L'échange et la consommation (ou la gestion des biens)

L'échange et la consommation (ou la gestion des biens)
1- L'E'change:
Le phénomène de l'échange dans les sociétés humaines provient du fait que, même au sein des société les plus élémentaires, l'individus ne peut habituellement pas couvrir par la production directe tous ses besoins de consommation, ni consommer tout ce qu'il produit. Dès lors est née la tendance à la répartition du travail et à la spécialisation. Les membres de la société se sont rendu compte des vertus de la répartition et de la spécialisation et de leurs effets positifs sur la bonification et l'amélioration continuelles du travail. L'homme commence, en vertu de la répartition du travail, à produire un article donné en quantités supérieures à ses besoins afin qu'il puisse l'échanger contre d'autres articles dont il a besoin et qui sont produits par d'autres individus.

Au début, l'échange se faisait sous forme de troc: le producteur d'un article donné en offrait le superflu à un autre producteur contre d'autres articles produits par ce dernier et dont il avait lui-même besoin. Ainsi, les deux contractants d'un accord de troc étaient à la fois producteurs et consommateurs; en d'autres termes, la production était équilibrée par une consommation équivalente.

D'autre part, le producteur n'avait pas intérêt à conserver en nature la richesse qu'il produisait, car, d'une part, tout article se dévalorise avec le temps et, d'autre part, pour satisfaire ses autres besoins de consommation, l'homme devait soit les produire lui-même, soit en produire d'autres pour les troquer contre ce dont il avait besoin. Autrement dit, la production était uniquement un moyen de satisfaire les besoins.

Quant au troc lui-même, il n'est pas un moyen de gagner ce dont on a besoin, mais seulement un moyen d'échange pour obtenir ce dont on a besoin, ce qui veut dire qu'il ne procure pas à l'individu une nouvelle richesse, mais lui assure la satisfaction de ses besoins en lui offrant la possibilité d'échanger la part de sa production dont il n'a pas besoin contre ce dont il a besoin des produits des autres.

Trois phénomènes dominent donc l'opération de l'échange à l'ère du troc. Ce sont schématiquement:

1) La production était indissociable de la consommation.

2) L'accumulation continuelle des produits n'était pas possible.

3) L'échange lui-même ne permettait pas à l'individu de réaliser un gain.

L'apparition de la monnaie - comme instrument général d'échange et de détermination des valeurs des articles - a affecté beaucoup ces phénomènes.

Ainsi, en ce qui concerne le premier d'entre eux, le producteur eut désormais la possibilité de vendre son produit contre de l'argent et d'ajourner l'achat d'un autre article destiné à sa consommation. La production, par conséquent, se trouvait dissociée de la consommation.

En ce qui concerne le second phénomène, on a constaté qu'il est souvent possible de mettre son argent de côté, sans risque de le voir se dévaluer.

La monnaie devient donc un moyen d'épargne et de thésaurisation; la possibilité de monopoliser est, par conséquent, acquise.

Quant au troisième phénomène, dorénavant l'opération d'échange offre elle-même des possibilités de gain. Car il suffit à l'homme d'avoir assez d'argent pour qu'il puisse acheter une grande quantité d'un article et la revendre par la suite à des prix monopolistes, réalisant ainsi un nouveau gain qui résulte des deux opérations d'achat et de vente indépendamment de toute production de richesse réelle. Pis encore, la monnaie elle-même, par les pouvoirs qu'elle a acquis dans la vie économique, est devenue un article demandé non pas pour la consommation, mais pour l'investissement. Ceux qui ont pu se procurer de grosses sommes d'argent se sont appliqués à l'accaparer pour le «vendre» à crédit à une valeur supérieure. D'où la naissance de l'usure et l'ouverture de marché capitalistes de prêts usuraires.

L'Islam considère que cette déviation de la société - dans le domaine de l'échange - des trois phénomènes originels que nous venons d'exposer, menace la sécurité de la société, met fin à son équilibre social et détourne les opérations économiques de leur but naturel. Pour cette raison l'E'conomie islamique est en mesure de mettre au point, grâce à ses éléments variables et immuables, une politique capable d'éviter cette déviation par tous les moyens appropriés. Elle a également dénoncé l'usure et prohibé catégoriquement l'intérêt. Car l'intérêt provenant des prix monopolistes de l'argent n'est pas un rétribution du dommage subi pendant le travail. Lorsque vous utilisez la charrue que vous louez, vous usez une partie de la capacité de travail qu'elle possède et qu'elle aura perdue quand vous la rendez à son propriétaire. Il est donc naturel de payer à celui-ci une rétribution convenable. Mais lorsque vous empruntez une somme d'argent pour financer un projet et que vous la rendez par la suite à votre créancier, l'argent reviendra chez son propriétaire sans avoir perdu de sa valeur pendant son utilisation. La rétribution - ou l'intérêt - n'est donc ici que l'expression du prix monopoliste de la monnaie. L'Islam a également prohibé la thésaurisation et l'accumulation de la monnaie.

Dans de nombreux cas il a imposé des impôts sur l'argent thésaurisé, pour que celui-ci ne se détourne pas de son rôle naturel de moyen de facilitation de l'échange entre les produits, vers un rôle monopoliste servant de moyen d'accumuler et de monopoliser la richesse et d'en décider par conséquent le prix.

Aussi l'Islam s'est-il acheminé vers l'abolition des opérations parasitaires de l'échange, lesquelles dissocient la production de la consommation, et vers l'interdiction de la vente d'une marchandise avant de l'avoir possédée. Il a donné au métier de commerçant un sens qui implique le travail et l'effort, et n'a pas autorisé l'individu à acheter une utilité à un prix pour la revendre à un prix supérieur s'il n'a pas effectué un travail qui justifie cette augmentation.

Dans les éléments immuables de l'Islam, se trouve un texte fort explicite à cet égard, concernant les utilités. Mais il est probable qu'il n'y ait pas un texte similaire concernant l'échange des articles et des biens, car ce type d'échange signifiait habituellement le travail et l'effort dont il ne pouvait pas se passer dans les circonstances historiques contemporaines de la période de la promulgation de la législation islamique.

L'opération commerciale était, en effet, indissociable, à cette époque-là, des opérations du transport de l'article, de sa mise à la distribution de l'acheteur dans un endroit convenable, de son emmagasinage et de sa conservation. C'est pourquoi nous avons fait remarquer dans le livre précédent que l'Imam Amir al-Moumine 'Alî avait défini l'identité des commerçants comme suit: «Ils sont les origines des profits et la source du confort. Ce sont eux qui les (marchandises) apportent des pays les plus lointains et les plus reculés sur la terre et sur la mer, dans tes plaines et dans tes montagnes, et là où d'autres hommes n'oseraient pas les rechercher».

Pour cette raison, l'E'conomie islamique, en ce qui concerne l'échange des articles et des biens, doit s'orienter grâce à ses éléments mobiles vers la même direction qu'avaient suivi les éléments immuables dans le domaine de l'échange des utilités.

REGLE 8
Il est interdit d'amasser et thésauriser l'argent.

REGLE 9
Il faut s'orienter vers l'interdiction de tout gain résultant des prix monopolistes de l'argent, y compris des intérêts usuraires.

REGLE 10
La politique économique de l'E'tat islamique est orientée vers la réduction du fossé séparant le producteur du consommateur et tend à éliminer de l'opération de l'échange, la possibilité de gain qu'elle pourra offrir indépendamment de la production et du travail.

2- La Dépense des Biens:
De même que l'Islam a posé des restrictions sur l'échange des biens, il a également restreint la dépense relative à la satisfaction des besoins en prohibant le gaspillage. La prohibition du gaspillage et des prodigalités représente, en fait, une limitation quantitative des dépenses de la vie.

Dans la société islamique, personne n'a le droit de dépasser les limites habituelles de niveau de vie en vigueur. Le dépassement de ces limites est considéré comme des prodigalité que l'E'tat doit interdit.

C'est là une des deux mesures que prend l'Islam pour éliminer les grands écarts entre les niveaux de vie. La seconde mesure est celle qui vise à relever le niveau de vie des pauvres pour atteindre la moyenne générale du bien-être. Par ces deux mesures l'Islam tend à réaliser un équilibre social entre les niveaux de vie de tous les membres de la Communauté malgré la différence de leurs revenus.

Ainsi, les prodigalités, tel que nous venons de le voir, sont relatives et varient selon le degré du bien-être général de la société: plus ce degré est élevé, plus les dépenses nécessaires pour atteindre le seuil des prodigalités augmentent. C'est dire que ce qui est considéré comme prodigalités dans une société donnée ne le serait pas dans une autre société ayant un niveau de bien-être supérieur. Quant au gaspillage, l'Islam propose, pour y pallier, une limitation qualitative des dépenses. C'est pourquoi il n'autorise pas la dépense en vue de satisfaire des caprices inadmissibles et des désirs considérés comme frivoles par la norme islamique, tels que l'élevage des chiens, les jeux et d'autres enfantillages.

Tout en interdisant à l'individu les différentes formes des prodigalités et du luxe, l'Islam a encouragé en revanche le fidèle à offrir ce qui excède ses besoins raisonnables à la communauté et à la cause de Dieu. Dieu - Il est E'levé - a dit ce propos:

«Ils t'interrogent au sujet des aumônes; dit: Donne votre superflu».

Il est imposé également aux individus la responsabilité de la solidarité sociale en obligeant tous les nantis de la société islamique à y subvenir aux besoins de nécessiteux et à prendre en charge les pauvres et les invalides.

Pour faciliter l'application de ces mesures, l'Islam a recouru à l'éducation spirituelle et doctrinale en vue de créer un terrain approprié. En d'autres termes, il s'efforce de détourner l'homme de sa tendance à la dépense effrénée pour se désirs, ses caprices et pour un style de vie somptueux, et de le réorienter vers des préoccupations se rapportant aux grands problèmes de l'humanité et aux responsabilités que lui confère le «Khilâfah de l'homme sur terre».

L'éducation islamique, unique en son genre, a pu ainsi créer une atmosphère spirituelle et un terrain intellectuel propices à cette transformation grandiose dans l'orientation de la dépense, ses raisons et ses objectifs, à tel point que l'Islam s'est vu contraint de fixer des limites à la dépense pour la cause de Dieu, ceci afin d'empêcher les fidèles de consacrer tout ce qu'ils possèdent à cette cause. En effet, Dieu dit à cet égard:

«Dépensez vos biens dans le chemin de Dieu; ne vous exposez pas, de vos propres mains, à la perdition. Accomplissez des oeuvres bonnes; Dieu aime ceux qui font le bien».

Dieu dit également:

«Ne porte pas ta main fermée à ton cou et ne l'étends pas non plus trop largement, sinon te tu retrouverais honni et misérable».

REGLE 11
Le niveau de vie de l'individu ne doit pas dépasser de beaucoup le niveau du bien-être général de la société. L'E'tat doit en faire l'évaluation et prendre les mesures nécessaires pour empêcher les prodigalités.