Différents avis au sujet des objectifs de l’envoi des prophètes

Dans le Noble Coran, deux significations, deux notions précises ont été citées comme indiquant l’objectif fondamental de l’envoi des prophètes, à savoir que l’ensemble des enseignements des prophètes a établi une introduction à deux choses : la connaissance de Dieu et le fait de se rapprocher de Lui d’une part, et l’établissement de la justice au sein de la société humaine d’autre part.

 

Le Noble Coran dit : « Ô Prophète ! Nous t’avons envoyé pour être témoin, pour annoncer nos promesses et nos menaces. Tu appelles les hommes à Dieu, tu es le flambeau lumineux. » (1) (Al-Ahzâb (Les coalisés) ; 33 : 45-46). Parmi tous les aspects cités dans ce verset, il est clair que « l’appel à Dieu » est la seule chose qui puisse être comptée comme un objectif fondamental.

 

D’autre part, le Coran dit à propos de tous les prophètes : « Nous avons envoyé nos prophètes avec des preuves indubitables. Nous avons fait descendre avec eux le Livre et la balance afin que les hommes observent l’équité. » (2) (Al-Hadîd (Le fer) ; 57 : 25). Ce verset présente explicitement la fondation de la justice en tant qu’objectif de l’envoi et de la mission des prophètes.

 

L’appel à Dieu, le fait de Le connaître et de se rapprocher de Lui désigne l’appel au monothéisme dogmatique et pratique de l’individu, or, la fondation de la justice au sein de la société désigne l’établissement du monothéisme pratique communautaire ; la question se pose donc ainsi : l’objectif fondamental des prophètes est-il la connaissance et l’adoration de Dieu, toutes les autres choses, dont la justice sociale, n’en demeurant que les prémisses, ou est-ce au contraire la fondation de la justice qui est leur objectif principal, la connaissance de Dieu et Son adoration n’étant uniquement que les prémisses et le moyen de réaliser cette idée sociale ? Et si nous voulions exposer cela dans la langue que nous avons employée au début de cet article, nous devrions plutôt dire : « L’objectif fondamental est-il le monothéisme dogmatique et le monothéisme pratique individuel, ou bien le monothéisme pratique communautaire ? » Ici, plusieurs façons de voir peuvent être avancées :

 

1- Les prophètes avaient deux objectifs distincts : l’un de ces deux objectifs relève de la vie future, de la félicité future de l’être humain (le monothéisme dogmatique et le monothéisme pratique individuel), et l’autre de son bonheur en ce monde (le monothéisme communautaire). De ce point de vue, les prophètes se sont occupés du monothéisme communautaire en vue du bonheur sur terre de l’être humain et se sont occupés du monothéisme dogmatique et du monothéisme pratique individuel, qui est purement spirituel et subjectif, en vue de sa félicité dans l’au-delà.

 

2- L’objectif fondamental c’est le monothéisme communautaire. Le monothéisme dogmatique et le monothéisme pratique individuel constituent les prémisses nécessaires au monothéisme communautaire. Le monothéisme dogmatique a trait à la connaissance de Dieu. Pour l’être humain en soi, il n’est aucun besoin de connaître ou de ne pas connaître Dieu, il n’importe pas que Dieu soit le seul facteur de stimulation de son esprit ou mille autres choses – de même, et à plus forte raison, il n’importe pas à Dieu que l’être humain Le connaisse ou non, L’adore ou pas - or, l’opinion que la complétude de l’être humain réside dans le fait de devenir « nous » avec le monothéisme communautaire, et le fait que sans le monothéisme dogmatique et le monothéisme pratique individuel il n’y a aucune voie vers cela, induit que Dieu a fait de Sa connaissance et de Son adoration les moyens de réaliser le monothéisme communautaire.

 

3- L’objectif fondamental c’est la connaissance de Dieu et le fait de se rapprocher de Lui, de L’atteindre. Le monothéisme communautaire assure l’introduction, le moyen d’accéder à ce but élevé, car – comme nous l’avons dit précédemment – selon la vision du monde monothéiste, le monde a pour essence : « de Lui » et « vers Lui », c’est pourquoi la complétude de l’être humain se trouve dans le fait d’aller vers Lui, de se rapprocher de Lui. L’être humain jouit d’un privilège particulier « … et que J’aurai insufflé en lui de Mon Esprit… » (3) (Al-Hadîd (Le fer) ; 15 : 29 et Sâd ; 38 : 72) et sa réalité est la réalité de Dieu.

 

La fitrat (l’innéité) de l’être humain, c’est le fait de chercher Dieu, c’est pourquoi sa félicité, sa complétude, son salut, son bien, ce qui est le mieux pour lui, sa béatitude, se trouvent dans la connaissance de Dieu, dans Son adoration et dans le fait de traverser ce qui mène à Sa proximité. Mais, selon l’opinion que l’être humain est social par nature et, que si nous le séparons de la société, il ne sera plus humain et que si la société n’est pas dominée par un système équilibré, alors la quête de Dieu qu’a l’être humain s’en trouvera impossible, aussi, les prophètes ont-ils souscrit pour cela à la production de la justice et à la négation de l’oppression et de la discrimination.

 

Par conséquent, les valeurs sociales telles la justice, la liberté, l’égalité, la démocratie, et de même pour la morale sociale, dont la générosité, le pardon, l’amitié et la bonté n’ont pas de valeur foncière et n’entrent pas foncièrement en ligne de compte concernant la perfection de l’être humain, toutes ces valeurs ayant pour fonction l’introduction et le moyen, tandis qu’en dehors de cet aspect préparatoire, il est indifférent qu’elles soient présentes ou non. Elles sont des conditions à l’acquisition de la perfection et non la perfection en soi, des préalables à la délivrance et au salut et non le salut en soi.

 

4- La quatrième opinion dit que, à l’instar de la troisième opinion, le suprême degré de l’être humain, sa perfection et même le suprême degré et la perfection véritable de toute créature, se trouvent résumés dans le cheminement vers Dieu, de là, revendiquer que les prophètes soient venus pour deux choses correspond à un associationnisme impardonnable. De la même façon, clamer que le but final des prophètes est le bonheur terrestre et que le bonheur terrestre n’est autre que la jouissance des dons de la nature et non le fait de vivre sous la protection de la justice, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, consiste en l’adoration de la matière. Cependant, contrairement à la troisième opinion, les valeurs sociales et morales, tout en étant introductives et nécessaires à l’acquisition de la valeur fondamentale et unique de l’être humain, à savoir la connaissance et l’adoration de Dieu, ne sont pas dépourvues de valeur en soi.

 

L’explication en est que le rapport entre l’introduction et ce qu’elle vise est de deux sortes :

 

Dans le premier cas, la seule valeur de l’introduction est de faire parvenir à ce qu’elle vise, après cela, il n’importe pas qu’elle soit présente ou non. Par exemple, quelqu’un veut traverser un cours d’eau, alors il place un gros rocher en son milieu afin de le franchir. Il est évident qu’après avoir traversé le cours d’eau, l’existence ou l’inexistence de ce rocher n’a pas d’importance pour lui, il en va de même pour l’échelle permettant d’accéder au toit ou du livret scolaire permettant de passer une classe.

 

Dans l’autre cas, alors que l’introduction permet d’atteindre ce qu’elle vise et alors que la valeur fondamentale et unique réside dans ce qui est visé, l’existence ou l’absence de l’introduction ne sont pas égales, au contraire, après que le but soit atteint, son existence garde la même nécessité qu’avant, de même les enseignements des classes du primaire permettent d’accéder aux enseignements des classes supérieures, or il n’est pas vrai qu’une fois atteint les classes supérieures on n’ait plus aucun besoin de ces enseignements. Par exemple, si tout le monde les a oubliés et qu’ils sont devenus nuls et non avenus, il n’y aura pas de mal et l’élève pourra passer en classe supérieure, or ce n’est généralement qu’en possédant ces enseignements et en ne les perdant pas en chemin que l’on peut poursuivre sa scolarité.

 

Le cœur du sujet est qu’il arrive parfois que l’introduction soit un infime degré de ce qu’elle vise en réalité, et parfois non. L’échelle n’appartient pas au degré qui consiste à se trouver sur le toit, ni le rocher celui qui consiste à ce trouver de l’autre côté du cours d’eau tandis que les enseignements des classes primaires et ceux des classes supérieures comptent tous pour des degrés d’une même réalité.

 

Les valeurs morales et sociales par rapport à la connaissance et à l'adoration de Dieu font partie du second cas. Ainsi, il est faux de penser que si l’être humain accède à la pleine connaissance de Dieu et à Sa parfaite adoration, l’existence ou l’inexistence de la droiture, du bien, de la justice, de la générosité, de la bienfaisance, de la bienveillance, de la bonté et du pardon n’a aucune importance, car la haute moralité de l’être humain est une forme d’état divin et, en vérité, il s’agit de degrés et de stades de la connaissance de Dieu et de Son adoration, même sous une forme inconsciente.

 

De fait, l’attachement de l’être humain à ces valeurs résulte de l’attachement inné (de la fitrat) au fait d’être doué de qualités divines, même si l’être humain n’est pas forcément attentif à leur racine originelle et nie à l’occasion le sens commun. Par ailleurs, les connaissances islamiques disent que ceux qui possèdent une bonne moralité en matière de justice, de bonté, de bienfaisance en verront l’effet dans l’autre monde, même s’il s’agit de polythéistes.

 

Si la mécréance et le polythéisme de ces personnes ne sont pas dus à l’opiniâtreté, s’ils croient d’une certaine manière à l’autre monde, alors en vérité, ces personnes, sans être connaissant d’elles-mêmes, ont accédé à un degré de l’adoration divine.

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1-Traduction Kasimirski.

2-Traduction Denise Masson.

3-Traduction Denise Masson.