Récit du Martyre de l’Imam al-Hussein: Face à Oubeidoullah

Récit du Martyre de l’Imam al-Hussein: Face à Oubeidoullah

Les portes du palais du Gouverneur avaient été laissées ouvertes pour permettre à tous de venir féliciter Obeidoullah fils de Ziyad pour sa victoire sur l'Imam al-Hussein. Il était assis sur son trône, et paraissait joyeux. Il jouait négligemment avec une barre de fer dont il tapotait la tête de l'Imam al-Hussein, qui avait été déposée à ses pieds.

Un vieillard, Compagnon du Saint Prophète, Zayd fils d'Arqam, fut révolté par ce spectacle:
 
 - Ote cette barre de fer de ce noble visage, car j'ai vu de mes yeux les lèvres du Prophète s'y poser je ne sais combien de fois!
 
 Et Il sanglota
 
 Obeidoullah se mit en colère:
 
 - Si tu n'étais pas un vieillard sénile qui a perdu la raison, je t'aurais fait décapiter à l'instant!
 
  Zayd fils d'Arqam sortit, accablé, se rappelant l'heureux temps où le Prophète jouait avec son petit-fils, le serrait contre lui l'embrassait...
 
 Les captifs furent conduits en présence du Gouverneur, qui se les fit présenter un par un.

Quand arriva le tour d'Ali Zayn Abidine, Obeidoullah demanda:
 
 - Qui es-tu?
 
 - Je suis Ali fils d'al-Hussein.
 
 - Mais Ali fils d'al-Hussein n'a-t-il pas été tué?
 
 - J'avais un frère qui portait aussi ce nom. Les gens l'ont tué.
 
 - C'est plutôt Dieu Qui l'a tué!
 
 - Dieu accueille les âmes au moment de leur mort...
 
 - Comment oses-tu me parler sur ce ton? Tu vas voir! Aucun fils d'al-Hussein ne restera en vie! Bourreau, décapite-le!
 
 Zaynab bondit, elle s'accrocha au fils de son frère. Elle cria:
 
 - Ne crois-tu pas que tu as déjà suffisamment répandu notre sang? Par Dieu, je ne le quitterai pas. Si tu le tues, tue-moi aussi avec lui!
 
 Obeidoullah hésita:
 
 - Quel touchant tableau de famille! Tu voudrais que je te tue, Zaynab? Eh bien, je ne te ferai pas ce plaisir! Après tout, le Calife Yazid décidera du sort du fils d'al-Hussein... Tu sais, Zaynab, quand vous êtes entrés, j'ai eu mal à croire que j'avais devant moi la Famille du Prophète... Je pensais plutôt que toi et les autres femmes n'étiez que de vulgaires esclaves qu'on avait achetées au marché!
 
 Zaynab répondit à l'insulte:

 - Fils de Ziyad! Nous sommes les sœurs d'al-Hussein, les petites-filles de Mohammad, que tu reconnais comme ton Prophète! Toi et les autres larbins de Yazid, vous avez foulé aux pieds les Principes de l'Islam en échange de quelques menus avantages matériels. Aujourd'hui tu te pavanes, et tu t'enorgueillis de la victoire de tes cinq mille soudards sur une poignée de héros! Tu te crois puissant parce que tu peux insulter impunément des femmes et des enfants sans défense.

Mais je te préviens, fils de Ziyad! Bientôt la mort va s'abattre sur toi! Il te faudra alors rendre compte de tes crimes! Il te faudra payer pour l'assassinat du petit-fils du Prophète et de tous ceux qui étaient avec lui. et à qui tu reprochais de refuser l'autorité religieuse d'un ivrogne et d'un débauché!
 
 Les paroles de Zaynab produisirent l'effet d'un coup de tonnerre. Obeydoullah, en l'écoutant parler, observait les réactions des présents. Il vit que tous écoutaient attentivement. Certains semblaient approuver de la tête, certains essuyaient furtivement une larme qu'ils n'avaient pu empêcher de couler.

 Obeydoullah vit que tous, presque sans exception, admiraient le courage de cette femme, et il se dit qu'elle était bien capable de soulever la ville entière contre lui!

En hurlant, il lui ordonna de se taire, menaçant des pires châtiments elle-même et les autres captifs si elle n'obéissait pas. Zaynab continua de plus belle. Elle parla des mérites de son frère, l'Imam al-Hussein, qu'elle mit en parallèle avec les vices du fils de Moawiyah. Elle dénonça les atteintes que le dictateur omayyade portait à l'intégrité du Message de l'Islam. Elle décrivit en détail les atrocités commises par les hommes de main du Calife à Karbala.
 
Obeydoullah appela ses gardes, leur dit de faire sortir immédiatement les prisonniers. Il ordonna à Chamir de prendre à l'instant même la route de Damas, sans laisser un moment de plus Zaynab et les autres a Koufa. Et lui-même, fou de colère, sortit du palais pour aller à la Mosquée.
 
 Du haut de la chaire, Obeidoullah regarda la foule qui était massée à ses pieds. Il était ivre d'orgueil d'être Gouverneur de cette ville, autant que de la perfide victoire que ses troupes venaient de remporter. Il voulait chasser la fâcheuse impression que lui avait laissée le discours de Zaynab. Cette femme lui avait gâché le plaisir qu'il pensait tirer de son succès. Il prit la parole, s'adressant aux habitants de Koufa:
 
 - Gloire à Dieu, Qui a fait triompher la Vérité et ses partisans, Qui a donné la victoire au Commandeur des Croyants, Yazid, et Qui a tué le menteur, al-Hussein, fils du menteur, Ali, ainsi que ses Chïtes!
 
 Une voix lui répondit faisant trembler les murs de la Mosquée:
 
 - Tais-toi, ennemi de Dieu! Cesse de blasphémer! Tu es un menteur, de même que ton père, et de même que celui qui t'a nommé à ce poste et que le père de celui-ci! Tu as assassiné les descendants des Prophètes, et maintenant tu oses monter à leur place ici, sur cette chaire!
 
 - Obeidoullah pâlit, incapable de poursuivre:
 
 - Attrapez-le!
 
 Les soldats se saisirent de l'homme, Abdallah fils de Afif, qui était un Chïte de l'Imam Ali. Mais Abdallah lança le cri de guerre de sa tribu, les Azd.

Immédiatement sept cents guerriers se rassemblèrent, l'épée à la main. Obeidoullah fut contraint de relâcher Abdallah. Mais la nuit venue, ses hommes de main s'introduisirent chez le courageux Chïte. Ils le tuèrent, et le crucifièrent sur la porte de sa maison.