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Qu’est-ce que la philosophie ?

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Qu’est-ce que la philosophie ?
La première question que l’on se doit d’aborder à propos de la philosophie est : Qu’est-ce que la philosophie ? Avant que nous ne donnions réponse à cette question, nous nous trouvons obligés de jeter un œil à un ensemble de débats qui sont venus répondre à cette question, et ainsi nous devons notamment présenter une courte introduction à un sujet qui est normalement cité dans les livres de logiques :

* Définition littérale et définition intellectuelle
Les logiciens disent que lorsqu’une question se pose à propos de ce qu’est une chose, l’objet de la question peut varier. L’objet de la question concerne parfois le sens et la signification du mot. C'est-à-dire que lorsque nous demandons : « Quelle est cette chose ? », la chose dont il est question est le mot dont il s’agit. Et ce que désigne « quelle est », c’est : « Quel est le sens littéral ou technique de ce mot ? » Supposez qu’au cours de la lecture d’un livre, nous tombions sur le mot « huppe » et que nous ne connaissions pas sa signification. Nous demandons alors à quelqu’un : « Qu’est-ce qu’une huppe ? » Il répond que la huppe est le nom d’un oiseau. Ou supposons que nous tombions sur le mot « mot » (kalameh (persan) / kalima (arabe) / كلمه) dans une formulation logicienne. Nous demandons alors à quelqu’un ce qu’est un « mot » pour les logiciens. Il répond que dans le vocabulaire des logiciens, le mot correspond à ce qu’est le verbe pour les grammairiens. Il est évident que le lien entre le mot et le sens est un lien de type conventionnel et technique, qu’il s’agisse d’un terme technique général ou spécial.

Lorsque l’on répond à ce genre de question, il faut s’enquérir des cas dans lesquels le mot est employé et/ou se référer à un dictionnaire. Il se peut que ce genre de question comporte des réponses multiples et que toutes soient justes, car il est possible qu’un mot, selon différents usages, comporte des significations différentes. Par exemple, un mot peut avoir une signification spéciale pour les philosophes et les logiciens, et une autre pour les littéraires. De la même manière, le terme « mot » (كلمه / kalameh / kalima) a une signification dans l’usage courant et également dans celui des savants en littérature, et il en a une autre dans celui des logiciens. Le mot « comparaison » a un sens pour les logiciens et en a un autre pour les juristes et ceux qui étudient les principes. Lorsqu’un mot admet deux ou davantage de significations au sein d’un unique usage, il faut alors préciser que ce mot a tel sens dans telle expression technique et tel autre sens dans telle autre expression technique. On appelle les réponses que l’on donne à ce type de question des « définitions littérales ».

Cependant, il arrive que la question « quelle est telle chose » n’attende pas la signification du mot, mais ce qu’est la réalité de sa signification. Nous ne voulons pas demander : « Quelle est la signification de ce mot ? » Nous en connaissons la signification mais nous ignorons la réalité, le fond de la signification, et c’est à ce propos que nous posons la question. Si par exemple nous demandons : « Qu’est-ce que l’humain ? » Il ne s’agit pas de savoir à quelle signification on a attribué le mot « humain ». Tout le monde sait que le mot « humain » désigne cette créature particulière qui se tient sur deux jambes et est douée de la parole. Au contraire, la question demande : « Qu’est-ce que la nature, la réalité de l’être humain ? » Il est évident que la réponse correcte à ce type de question ne peut être qu’une chose, car il n’est pas possible de lui donner plusieurs réponses et qu’elles soient toutes correctes. On appelle la réponse qui est donnée à ce type de question la « définition rationnelle ». La définition littérale précède la définition rationnelle. A savoir qu’il faut d’abord déterminer la signification du mot pour ensuite donner de cette signification précise la signification réelle. Sinon, cela sera cause de sophisme et de controverses déplacées.

Car dans le cas où un mot comporte plusieurs significations littérales et techniques et s’il s’agit d’un cumul de significations négligeables, il est possible que ces significations prennent pour objet un terme technique particulier et le définissent, négligeant le fait que chacune d’entre elle vise une chose en particulier qui est autre que la chose que l’autre vise de son côté et se querellent entre elles sans raison. L’absence de délimitation entre la signification littérale et la signification rationnelle cause à l’occasion des évolutions et des changements graduels qui apparaissent dans la signification d’un mot, et ceux-ci peuvent être mis à tort sur le compte de la signification rationnelle. Par exemple, prenons le cas d’un mot qui au début est employé dans un sens général, et qu’ensuite les usages changent et que ce mot se trouve maintenant employé lors d’exceptions. Si quelqu’un ne différencie pas la signification littérale de la signification rationnelle, il pourrait penser que ce sens général est réellement décomposé, alors qu’en fait aucun changement n’a modifié le sens général et que c’est au contraire le mot employé pour rendre ce sens général qui a cédé sa place et qui se trouve maintenant employé en cas d’exception à ce sens général.

A ce propos, de telles erreurs se sont glissées dans l’ensemble des philosophies occidentales et dans l’esprit de leurs adeptes orientaux et nous espérons trouver l’occasion de les expliquer lors des cours ultérieurs. Le mot philosophie est un terme technique qui a trouvé de nombreuses significations techniques différentes. Des groupes différents de philosophes ont donné une définition spéciale de la philosophie, or cette variété dans la définition et l’énonciation ne relève pas d’une réalité. Chaque groupe s’est mis à employer ce mot en fonction d’une signification particulière et a ensuite défini cette signification particulière en fonction de son propre objet.

Ce qu’un groupe nomme philosophie n’est pas nommé ainsi par l’autre groupe, qui peut éventuellement nier sa valeur au passage ou même l’appeler autrement, voire la considérer comme une composante d’un autre savoir. Et naturellement, selon la conception de chaque groupe, l’autre groupe n’est pas constitué de philosophes. C’est pourquoi, à la question « qu’est-ce que la philosophie ? » nous nous efforcerons de répondre en prêtant attention aux différents usages techniques employés. Nous commencerons par répondre à cette question du point de vue de la philosophie islamique. Mais avant toute chose, nous allons discuter l’étymologie de ce mot.

Le terme « philosophie » (falsafa (ar.) / falsafeh (per.) / فلسفه)
Ce terme comporte une racine grecque. Les savants anciens et modernes connaissant le grec ancien et l’histoire du savoir de la Grèce antique disent ceci : ce mot (falsafa dans le texte original) constitue la version arabe du mot philosophia. Le mot philosophia est composé de deux mots : philo et sophia. Le mot philo désigne l’amour et le mot sophia désigne la sagesse, et donc, le mot philosophia désigne l’amour de la sagesse. Platon présente Socrate comme le philosophas, soit l’amoureux de la sagesse. Par conséquent, le mot falsafa qui est la version arabe, désigne l’activité du philosophe. Avant Socrate apparaît un groupe de gens qui se nomment eux-mêmes les sophistes, c'est-à-dire les savants. Ce groupe qualifie la perception humaine comme étalon de la vérité et de la réalité, et emploie dans ses argumentations le faux raisonnement.

Le mot sophiste perd progressivement son sens original et prend celle de pratiquant du faux raisonnement, tandis que l’activité du sophiste – le sophisme - devient synonyme de pratique du faux raisonnement. Dans la langue arabe, le mot safsata / سفسطه est une construction basée sur le mot sophiste, qui s’applique maintenant dans la langue arabe et persane notamment (1) au fait de pratiquer le faux raisonnement. En raison de la modestie qui est la sienne, et peut-être également afin d’éviter de se trouver au même niveau que les sophistes, Socrate refuse d’être tenu pour un sophiste, c'est-à-dire un savant. C’est pourquoi il se décrit lui-même comme un philosophe, à savoir un amoureux de la sagesse. Progressivement, le mot philosophia, à l’inverse du mot sophiste, dont le sens chute de savant à celui de pratiquant du faux raisonnement, passe d’amoureux de la sagesse à savant. De là, le mot philosophie devient équivalent au mot savoir. Par conséquent, le mot philosophe n’est utilisé par personne avant Socrate en tant que terme idiomatique, ce qui est encore le cas juste après cette période, le mot philosophie n’ayant toujours pas de signification déterminée à ce moment-là. On dit qu’Aristote n’emploie pas non plus ce mot et que c’est après lui que les termes spécifiques de philosophie et de philosophes deviennent usuels.

La philosophie chez les musulmans
Les musulmans prennent le mot falsafa du grec. Ils établissent son paradigme grammatical arabe et lui donnent son paradigme grammatical oriental, se mettant à l’utiliser selon la signification inconditionnelle de savoir rationnel. Au sein de l’idiome courant des musulmans, la philosophie ne revêt pas le sens d’un art précis, d’un savoir précis, et tous les savoirs rationnels, opposés aux savoirs traditionnels tels le vocabulaire, la grammaire, la conjugaison, les significations, l’expression, la rhétorique, la prosodie, l’exégèse, le hadith, la jurisprudence et les principes, se trouvent englobés sous l’appellation générale de falsafa. Parce que ce mot a une signification commune, on appelle inévitablement philosophie ce qui réunit l’ensemble des savoirs rationnels de cette époque, soit la métaphysique, les mathématiques, les sciences naturelles, les sciences politiques, l’éthique et la sociologie de la famille. Et c’est en fonction de ces considérations qu’ils disent : « Le philosophe devient un monde de savoir semblable au monde même. »

Les divisions de la philosophie
Lorsque les musulmans veulent exprimer la division aristotélicienne au sujet des savoirs, ils utilisent indifféremment le mot philosophie ou le mot sagesse. Ils disent que la philosophie (le savoir rationnel) comporte deux parties : spéculative et pratique. La philosophie spéculative est celle qui discute les choses telles qu’elles sont tandis que la philosophie pratique est celle qui discute les actions de l’être humain telles qu’elles devraient être, en fonction de ce qui est convenable. La philosophie spéculative comporte trois parties : la métaphysique ou haute philosophie, les mathématiques ou moyenne philosophie, les sciences naturelles ou basse philosophie. La haute philosophie ou métaphysique se divise à son tour en deux, avec l’ordre universel et la théologie au sens propre. Les mathématiques se composent de quatre disciplines dont chacune correspond à un savoir : l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique. Les sciences naturelles se partagent également en de nombreuses parties et disciplines. La philosophie pratique se subdivise à son tour en éthique, sociologie de la famille et sciences politiques. Par conséquent, le philosophe complet rassemble tous les savoirs précités.

La philosophie ou savoir supérieur
Au regard de ces philosophes, parmi les nombreuses sciences que compte la philosophie, il s’en trouve une qui se distingue des autres. Il semble qu’elle soit, comme la tête, plus haute que les autres et c’est pour cela qu’elle est nommée : première philosophie, haute philosophie, savoir supérieur, savoir entier, théologie (au sens propre du terme), métaphysique. La distinction de ce savoir vis-à-vis des autres savoirs réside tout d’abord dans ce fait que, selon les anciens, il est plus discursif et plus apte à engager la certitude que tout autre savoir. Ensuite, il préside et gouverne l’ensemble des autres savoirs, se trouvant être en réalité le roi des savoirs, car les autres savoirs ont totalement besoin de lui tandis que lui n’a absolument pas besoin d’eux. Et aussi, il s’agit du savoir universel par excellence. Du point de vue de ces philosophes, la philosophie réelle correspond à ce savoir-là. C’est pourquoi le mot philosophie est parfois employé au sujet de ce savoir en particulier ; or, nous constatons que cet usage est rarement observé.

Au regard des philosophes anciens, le mot philosophie (falsafa / falsafeh / فلسفه) comporte deux significations. L’une, courante, a trait au savoir spéculatif absolu qui renferme l’ensemble des savoirs traditionnels. L’autre correspond à un usage rare qui concerne le savoir divin ou la philosophie première qui passe par les trois voies de la philosophie spéculative. Par conséquent, si nous voulons définir la philosophie en fonction des termes utilisés par les anciens tout en tenant compte des termes courants, la philosophie est comme un terme général et ne désigne ni un art particulier, ni un savoir particulier, ce qui fait qu’elle n’a pas non plus de définition particulière. Selon le terme générique couramment utilisé, la philosophie recouvre tout ce qui n’est pas connu par tradition, tandis que le fait de devenir philosophe implique de s’évertuer à embrasser tous les savoirs. C’est en donnant de l’autorité à cette signification universelle de la philosophie qu’on peut dire que la philosophie constitue la perfection de l’âme humaine, que ce soit du point de vue spéculatif ou du point de vue pratique.

La philosophie est le savoir concernant les états de la créature
Si nous analysons à présent le terme dans son acception inusuelle et si nous entendons par philosophie ce savoir que les anciens appellent philosophie réelle, philosophie première ou savoir supérieur, la philosophie dispose d’une définition consacrée, et à la question « Qu’est-ce que la philosophie ? » on peut donc répondre qu’elle correspond au « savoir portant sur les états de la créature dans le sens où la créature est, et non en celui qu’elle comporte une détermination particulière. Par exemple, le corps est, la quantité est, la qualité est, l’être humain est, la plante est, etc. »

Expliquons-nous. Les informations que nous avons à propos des choses en général sont de deux sortes : soit elles sont propres à une sorte et/ou à un genre déterminé, autrement dit, elles concernent les états, les règles et les accidents propres à une sorte ou à un genre déterminé, comme notre savoir portant sur les règles des nombres et/ou sur les règles des proportions, et/ou sur les états et les effets des plantes, et/ou sur les états, les effets et les lois du corps humain, etc. Nous nommons la première arithmétique ou connaissance des nombres, la seconde géométrie ou connaissance des proportions, la troisième botanique et la quatrième, médecine. Il en va de même pour les autres savoirs comme l’astronomie, la géologie, la minéralogie, la zoologie, la psychologie, la sociologie, la physique atomique, etc. Il se peut aussi qu’elles ne soient pas propres à un genre déterminé, c'est-à-dire que ce n’est pas parce que la créature est un genre déterminé qu’elle est soumise à ces états, ces règles et ces effets mais parce qu’elle est une « créature ». Autrement dit, le monde est parfois l’objet d’une étude qui se place du point de vue de la multitude et de sujets séparés les uns des autres. Le monde est aussi parfois abordé sous l’angle de l’unité, c'est-à-dire que nous envisageons la « créature » en ce sens qu’elle est, et de là, nous donnons suite à notre étude au sujet de l’unité qui englobe toute chose.

Comparaison pour une meilleure compréhension
En comparant le monde à un corps, nous voyons que notre étude à propos de ce corps est de deux types : certaines de nos études portent sur les parties de ce corps, comme par exemple la tête, les bras, les jambes ou les yeux de ce corps, et certaines de nos études portent également sur le corps en entier, comme par exemple : Quand ce corps est-il venu à exister et jusqu’à quand va-t-il durer ? Est-ce que ce « quand » à propos de l’ensemble du corps a un sens ou pas ? Est-ce que ce corps dispose d’une réelle unité faisant que la multitude de ses parties n’est qu’apparente et non réelle, ou n’est-ce là qu’une unité figurée, ne dépassant pas le niveau de l’unité industrielle qui lie les différentes parties d’une machine ?

Ce corps a-t-il une origine à partir de laquelle ses autres parties sont venues à exister ? Ce corps a-t-il une tête qui se trouve à l’origine de l’apparition de ses autres parties ou est-ce un corps sans tête ? S’il a une tête, cette tête jouit-elle d’un cerveau doté d’intelligence et de perception ou est-il creux et vide ? Est-ce que le corps entier jouit d’une forme de vie, jusqu’aux ongles et aux os ? Ou bien est-ce que l’intelligence et la perception de ce corps sont limitées à certaines créatures que l’on peut trouver parfois, comme le ver que l’on découvre dans une chair morte ? Et est-ce que ce ver appartient au règne animal dont l’être humain fait partie ? Est-ce que ce corps pris dans son ensemble poursuit un but et se mue vers la perfection et une vérité, ou bien est-il une créature sans but et sans dessein ?

Est-ce que l’apparition et la disparition des parties du corps sont accidentelles ou bien obéissent-elles à des lois de causalité, ce qui ferait qu’aucun phénomène n’existe sans avoir une cause et que chaque effet spécifique provient d’une cause particulière ? L’arrangement qui régit ce corps est-il un arrangement formel et immuable ou bien n’est-il régi par aucune nécessité ni formalité ? Est-ce que le bon ordre régissant les parties de ce corps est réel ou non ? Combien y a-t-il d’ensembles complets d’organes dans ce corps ? Ce volet de nos études qui portent sur la connaissance des parties du monde de l’existence correspond à la « science », tandis que celui qui porte sur le monde de l’existence vu dans son unité est la « philosophie ».

Ainsi, nous voyons qu’il existe des questions particulières qui ne ressemblent aux questions d’aucun savoir parmi les savoirs du monde qui s’enquièrent d’un existant particulier, et elles forment à elles seules une catégorie spéciale. Lorsque nous faisons l’étude de ce type de questions du point de vue de la connaissance des « parties des savoirs » afin d’aborder ces accidents d’un point de vue scientifique et de comprendre quels sujets comptent des questions de ce type, nous voyons qu’il s’agit des accidents qui concernent « l’être en tant qu’être ». Et bien entendu, l’explication et le développement de ce thème doivent être réalisés dans des ouvrages philosophiques détaillés. En sus des questions vues ci-dessus, à chaque fois que nous débattons au sujet de l’essence d’un objet, comme par exemple lorsque nous nous demandons ce que sont l’essence et la définition réelle du corps ou de l’humain, ou à chaque fois que nous voulons débattre à propos de l’existence, de ce qui est, des choses, comme par exemple lorsque nous nous demandons s’il existe un véritable cercle ou une véritable droite, nous revenons là encore à ce même savoir.

Car le débat à propos de l’objet comme le débat à propos des accidents revient à débattre de l’être en tant qu’être. C'est-à-dire que l’essence des accidents et des lois est constituée par l’être en tant qu’être. Ce débat est également très étendu et outrepasse les limites de ce cours.

Conclusion partielle
La conclusion de tout cela est que quand quelqu’un nous demande : « Qu’est-ce que la philosophie ? », nous ne pouvons lui répondre sans l’avoir auparavant informé que ce mot comporte un usage précis selon des groupes différents. S’il est question de définir le mot philosophie tel qu’employé par les musulmans, selon l’usage courant que l’on observe parmi eux, il s’agit du terme attribué à l’ensemble des savoirs rationnels et non du terme d’un savoir particulier que l’on pourrait définir. Et dans l’usage rare de ce terme, il s’agit de la philosophie première, soit de ce savoir qui débat au sujet des questions les plus générales qui soient à propos de l’existence et qui ne s’attachent à aucun thème en particulier ; il concerne donc tous les thèmes à la fois. Ce savoir étudie l’existence dans son entièreté, en tant qu’objet unique.

back to 1 Bien que l’auteur de l’article original évoque ici l’arabe et le persan, cela vaut également pour le français puisque dans les deux cas – comme dans beaucoup d’autres - ce sont des mots grecs simplement adaptés à la prononciation de ces langues.

La philosophie est le centre du savoir humain. Elle s’occupe de poser des questions et de donner des réponses au sujet de thèmes très généraux ainsi que de la place qui est celle de l’être humain dans ces dits thèmes ; par exemple, est-ce que le monde, les corps composés et leurs processus sont totalement matériels ? Est-ce que l’apparition ou la création du monde poursuit un objectif ? Sommes-nous capables de donner une réponse formelle ?

De découvrir certaines choses ? Sommes-nous libres ? Existe-t-il des valeurs absolues ? La différence fondamentale entre la philosophie et le savoir réside en ceci que les réponses philosophiques ne peuvent être confirmées par l’expérience. Une recherche à propos de la réalité de la philosophie nécessite une recherche à propos de la réalité de l’histoire de la philosophie. La philosophie, c’est la vie de la pensée. La philosophie, c’est le fait de questionner l’existence de la créature et c’est le savoir portant sur l’origine des créatures.

Philosophie : la voie perpétuelle
Platon considère l’existence des créatures comme des quiddités stables, Aristote comme une puissance passant à l'état d'actualisation, et Descartes dit : « Je pense donc je suis ! » Kant fait dépendre la métaphysique de la nature humaine et la juge limitée par la connaissance du bien et du mal, tandis que Hegel prend complètement ses distances avec la signification grecque de l’amour de la sagesse pour la considérer comme la sagesse en soi et la sagesse absolue. La compréhension de ces significations passe nécessairement par le fait de leur être attaché, et cet attachement ne peut simplement résulter de l’étude et de l’enseignement de la philosophie, c'est-à-dire du seul savoir de la philosophie.

C’est le parcours de la voie de notre pensée philosophique qui nous conduit à l’attachement pour ce sens. En outre, la pénétration de la pensée ancienne et des réflexions qui s’y rapportent constitue la condition de toute réflexion neuve. Cependant, il est nécessaire qu’arrive ce moment où l’être humain pourra entendre la voix qui l’appelle à la réflexion, non pas avec une opinion importune mais au contraire en s’en libérant, c'est-à-dire en se libérant de sa propre direction, de sa propre obstination. Là, l’être humain marchera vers la compréhension du sens et posera à propos de l’existence la question du cœur.

Lorsque la question du cœur sera posée, la distinction entre la question et la réponse n’aura même plus d’objet, car la question sera semblable à la réponse. Les philosophes certifient que l’on ne peut aller vers l’origine et l’essence des créatures et des choses que par l’attachement et selon les principes de la présence. La réflexion authentique consiste à pratiquer la langue de l’existence et celle des penseurs. Dans la voie de la pensée, la question et la réponse se rejoignent une fois.

Philosophie : étude approfondie des significations et des vérités
William James dit : « La philosophie n’est rien d’autre que l’accession à l’essence des vérités des choses et l’étude approfondie à propos de leurs significations profondes. Dans la chaîne des réalités, elle découvre l’essence de la dignité inhérente ou comme le dit Spinoza, leur essence essentielle ; de là, toutes les vérités se trouvent unies ensemble et convergent vers le ‘tout qui est au-dessus des totalités’.

En philosophie, il existe un plaisir ; on trouve même une attraction, un attrait dans le mirage des déserts du savoir de la métaphysique. Chacun de ceux qui étudient le savoir perçoit cela, tant que les nécessités catégoriques de sa vie matérielle ne le font pas chuter de sa hauteur de réflexion, le ramenant brutalement sur terre afin de l’immerger dans la lutte économique. La plupart d’entre nous, au printemps de notre vie, avons vécu des jours dorés au cours desquels nous avons réfléchi au sujet de cette parole de Platon disant : ‘La philosophie est un cher plaisir.’ Ces jours durant, l’amour d’une vérité simple teintée d’erreur était de loin préférable aux plaisirs physiques et aux pollutions matérielles. Nous entendions continuellement en nous la voix obscure qui nous appelait à ce premier amour, à cette première sagesse. »

La plus grande partie de notre vie n’a aucun sens et s’écoule dans la perplexité et une absurdité vaine ; nous combattons des désordres qui nous sont intérieurs et extérieurs, et pourtant nous sentons que si nous pouvions analyser notre esprit, nous y trouverions quelque chose d’important et d’essentiel. Nous recherchons la compréhension des choses : « Le sens de la vie consiste pour nous à ce que nous nous transformions en lumière, en feu ardent, ainsi que ce que nous rencontrons. » Comme Mitia dans Les frères Karamazov « nous faisons partie de ceux qui n’ont pas besoin de fortune, et qui ne veulent qu’une réponse à leurs questions. » Nous voulons découvrir la valeur et les perspectives des choses qui passent dans notre regard, et par cette découverte nous mettre à l’abri de la tempête des événements quotidiens. Nous voulons, avant qu’il ne soit trop tard, différencier les petites choses des grandes et les voir telles qu’elles sont en réalité, voir leur essence.

Thoreau dit : « Pour devenir philosophe, il ne suffit pas d’avoir des pensées subtiles, et même, de fonder une école particulière, il suffit seulement que nous aimions la sagesse et que conformément à ses lois nous ayons une vie simple, libre, loyale et digne de confiance. » Si nous ne trouvons que la sagesse, nous pouvons être sûrs que le reste suivra. Il donne cependant ce conseil : « La première chose : recherche le bon esprit, jusqu’à ce que les autres choses s’ajoutent ou qu’au moins, leur absence ne soit pas ressentie. » Notre vérité ne rend pas riche, mais elle apporte la liberté.

Philosophie : la découverte de l’existence des choses nous revient
Il existe des paroles de Wittgenstein que Schlick cite également, que la philosophie ne consiste pas en théories et en enseignements mais en activités et actions. Le produit, le résultat de la philosophie ne repose pas sur un ensemble d’explications, vraies ou fausses, car ce sont les savoirs qui doivent parvenir à ce type d’explications. Au contraire, elle se caractérise simplement par la mise en acte, l’assimilation et dans certains cas, la divulgation des absurdités. La phrase que l’on emploie parfois dit que la question « n’est pas résolue, mais liquidée », ce qui fait partie de ce qu’accomplit la philosophie.

« Les grands philosophes parlent toujours dans une langue qui leur permettent d’être compris par les gens ordinaires, par conséquent ces derniers ont au moins accès à l’essence, au distillat, sous une forme simple. La vision centrale et fondamentale des grands philosophes est simple. » (Russel) L’objectif du philosophe est d’exprimer la vérité et de ce fait, sa profession ne lui demande pas de faire des déclarations à propos des valeurs, son travail ne consiste pas à dire aux gens ce qu’ils doivent faire, car ce type de propos concerne les valeurs, et si l’on se réfère au sens précis du terme, elles ne sont par définition ni vraies, ni fausses. D’autre part, parce que son objectif n’est pas non plus de découvrir les vérités contingentes et expérimentales, il ne délivre pas, par sa profession, de règles synthétiques et expérimentales.

Le travail du philosophe diffère fondamentalement de celui du professeur d’éthique et du savant. Sa profession, fondée sur ces deux différences que nous venons d’évoquer, consiste à découvrir ce type de vérités analytiques qui révèlent des liens logiques entre les significations. La philosophie réside foncièrement et essentiellement dans l’analyse des significations. Après avoir pris place sur Terre, le premier devoir de la philosophie est la qualification.

Le philosophe désire analyser et qualifier nos différentes manières d’être au monde. La réalité de la philosophie est de découvrir l’essence de la créature ainsi que son mode d’existence. L’histoire du progrès de l’humanité, durant la construction de la culture et de la civilisation, provient entièrement de la bénédiction qu’apporte la réflexion philosophique. Car on peut bloquer l’ouïe, la vue et l’odorat et ne pas entendre, ne pas voir et ne pas sentir, mais on ne peut bloquer la réflexion et la compréhension, parce qu’elles ne sont pas entre les mains de l’être humain, étant courantes, intérieures et cachées. Selon le point de vue de Platon, le devoir de la philosophie n’est rien d’autre que faire se succéder la connaissance à la foi, le savoir spéculatif et de trouver des preuves intelligibles permettant d’attester la justesse des lois et des modèles auxquels la société se soumet aveuglément. Autrement dit, il s’agit pour elle de mettre à l’épreuve du raisonnement l’ensemble de ces lois et de ces modèles et d’acquérir une confiance à propos de leur exactitude, à la lumière de la raison (et non à celle de la foi).

Philosophie et savoir
Platon et Aristote considèrent la perplexité comme le point de départ de la philosophie. La philosophie est-elle réellement improductive ? Pourquoi doit-on accéder à la philosophie ? On pense que le savoir se trouve continuellement en progrès tandis que la philosophie perd du terrain, or ceci n’est dû qu’au lourd devoir qu’incombe à la philosophie, lourd devoir riche en rebondissements, qui consiste à résoudre des questions, des concepts, dont les accès n’ont toujours pas été ouverts aux méthodes relevant des savoirs : comme les concepts du bien et du mal, de la laideur et de la beauté, de la contrainte et du libre choix, de la vie et de la mort.

Dès qu’un champ de discussion et d’analyse de connaissances précises se trouve en contact avec des règles correctes, le savoir apparaît. Chaque savoir commence comme la philosophie et prend fin comme la technique ; il ressort avec des théories et suit son cours dans l’action. La philosophie, c’est l’interprétation théorique de l’inconnu, et/ou l’interprétation théorique des points qui ne sont pas encore éclaircis, en tout cas pas comme ils devraient l’être. La philosophie, c’est la première brèche qui lézarde la forteresse de la vérité. Le savoir est un pays conquis aux confins duquel existe une paix, dans lequel la connaissance et l’art du monde imparfait et stupéfiant nous édifient. La philosophie semble statique et stupéfaite, mais cela est dû au fait qu’elle a abandonné les fruits de sa victoire à ses frères, les savoirs. Elle poursuit son chemin en direction de l’inconnu et de terres vierges et pour cela, le désir spirituel comporte une satiété inacceptable. D’ailleurs, dans cette voie, l’opposition à la philosophie dessine en soi une forme de philosophie.

Le savoir se penche sur l’observation de résultats et sur l’acquisition de procédés ; la philosophie s’occupe de la critique et de la mise en ordre des extrémités, et comme aujourd’hui la profusion des procédés, des motifs et des objets n’est pas proportionnelle aux explications, à la constitution d’idéaux et d’extrémités, notre vie s’est changée en activité tonitruante et folle, n’ayant plus aucun sens. La valeur d’une chose dépend de notre désir, et sa perfection réside dans son lien à un plan ou à un tout. Le savoir sans la philosophie est un ensemble de choses n’ayant ni perspective ni valeur, et qui ne peut nous garder du meurtre, ni nous sauver du désespoir.

Le savoir, c’est connaître, tandis que la philosophie, c’est la sagesse et la raison. La philosophie également, comme nous le savons, dispose d’un champ étendu, et tout individu disposant d’une réflexion puissante et de la capacité de compréhension peut dire au sujet de questions philosophiques des choses qui ne sont venues à l’idée de personne avant lui, c’est pourquoi la lecture de ce que les savants ont écrit à la marge des livres des philosophes peut s’avérer profitable à ceux qui veulent être avisés à propos de la théorie des philosophes. Personne ne peut enseigner la philosophie à quelqu’un. Le fait de devenir philosophe ne comporte pas de voie déterminée, comme par exemple un programme établi par un philosophe établi. Si un individu, soit par goût personnel et par sa volonté, soit du fait que l’éducation nationale a manqué le guider, n’a pas encore d’attachement pour la philosophie, quel argument peut-on bien lui donner pour qu’il y trouve un quelconque intérêt ?

Références :
Amîr, Mas'ûd, Nâmeh falsafeh (La lettre de philosophie), n° 11 ; Khodâvandân-e andîsheh-ye sîyâsî (Les dieux de la pensée politique), éditions Amîr Kabîr.

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