraniques et les traditions prophétiques pour illustrer ou argumenter en faveur des idées que l’on trouve spécialement dans le Mathnawî. »

Dans la conception de Mowlânâ, les lois qui régissent le monde jouissent constamment d’un soutien de Dieu. L’univers obéit à ces lois, en tant que système ou dans ses parties et particules. Les chaînes de causalité sont aussi préservées. Les lois et les règles de fonctionnement de ce système obéissent à un Esprit qui se trouve au-delà de la nature.

Sang bar âhan zanî âtash jahad

Ham be amr-e Haqq qadam bîrûn nahad

A^han o sang khod sabab âmad va lîk

To be bâlâtar negar ey mard-e nîk

k-în sabab râ ân sabab âvard pîsh

bî sabab key shod sabab hargaz be khîsh

Si tu frottes la pierre contre le fer, tu fais jaillir du feu

C’est encore par ordre de Dieu qu’il en sort

Le fer et la pierre en sont les causes, mais

Regarde plus haut, toi, homme de bien

Car cette Cause-ci a fait venir cette cause-là

Sans cause, comment viendrait une cause par elle-même

(Mathnawî, Cahier 1, section 40)

On voit ainsi que pour Mowlânâ, toutes les lois de la physique qui gouvernent l’univers sont des Lois divines, loi de l’attraction universelle ou autre. Les lois que les savants de toutes les disciplines découvrent sont toutes des lois fixées par Dieu.

En considérant l’ensemble des étapes qui ont conduit à la vision du monde spécifique à Mowlânâ, des deux points de vue de sa culture sur le monde (en tant qu’objet et source de connaissance) et de sa contemplation, on s’aperçoit clairement que cela prouve très bien que pour lui, il est d’une nécessité vitale d’étendre l’espace des sciences d’investigation et des différentes méthodes pour pouvoir dégager une vision du monde, sans que cela conduise l’homme et ses activités pluridimensionnelles ainsi que ses capacités d’intelligence, au carcan de la connaissance exclusive du monde objectif.

L’expression spirituelle est la méthode de Mowlânâ dans le Mathnawî
Avant toute chose, Mowlânâ est un gnostique, un spirituel. Par conséquent, avant toute chose, il faut se familiariser avec la langue, l’expression et le vocabulaire des gnostiques, en particulier avec la littérature gnostique de Mowlânâ lui-même. Sans une connaissance des termes, des notions, des métaphores et autres images et figures de style employés par les gnostiques et que Rûmî déploie tout au long du Mathnawî, on ne comprendrait pas les enseignements et les significations supérieures des distiques de cette œuvre.

L’enchevêtrement de la présentation particulière à l’expression mystique, symbolique voire énigmatique, et les figures de style, usuelles ou élaborées de la langue persane, tout cela rend encore plus difficile à comprendre la littérature mystique du Mathnawî, au point que même les grands spécialistes de la gnose théorique le reconnaissent : « Chaque fois qu’un homme lit sa poésie, la variété de l’expression, la présentation simple des thèmes et la richesse des symboles qui hantent l’imaginaire de Mowlânâ, il se retrouve comme noyé dans la perplexité » (Annemarie Schimmel (5) , Shokuh-e Shams (6) ).

C’est pourquoi le chercheur qui souhaite en savoir plus sur la méthode du Mathnawî doit garder à l’esprit que Mowlânâ est avant tout un poète de la mystique. L’interprétation et l’explication des aspects de sa poésie dépendent directement de la perception de sa technique d’expression poétique puis de la connaissance de sa pensée mystique. Quand ces deux représentations sont mêlées de façon harmonieuse, on peut admirer au moins en partie la personnalité et l’œuvre poétique immense de cet homme. Par conséquent, on ne pourra pas se contenter d’une approche linguistique ou littéraire si on veut accéder vraiment au vaste espace où se déploie le génie de Mowlânâ. Car ce dernier ne peut pas être séparé de la gnose islamique dont il est l’un des plus éminents représentants. Il semble donc nécessaire de se familiariser longtemps avec la langue symbolique et ses référents intra-textuels ainsi que la pratique des spirituels avant d’aborder savamment l’œuvre de Mowlânâ.

La langue symbolique fait usage des figures de style, mais aussi des niveaux de significations auxquelles le Coran lui-même attache une importance. L’Apparent (al-Zâhir) et le Caché (al-Bâtin), rappelons-le, sont aussi des Noms divins. Un verset peut présenter plusieurs niveaux de significations. Il y a d’abord le sens apparent appelé aussi sens obvie, et une ou plusieurs autres significations qui se révèlent à l’esprit attentif et exercé. Le sens premier n’est jamais nié ou rejeté. Le sens figuré n’ « écrase » jamais le sens propre. Il s’en sert pour porter plus loin et plus profondément l’image du sens.

Le sens apparent n’est pas une métaphore pour le sens caché. Il fait appel à lui. Le sens apparent appartient aux gens qui ne voient que les apparences, et le sens caché appartient à ceux dont la vue est plus perspicace.

Il ne faut donc pas prendre l’expression soufie uniquement dans sa signification littérale, ou apparente. Mowlânâ prévient son lecteur en le mettant en garde contre une lecture au premier degré des textes mystiques. Quand on parle de l’oiseau de Vérité (morgh-e Haqq), il faut savoir que l’expression fait référence aux Oiseaux au sens que l’on trouve chez Attâr (7) , dans le Mantiq al-Tayr (Le langage des oiseaux), et désigne les âmes des disciples du maître qui voyagent vers la demeure du Sîmorgh (8) , en quête de la perfection auprès de Dieu. Mowlânâ dit :

Chon safîrî beshnavî az morgh-e Haqq

Zâherash râ yâd gîrî chon sabaq

Vângahî az khod qiyâsâtî konî

Mar khiyâl-e mahz râ zâtî konî

Estelâhâtî-st mar abdâl râ

Ke nabâshad zân khabar ghoffâl râ

Quand tu entendras le sifflement de l’Oiseau de Dieu

Tu penseras qu’il s’agit d’un sifflement habituel

Et tu le compareras à ce que tu sais du sifflement

Tu tomberas alors dans l’illusion pure

Ce sont là des conventions propres aux grands Saints (abdâl)

Qu’il faut tenir hors de portée des négligents

(Mathnawî, Cahier 1, section 155)

La méthode gnostique de Mowlânâ dans le Mathnawî
Comme on vient de le voir, l’usage que fait Mowlânâ de la langue est un usage gnostique. Dans la riche littérature gnostique du persan et des autres cultures gnostiques, cette façon symbolique de s’exprimer est la règle, comme chacun peut le constater, en ouvrant n’importe quel écrit des grands maîtres spirituels. Cela ne porte pas préjudice à l’homme ni au monde. En examinant l’ensemble de l’œuvre qu’il a laissée, il n’a rien nié des dimensions, des potentialités et des instincts de l’espèce humaine, ni des réalités du monde réel. Par conséquent toutes les connaissances, toute l’érudition de Mowlânâ, tout ce qu’il sait de l’homme, de la nature, du monde s’investissent au service d’une connaissance supérieure pour produire un son mélodieux de l’orgue de l’être…

Une autre question qui concerne l’approche gnostique de Mowlânâ est celle de la passion spirituelle. Il ne considère pas cette dernière comme un état éphémère survenant dans l’extase. Il condamne même cette sorte de passion, car elle est plus une adoration de l’état spirituel que l’adoration de Dieu.

La spiritualité de Mowlânâ rattache le mouvement de l’homme et du monde, pas au pur goût littéraire, mais aux racines foncières de l’ordre même du monde et de l’existence humaine. Il s’écrie : « Dans cette immense pièce théâtrale qu’est l’existence, nous sommes aussi bien les acteurs que les spectateurs. » (9)

L’inspiration coranique de Mowlânâ
Dans son Mathnawî, Rûmî fait constamment référence au Coran, Livre sacré de l’islam. Des centaines, voire des milliers de fois, il appuie ou illustre son propos par la citation d’un verset ou d’un fragment de verset. La pratique est si visible qu’il a été dit que le Mathnawî était un commentaire du Coran. En fait, ce dernier offre tant d’exemples à méditer, tant de métaphores, qu’il est tout à fait normal qu’un grand homme comme Rûmî s’en inspire. Comme le référent coranique est le référent littéraire premier de beaucoup d’écrivains et de poètes musulmans, les exemples que donne Rûmi sont facilement accessibles et lisibles par les lecteurs musulmans.

Le Coran dit : « Nous avons apporté dans ce Coran toutes sortes d’exemples pour les hommes.» (Sourate Al- Isrâ' (Le voyage nocturne) ; 17 : 89)

Les héros du Coran sont devenus partie intégrante de la littérature musulmane. En s’en inspirant, Mowlânâ alimente son œuvre en images riches et colorées de l’existence humaine, de l’univers entier, pour produire des vers profonds et attrayants que les lecteurs retiennent facilement tant leur impact est grand sur les cœurs et les esprits. Mowlânâ a utilisé environ 2200 versets coraniques soit pour appuyer son propos, soit pour en faire apparaitre une signification nouvelle aux yeux du lecteur. Si nous rassemblions l’ensemble des versets et de leurs contextes, cela représenterait facilement les deux tiers du Coran, ce qui a fait dire à un grand maître de la théosophie iranienne, Mollâ Hâdi Sabzevarî (10) , que le Mathnawî était un commentaire du Coran.

La connaissance parfaite du contenu du Coran par Rûmi
La nombreuse présence des notions coraniques dans le Mathnawî témoigne de la connaissance parfaite et rarement égalée de Rûmi du contenu de l’enseignement coranique. Outre le fait que l’environnement naturel dans lequel il a vu le jour et grandi, est celui de la culture musulmane, il a aussi calqué sa vie dans ses moindres détails, au plus près du modèle coranique. Les nombreuses références aux versets coraniques suffisent pour en attester et on peut en réalité généraliser cela à l’ensemble de l’œuvre qui baigne naturellement dans une ambiance ultime qui est forcément coranique. On peut difficilement trouver un passage qui ne soit pas rattaché par un lien ou un autre à cette préoccupation majeure qui est celle de Rûmî : montrer que le monde est régi entièrement, bon gré mal gré, par le Coran.

Il n’y a donc aucun doute que la source première des idées de Rûmî soit bien le Coran. Rûmî fait preuve d’une maîtrise parfaite de l’océan coranique pour y plonger jusqu’au fond, en rapporter les meilleures perles et s’en servir comme parure de son éloquence, et comme des arguments irréfutables de son exposé.

Il lui arrive de ne citer que quelques mots d’un verset qui peut en compter plusieurs. Outre ce qu’impose la poésie et qui peut justifier cette pratique, Rûmî sait aussi que le lecteur musulman, de son temps en tout cas, pouvait facilement en deviner la suite. Il y a aussi une autre raison plus subtile. C’est que Rûmî préfère laisser s’exprimer le verset, fut-ce par allusion, que donner lui-même sa propre version des choses.

Rûmî construit une œuvre cohérente, ordonnée, uniformément inspirée, et en même temps enrichie par les images, les récits coraniques, et par l’inspiration poétique renouvelant et relançant l’ambiance de chaleur et d’amour qui entretient le Mathnawî. Rûmî a la maîtrise de la mise en scène littéraire.

Au sujet de l’épreuve à laquelle est soumis le peuple de Jonas (Yûnus), Mowlânâ écrit :

Qowm-e Yûnos ra cho peydâ shod balâ

Abr-e por âtash jodâ shod az samâ

Barq mî-andâkht mî suzîd sang

Abr mî ghorrîd , rokh mî-rîkht rang

Quand l’épreuve s’abattit sur le peuple de Jonas

Un nuage de feu se détacha du ciel

Il envoyait des éclairs brûlant les rocs

L’orage rugissait, et les visages palissaient

(Mathnawî, Cahier 5, section 66)

On comprendra alors pourquoi une connaissance suffisamment familière du Coran est requise pour approcher le Mathnawî, pour au moins avoir une chance d’appréhender la façon dont Rûmi s’inspire du Coran et avec quelle prudence !

Dans une autre section, à la suite de cet article, nous aborderons les formes de l’imagination mises en œuvre dans le Mathnawî, les influences littéraires et des auteurs anciens comme Sanâ’î (11) , les fables de Kalîla wa Dimna (12) , le bestiaire de Mowlânâ, et d’autres thèmes.

back to 1 Le mot mathnawî (en arabe désigne quelque chose qui va de pair) désigne un genre poétique écrit en distiques, c'est-à-dire en vers rimant deux à deux. Dans son Mathnawî, Rûmî expose son enseignement mystique, en 25 616 distiques, en le fondant sur le Coran, la tradition musulmane, et les récits d’initiation mystique.

back to 2 Mohammad Taqî Ja’farî, Mowlawî va jahân bini (Mowlavi et les conceptions du monde), p. 22. Ce livre est une étude se voulant scientifique et comparatiste sur les liens profonds que Mohammad Taqî Ja’farî croit déceler a posteriori entre la pensée de Mowlânâ et les écoles et doctrines telles que le bouddhisme, le néo-platonisme, la philosophie illuminative de Sohrawardî, le système de Kant les pensées cartésienne et réaliste, ainsi que d’autres systèmes qu’il serait long d’énumérer ici, comme la monadologie de Leibniz, la philosophie de Hegel, etc. M. Taqî Ja’farî procède à l’exposé des pensées en question et les confronte avec l’enseignement de Mowlânâ. Ce livre a été publié en 1980, du vivant de l’auteur, et a depuis été réimprimé à plusieurs reprises.

back to 3 Mortezâ Motahari, ‘Erfan-e Hâfez (La gnose de Hafez), p. 84. Mortezâ Motaharî (1920-1979), religieux iranien, professeur d'université et homme politique. L'un des idéologues principaux de la Révolution islamique en Iran. Motahharî était membre du Conseil de la Révolution d'Iran quand il fut victime d'un attentat.

back to 4 Le Réel, un des Noms de Dieu, figurant dans le Coran. Chez les soufis, en particulier, ce Nom sert à désigner Dieu en tant que manifestation totale conformément à l'interprétation du verset : « Nous leur montrerons Nos signes dans les horizons et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu'ils voient qu'Il est le Réel » (Sourate Fussilat (Les versets détaillés) ; 41 : 53)

back to 5 (1922-2003) La très regrettée orientaliste allemande de renommée mondiale. Elle a enseigné à l'Université de Harvard de 1967 à 1992. Elle a écrit plusieurs ouvrages sur le soufisme et en particulier sur la mystique de Rûmî dont elle est considérée comme la plus grande spécialiste occidentale.

back to 6 L’un des plus grands ouvrages de A. Schimmel, très apprécié surtout en Iran. Son livre Rumi : Ich bin der Wind und du bist Feuer. Leben und Werk des Mystikers. Ko"ln 1978, a été traduit en anglais sous le titre de The Triumphant Sun, the life and works of Rumi, et en français sous le titre: L'Incendie de l'âme, l'aventure spirituelle de Rûmî, Albin Michel, 1998.

back to 7 Farîd ad-Dîn ?Attâr Neyshâbûrî (en persan : فَر?دالدّ?ن عطّار نِ?شابور?), grand poète persan. Il renonça à son commerce lucratif pour la gnose. Il est connu surtout pour son Mantiq al-Tayr, un poème moral et mystique qui a été traduit en France sous le titre « La conférence des oiseaux » aux éditions Albin Michel (1996, épuisé), réédité aux éditions du Seuil en 2010. 'Attâr trouva la mort lors de l'invasion mongole.

back to 8 (En persan : سيمرغ) Oiseau mythique et fabuleux de la mythologie perse. Il y aurait certainement une intention de la part d’Attâr de désigner son « héros » par le terme de Sîmorgh. Décomposé en deux mots sî (30 en persan) et morgh (oiseau en persan) le mot signifierait : Trente oiseaux. Attâr commence son récit avec trente oiseaux au départ, mais trente oiseaux solidaires aspirant tous à la Vérité. Ils se rassemblent pour parvenir à leur but, celui d’atteindre, le pensent-ils, le grand Oiseau Simorgh. Or, lorsqu’ils s’unifient et ne forment qu’un seul corps, grand, majestueux, volontaire et fort, ils constatent, et le lecteur avec eux, que Simorgh n’existe pas en dehors d’eux-mêmes... Par cette union des 30 oiseaux, certains ont fait aussi allusion aux 30 parties (joz’) en lesquelles se divise le Coran, qui sauveront les Croyants qui les auront assimilés.

(01/05/2011 15:12:17)

back to 9 Mohammad-Taqî Ja’farî, Mowlawî va jahân bini, p.48.

back to 10 (En persan : ملا هاد? سبزوار?) (1797 / 1873) Théologien, philosophe et poète iranien de la période des Qâdjârs. Il a laissé une œuvre philosophique considérable, et est toujours au programme de l’enseignement dans les écoles religieuses iraniennes. Grâce à Henry Corbin qui a signalé son importance, il est désormais connu en Occident.

back to 11 (En persan : ابوالمجد مجدود ‌بن آدم سنا?? غزنو?) Abul-Majd Majdûd ibn A^dam Sanâ'î Ghaznavî, surnommé Hakîm (qui veut dire le sage), était un poète mystique de l'Afghanistan qui vécut au XIIe siècle. Son œuvre a eu une influence certaine sur Jalâl ad-Dîn Rûmî auteur du Mathnawî Ma'navî et sur bien d'autres. Son œuvre principale, un poème de 11 000 vers : Hadîqat al-Haqîqa, ou Le jardin de la vérité, continue d'être lue et commentée.

back to 12 (Dérivé du sanskrit Karataka et Damanaka) (en persan :کل?له و دمنه), Kalîla va Dimna sont les deux héros d’un recueil de contes allégoriques qui raconte des fables des animaux, comme d'ailleurs les deux noms servant de titres qui désignent deux chacals appelés Kalila et Dimna. D'origine indienne, ces fables ont été traduites sous la commande d’un roi de Perse du VIe siècle, par un iranien islamisé ayant appris l'arabe. De la version pehlevi persane, Ibn al-Muqaffa donnera une version arabe en la modifiant et en l'enrichissant. Cette version est très répandue, encore de nos jours, comme les fables de la Fontaine qui s'inspira du grec Esope, qui lui aussi les auraient empruntées aux Indiens. « Les fables animalières de Kalila et Dimna » ont été traduites en français par André Miquel en septembre 1997. Editeur : Ipomée, collections : Herbes folles.

Dans la première partie, nous avons examiné la méthodologie de Mowlânâ Jalâl al-Dîn Rûmî, plus connu en Occident sous le nom de Rûmî, dans son célèbre Mathnawî-e Ma’navî, pour traiter de quelques thèmes importants comme la place de l’homme et de l’univers dans sa vision gnostique. Nous y avons aussi examiné en quoi consiste l’expression mystique en tant que méthode d’expression dans le Mathnawî, et comment Mowlânâ prend son inspiration du Coran. Dans cette deuxième partie, nous aborderons d’autres thèmes afin de compléter le tableau.

Les différentes sortes de figures de style dans le Mathnawî
Les formes nombreuses mais différentes d’imagination sont employées de façon récurrente dans différents contextes dans le Mathnawî. Maintes fois, Mowlânâ s’inspire pour cela du Coran. Comme cela a été mis en évidence, en s’appuyant sur le verset 54 de la sourate 18, la Caverne (Al-Kahf) (1) , il s’emploie à tirer parti en diverses occasions de ces formes d’expression littéraire. On peut mentionner un très grand nombre de cas modèles qui se présentent sous la forme d’images, de métaphores empruntées au Coran, comme l’être humain et ses lieux privilégiés de vie, en s’inspirant de la création d’Adam et de son épouse, les sortes de nourriture, les noms employés pour désigner les villes, etc.

L’inspiration principale de tous les mystiques, y compris Mowlânâ, est pourvue par un verset du Coran auquel ils se sont fortement attachés : « Nous leur ferons voir Nos signes dans les horizons et dans leur âme… ». (Sourate Fussilat (Les versets détaillés) ; 41 : 53). Cette Parole divine a offert des possibilités innombrables aux mystiques, car elle leur a permis de contempler la puissance créatrice de Dieu en chacune des facettes et formes de la vie. Une puissance qui se manifeste dans la matière inerte, dans l’arc-en-ciel, dans la rose et l’oiseau, dans l’homme et dans l’ange.

Au centre de toutes les formes de l’imagination se trouve « Shams » qui signifie soleil, qui est la comparaison ou la métaphore préférée de Mowlânâ à cause du fait que ce nom compose bien avec le nom de son bien-aimé en mystique, Shams al-Dîn Tabrîzî. Et l’expression coranique « wa-l Dhuha » (Par l’éclat du jour) ouvrant la sourate du même titre (numéro 93), et que les mystiques qui ont la fibre poétique emploient souvent pour décrire la splendeur du visage de l’Envoyé de Dieu (s), nous fournit la racine coranique de cette métaphore.

Un exemple de ces formes d’images chez Mowlânâ dans le Mathnawî est celui du symbolisme de l’eau. En s’inspirant du Coran, il perçoit l’eau comme un signe de la bonté généreuse de Dieu, et il la dépeint sous différentes formes. Le symbolisme de l’eau aboutit aux images de jardin et de verger, parce que Dieu a annoncé aux croyants, dans plusieurs versets coraniques, qu’Il les fera résider dans des demeures entourées de jardins et de vergers attrayants. « … Des jardins sous lesquels coulent des rivières. » (2) Le jardin et tout ce qu’il contient est une métaphore toute prête pour exprimer la puissance créatrice de Dieu, Sa bonté et Son effusion sont aussi une représentation anticipée de la félicité du Paradis que les croyants pourront contempler à la fin des temps.

Le Coran et les différentes formes d’images dans le Mathnawî
Une autre manière de produire des métaphores et des comparaisons chez Rûmî est empruntée au règne animal. Son point de départ dans ce domaine est l’inspiration coranique qui appelle les hommes à méditer et réfléchir au sujet des signes divins. « Que ne considèrent-ils les chameaux, comme ils furent créés » (Sourate Al-Ghâshiyah (L'enveloppante) ; 88 : 17)

L’intérêt considérable de Rûmî pour les expressions imagées, avec sa vision profonde, le conduit à attirer l’attention de son lecteur sur l’animal le plus insignifiant. C’est la raison pour laquelle il ne délaisse aucun animal, petit ou grand : du lion, le roi des animaux, jusqu’à la fourmi, depuis le chameau jusqu’au moustique, du bœuf au hérisson et aux différentes espèces d’oiseaux qui sont une source importante de modèles pour ses métaphores, comme cela est le cas chez d’autres poètes de langue persane qui ont employé ces animaux comme illustrations. Mais Rûmî est attiré vers le monde de l’humain avant le monde de la nature inerte, et celui des plantes et des animaux. Et il est peu d’aspects de l’existence humaine qui n’aient pas fait l’objet d’une pareille approche de la part de Jalâl al-Dîn Balkhî.

S’inspirant des versets coraniques, il a traité ainsi de la création d’Adam, laquelle est décrite en plusieurs séquences dans les versets coraniques. Il l'a appliquée aux différentes étapes de la vie humaine, celles qui couvrent la croissance du corps aussi bien que celles de la maturité jusqu’à la perfection spirituelle. Jalâl al-Dîn Rûmî a également fait grand usage de la métaphore issue des repas et de toutes sortes de nourriture, bien qu’il fut lui-même un homme frugal et habitué au jeûne. Sa méthode et sa maîtrise intelligente des différentes figures de style séduit ses Amoureux. Ces derniers entendent son appel au vrai salut, même lorsqu’il est en mauvaise santé. Comme le Coran le dit : « Et si je tombe malade, c’est Lui qui me guérit » (Sourate Al-Shu’arâ (Les poètes) ; 26 : 8).

Rûmî amène son interlocuteur, lecteur ou auditeur soit-il, à voir en toute chose un lien avec le Créateur. Même les maladies somatiques qui sont normalement un signe de déficience psychique ne doivent pas affaiblir la Foi en l’Amour chez le Croyant qui sait en effet que :

Z-e darmân-ha bari gashtam, nakhâham dard râ darmân

Bemiram dar vafâ-ye To, ke To darmân-e darmâni

J’en ai assez des remèdes, je ne veux plus de remèdes à ma douleur

Je mourrai fidèle à Toi Qui es le remède des remèdes (Ghazal 2549 : 7)

Mowlânâ invite à avoir totale confiance en Dieu :

Vagar man dast-e khod khastam,

ham-U darmân-e man bâshad

Et quand je me blesserais la main,

C’est Lui-même qui sera mon remède. (Ghazal 578: 3)

Car il ne connaît pas d’autre refuge :

Biyâ be jâneb-e Dâr-o-shafâ-ye khâleq-e khish

k-az ân tabib nadârad goriz bimâri

Viens à l’hospice de ton Créateur où l’on guérit

Car à ce Médecin, nul malade ne peut se dérober (Ghazal 3055: 8)

***

Tout est unanime chez Rûmî. Parallèlement à ce que l’on vient de dire, les métiers et les professions des habitants de Konya sont aussi une source de certaines belles compositions poétiques, les images très anciennes du tissage et de la couture, associées à l’annonce coranique : « Leur vêtement là-bas ‘‘au Paradis’’ sera de soie » (Sourate Al-Hajj (Le pèlerinage) ; 22 : 23), lui donnent de nombreuses occasions pour présenter Dieu comme le Grand Tisserand ou comme le Couturier du devenir des hommes. La métaphore du scribe ou du calligraphe dont ont fait usage tous les poètes du monde musulman, et qui s’applique à Dieu comme le Grand Calligraphe, apparaît aussi dans les vers du Mathnawî, avec la même signification et la même fréquence. Or dans le Coran, on peut lire : « N. (3) Par le Calame. Et par ce qu’ils transcrivent » (Sourate Al-Qalam (Le calame) ; 68 : 1).

Mowlânâ s’inspire aussi des biographies laudatives des saints, rapprochés de Dieu (awliyâ Allah (4) ) dont le Coran dit : « En vérité, les bien-aimés d’Allah seront à l’abri de toute crainte, et ils ne seront point affligés » (Sourate Yûnus (Jonas) ; 10 : 62), des saints qui forment une chaîne d’or depuis les grands mystiques jusqu’aux prophètes, et décrit leur personnalité de façon palpable dans ses vers.

Il tire aussi un grand profit des images de la musique et de ses instruments afin d’enrichir la puissance de son expression. Le son de la flûte, évoqué dès le début du Mathnawî, est mis en rapport avec le récit de la création dans le Coran. Dans le verset où Dieu dit au sujet d’Adam : «… Quand Je lui aurai insufflé de Mon Esprit… » (Sourate Al-Hijr ; 15 : 29), on peut trouver un modèle pour l’image de la flûte qui se met à parler quand elle reçoit le souffle de son Bien-aimé divin.

Par conséquent, la mise en œuvre par Mowlânâ des figures de style pour évoquer de manière figurée toutes les dimensions de la vie humaine, ainsi que tous les éléments de l’existence terrestre, aussi bien les minéraux, que les végétaux et les animaux, s’inspire principalement de la méthode des versets coraniques. La présence de cette technique est telle qu’elle est signalée par tous les chercheurs dans le domaine de l’étude du Mathnawî qui en relève les subtilités et les finesses.

Comment le Mathnawî s’inspire des poètes antérieurs
L’art poétique de Mowlânâ et l’influence qu’il subit de ses prédécesseurs parmi les poètes méritent une attention spéciale. Rûmî a en effet subi l’influence de deux grands maîtres spirituels qui sont aussi comme lui deux grands poètes. Cette influence se fait sentir surtout dans le Mathnawî. Ces deux grands poètes mystiques sont Sanâ’î (5) et Attâr (6) .

Dans son Majâles al-Mu’minîn (7) , le cadi Nûrollâh Shûshtarî (8) a rapporté les vers suivants attribués à Rûmî :

Haft shahr-e eshq râ Attâr gasht

Mâ hanûz andar kham-e yek kucheh-im

Attâr a visité les « sept cités » de l’amour

Nous en sommes encore au coin de la première ruelle

Et :

Attâr rûh bûd o Sanâ’î do cheshm-e û

Mâ az pey-e Sanâ’î o Attâr âmade’-îm

Attâr fut l’esprit et Sanâ’î ses deux yeux

Nous sommes la suite de Attâr et de Sanâ’î

Il ne fait aucun doute que Rûmî tint en grande estime et vénération ces deux grands maîtres qu’il mentionna souvent. Même dans son autre grand ouvrage, Fihi mâ fîhi (9) (traduit en français sous le tire Le Livre du Dedans (10) ), grand livre de la mystique du XIIIe siècle, Rûmî fait l’éloge de Sanâ’î, et dans son Divân-e Kabîr (11) , il dit :

Jânî ke rû in sû konad bâ Bâyazîd û khû konad

Yâ dar Sanâ’î rû konad yâ bû dehad Attâr râ

L’âme qui se tourne de ce côté, se familiarise avec Bayazid

Ou bien se tourne vers Sanâ’î, ou sentira le parfum de ‘Attâr (Ghazal 24 : 15)

Et :

Agar ‘Attâr ‘âsheq bod, Sanâ’î shâh o fâyeq bod

Na în-am man na ân-am man ke gom kardam sar o pâ râ

Si Attâr était un amoureux, Sanâ’î serait un roi éveillé et vigilant

Pourtant, je ne suis ni comme l’un ni comme l’autre, ni mon cerveau ni mes jambes ne me servent plus

(Ghazal 60 : 6)

Ce vers atteste la supériorité de Sanâ’î sur Attâr, aux yeux de Rûmî. La comparaison laisse clairement voir que c’est bien Sanâ’î qui a sa préférence. Pourtant, comme c'est notre Rûmî que nous connaissons, il va au-delà de ses compliments. C'est vrai qu'il se décrit lui-même comme n’étant ni l’un ni l’autre, mais en réalité c'est pour suggérer qu’il s’est immergé dans l’océan de l’unité, là où il n’éprouve plus ni émotion ni raison.

Il est certain que Rûmî a été plus influencé par le sage de Ghazna (Hakîm-e Ghaznavî), c'est-à-dire Sanâ’î que par ‘Attâr. Aux yeux de Rûmî, ‘Attâr est qualifié d’amoureux de Dieu, alors que Sanâ’î est qualifié de roi et de vigilant. Quoiqu’il en soit, on ne peut nier que Rûmî a bien reconnu la grandeur de ses deux prédécesseurs dans différents endroits de son œuvre poétique. Il se prend à faire des jeux de mots avec les significations des noms de ces grands hommes, sanâ (12) signifie grandeur, fardiyat (13) , singularité de Farîd, prénom de Attâr, qui signifie aussi unique en son genre. Le terme fard (14) signifie aussi « esseulé » et désigne aussi une catégorie de saint.

An sanâ jû ke-sh Sanâ’î sharh kard

Yâft fardiyat ze ‘Attâr ân farîd

Cherche cette gloire que Sanâ’î a décrite en détail :

C’est à 'Attâr qu’il doit son excellence, cet unique (Ghazal 824 : 16)

L'influence de Sanâ’î sur Rûmî

L’éloge funèbre de Sanâ’î, faite par Rûmî, plus d’un siècle après sa mort, est l’un des poèmes lyriques (ghazal (15) ) le plus célèbre qu’il ait produit. Avec des mots simples, il suscite l’émotion :

Goft kasî : khâjeh Sanâ’î bemord

Marg-e chenîn khâjeh na kârîst khord

On a dit : le maître Sanâ’î est mort

La mort d’un tel maître n’est pas une mince affaire (Ghazal 996 : 1)

Sa sympathie, son affection et son attachement puissant pour ce poète de la génération précédant la sienne sont la cause de l’abondance des mentions de son nom dans de nombreux vers du Mathnawî, où l’influence spirituelle de Sanâ’î est frappante.

Faire l’éloge de la flute de roseau de la part de Rûmî est en soi un emprunt à Sanâ’î comme nous allons le voir dans le récit d’ouverture du Mathnawî, et qui fait le récit des secrets du roi, des secrets qui ont été confiés à un lac, ce que l'on retrouve aussi dans Hadîqat al-Haqîqa (16) (le Jardin de la Vérité). D’autres expressions du Mathnawî sont aussi empruntées au Dîvân de Sanâ’î, comme la feuille sans feuille (barg-e bî-barg) qui signifie la pauvreté et le contentement spirituels.

Pâye în meydân nadârî jâme-ye mardân mapûsh

Barg-e bî bargi nadârî lâf-e darvîshî nazan

Ne te revêts pas de la robe des Hommes

Ne joue pas les derviches, si tu n’as pas le contentement ! (17) (Mantiq al-Tayr)

La parole la plus profonde de Mowlânâ au sujet de l’invocation (doâ (18) ) a été copiée quasiment mot à mot, et c’est :

« La prière vient de Toi, et la réponse aussi est de Toi »

Ham doâ az tô, ejâbat ham ze tô (Mathnawî Ma’nawî, Cahier 2, Section 18)

Ce qu’a chanté ‘Attâr au sujet du feu de l’amour qui brûle toute chose :

Kas dar în vâdî be joz âtash mabâd

V-ânke âtash nîst ham ‘eyshash mabâd

Il n’y a personne d’autre dans cette vallée que le feu

Quiconque n’est pas de feu, qu’il ne vive point ! (Mantiq al-Tayr)

Mowlânâ emploie exactement la même image dans le Mathnawî :

A^tash ast în bang-e nây o nîst bâd

Harke în âtash nadârad nîst bâd

C’est du feu qu’est ce son de la flute, pas du vent

Quiconque en est dépourvu, qu’il soit néant (Mathnawî Ma’nawî, Cahier 1, Section 1)

De même, lorsque Mowlânâ veut donner l’exemple d’une personne qui louche, qui voit double tout ce qu’il perçoit, et qui est incapable de se représenter que ce qu’il voit est un, c’est encore dans le Mantiq al-Tayr (La conférence des oiseaux) qu’il va le trouver.

Cette comparaison est un bel exemple à donner aux associationnistes qui sont incapables de voir l’unité de Dieu. Ces exemples que nous venons de voir et des dizaines d’autres, mettent tous en lumière ce point que Mowlânâ avait une connaissance parfaite de la tradition poétique des poètes qui l’ont précédé et qui travaillaient selon la voie des gnostiques et il s’est largement appuyé sur cette tradition dans le Mathnawî.

Kalîleh et Dimna (19) , autre source d’inspiration pour le bestiaire de Mowlânâ
Mowlânâ avait une connaissance certaine de l’œuvre poétique et prosaïque de la littérature persane, comme l’épopée iranienne, Shâhnâmeh (20) (Le Livre des rois) de Ferdowsî (21) , Kalîleh o Dimna d’Ibn al-Muqaffâ’ ainsi que des œuvres de Khâqânî (22) . Cette érudition lui a permis de tirer profit du bestiaire de la littérature persane, selon la méthode du Kalîleh o Dimna. Comme l’a dit la spécialiste de Rûmî, Annemarie Schimmel : « La mise en scène de ces animaux dans le Mathnawî est tirée pour la plupart des cas des fables de Kalîleh o Dimna. Tous les récits mythiques que Mowlânâ a créés, à l’instar de beaucoup d’autres maîtres mystiques, se sont appuyés sur ces mêmes sources. Il est certain que Kalîleh o Dimna fut une source d’inspiration pour lui. Son penchant pour les figures de style usant du bestiaire est digne d’attention. Beaucoup de récits sont empruntés à ce livre, comme lui-même le reconnaît. »

Dar Kalîleh khândeh bâshî lîk

Qashr qesseh bâshad o în fakhr-e jân

Tu l’as lu dans Kalîleh, peut-être, mais

Ce n’était que l’écorce, alors que ceci en est l’âme (Mathnawî Ma’nawî, Cahier 4, Section 83)

Nous devons préciser qu’à l’époque de Rûmî, l’étude, ou pour le moins la lecture de ces livres, faisait partie de la culture générale d’un homme lettré, comme c’est le cas de Mowlânâ Jalal al-Dîn.

Comment Mowlânâ traite ses sujets dans le Mathnawî
Tout homme capable de penser comprendra aisément en consultant le Mathnawî que la méthode de Mowlânâ dans son ouvrage se distingue de la méthode de tous les autres auteurs. Il n’y a pas la moindre trace de division de l’ouvrage en chapitres ou en sujets. Ce qui se présente au regard du lecteur c’est d’abord l’éparpillement et l’absence d’ordre. Lorsque Jalâl al-Dîn ouvre un nouveau sujet de discussion, son poème le conduit de vers en vers à s’en éloigner et à aborder d’autres sujets. Parfois la relation entre ces derniers et le sujet initial demeure tout à fait claire et linéaire, parfois elle devient une relation ténue et indirecte, et dans d’autres cas, la distance entre le sujet supposé être traité et les questions traitées en digression, devient si grande que la relation linéaire se rompt totalement.

Mais derrière ce désordre apparent, Jalâl al-Dîn finit par établir un lien entre tous les sujets qu’il soulève en examinant le sujet qu’il a initialement posé. Cela est comparable à des idées ou propos d’un homme amoureux, idées et propos qui paraitraient décousus et absurdes pour des hommes ordinaires, mais qui en réalité retrouveraient leur cohérence si on se mettait dans la position du destinataire réel de ces propos, lequel n’est autre que la Bien-aimée. Les sujets dont traite Jalâl al-Dîn Rûmî, n’ayant pas d’autre idéal que l’amour de Dieu et d’autre but que de plonger dans l’océan infini de l'unicité divine, ces sujets sont en fait liés solidairement dans leurs significations. Cependant, rapportés à la pensée ordinaire et aux propos communs, ils semblent perdre leur cohérence, et amènent le lecteur à s’interroger sur les motivations ultimes qu’avait à l’esprit Jalâl al-Dîn Rûmî et quelle unité il comptait donner à cette association d’idées qu’il expose pêle-mêle. En réalité, il est possible, par un examen minutieux de tout le contenu, d’établir une relation entre les sujets discutés, sur la base des points suivants :

Premièrement, il fournit quelque explication au sujet du thème qu’il se propose de traiter, suivi de l’exposé et de la démonstration. Puis il se tourne vers l’un des sujets qu’il a exposés et traités, et il s’intéresse à ses significations au point que parfois ce même cas particulier, incidemment soulevé, prend une importance plus considérable que le cas principal qui l’occupait auparavant. Parfois, aussi, il arrive qu’au moment où il traite de ce même cas qui a attiré incidemment son attention, une autre question s’impose à lui, en prenant le pas sur le sujet rameau. Il s’investit alors dans l’étude de ce cas particulier, délaissant les autres pour y revenir incidemment plus tard. C'est-à-dire qu’il lui arrive de retourner à son sujet premier par une autre incidence. On voit ainsi que son « plan » lui est dicté par son cœur, et il n’obéit qu’à son « motreb » (23) intérieur qui l’inspire en permanence.

Ce genre d’écriture se retrouve à peu près chez tous les grands maîtres, et ne peut s’appréhender que par des esprits exercés.

Le soubassement de la spiritualité et de la vision du monde de Jalâl al-Dîn Balkhî
Ainsi, dans l’étude du Mathnawî, outre la façon dont Mowlânâ s’écarte du sujet principal pour un autre qui s’impose à lui, et la façon dont il met en plan toutes ces questions principales ou introduites en digression, il est indispensable de porter son attention sur le fait que tous ces sujets ont entre eux un lien logique, de telle sorte que le sujet initial n’est jamais perdu de vue, et qu’il ne faut pas s’imaginer que les vers ne présentent pas de cohérence entre eux ou qu’ils sont disposés de façon hasardeuse, en dépit du fait que leur axe et leur pilier est toujours l’amour divin. On en conclut qu’il est nécessaire d’assimiler la méthode ou l’art d’exposer de Mowlânâ si l’on veut connaître et comprendre le Mathnawî. La condition préalable à cette connaissance, c’est la connaissance des soubassements cognitifs de Jalâl al-Dîn Rûmî ainsi que de sa vision du monde.

Mowlânâ n’expose pas une vision systématique du monde que l’on pourrait ramener à des catégories ordinaires. Mais il importe de ne pas se figurer qu’il a outrepassé les limites de la vision du monde qui est celle de l’islam. Son appui direct ou indirect sur les versets du Coran et sur les traditions prophétiques, en les citant textuellement ou en en résumant le sens, témoigne de ce fait que pour Mowlânâ, les enseignements du Coran et de la Loi prophétique sont la base et la fondation de sa vision du monde. Dans cette approche, l’existence, dans son ensemble, n’est que la manifestation des noms et des attributs divins qui sont réels, et il n’y a donc rien d’autre que la manifestation du nom Le Réel (Haqq).

Avec cette hypothèse, il est nécessaire, pour comprendre le Mathnawî et la démarche de Rûmî, de s’initier à l’expression mystique et au langage symbolique ainsi qu’au discours qui règne dans cette ambiance.

L’expression mystique qui se manifeste dans les vers scintillants de la littérature persane, pleins d’énigmes et de figures de style qui, non comprises et mal assimilées, fermeraient tous les accès au contenu réel de l’œuvre. Une autre technique utilisée dans le Mathnawî est celle de l’emploi des figures de style qui s’inspire des formes employées par le Coran, et qui prend exemple aussi sur les pratiques des poètes prédécesseurs et les textes en prose de la grande littérature persane, comme les œuvres de ‘Attâr, de Sanâ’î, ou le Shâhnâmeh de Ferdowsî ou Kalîleh o Dimna de ‘Abdallah Ibn al-Muqaffa (mort au VIIIe siècle / IIe siècle de l’Hégire), qui ont déjà eu recours à l’usage merveilleux de la comparaison, de la métaphore, du récit exemplaire, et d’autres formes empruntées aux différents aspects de la vie et de l’existence.

La pratique répétée de la digression dans le Mathnawî donne l’impression de désordre, de dispersion et de non-sens dans la versification de Rûmî, mais ce dernier finit toujours par montrer qu’il a la maîtrise parfaite de son exposé et amène progressivement son lecteur à voir l’unité du récit, et à appréhender la morale ou la leçon de l’histoire narrée. On peut ainsi comprendre le jugement d’un grand expert du Mathnawî que fut le philosophe et théosophe Hâj Mollâ Hâdî Sabzevârî (24) pour qui « le Mathnawî est un commentaire du Coran ».

On voit ainsi que pour comprendre parfaitement le Mathnawî, une vaste culture embrassant beaucoup de domaines comme le Coran, la littérature arabe et persane, la poésie persane et arabe, la grammaire, le droit musulman, l’histoire et les légendes arabes et persanes, les techniques d’expression, etc., est requise. Et il n’y a pas de doute que Mowlânâ avait cette culture.

back to 1 Sourate mekkoise avec des ajouts médinois. Elle raconte le périple d’un groupe de personnes monothéistes qui fuient leurs pays gouverné par un tyran et qui dorment dans une grotte avec leur chien. Le mythe des « Gens de la Caverne » décrit l’état des « dormants » qui évoque celui des Ressuscités, le Jour de la Résurrection. En se réveillant, ils ne peuvent dire combien de temps ils ont dormi mais voient les changements. Ils sont donc la preuve de la Puissance de Dieu dans la Réincarnation des morts.

back to 2 La Promesse aux croyants de retrouver la paix dans une vie éternelle dans un Jardin où coulent des rivières d’eau fraîche, de miel ou de lait, est répétée plus d’une cinquantaine de fois dans le Saint Coran, parfois dans une même sourate. Cette répétition fait sans doute partie des secrets divins. Il est impossible d’énumérer tous les versets contenant cette Promesse de Dieu, mais citons-en quelques-uns pour mieux en montrer l’importance: (Al-Baqara (La vache) ; 2 : 25) ; (A^l Imrân (La famille de ‘Imrân) ; 3 : 15) ; (A^l 'Imrân (La famille de 'Imrân) ; 3 : 136 ; 3 : 195 ; 3 : 198) ; (Al-Nisâ (Les femmes) ; 4 : 13 ; 4 : 57 ; 4 : 122) ; (Al-Ma’ida (La table servie) ; 5 : 12 ; 5 : 85 ; 5 : 119) ; (Al-Tawba (Le repentir) ; 9 : 72 ; 9 : 89 ; 9 : 100) ; (Yunus (Jonas) ; 10 : 9) ; (Ibrâhim (Abraham) ; 14 : 23) ; (Al-Nahl (Les abeilles) ; 16 : 31) ; (Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 31) ; (Ta-Ha ; 20 : 76) ; (Al-Hajj (Le pèlerinage) ; 22 : 14 ; 22 : 23) ; (Al-Furqân (Le discernement) ; 25 : 10) ; (Mohammad ; 47 : 12) ; (Al-Fath (La victoire éclatante) ; 48 : 5 ; 48 : 17) ; (Al-Hadid (Le fer) ; 57 : 12) ; (Al-Mojâdila (La discussion) ; 58 : 22) ; (As-Saff (Le rang) ; 61 : 12) ; (At-Taghâbun (La grande perte) ; 64 : 9) ; (At-Talâq (Le divorce) ; 65 : 11) ; (At-Tahrim (L'interdiction) ; 66 : 8) ; (Al-Burûj (Les constellations) ; 85 : 11) ; (Al-Bayinah (La preuve) ; 98 : 8)…

back to 3 La lettre N traduit la lettre arabe Nûn. Certaines sourates commencent par une ou des lettres séparées, de façon encore mystérieuse, malgré des tentatives d'interprétation. Ces lettres sont appelées hurûf nûrâniyya, lettres lumineuses et sont au nombre de 14, soit la moitié du nombre total des lettres de l'alphabet arabe.

back to 4 Pluriel de waliy-Allah, signifie ami de Dieu, expression coranique désignant les saints en islam.

back to 5 (en persan: سنا??) (mort vers 1131) Surnommé le Sage (Hakim Sana’î) de Ghazna, ville en Afghanistan, Sana’î fut un grand poète de langue persane, auteur de la Hadîqat al-Haqîqa, un poème sur le mètre du Mathnawî, en distiques. Sanâ’î est. Sanâ’î est un poète de grande capacité. Son œuvre est encore très lue de nos jours.

back to 6 (en persan : فَر?دالدّ?ن عطّارنِ?شابور?) (1145-1221) Grand poète iranien qui quitta son commerce pour devenir plus tard un théoricien du soufisme.

back to 7 Titre d’une biographie des érudits religieux, des savants et des saints chiites. Cadi Shushtarî.

back to 8 (en persan: قاض? نور اُللہ شوشتر?) Qâzî Zîpa al-Dîn Nurollâh Shûshtarî: auteur du précédent. Homme de religion, juriste qualifié. Mort en 1610. Il est connu aussi sous le nom de Shahîd-e thâleth (3ème martyr).

back to 9 Fihi mâ fîhi, (le mot veut dire : Le livre contenant bien ce qu’il contient) titre de recueil d'entretiens, de dits et propos de Rûmî avec ses disciples. Cette œuvre est unique en son genre dans la prose persane car elle rassemble les thèmes les plus variés : questions, allusions, anecdotes, aussi bien que fables, versets coraniques, propos du Prophète, etc...

back to 10 ... dont la traduction par Eva de Vitray Meyerovitch, Le Livre du Dedans, paru en l’an 2007, chez l’Editeur Albin Michel.

back to 11 Divân-e Kabîr, autre nom pour le Ghazaliyât-e Shams-e Tabrîzî, deuxième grand ouvrage en vers de Rûmî.

back to 12 Sanâ : grandeur, élévation spirituelle.

back to 13 Fardiyat : singularité, rareté

back to 14 Fard : singulier. Pluriel, afrâd. Ce terme désigne aussi une catégorie de saints en islam, qui ont le degré d'hommes parfaits, mais qui n'ont pas de fonctions, et ne sont donc pas sous l'autorité du Pôle.

back to 15 Ghazal : terme arabo-persan désignant un poème lyrique où l’on exprime son amour.

back to 16 Hadiqat al-Haqîqa : titre de l’ouvrage en vers où Sanâ’î expose sa doctrine spirituelle. Ouvrage très lu de nos jours encore.

back to 17 Mantiq al-Tayr, Tashîh-e Mohammad Javâd Mashkûr, p.241, Ketâb forûshî Tehrân

back to 18 Do'â : prière, invocation plus ou moins longue, pour implorer l’aide divine.

back to 19 Beaucoup de manuscrits existent aujourd’hui de cet ensemble de fables qui reste du temps des Sassanides, mais le manuscrit original de la version pahlavi n’est malheureusement pas été conservé.

back to 20 Shâhnâmeh, Le livre des Rois, livre de l’épopée iranienne relatant l’histoire mythique des rois de Perse. Fut écrit par Abul-Qâsim Ferdowsî.

back to 21 (en persan : أبو القاسم منصور بن حسن طوس?), Abû-l-Qâsim Mansûr ibn Hasan al-Tûsî, (940-1020)

back to 22 (en persan : افضل ‌الدّ?ن خاقان? شروان?) Afzal al-Dîn Khâqânî Shîrvanî (Afzal al-dîn veut dire le meilleur de la religion.)

(1121-1198) Poète perse originaire du Shîrvan (dans l'actuel Azerbaïdjan) surtout apprécié pour ses magnifiques poèmes de cour, ses satires et ses épigrammes... Le roi Shirvanshâh Manûtchehr III le nommait Khâqânî.

back to 23 Terme soufi désignant celui qui attise l'ardeur chez l'audience, cela par son chant, par son instrument de musique ou par ses paroles

back to 24 Mollâ Hâdî Sabzevârî (en persan : ملا هاد? سبزوار?) (1797-1873), célèbre philosophe iranien musulman.

Références :
Motaharî, Mortazâ, Erfân-e Hâfez (La gnose de Hâfez) ; Ja’farî, Mohammad Taqî, Mowlawî va jahân bînî, (Mowlânâ et sa vision du monde) ; Foruzânfar, Badî’ol-zamân, Ahâdith Mathnawî (Les hadiths cités dans le Mathnawî) ; Mansûrî Lârijânî, Esmâ’il, Resâleh peydâyesh-e ‘Eshq, (E'pitre sur l'origine de l'amour) ; Ja’farî, Mohammad Taqî, Naqd, tafsîr va tahlîl-e Mathnawî, jeld-e 1 (Critique, commentaire et analyse du Mathnawî, vol. 1) ; Ja’farî, Mohammad Taqî, ‘Elal-e jazâbiyat-e kalâm-e Mowlanâ (Les causes de l'attirance des paroles de Mowlânâ).