Le terme de la vie d'un homme (ajal)

Le terme de notre vie (le ajal) est-il prédéterminé, fixe et irréversible ? Voici ce que le Noble Coran nous dit à ce sujet :

 

1- Sourate Noé : 71/2-3


"Adorez Allah, craignez-Le et obéissez-moi, pour qu'Il vous pardonne vos péchés et qu'Il vous donne un délai jusqu'à un terme fixé. Mais quand vient le terme fixé par Allah, il ne saurait être différé si vous saviez!"

 

On comprend du verset ci-dessus que le "ajal" ou le terme de la vie d'un homme, c'est la fin de la vie marquée par la mort et que ce terme est deux sortes : le terme nommé et le terme final, ou en d'autres termes, le terme le plus proche et le terme le plus lointain, ou encore le terme en suspens et le terme fatal. La première sorte de terme est sujette à changement et à modification dues aux péchés que l'homme pourrait commettre et qui pourraient rapprocher beaucoup ce terme, ce qui représenterait une sorte de punition divine, alors que les bonnes actions et la piété en revanche, pourrait au contraire constituer un facteur du retardement de ce terme. Toutefois, le terme final, le seconde sorte du terme, n'est sujet à aucun changement, quelles que soient les circonstances. Pour mieux saisir ce sujet, on peut donner un exemple simple : l'homme ne peut pas vivre éternellement, car même si tous les organes du corps fonctionnent parfaitement, il régresse peu à peu jusqu'à ce qu'il arrive un moment où son coeur s'arrête pour mettre un terme à sa vie. Autrement dit, l'observance des indications hygiéniques et le bon et prompt traitement des maladies aideraient à prolonger la vie de l'homme, tout comme la négligence de ces indications contribuerait à écourter sa longévité.

 

Les facteurs moraux de l'augmentation et de la diminution de la longévité

 

Donc ce qui ressort de ce verset, c'est l'influence des péchés sur la diminution de la longévité puisque le verset dit en gros "Si vous croyez en Allah et Le craignez, Il vous accorde longue vie et retarde votre mort". Et lorsqu'on sait que les péchés, c'est-à-dire tout ce qui est interdit par Allah parce qu'il est contre notre intérêt, ne cessent d'administrer des coups cinglants au corps et à l'âme, ce rétrécissement de la longévité devient tout à fait compréhensible.

 

Par ailleurs le Hadith corrobore cette affirmation, et on peut citer à cet égard ce qu'a dit l'Imam al-Sâdiq (p) : "Ceux qui meurent sous l'influence des péchés sont plus nombreux que ceux qui meurent en parvenant aux termes prescrit de leurs vies, et ceux qui vivent en accomplissant des actes de bienfaisance vivent plus que ceux qui vivent selon leurs âges prescrits"

 

Toujours est-il que de nombreux hadith nous laissent entendre que le maintien du contact avec les prochains et l'aide qu'on leur apporte concourt à l'augmentation de la longévité et que l'aumône contribue au retardement du terme de la vie. (Al-Tabarsî, sourate al-An’ am, "Tafsîr Majma‘al-Bayân", tom. 4, p.6.) (Tafsîr al-Amthal, tom. 19, p 46).

 

2- Sourate al-Anâm : 6/1-2

 

"Au nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.

 

Louange à Allah qui a créé les cieux et la terre, et établi les ténèbres et la lumière. Pourtant, les mécréants donnent des égaux à leur Seigneur. C'est Lui qui vous a créés d'argile; puis Il vous a décrété un terme, et il y a un terme fixé auprès de Lui. Pourtant, vous doutez encore! "

 

D'après Voir Tafsîr al-Bayân, tom 4, p. 6 et surtout page p195, cette sourate s'efforce d'attirer l'attention de l'homme d'abord sur le grand univers afin d'enraciner les règles de l'adoration d'Allah et l'Unicité dans son coeur, et ensuite dans le seconde verset, sur le petit monde, le monde de l'homme en mettant en avant une chose des plus étonnantes : la création de l'homme à partir de la boue. Certes, nous sommes nés d'un père et d'une mère, non pas d'argile, mais étant donné que le premier homme a été créé d'argile, il est donc correct de nous dire aussi que nous sommes créés de la boue. Puis la sourate continue pour parler des étapes de la durée de la vie de l'homme et dire qu'Allah a fixé une période dans laquelle l'homme vit sur cette terre en vue de croître et de se perfectionner : "Puis Il vous a décrété un terme". Terme, signifie étymologiquement "une période déterminée" ou un "délai déterminé", et le décret du délai signifie la détermination de ce délai ou son échéance, mais terme désigne souvent "le dernier délai" et on dit par exemple que la dette vient à échéance, c'est-à-dire que le dernier délai de l'acquittement de la dette est arrivé. De la, le terme peut désigner le dernier moment de la vie de l'homme, car il représente le moment de la mort de l'homme.

 

Puis le verset se complète avec l'expression :"un terme fixé auprès de Lui" Pourquoi "terme" et "terme fixé" ? Il ne fait pas de doute que les deux expressions employés dans le même verset diffèrent quant à leur signification, autrement, donner la même signification au mot "terme" employé deux fois dans le même verset ne concorde pas avec la répétition de ce mot, surtout lorsqu'il est suivi du restrictif dans la seconde fois. C'est pourquoi les mufassir ont effectué beaucoup de recherche sur la différence de signification dans les deux expressions. Or les indices et les présomptions dans le Coran, ainsi que les hadith des Ahl-ul-Bayt (p) nous permettent de déduire que "terme" employé seul signifie l'âge, le temps ou le délai révocable, alors que "terme fixé" signifie l'âge, la durée de vie ou le temps immuable et irrévocable. En d'autres termes, "le terme fixé" est "la mort naturel", alors que "terme" désignerait la mort non naturelle. Pour mieux illustrer cette différence de signification, notons que beaucoup d'êtres ont sur le plan de la structure naturelle et personnelle la prédisposition ou la potentialité de vivre longtemps, mais qu'il arrive que des obstacles se dressent pour les empêcher de vivre jusqu'à la limite maximum naturelle de leur période. Ainsi supposons qu'une lampe à pétrole peut normalement rester allumer pendant 20 heures avec la quantité de pétrole qu'elle contient, mais que la tombée de la pluie, le soufflement des vents et le fait de négliger de la nettoyer concourent à diminuer la durée de sa flamme. Dans cet exemple si la lampe ne rencontre aucun facteur extérieur et reste allumée jusqu'à l'épuisement de la dernière goutte de son pétrole et qu'elle e'éteint ensuite, nous disons elle est arrivée à son terme inévitable, mais si les facteurs extérieurs la font éteindre avant, nous disons que sa durée de vie ou son âge est un terme (ajal) non irrévocable ou non inévitable. Il en va de même pour l'homme : si toutes les conditions du maintien de sa vie sont remplies et tous les obstacles qui se pourraient se dresser devant ce maintien disparaissent, sa structure naturelle lui garantie de vivre longtemps, sans pour autant espérer vivre éternellement, car il y a inévitablement un terme à sa vie. Mais s'il venait à s'exposer à la malnutrition, à une sorte de toxicomanie ou bien à se suicider ou à être exécuté ou tué, avant le terme de la durée normale de sa vie, on dit que le terme de sa vie n'est pas inévitable.

 

En nous fondant sur ces deux sortes de "termes", un certain nombre de choses s'éclaircissent devant nous, notamment ce que nous rapportent les hadiths qui nous disent que le maintien des liens de parenté augmente la durée de la vie de quelqu'un et leur rupture concourt à sa diminution. Évidemment il s'agit ici de la durée de la vie comprise comme le terme évitable et non le terme inévitable à propos duquel Allah dit : "A chaque communauté un terme. Quand leur terme arrive, ils ne peuvent ni le retarder d'une heure ni l'avancer." (Sourate Yûnus, 10/49).

 

Il va de soi que les deux "termes" sont fixés par Allah, à cette différence près que l'un est absolu, l'autre soumis à des conditions. Notons enfin que l'Imam al-Sadiq (p) commentant ce verset coranique dit : "Il s'agit de deux ajal : un ajal prédéterminé et un ajal suspendu.

 

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(Voir Tafsîr al-Bayân, tom 4, p. 6 et p. 195)