Le premier être humain selon le Coran

Il existe des points de vue différents au sujet de l’être humain concernant le type de créature dont il s’agit.

 

L’un de ces points de vue dit que l’être humain est comme tous les autres êtres vivants, un être terrestre à cent pour cent : un être matériel. Cependant, un être matériel qui, au cours de transformations matérielles, acquiert le maximum de perfection à laquelle la matière peut prétendre, a évolué. La vie, qu’elle soit au niveau des plantes, à celui plus élevé des animaux, ou à celui plus élevé encore des êtres humains, est en soi une manifestation et un rayonnement des perfections que la matière acquiert progressivement au cours de son existence. Or, selon le point de vue cité, aucun autre principe que le principe matériel n’intervient dans le tissu existentiel de cet être qu’est l’être vivant. (Si l’on parle ici de principe, c’est parce que nous n’avons pas d’autre terme à notre disposition.).

 

Toute merveille manifeste dans cet être proviendrait de ce tissu matériel. Inévitablement, selon cette considération, il est nécessaire que les premiers êtres humains apparus en ce monde se situent au niveau le plus bas de l’humanité, de manière à ce que qu’au fur et à mesure de leur avancée, ils se perfectionnent. Que nous considérions le premier être humain selon l’ancienne conception qui avance qu’il a été créé directement à partir de terre, ou que nous considérions une conception plus contemporaine, une hypothèse digne de considération, d’après laquelle l’être humain est une créature issue de la sélection naturelle de créatures plus viles que lui et lui-même résultant de l’évolution de stades inférieurs, son origine remonte également à la terre, sans avoir été directement créé à partir d’elle.

 

Au regard des croyances islamiques et coraniques, et davantage à celui de toutes les autres religions, ce premier être humain est un être plus proche de la perfection que la plupart des êtres humains postérieurs, et même, que les êtres humains actuels. Ce qui veut dire que dès le moment où ce premier humain a marché sur cette terre, il existait en tant que calife / lieutenant de Dieu sur la terre, autrement dit, il existait en tant que prophète. Au sein de la logique(1) religieuse, il est une question digne d’intérêt : pourquoi le premier être humain à avoir vécu en ce monde est-il venu à l’existence en tant qu’Argument de Dieu et prophète (as), alors que l’on pourrait penser que les êtres humains sont censés parcourir la voie de la perfection, de manière à ce qu’après avoir franchi les stades supérieurs de l’avancement, l’un d’entre eux accède au degré de la prophétie, et non que le premier soit lui-même un prophète ?

 

Le noble Coran accorde à ce premier être humain un degré particulièrement éminent : « Lorsque ton Seigneur dit aux anges : ‘Je vais établir un lieutenant sur la terre’, ils dirent : ‘Vas-tu y établir quelqu’un qui fera le mal et qui répandra le sang, tandis que nous célébrons tes louanges en te glorifiant et que nous proclamons ta sainteté ?’ Le Seigneur dit : ‘Je sais ce que vous ne savez pas.’ Il apprit à Adam le nom de tous les êtres, puis il le présenta aux anges en disant : ‘Faites-moi connaître leurs noms, si vous êtes véridiques.’ » (Sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 30 et 31) (2). En résumé, le premier être humain venant à exister expose les anges à la stupeur. Quel est le secret qui est en cause ? L’expression « et que j’aurai insufflé en lui de mon esprit » (sourate Al-Hijr ; 15 : 29) est employée à propos du premier être humain. Ceci montre qu’un principe spirituel, en plus des principes matériels, intervient dans la trame de l’existence de cet être, là où Dieu dit en substance qu’Il a fait intervenir quelque chose de Lui dans l’édification de cette créature.

 

En sus, lorsque Dieu dit : « Je vais établir un lieutenant sur la terre », Il parle bien d’un calife pour Lui-même. Par conséquent, le Coran contient cette approche très élevée de l’être humain qui voit son premier représentant à séjourner sur la terre en tant qu’Argument de Dieu, de prophète de Dieu, une créature se trouvant en somme continuellement en contact avec le monde invisible. Le refuge que composent les paroles de nos Imâms (as) repose sur l’authenticité du califat divin de l’être humain, en ce sens que le premier homme à être venu sur la terre était de cette classe (celle des califes de Dieu), et qu’il en sera de même pour le dernier à demeurer en ce monde, ainsi jamais l’humanité ne se trouvera vide d’une créature assumant l’esprit : « Je vais établir un lieutenant(3) sur la terre. » (Sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 30). (C’est ici que se trouve le pivot de la question.).

 

Les autres êtres humains sont des créatures distinctes vis-à-vis de tels êtres humains, et s’il n’était pas de tels êtres humains, les autres également n’auraient pas été. On appelle cet être(4) l’Argument de Dieu (as) : « Jamais la terre ne se trouve vide de celui qui se dresse en tant qu’Argument de Dieu. » Cette phrase provient du Nahj al-Balâgha (Hikmat / Sagesse n° 147) et a été rapporté dans de nombreux autres ouvrages.

 

Notes

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1-La logique (manteq), est en islam une discipline traditionnelle à part entière, enseignée et étudiée auprès de professeurs. (Les notes sont du traducteur)

2-La traduction des versets est de Denise Masson.

3-Le mot « lieutenant » est généralement considéré comme un mot simple désignant un grade militaire… N’oublions pas de le décomposer : « lieutenant » afin de mieux voir de quoi il s’agit. Le « lieutenant » occupe un espace, maintient un lieu, et ce pour le compte de son supérieur. Aussi, c’est à lui qu’il faut s’adresser si l’on désire approcher ou être entendu de son supérieur, et c’est par lui que son supérieur dirige son ordre sur le lieu en question, et sur ceux qui l’habitent. Mais surtout, le lieu est tenu, maintenu par lui, tandis que sans lui, non seulement le lieu n’est plus tenu, maintenu, mais il n’y a plus de lieu proprement dit, c’est le chaos…

4-Car il y en a un à chaque époque.