Gnose musulmane et bouddhisme zen : étude comparée (3)

L’extinction

 

Dans la spiritualité islamique, l’extinction est la dernière étape de la voie menant à Dieu. Dans la station de l’extinction, l’aspirant est arrivé à la demeure de stabilité, destination finale de la voie initiatique.

 

Dans cette station, l’aspirant renie non seulement tout ce qui est autre-que-Dieu, mais en plus il ne les voit pas, pas plus qu’il ne se voie, pour avoir à les nier. Car démontrer ce qui est « prouvé » et nier ce qui est « nié par nature » sont deux choses. Et cette quantité numérique, cette multiplicité ne sont pas compatibles avec l’unité de contemplation. Le fait est que la station de l’extinction n’est pas la dernière cime de la perfection de l’aspirant. Il devra aussi s’éteindre dans l’extinction.

 

La mort de l’ange de la mort et la mort du principe de la mort, qui sont évoquées dans les « haltes » (stations intermédiaires) de la grande résurrection, sont deux puissants témoins de l’extinction de l’extinction. Parce que le sens de la mort de l’ange de la mort et de la mort de la racine de la mort est celui de la disparition et de l’extinction de la cause originelle du changement et des transformations, ce qui est comme la négation dans la négation qui signifie affirmation.

 

Donc la mort de la mort et la mort de l’ange de la mort équivalent à la réalisation de l’affirmation, de la subsistance, de l’éternité qui échappe à l’évanescence. Cela n’est donc pas l’anéantissement de toute chose car dans cette hypothèse, le principe de l’extinction est évacué au lieu de gagner en hégémonie.

 

Il existe deux écoles importantes dans le bouddhisme : Mahayana (1) (grand véhicule) et Hinayana (2) (petit véhicule).

 

Dans l’école Hinayana, on appelle Arhat (3) celui qui est parvenu au Nirvâna (4) . L’accès à cette station n’est ouvert qu’aux prêtres et les hommes ordinaires n’ont pas la possibilité d’y parvenir.

 

Le bouddhisme zen est une branche du bouddhisme Mahayana. L’idéal de Boddhisattva se pose alors. Et il consiste à parvenir à la station du Nirvâna, pas seulement en vue d’assurer son propre salut, mais pour essayer d’assurer le salut de toutes les créatures. Rappelons que la station de « subsistance après l’extinction » est l’un des points saillants de l’enseignement de la spiritualité islamique.

 

Points de divergences entre la gnose musulmane et la gnose zen

 

    L’Unité divine

 

La gnose islamique se caractérise principalement par l’accent qu’elle met sur le monothéisme absolu et sur la sainteté. Gravir les échelons qui mènent à l’union avec Dieu revient à gravir les degrés du monothéisme. Le mystique a pour tâche de percer le voile du monde de la multiplicité et de la différence. En écartant petit à petit ce voile, il débouche sur ce qui est réel et authentique, comprend le sens de l’extinction et devient un monothéisme réalisé. Comme le dit le Coran : « Il est le Premier et le Dernier, l’Apparent et le Caché » (Sourate Al-Hadîd (Le fer) ; 57 : 3).

 

'Allâmeh Hassan-Zâdeh Amolî dit : « La réalité est que le sens de la religion est la gnose par Dieu, et la connaissance de Dieu. [Celui qui possède] la connaissance de l’être et des paroles de l’être est aussi une connaissance. C’est cela la réalité de la gnose et le gnostique s’efforce aussi d’atteindre une telle station. La réalité est que Celui qui est connu dans la noble science de la gnose est Dieu, exalté soit-Il, ainsi que Ses plus beaux Noms.

 

Dieu, exalté soit-Il, est une Essence sacro-sainte conforme au verset : « Rien n’est à Sa semblance. » (Sourate Al-Shûra (La consultation) ; 42 : 11). La connaissance gnostique est donc d’une valeur inégalée et l’homme parfait est un miroir de cette unité sans pareille. En effet, la station de tout être humain dépend de sa connaissance et l’étendue de toute science dépend de son sujet.

 

Sheikh Sadûq (5), grande figure du chiisme, a rapporté que l’Envoyé de Dieu (s) avait dit : « Je n’ai pas dit, et personne avant moi n’a dit, mieux que : il n’y a pas d’autre divinité que Allah ». Il est évident que ce qui est visé par le Prophète de l’islam (s), par « personne avant lui », ne concerne pas seulement les prophètes venus dans ce monde avant lui, mais bien aussi tous les saints et les amis de Dieu ainsi que tous ceux qui ont prêché le monothéisme avant lui. De même, il est clair que cette déclaration de l’Envoyé de Dieu (s) ne signifie pas que ces personnes qui ont prêché le monothéisme s’exprimaient en arabe, parce que les prophètes et envoyés étaient nombreux à parler une autre langue que l’arabe, comme le syriaque ou l’hébreu. Par conséquent, la signification du hadith est que le contenu de la formule « Il n’y a de Dieu qu’Allah » est réel, que ce n’est pas moi qui l’ai apporté, pas plus que les hommes parfaits qui ont vécu avant moi n’en ont présenté de pareil. »

 

Il a été rapporté que l’Imam Bâqer (6) (as) avait dit : « L’ange Gabriel est venu à l’Envoyé de Dieu et lui a dit : « O Mohammad, Bonne annonce à ceux qui dans ta communauté disent : Il n’y a pas d’autre divinité que Dieu, Lui seul, Lui seul, Lui seul. L’unité trois fois répétée de l’unité semble exprimer l’unité de l’Essence, celle des attributs et celle des actes, c'est-à-dire : il n’y a de divinité que Dieu, par l’Essence, que Lui par les attributs, et que Lui par les actes. »

 

Dans le bouddhisme, la perte des enseignements de l’unité divine est perceptible. Beaucoup de chercheurs et de spécialistes occidentaux des religions sont de cet avis que Bouddha a parlé de Dieu. Cependant, certains des spécialistes de la religion ne sont pas d’accord sur ce sujet et pensent que dans la religion bouddhiste, Dieu n’est connu que sous le rapport de Sa non-détermination. Cette question demande une enquête et une attention indépendante le moment venu. Quoi qu’il en soit, la clarté de la position du bouddhisme vis-à-vis de la question de l’unité divine, en a fait un motif adéquat de la part du groupe mal intentionné des athées occidentaux qui cherchent un substitut pour préserver la tranquillité des hommes, après l’évacuation de Dieu de leur vie privée et intime.

 

Ils ont vu dans le bouddhisme zen une réponse à leur attente, et ont travaillé à le faire connaître comme un substitut à la croyance en Dieu.

 

    La non-conformité de l’enseignement du zen aux paroles et aux textes sacrés

 

L’auteur de l’article sur l’école de l’introspection, dans l’Encyclopédie de la religion, dit : « L’enseignement du zen ne s’appuie pas sur des paroles ou des textes sacrés, mais sur une transmission hors des enseignements sacrés. C’est une transmission d’une activité mentale à une autre activité mentale. Cela, alors que la gnose islamique repose sur le Coran et sur les traditions rapportées par les Imâms Impeccables. Et c'est un des points qui en font la force. C’est ce qui distingue la gnose divine de la gnose humaine, parce que comme elle repose sur la révélation, le risque d’erreur tombe à son minimum. Alors que la gnose humaine, créée et instaurée par l’homme, ne peut pas assurer la tranquillité et la sérénité suffisantes.

 

    La question du vide et la négation de la réalité des êtres externes

 

L’enseignement du vide (sunyata (7) ) au sein des écoles du bouddhisme mahayana, parmi lesquels le madhyamaka et le zen, prend une forme extrême dans le yogachara (8) , dans le sens où tous les phénomènes du monde extérieur sont considérés comme dépourvus (vides) d’être et considèrent que la cause de toute chose se trouve dans l’activité mentale.

 

Par exemple, cette réalité est évoquée par le poème suivant qui est d’un grand moine du zen, Hui Nang (9) :

 

Jamais l’arbre de Bouddha n’a existé

Il n’y eut jamais de miroir transparent

Fondamentalement, il n’y a jamais rien eu

Où est donc la terre, pour qu’elle soit pure ?

 

'Allâmeh Hassan-Zâdeh Amoli écrit à ce propos : « Sache que parfois, au sujet de la doctrine de l’unité de l’être, se produit cette illusion que l’être est une seule entité unique en son genre, son être est nécessaire et le concept d’être ne s’applique qu’à lui. Par conséquent, tous les étants, dans le ciel ou sur terre, les végétaux, les animaux, l’âme, l’intelligence, sont des illusions de l’être. C'est-à-dire que, excepté cet Être unique, rien d’autre n’est, et les étants ne sont rien d’autre que Lui. A l’image de l’eau de la mer dont les vagues ne sont en réalité que de l’eau, mais comme les vagues sont très nombreuses et prennent des formes différentes, elles paraissent à l’observateur humain comme des êtres distincts et autonomes.

 

Cette erreur au sujet de l’unité de l’être, cette façon de la comprendre, est contraire à beaucoup de règles bien établies de la raison, parce que cette appréhension nie en réalité la causalité de Dieu et le statut d’effet des êtres existant. Et cela suscite cette illusion que les êtres possibles sont suffisants par soi, et plutôt nie même l’existence de ces derniers. En résumé, les défauts de cette façon de comprendre sont nombreux aux yeux de la Loi divine et de la raison. Et aucun des grands maîtres spirituels et gnostiques ne l’ont professée et leur attribuer une telle croyance serait de la pure calomnie et du mensonge grave.

 

Mollâ Sadrâ traitant de la causalité, écrit dans son livre Al-Asfâr al-Arba’a (Les Quatre Voyages) : « Tout être possible possède deux facettes :

 

    Il est existant et il l’est par autrui. De ce point de vue, il participe avec l’ensemble des autres existants, au même plan, à l’être général.


    La deuxième facette est que cet être possède une chose en vertu de laquelle sa réalité existentielle sera déterminée. Cela consiste à voir en quoi cet être, au point de vue de l’intensité, faible ou parfaite et défectueuse, sera situé au niveau des degrés de l’être. Car la possibilité de l’être possible procède du degré de la perfection nécessaire et de la puissance infinie ainsi que de la domination achevée et de la majesté sublime. Et en fonction de chaque degré des degrés inférieurs à ceux du degré de l’être absolu - qui ne présente aucun des caractères du néant ni de la potentialité -, cet être se voit attribuer, pour exister, des traits rationnels distinctifs et des déterminations mentales, que l’on désigne par les termes de quiddités ou d’essences immuables (a’yân thâbita (10) ) ». Ainsi, tout être possible présente à l’analyse une double composante : du côté de l’être absolu et du côté du degré de sa détermination en imperfection d’être…

  

Le grand gnostique Mollâ Hâdî Sabzevârî (11) dit : « Ce raisonnement sophiste est né de la confusion entre la quiddité et la réalité, l'existence même. La quiddité en tant que quiddité a été comprise dans le sens de réalité. Les soufis n’ont pas compris que l’être est à leurs yeux, le principe. Comment alors se pourrait-il que l’existence et la réalité même des choses soient subjectives, alors que la dimension lumineuse de chaque chose, qui est la face et le lieu de manifestation de Dieu, de Sa puissance, de Sa volonté, qui sont des indices de l’action et non la passivité, comment pourrait-on les considérer comme subjectives ? Alors que le vêtement de gloire et de majesté de Dieu transcende bien la poussière de la subjectivité ? Quand donc les grands gnostiques bien avisés ont-ils prétendu que le royaume, les sphères, l’homme et les animaux et toutes les créatures sont subjectives ? Leur intention concerne les quiddités de ces choses qui, elles, sont bien subjectives.

 

    L’enseignement de la réincarnation

 

Comme les autres sectes bouddhistes et religions hindouistes, le zen professe la doctrine de la réincarnation, dans ce sens qu’après la mort, l’âme humaine se réincarne, c'est-à-dire revient au monde dans un autre corps et poursuit sa vie.

 

La question de la mort et de la renaissance est le principal sujet de préoccupation des bouddhistes et des hindouistes. Ils sont constamment dans le souci de trouver le moyen de sortir du cycle des morts et des réincarnations dans ce monde. La vie future de chaque individu, celle qu’il aura à sa prochaine réincarnation dans ce monde, dépend de son karma, c'est-à-dire de la somme algébrique de ses œuvres dans la vie précédente. Par exemple, il est possible qu’un individu ayant accompli de mauvaises actions revienne dans sa vie future sous une forme animale, c'est-à-dire qu’il soit engendré par une femelle animale.

 

Dans l’islam, chaque personne est responsable de ses actes. Après la mort, elle poursuivra sa vie dans le barzakh (12) , un monde intermédiaire entre ce monde et l’au-delà. Bien entendu, la qualité de sa vie dans le barzakh et plus tard dans la Grande Résurrection dépendra elle aussi de ses œuvres ici-bas. Et en aucune façon, l’âme d’un individu n’émigrera dans le corps d’un autre individu dans ce monde.

 

Dans la spiritualité musulmane, la réincarnation ne peut pas avoir de signification parce qu’une essence ne peut se transformer en une autre dans ce monde humain (nâsût (13) ) ou angélique (molk (14) ), mais seulement progresser en intensité d’être pour devenir encore plus lumineuse ou, que Dieu nous en garde, perdre de sa lumière et devenir un être négatif. Il n’est pas question que l’âme de l’homme, qui a été voulue par Dieu et honorée par Lui, retourne à l’état animal après la mort. L’homme est récompensé par ses actes bons et punis pour ses actes méchants, mais ne subit jamais une perte de son essence humaine.

 

Dans le barzakh, il y a une manifestation symbolisée des actes accomplis ici-bas sous une forme corporelle ou spirituelle, selon la qualité des actes bons ou mauvais. C'est-à-dire que déjà dans la "tombe", le mort voit le bonheur qui l’attend alors que le méchant voit ses actes sous forme de scorpions menaçants et autres choses affreuses.

 

Dans l’axe de la descente, l'Être divin se déploie ou se manifeste dans cinq niveaux de présence (hazarât al-khams) ou six si on compte la présence ineffable.

 

Dans l'axe de la remontée, il y a aussi cinq stades qui sont par ordre croissant d'intensité: nâsût, malakût (15) , jabarût (16) , lâhût (17) et Hâhût (18)

 

Que la vie future de l’homme soit fondée sur la base de ses œuvres dans ce monde est quelque chose de tout à fait vrai. Le problème se pose dans l’analyse matérialiste de cette question par les écoles spirituelles non-religieuses.

 

Conclusion

 

La spiritualité et la religion ont toutes les deux des racines dans la nature humaine. C’est pourquoi on ne trouve pas d’opposition ni de contradiction entre deux choses qui ont une même origine. Le but de la spiritualité est de se connaître, de parvenir à sa personnalité humaine authentique. Si nous comprenons l’élément de la nature humaine primordiale (fetrat (19) ), comme l’élément de la personnalité humaine authentique, alors parvenir à la nature originelle et retrouver sa personnalité authentique sera l’objectif des enseignements de la gnose.

 

La nature originelle est une réalité métaphysique existentielle et ne possède pas une quiddité matérielle. Il va de soi alors que pour atteindre cette réalité, il est nécessaire de prendre des distances à l’égard de la matière et de se rapprocher du monde immatériel, où la relation et l’intimité seront plus grandes entre l’homme et sa réalité profonde.

 

Comme nous l’avons aussi montré davantage auparavant, le souci premier du bouddhisme était également dès ses débuts la question de l’homme et la connaissance de l’âme. Mais la voie indiquée à cet effet n’est pas féconde. Pour effectuer la jonction avec la source divine, avec le principe et l’origine de la création, la religion expose des méthodes pour accéder à la connaissance spirituelle, méthodes qui sont les plus rapides, les plus accessibles, les plus sûres et les plus justes.

 

Assurément, les voies indiquées pour l’acquisition de la connaissance spirituelle dans la religion musulmane sont de loin les plus efficaces et motivées « pour avérer ce qui était en cours des Ecritures, en l’englobant.. » Comme le dit le Coran :

 

« Enfin Nous avons fait descendre sur toi l’Ecrit, dans le Vrai, pour avérer ce qui était en cours des Ecritures, en l’englobant. » (Sourate Al-Mâ’ida (La table servie) ; 5 ; 48). Il est évident que le dépouillement peut-être atteint par une autre voie que celle de la religion ; par exemple, par l’ascèse et le renoncement au monde. Mais il faut savoir à quel dépouillement on aspire. Il y a une différence dans le concept. Les gnostiques distinguent deux niveaux dans le royaume divin (malakût) : le malakût inférieur et le malakût supérieur. Celui qui est contradiction avec l’essence de la Loi trouvera une voie vers le malakût inférieur.

 

Dans le Coran, il est question de « la descente des anges et de l’Esprit » : « Tandis que ceux qui disent : "Nous n’avons que Dieu pour Seigneur", et de plus vont dans la rectitude, les anges sur eux se posent : "N’ayez crainte ni deuil. Réjouissez-vous du Jardin qui vous fut promis" » (Sourate Fussilat (Les versets détaillés) ; 41 : 30)

 

« La Nuit grandiose vaut plus qu’un millier de mois. En elle, font leur descente les anges et l’Esprit, sur permission de leur Seigneur, pour tout décret. » (Sourate Al-Qadr (La Destinée) ; 97 : 3 et 4)

 

Parallèlement à ces versets, il est question de la « descente » des démons : « Ils descendent sur tout imposteur et pécheur » (Sourate Al-Shu’arâ (Les poètes) ; 26 : 222)

 

« Les diables inspirent à leurs alliés de disputer avec vous. » (Sourate Al- An’âm (Les bestiaux) ; 6 : 121)

 

On voit ainsi qu’il est possible de parvenir au malakût par des voies contraires à la Loi. Mais celui qui y parvient devient un allié du mal.

 

La religion est responsable de deux choses importantes: l’une est de s’attacher à faire connaître la Réalité, et l’autre de montrer la voie pour opérer la jonction avec cette Réalité. Ainsi, plus une personne aura de connaissance relative de la réalité, plus elle bénéficiera de la dimension ésotérique de la religion.

 

En raison des spécificités propres et inégalées de la religion divine, rien ne saurait la remplacer. Parce que premièrement, la religion est la voie générale pour se rapprocher de la réalité, et deuxièmement, elle est un programme complet, décisif et infaillible qui conduira surement à la réalité, la personne pratiquante. Ni le zen bouddhiste, ni aucune autre gnose humaine ne peut satisfaire totalement et parfaitement l’ensemble des besoins et dimensions humaines, ni lui servir de guide vers le lieu de perfection souhaitée. Parce que cette sorte de gnose, outre le bouddhisme zen ou toute autre gnose humaine, est sujet à erreur car elle n'est pas fondée sur la révélation céleste, et se sont montrés incapables de conduire à la perfection.

 

En plus de sa vie individuelle, l’homme possède aussi une vie sociale. Le zen bouddhiste prête une attention exclusive à la dimension individuelle, mais se désintéresse totalement de la vie sociale. C’est pour cette raison que les propagandistes du sécularisme, en particulier dans les pays occidentaux, ont vu dans cette école quelque chose de compatible avec leurs objectifs, et s’efforcent de le faire connaître.

 

Cela, alors que la spiritualité musulmane porte un vaste regard sur toutes les dimensions existentielles de l’homme et prend en charge aussi bien sa vie individuelle que sa vie sociale. Nous avons dit précédemment que le lien de la religion avec la gnose est un lien linéaire ; la gnose porte sur la couche profonde et ésotérique de la religion. Par conséquent, la spiritualité n’est pas une branche indépendante ni séparée. La religion musulmane prend en charge la dimension individuelle et la dimension sociale de l’homme. Par conséquent, la spiritualité de l’islam qui en est aussi la dimension ésotérique, est aussi ainsi. Nos chers lecteurs, en particulier les jeunes, qui sont à la recherche de connaissances ésotériques, doivent savoir à quelle table ils iront se servir de la nourriture spirituelle. Comme dit le Coran : « Que l’homme considère son repas » (Sourate ‘Abasa (Il s'est renfrogné) : 80 : 24).

 

Ce n’est pas tout groupe ou toute école se disant école ésotérique, qui pourrait se porter garant de cette importante affaire. L’aspirant à la spiritualité met le pied sur le chemin droit de la bonne conduite de soi et franchit les étapes avant d’arriver à son but. Sans s’attacher fermement à la Loi et à ses enseignements religieux, il ne lui sera pas facile de trouver la voie qui mène à la Réalité.

 

Notes :

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1-(terme sanskrit).Vers le début de l’ère commune, le bouddhisme mahāyāna s'est diffusé dans tout l’Extrême-Orient, en commençant par l’Inde et puis la Chine. Sa forme tantrique, le Vajrayāna, a pénétré au Tibet entre le VIIe siècle et le VIIIe siècle, mais a moins influencé moins la Chine. A partir du VIIIe siècle, il se marque aussi en Corée et au Japon.

2-(terme sanskrit). Il désignait à l’origine une perspective individuelle de la libération mais s’est appliqué plus tard à tous les courants chez qui la libération individuelle passait avant la libération universelle de tous les êtres.

3-(terme sanskrit). Ce terme désigne ceux des disciples qui ont vaincu les illusions et les passions, ont atteint l’Eveil suite à un enseignement (contrairement à un bouddha qui atteint cet état par lui-même) et « méritent » le Nirvana. Le terme Arhat s’emploie comme épithète pour Bouddha.

4-(terme sanskrit). Ce terme désigne l’idéal et la finalité pour un bouddhiste. Ce dernier y accède suite à un détachement duquel dérive la paix intérieure.

5- Ibn Babuyeh Qommî, surnommé Sheikh Sadûq (né avant 940 et mort en 991 à Ray, près de Téhéran), est l’un des quatre principaux traditionnistes du chiisme duodécimain. Il est l’auteur entre autres du Man lâyahzuru al-Faqîh (le Livre de celui qui n'a pas de juriste près de lui), recueil de traditions du Prophète (s) et des Imâms (as) de sa Famille, qui devait d’après son titre permettre à son lecteur de se passer de juriste, et dont les hadiths constituent une référence pour les juristes chiites. Il fut également le maître des théologiens Shaykh Mofîd et Ibn Shadhan. Il a une œuvre prolifique (près de 300 ouvrages), dont seule une partie nous est parvenue. Citons notamment un recueil en deux volumes servant à l’histoire du 8ème Imâm (as). C'est un auteur original, proposant des classifications thématiques des traditions.

6-(en arabe : أبوجعفرمحمد بن علي الباقر) Abû Ja`far Mohammad ben `Alî al-Bâqer 676 à Médine / 743 à Médine) cinquième imâm des chiites, fils de `Alî Zayn al-`Âbidîn, surnommé Bâqer al-‘Olûm : « celui qui dissèque les sciences ». Il a consacré une grande partie de sa vie aux activités scientifiques et a préparé le terrain pour que son fils, l’Imam Ja’far Sâdeq, crée une école qui formera plus de quatre mille savants et qui sera la première université de l’histoire du monde musulman.

7-(terme sanskrit). Il exprime dans le bouddhisme, l’inexistence de toute essence, l’idée de non-être relatif. On le traduit souvent par le terme de vacuité, sans qu’il s’agisse exactement d’une réalité vide. C’est surtout le fait qu’une chose n’ait pas d’être par soi, mais par autrui, c'est-à-dire une dépendance essentielle à son principe qui est visé par ce terme de sunyata.

8-(terme sanskrit) désignant l’Ecole fondée au IVe siècle qui enseigne que « tout est conscience », c'est-à-dire que les choses sont ce qu’elles sont dans les esprits. Le fait que la conscience les désigne est leur seule réalité absolue. La chose connaissable n’a donc pas besoin d’être un objet extérieur.

9-Hui Neng (683 / 713) est le sixième maillon de la chaine du bouddhisme Chan, le premier à prôner la doctrine de l'Illumination subite. Toute l’ignorance vient du fait que les hommes s’attachent à leur égo et au monde. Or aucune de ces choses n’existe vraiment. Il enseigne donc la voie directe.

10- (en persan: اعیان ثابته) A’yân thâbita, exemplaires éternels ou essences immuables. Expression d’origine théologique qu’a répandue Ibn Arabî qui s’en sert pour désigner le statut des êtres dans la science divine. Les essences immuables n’ont pas l’être propre, mais on peut seulement affirmer qu’elles sont connues de Dieu, jusqu’à ce que Dieu les fasse venir à l’être par l’ordre « sois » : (kon) !

11-(en persan : ملا هادی سبزواری) (1797 / 1873) philosophe, théologien et poète iranien, dont les œuvres en philosophie sont devenues des manuels des universités religieuses d’Iran. Henry Corbin a signalé son importance et contribué à le faire connaître hors des frontières de l’Iran

12-(en arabe: البرزخ) al-Barzakh, ce qui sépare (ou relie) deux choses pour les empêcher de se mélanger. Corbin traduit ce terme coranique par isthme, ou intermonde. Il désigne le temps qui sépare le moment de la mort d’une personne et celui de sa résurrection. Il désigne aussi le ‘’lieu’’ où a lieu cette attente.

13-(en persan : ناسوت) nasût désigne la condition de l'homme sur terre, et la conscience qu'il en a.

14-(en persan : مُلک) molk est le mot par lequel on désigne techniquement le Royaume divin, la souveraineté divine sur toute chose.

15-(en persan : ملکوت) malakût : désigne le monde angélique et sa conscience

16- (en persan : جبروت) jabarût : désigne l'environnement divin, les anges rapprochés, les archanges

17-(en persan : لاهوت) lâhût : est le fait de passer du matériel à l’immatériel

18-(en persan : هاهوت) hâhût : est le ''niveau'' suprême, celui du monde de l'Essence divine et de Ses états qui ne sont connus que de Dieu

19-(en persan :فطرت) est un mot coranique servant à désigner la nature primordiale, foncière, qui est celle de l'homme tel qu'il a été voulu par Dieu. Dans sa fetrat, tout être est croyant en Dieu