Pour quelle(s) raison(s) les gens de la demeure prophétique (Ahl ul-bayt) se limitent à quelques personnes ?

Question


Résumé de la réponse

 

Il existe de nombre récits sur la principale raison selon laquelle les gens de la demeure prophétique (Ahl ul Bayt) se limitent à cinq personnes, à savoir le noble Prophète de l’Islam le vénéré Mohammad (que le salut de dieu soit sur lui et sur ses descendants), les vénérés Ali, Fatimah, Hassan et Hossein (bénis soient-ils). Les rapporteurs musulmans de hadiths ainsi que les Oulémas chiites et sunnites se réfèrent à cet effet aux hadiths relatés du vénéré Messager de l’Islam (que le salut de dieu soit sur lui et sur ses descendants), pour s’accorder à souligner l’existence de plus de 70 sources sunnites authentiques ainsi que des sources chiites encore plus nombreuses pour prouver le fait que le titre « Ahl ul Bayt » ne s’applique pas à tous les membres ou proches du  noble Prophète de l’Islam (que le salut de dieu soit sur lui et sur ses descendants), ce qui est d’ailleurs confirmé par des versets du saint Coran.

 

Réponse détaillée

 

Dans l’expression du noble Coran, des Hadith et des discussions théologiques, les gens de la demeure prophétique (Ahl ul-Bayt), signifient la Famille du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants). Cette expression a été utilisée d’ailleurs en ce sens dans le verset 33 de la sainte sourate « les Partis » : « Dieu ne veut que vous éviter l’impureté, ô Membres de la Famille du Prophète et vous purifier excellemment ». L’origine et la racine du mot « Ahl » signifient parenté et lien[1], celles du mot « Bayt » signifient demeure, lieu de résidence[2]. L’expression «Ahl ul-Bayt » signifie les membres de la famille d’une personne qui ont un lien de parenté avec celle-ci[3], mais dans une interprétation large, cette signification s’étend à tous ceux qui s’associent à un lien de parenté, à la religion, à la résidence, à la patrie, à la ville voire même à une personne[4]. Cependant, les spécialistes, les exégètes, les rapporteurs de hadiths et les théologiens utilisent l’expression «Ahl ul-Bayt » employée par le saint Coran, dans son sens le plus strict, car ils estiment qu’en la matière, il y a de nombreux récits venus de la part du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants), et des Imams immaculés des chiites. C’est la raison pour laquelle ils affirment que le verset coranique précité possède une interprétation particulière.[5] A la question de savoir, quelles sont les personnes concernées par cette interprétation particulière, il faut répondre que les spécialistes, les exégètes, les rapporteurs de hadiths et les théologiens ont des avis partagés sur le sujet.

 

1- Certains exégètes sunnites estiment que vu les phrases précédentes et suivantes qui ont attrait aux épouses du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants), il faudrait donc limiter par analogie, ce verset aux seules épouses du vénéré messager de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants). Pour appuyer leur point de vue, ces derniers se réfèrent à un hadith d’Ibn Abbas, relaté par Akramah, Maqatel, Ibn Saeb et Ibn Jubaïr, rappelant qu’Akramah criait sur le marché public que seules les épouses du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) faisaient partie des «Ahl ul-Bayt ». «  Je vais maudire quiconque rejetant cette affirmation »[6] ajoutait-il. D’autres exégètes sunnites et tous les exégètes chiites critiquent ce point de vue. Ils affirment que si le verset en question sur les «Ahl ul-Bayt » faisait allusion aux épouses du vénéré messager de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) les phrases de ladite partie du verset seraient conjuguées au féminin, tout comme les parties précédentes et suivantes. Or, tel n’est pas le cas, car les phrases de cette partie sont conjuguées au masculin. C’est la raison pour laquelle, ajoutent-ils, ce point de vue n’est pas exact.

 

D’ailleurs, la référence même au récit précité a été remise en doute, notamment par Abou Hayan al-Gharnati, -lui-même de confession sunnite- qui affirme qu’une telle référence au récit d’Ibn Abbas se révèle inexacte. Ibn Kathir aussi a précisé qu’une telle affirmation serait exacte si l’interprétation sur la signification dudit verset porte également sur les épouses du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) mais si le verset poursuit-il, a pour raison uniquement, les épouses du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) et pas les autres personnes, une telle affirmation ne serait pas exacte, car, dit-il, de nombreux récits réfutent ce point de vue[7]. Bien entendu, nous rappelons ici que la vision d’Ibn Kathir lui-même sur la phrase : « qu’une telle affirmation serait exacte si l’interprétation sur la signification dudit verset porte également sur les épouses du noble Prophète de l’Islam » ne s’avère pas juste non plus, car d’abord ses propos vont à l’encontre du style des versets du noble Coran et ensuite, ils vont aussi à l’encontre des récits que lui-même a confirmés.

 

2- Un autre groupe d’exégètes sunnites estiment que les « Ahl ul-Bayt » visés dans ce verset sont à la fois les épouses du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) ainsi que les vénérés Ali, Fatimah, Hassan et Hossein (bénis soient-ils)[8] . Il est intéressant de savoir que les partisans de cette vision, ne se réfèrent à aucun récit.

 

3- D’autres exégètes disent que ce verset à une apparence générale et qu’il concerne tous les membres de la Famille prophétique, y compris les épouses du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants), ses enfants, ses proches voire ses serviteurs et ses esclaves. Thaalabi affirme que les fils de Hashim dans l’ensemble ou les fidèles des fils de Hashim font également partie des Ahl ul-Bayt[9] .

 

4- Un autre groupe d’exégètes du saint Coran ont rappelé que les Ahl ul-Bayt sont peut-être ceux à l’adresse desquels l’aumône est illicite (haram) en se référant à un hadith de Zayd Ibn Arqam à qui on lui avait demandé : « Qui sont les Ahl ul-Bayt du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) ? ses épouses aussi en font partie ? ». «  Les épouses du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) font elles aussi, partie des Ahl ul-Bayt, mais les Ahl ul-Bayt du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) sont ceux à l’adresse desquels l’aumône est illicite, à savoir la famille d’Ali (béni soit-il) la famille d’Aqil, la famille de Jaafar et la famille d’Abbas[10]. Selon Aboul Fotouh Razi, ce point de vue aussi reste rare et ne se fonde sur aucune preuve ou aucun document.

 

5-  Tous les exégètes chiites et un nombre très important de leurs confrères sunnites, sur la base des témoignages, des récits et des faisceaux d’indices et les nombreux récits de la part du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants), de l’Imam Ali, de l’Imam Hassan, de l’Imam Hossein, de l’Imam Sajjad et des autres Imams (bénis soient-ils) ainsi que de la part d’Oum Salamah, d’Aïcha, d’Abou Saïd Khadri, d’Ibn Abbas et d’autres compagnons, affirment formellement que les «Ahl ul-Bayt » ne sont d’autres que les cinq personnages de « la Famille du Manteau » (les cinq membres de la Famille du Prophète), à savoir le noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) et les vénérés Ali, Fatimah Zahra, Hassan et Hossein (bénis soient-ils).

 

La seule question qui se pose ici, c’est de savoir comment alors au beau milieu du débat sur les devoirs des épouses du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants), il est question d’une notion qui ne les concerne pas ? A cette question, il existe plusieurs réponses dont celui du Cheikh Tabressi qui affirme que ce n’est pas le premier cas du genre auquel nous avons affaire dans le noble Coran dans lequel on constate des versets qui se suivent et qui parlent de sujets différents. Le saint Coran est rempli de ce type de versets. Il en est de même chez les savants arabes qui utilisent ce style dans leurs paroles.[11] L’Allameh Tabatabaï (que sa demeure soit au Paradis) a ajouté une autre réponse à celle citée en haut affirmant : «  Il n’y a aucune preuve que la phrase ‘’ Dieu ne veut que vous éviter l’impureté, ô Membres de la Famille du Prophète, et vous purifier excellemment ‘’ soit révélée en même temps que le verset en question, mais en se référant aux récits on peut dire que cette partie a été révélée séparément et que sur ordre du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) ou bien après son décès lors de l’assemblage du saint Coran, elle a été placée à côté de ce verset.[12] Dans le livre «Tafsir-e-Nemouneh » il est écrit : «  On pourrait y apporter une 3ème réponse qui est la suivante : le noble Coran veut dire aux épouses du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) que vous faites partie d’une famille dont un certain nombre sont des infaillibles et qu’il est du devoir de celui ou de celle qui est placé dans le sphère de l’infaillibilité et aux côtés des infaillibles, de faire attention à ses actes et à ses paroles et de ne pas oublier que faire partie d’une famille qui accueille en son sein 5 infaillibles, apporte pour lui de lourdes responsabilités et que Dieu et ses créatures attendent beaucoup de lui.[13] Mais les récits sur les raisons de la révélation du verset 33 de la sainte sourate « les Partis » sont nombreux et en plusieurs catégories :

 

a- Les récits qui affirment que le verset 33 de la sainte sourate « les Partis » a été expressément révélé pour les 5 membres de la « Famille du Manteau ».[14]

 

b- Les récits confirmant le hadith du Manteau (Kissa) venus de d’Abou Saïd Khadri, d’Ibn Abbas, d’Anas Ibn Malik, d’Abou al-Hamra, et d’Abou Barzah qu’après l’histoire du Kissa et la révélation du verset 33 de la sainte sourate « les Partis », le noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants), pendant un mois, ou 40 jours, ou de 6 à 9 mois, se rendait constamment chez Ali et Fatimah (bénis soient-ils) à l’heure de la prière du matin ou pour les 5 prières quotidiennes afin d’y accomplir ses prières, après lesquelles, il y récitait toujours le verset 33 de la sainte sourate « les Partis ».[15] Dans l’analyse de l’ouvrage « Ihqaq al-Haq »[16] plus de 70 sources sunnites célèbres sont collectées à ce sujet et il faut noter, ici, que les sources chiites en la matière sont encore plus nombreuses.[17]

 

Par conséquent, cette notion est certaine du point de vue des récits selon lesquels les « Ahl ul-Bayt » dans le verset 33 de la sainte sourate « les Partis » sont le noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) et les vénérés Ali, Fatimah Zahra, Hassan et Hossein (bénis soient-ils) et que par ailleurs, dans de nombreux récits et hadiths cités par les chiites et les sunnites, l’expression «Ahl ul-Bayt », est attribuée aux autres Imams à partir de l’Imam Ali Ibn al-Hossein (béni soit-il) jusqu’à l’Imam du Temps, Mahdi promis (que Dieu hâte sa venue). A ce sujet, il faudrait dire que la philosophie de l’insistance du noble Coran sur le rang privilégié des Ahl ul-Bayt (bénis soient-ils) réside dans le fait que les ces derniers avaient pour responsabilité et mission, la guidance des croyants vers l’épanouissement et la perfection. (Alef. Lam. Mim. Voici le Livre sur l’authenticité duquel, il n’y a pas de doute. Il est un guide parfait pour ceux qui sont pieux)[18].

 

Les gens de la demeure prophétiques (bénis soient-ils) ont toujours et constamment joué un rôle primordial dans la préservation et le dynamisme de l’Islam, ainsi que dans l’analyse et les explications des instructions de la religion. Ils avaient pour responsabilité et mission, la guidance des croyants vers l’épanouissement et la perfection. C’est la raison pour laquelle le noble Prophète de l’Islam, le vénéré Mohammad (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) qui était en réalité « Le grand Exégète » du saint Coran, il utilisait le mot « Ahl ul-Bayt », lorsqu’il avait l’intention de parler du rang de la source religieuse, de l’Imamat et de la guidance, après lui. A titre d’exemple le noble Prophète de l’Islam a dit : « Je laisse parmi vous deux choses précieuses, le noble Coran qui est une corde tendue du ciel à la terre, et les gens de ma famille, il ne ceux séparerons pas (comme les deux doigts d’une main) jusqu'a qu'ils me rejoignent à la source du paradis ».[19] Ou encore on pourra réfléchir sur cette phrase du vénéré Mohammad (que le salut de dieu soit sur lui et sur ses descendants), dans le hadith al-Safinah : «Les gens de ma maison (Ahl-ul-Bayt) sont auprès de vous comme l’Arche de Noé: celui qui est monté a été sauvé, et celui qui l'a manqué s'est noyé ».[20]

 

Pour plus d’informations vous pouvez voir les index suivants :

 

1- Les Ahl ul-Bayt du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) ; le verset 23 de la sainte sourate « Le Conseil » question n°160 (site:1229).

 

2- Les Ahl ul-Bayt du noble Prophète de l’Islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) question n°833 (site:902).

 

3- Les caractéristiques des Ahl ul-Bayt ; question n°1247.

 

4-  Les Ahl ul-Bayt sont les gens du Manteau ; question n°159 (site:1251).

 

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[1]Fiyoumi; Mesbah al-Monir

[2] Le même, p.68

[3] Le même

[4] Ragheb Esfahani, Mofradat alfaz al-Quran, p.29

[5]Tabari Jam’e ul Bayan fi tafsir al-Quran, vol.22, p.7

[6]Ibn Kathir, Tafsir al-Quran al-Azim, vol5. p.452-453

[7]Fakhreddine, Tafsir al-Kabir, vol25, p.209; Beydhawi, Anwar al-Tanzil wa Asrar al-

aawil, vol.4, p.163; Abou Hayan, al-Bahr al-Mouhit fi al-Tafsir, vol.7 p.232

[8]Qartabi, al-Jam’e ul Ahkam al-Quran, vol.14 p.183 ; Aloussi, Rouh al-Maani, vol.22 p.14

[9] Abou Hayan, al-Bahr al-Mouhit fi al-Tafsir, vol.7 p.231-232  

[10] Abou al-Fotouh al-Razi, Rodh al-Jinan wa rouh al-Jinan, vol.15, p.421.

[11] Majma' al-bayan li-'ulum al-Qur'an, vol.7, p.560.

[12] Al-Mizan, vol.16, p.312.

[13] Tafsir-e-Nemouneh, vol.17, p.295.

[14] Tabari Jam’e ul Bayan fi tafsir al-Quran, vol.22, p.6-7 Qartabi, al-Jam’e ul Ahkam al-uran, vol.14 p.183 ; Hakem, vol.2p.416, 3146 ; Al Boukhari,  at-Târîkh al-Kabir, vol.1(2), p.69-70 ; al-Tarmadhi , Sonan, vol.5, p.663.

[15] Tabari Jam’e ul Bayan fi tafsir al-Quran, vol.22, p.5-6 ; al-Kani, p.25-26, Ahmad ibn Hanbal, Musnad, vol.3, p.259; Haskani: Shavahed al-Tanzil, vol.2, p.11-15; Siyouti, al-dor al-manthour, vol.6, p.606-607.

[16]Mar’ashi, l’analyse de l’ouvrage  Ihqaq al-Haq, vol.2, p.502-547 et vol.9, p.2-91.

[17]Dans certains passages de cet article, l’ouvrage sur la connaissance la lettre des Ahl ul-Beyt, de Ali Rafi’i Alamarvdashti, p.301-308 a été utilisé, pour plus d’informations cf le même ouvrage.

[18] La sainte sourate “La vache” 1et 2

[19] Sahih Tirmidhi, vol.2, p.380, Ahmad ibn Hanbal, Musnad, vol.3, p.17.

[20] al-Mustadrak 'alâ al-Sahîhayn, vol.2, p.432 ; Firouzabadi , Fdha’il al-khamsah, vol.2, p.65.