L'Imam Hadi : Une vie saturée de science et de jihâd face à la déviance

L'Imam Hadi : Une vie saturée de science et de jihâd face à la déviance
Par rapport à la longévité normale, l'Imâm al-Hâdî (p) n'a vécu que trop peu. Il est mort à 41 ans. Né au milieu du mois de dhû al-hijja 212 de l'hégire, à Sirrya, un village à trois miles de Médine, fondée par l'Imâm al-Kâzim (p), il est mort à Samarra' en Iraq.Il a mené sa vie dans une activité intense centrée sur la culture islamique. Il enseignait et même les savants étaient parmi ses élèves. On dit que ceux qui transmettaient ses connaissances étaient au nombre de cent quatre-vingt transmetteurs environ.

Un transmetteur, on le sait, c'est quelqu'un qui, à l'époque, occupait une place avancée. Les historiographes comptaient, parmi ses compagnons les plus proches, Ahmad Ibn Hamza Ibn Alliasa', Sâlih Ibn Muhammad al-Hamdânî, Muhammad Ibn Jazâl al-Jammâl, Ya'qûb Ibn Yazîd, le scribe, Abû al-Hussein Ibn Hilâl, Ibrâhîm Ibn Ishâq, Khayrân, le serviteur et an-Nadr Ibn Muhammad al-Hamdânî. On compte parmi ses représentants, Ja'far Ibn Sahl as-Saql et parmi ses compagnons, Dâwûd Ibn Zayd, Abû sulaymân Zinjân, al-Hussein Ibn Muhammad al-Madâ'inî, Ahmad Ibn Ismâ'îl Ibn Yaqtîn, Bishr Ibn Bashshâr an-Nayshâbûrî ash-Shâdhânî, Salîm Ibn Ja'far al-Marûzî, al-Fath Ibn Yazîd al-Jurjânî, Muhammad Ibn Sa'îd Ibn Kulthûm, Mu'âwiya Ibn Hakîm al-Kûfî, 'Alî Ibn Ma'bad al-Baghdâdî et Abû al-Hassan Ibn Rajâ al-'Abratâ'î.

L'Imâm était actif dans la vie des gens ; il observait et faisait face à toutes les déviations qui surgissaient dans la réalité islamique, car la charge des prophètes, des waliyy et des savants de tous les temps est d'étudier de pré toutes les lignes qui apparaissent dans la culture et dans la réalité islamique afin de corriger les erreurs et de redresser les déviations avec les moyens fixés par Dieu, le Très-Haut, dans Son Livre, c'est-à-dire par la sagesse et la meilleure exhortation, par la discussion la plus courtoise.

L'Imâm al-Hâdî (p) a fait face à beaucoup de problèmes intellectuels qui s'étaient imposés sur la mentalité musulmane et qui l'avaient fait dévier loin du droit chemin. A son époque a sévi le problème de ceux qui prônaient le déterminisme, un dogme selon lequel Dieu aurait déterminé les actions des hommes et que ceux-ci ne sont pas libres d'obéir ou de désobéir car, selon les tenants de ce dogme, l'obéissance et la désobéissance sont déterminées par Dieu.

Il y avait aussi le dogme du libre arbitre selon lequel Dieu, le Très-Haut, aurait mandaté Ses créatures de gérer le monde après les avoir créées et s'être isolé loin d'eux, ou qu'Il aurait mandaté certaines de Ses créatures, dans le sens où Dieu aurait créé les hommes et qu'Il a laissé aux prophètes, par exemple, le soin de gérer les affaires du monde. Selon ce dogme, Dieu n'intervient pas dans les affaires des hommes, mais Il les soumet à Sa puissance, à Sa prééminence et à Ses décrets de sorte à ce qu'ils ne s'écartent pas de Son pouvoir.

Les tenants de ces deux dogmes vivaient, de toute apparence, en dehors de Médine, puisque l'Imâm al-Hâdî (p) leur a envoyé une lettre où il a expliqué ce dont il s'agissait vraiment en leur prouvant au moyen de preuves rationnelles et de transmission la fausseté, à la fois, des deux dogmes du déterminisme et du libre arbitre. Il les a appelés à être droits en suivant la ligne de Dieu, à Lui la Grandeur et la Gloire. Il a fait face également aux extrémistes qui avaient tenté de faire circuler leurs mythes à travers la mentalité publique, surtout que beaucoup de mentalités en présence dans la société sont du genre simple et naïf qui, partout et de tout temps, acceptent tout.

L'Imâm al-Hâdî (p) dit dans cette lettre :" De la part de 'Alî Ibn Muhammad, que la paix de Dieu, Sa miséricorde et Ses bénédictions soient sur vous et sur ceux qu suivent la guidance. J'ai reçu votre missive et compris ce que vous dites au sujet de votre désaccord en ce qui concerne votre religion. J'ai appris que vous polémiquez au sujet de la prédestination et au sujet de ceux qui, parmi vous, prônent le déterminisme ou le libre arbitre. J'ai appris que vous vous êtes divisés et opposés et que l'animosité est apparue parmi vous. Vous m'avez demandé de vous éclairer sur ces questions et j'ai appris ce que vous me demandez…

Pour ce qui est du déterminisme qui réduit à l'erreur celui qui le prône, il consiste dans la prétention selon laquelle Dieu, à Lui la Grandeur et la Gloire, oblige les créatures de désobéir et les punit s'ils désobéissent. Ceux qui prônent ce dogme sont injustes envers Dieu. Et ils contredisent Dieu qui dit : "Ton Seigneur n'est injuste envers personne" (Coran XVIII, 49), qui dit : "Cela par ce qu'auront avancé tes mains, car Dieu n'est pas injuste envers les serviteurs" (Coran XXII, 10) et qui dit : "Dieu n'est nullement inique envers les hommes. C'est à leur propre encontre que les hommes le sont" (Coran X, 44). Beaucoup d'autres Versets vont dans le même sens. Celui qui prétend qu'il est obligé de commettre des péchés ne fait que faire porter à Dieu la responsabilité de ses fautes et, le faisant, il devient injuste envers Dieu ; celui qui est injuste envers Dieu est injuste envers Son Livre, et celui qui est injuste envers le Livre de Dieu est mécréant du commun accord de la Nation.Quant au libre arbitre que rejette l'Imâm as-Sâdiq (p) et dont les tenants sont considérés par lui comme étant dans l'erreur, il est celui qui s'exprime dans la thèse qui dit que Dieu aurait donné aux serviteurs la liberté de choisir Ses directives mais qu'Il les abandonnés par la suite.Cette thèse est riches de notions si l'on cherche à bien la discuter, et les Imâms de la Famille dirigée (p) ont dit autre chose.

Ils ont dit que si Dieu avait donné aux serviteurs la liberté dans le sens de l'abandon, il Lui incombe d'accepter ce qu'ils auraient choisi et de les en récompenser, mais aussi de ne pas les châtier pour leurs méfaits. Celui donc qui prétend que Dieu, le Très-Haut, donne aux serviteurs le mandat de Ses directives, affirme qu'Il est impuissant et l'accule à accepter tout ce qu'ils font en matière de bien ou de mal annulant, du même coup, Ses directives et Ses promesses du fait qu'ils prétendent qu'ils sont mandatés par Lui, car celui qui est mandaté agit selon sa propre volonté : Il ne lui est pas interdit de choisir la foi ou la mécréance.

Celui qui adopte le libre arbitre ainsi compris, annule tout ce que nous venons de dire en matière de directives et de promesses divines et c'est lui qui est désigné par le Verset qui dit : "Ne croiriez-vous qu'à une portion de l'écrit, en en déniant le reste ? Ceux d'entre vous qui commettent cela n'auront pour récompense que la tribulation dans la vie d'ici-bas et d'être au Jour de la Résurrection renvoyé au tourment le plus sévère ; Dieu n'est pas inattentif à ce que vous commettez" (Coran II, 85), Il est tellement plus haut que ce que disent ceux qui adoptent la thèse du libre arbitre.

Nous disons plutôt que Dieu, à Lui la Grandeur et la Gloire, a créé la créature par son pouvoir et lui a donné le pouvoir de Lui rendre culte par Son pouvoir.Il lui a donné Ses directives comme Il le veut et Il accepte le fait qu'elle en consent.

Il lui a déconseillé de Lui désobéir tout en lui promettant la punition, c'est Lui qui choisit ce qu'Il veut, Il récompense et punit comme Il le veut ceux qui Lui obéissent ou désobéissent, car Il est parfaitement juste, équitable et sage.

Ses preuves sont absolument évidentes lorsqu'Il avertit, c'est Lui qui élit celui qu'Il veut parmi Ses serviteurs afin de transmettre Son Message et de présenter Ses preuves à Ses serviteurs. Il a choisi Muhammad (P) et l'a envoyé pour porter Ses Messages à Ses créatures ".

L'Imâm al-Hâdî (p) et la lutte contre l'extrémisme
Il y a eu à l'époque de l'Imâm al-Hâdî (p) certains qui ont prétendu que l'Imâm est le Seigneur et le Prophète et que la prière qui interdit le péché et la faute est la connaissance de l'Imâm. Les tenants de cette tendance ont profité de l'amour que les gens vouaient aux Gens de la Maison (p) et se sont présentés comme faisant partie de ceux qui les aiment.

Et comme ils diffusaient ces idées, l'un de Ses compagnons a écrit à l'Imâm al-Hâdî (p) ce qui suit : " Que je sois sacrifié pour toi, ô mon maître : 'Alî Ibn Hasaka qui est un extrémiste prétend qu'il est l'un de tes partisans, que tu es le Premier et l'Ancien, qu'il est ta porte et ton prophète et qu tu lui aurais ordonné de diffuser ces idées. Il prétend aussi que la prière, la zakât, le pèlerinage et le jeûne ne sont rien d'autre que le fait de te reconnaître et reconnaître ceux qui ressemblent à Ibn Hasaka et ses prétentions concernant le fait d'être ta porte et ton prophète. Celui qui reconnaît ces propositions est un croyant parfait qui n'a plus à s'acquitter de la prière, de la zakât et du jeûne. Beaucoup de gens ont suivi Ibn Hasaka. Veuille donc écrire à tes partisans afin de les mettre à l'abri de la perte ".

L'Imâm al-Hâdî (p) a donné la réponse suivante : " Ibn Hasaka est un menteur. Que Dieu le maudisse. Il suffit de savoir que je ne le connais pas parmi mes partisans. Que dit-il ? Que Dieu le maudisse ! Par Dieu, Dieu n'a envoyé Muhammad et les prophètes qui l'ont précédé qu'en les chargeant de la religion droite, de la prière, de la Zakat, du pèlerinage et de la reconnaissance de l'Autorité. Muhammad n'a appelé les gens à autre chose en dehors de Dieu seul qui n'a pas d'associé. Nous, les Légataires du Prophète parmi ses descendants, nous sommes des serviteurs de Dieu. Nous ne Lui associons rien. Si nous Lui obéissons, Il sera clément avec nous ; si nous lui désobéissons, Il nous torturera. Nous n'avons aucun pouvoir sur Dieu.

C'est Lui qui a pouvoir sur nous et sur toutes Ses créatures. Je désavoue auprès de Dieu ces allégations et je désavoue ceux qui les proclament.

Eloignez-vous d'eux, que Dieu les maudisse et assiégez-les par tous les moyens ".

Cette lettre confirme la règle fondée sur la foi dans la ligne des Gens de la Maison (p). Elle désapprouve l'extrémisme qui les élevait à un niveau proche de celui de la divinité, directement, en prétendant que Dieu s'incarne en eux, ou indirectement, en lui attribuant certains attributs divins. Attributs qui font qu'on les adore, qu'on les considère comme ayant le pouvoir de donner aux hommes leurs subsistances, ou le pouvoir de donner la vie ou la mort… Avec ces prétentions, ceux qui les prônaient s'accaparaient ainsi des statuts de prophètes envoyés par eux, ou de portes d'accès à eux.

L'Imâm al-Hâdî (p) a condamné ces prétentions sans rémission en affirmant le culte exclusif de Dieu et que les Imâms sont chargés par Dieu d'obéir à Ses ordres, car la désobéissance implique le châtiment. Les Imâms sont responsables devant Dieu comme toutes Ses autres créatures en tant que serviteurs de Dieu. Puis l'Imâm (p) a renié ces extrémistes en reniant leurs idées mécréantes et déviantes. Il a aussi rompu tout lien avec eux. C'est ce que nous devons faire de notre côté face aux déviances qui prônent l'extrémisme ou les idées proches de l'extrémisme qui attribuent aux Imâms des statuts proches de celui de la divinité, des statuts avec lesquels ils joueraient le rôle de Dieu dans les domaines de la création et de l'octroi des subsistances, de la vie et de la mort, sauf avec Son autorisation.

L'Imâm al-Hâdî (p) a mené une activité très intense dans l'affirmation des concepts islamiques et dans l'enseignement des qualifications légales, ainsi que dans la fondation, dans plusieurs régions, d'une large base populaire de croyants qui croyaient à l'Autorité des Gens de la Maison (p). L'Imâm (p) dirigeait un appareil dynamique et diversifié de renseignement ici et là et qui communiquait aux gens, avec le maximum de rigueur et de précision, les enseignements de l'Imâm…

Les lettres qu'il adressait à ses représentants étaient bien ordonnées et marquées par beaucoup de méthode. On lit dans l'une de ses lettres : "

Voici une copie de ma lettre que j'envoie avec Ibn Râshid à la communauté des partisans vivant à Bagdad, à Madâ'in et ailleurs dans le Sawâd :

Louange à Dieu en raison de Ses bienfaits, et que les meilleures bénédictions et les plus parfaites compassions soient sur Son Prophète et sur les membres de sa famille. J'ai désigné Abû 'Alî Ibn Râshid à la place de al-Hussein Ibn 'Abd Rabbu et de mes autres représentants qui travaillaient sous son contrôle. Il a maintenant la même fonction qu'il remplissait et il est chargé de percevoir les fonds qui me reviennent. Je l'accepte donc pour vous, je le privilégie et il en est digne. Payez-lui donc, que Dieu soit compatissant avec vous, le fonds qui me reviennent de votre part. Ne soyez pas fautifs en le refusant. Vous devez vous hâter de le faire par obéissance à Dieu et pour assurer le caractère licite de vos biens ainsi que votre salut. Coopérez dans la charité et la crainte révérencielle et non pas dans le péché et l'agression. Craignez Dieu pour obtenir Sa Miséricorde et ne mourrez pas qu'en étant musulmans. En Obéissant à Dieu, vous avez l'obligation de m'obéir et en désobéissant à Dieu vous désobéissez à moi.

Suivez donc le droit chemin et, en réponse, Dieu vous rétribuera et vous comblera de Ses bienfaits. Dieu est celui de la largesse et de la générosité. Il est charitable envers Ses serviteurs et Il est miséricordieux. Que Dieu nous gardes et vous garde. J'ai écrit cette lettre de ma propre main. Toutes les louanges appartiennent à Dieu ".

L'examen rigoureux de cette lettre montre que l'Imâm al-Hâdî (p) avait à sa disposition un appareil organisé de représentants. Ils les contrôlait et les remplaçait de temps à autre pour diverses raisons.

Il y avait des responsabilités quant à la perception des fonds du cinquième dont il avait besoin, en tant qu'Imâm, pour les dépenses de la communauté. Il recommandait ses compagnons de ne pas s'écarter de lui et de coopérer avec lui dans la charité et la crainte révérencielle et non pas dans le péché et l'agression.

Cela nous renseigne sur son application à superviser le travail de ses représentants même s'il est satisfait de leur travail, et ce afin de toujours s'assurer de leur droiture sur la ligne de l'obéissance à Dieu et de garantir la discipline sur la base de l'action droite.

Cette méthode de gérer les relations de l'Imâm (p) avec ses partisans par l'intermédiaire des représentants légaux donne à penser qu'elle est le fondement de l'ordre des représentants des Références religieuses, ordre visant à assurer la liaison entre ces Références et la base en ce qui concerne les questions des fonds légaux et des engagements religieux lorsque le pouvoir officiel fait défaut.

La réussite de cet appareil a permis à l'Imâm (p) de conquérir une large popularité parmi les Musulmans qui croyaient à son Imâmat et les Musulmans qui n'y croyaient pas, au point que ses contemporains parmi les califes abbassides le craignaient pour leur pouvoir, du fait de l'amour que le peuple vouait aux Gens de la Maison (P), la confiance qu'il avait en eux et le sentiment qu'il avait de leur sainteté et pureté.

En lisant la biographie de l'Imâm al-Hâdî (p), nous constatons que les habitants des deux lieux saints, la Mecque et Médine, lui vouaient beaucoup de respect. Exceptionnels, ce respect et cette vénération étaient sans doute dus aux compétences de l'Imâm (p) dans le domaine de la direction intellectuelle, spirituelle et pratique qui pénétrait dans toutes les raisons et tous les cœurs.

Il en est ainsi car il n'est pas naturel qu'un homme soit si vénéré et respecté sans qu'il ait une grande influence sur les raisons des gens, sur leurs cœurs et sur leurs vies. Il est à noter que les habitants des deux lieux saints n'étaient pas d'un seul avis pour ce qui est de l'appartenance à telle ou telle école. Ils avaient plutôt leurs divergences sur ce plan et on sait que les habitants de la Mecque et de Médine n'étaient pas à l'époque des Imâmites et des partisans des Gens de la Maison (p). Ils avaient leurs divergences mais ils s'accordaient à respecter la personne de l'Imâm al-Hâdî (p).

Qu'est ce qui explique ce genre de popularité dont jouissait l'Imâm al-Hâdî (p) ? Il y a d'abord la lettre envoyée par l'un des responsables de Médine au calife abbasside al-Mutawakkil. Il y a ensuite les réactions populaires lorsqu'on a voulu déporter l'Imâm de Médine à Bagdad ou à Samurrâ'. Voici ce que l'historien al-Mas'ûdî note dans son livre " Murûj adh-dhahab " (les prairies d'or) : " Burayha, l'imâm de la prière dans les deux lieux saints, à écrit à al-Mutawakkil que s'il tenait à maintenir les deux lieux saints sous son autorité, il devait en éloigner 'Alî Ibn Muhammad al-Hâdî, car il a appelé les gens à le suivre et beaucoup de monde l'ont suivi. Burayha a multiplié l'envoi de lettres dans ce sens et al-Mutawwakil a fini par envoyer Yahyâ Ibn Harthama à l'Imâm al-Hâdî avec une lettre où il a dit qu'il lui manquait et lui demandait de venir le voir. Il a ordonné Yahyâ de lui réserver un bon traitement et lui a écrit une lettre dans ce sens ".

Cela nous renseigne que Burayha était un abbasside, de la famille des califes, et qu'il a écrit à al-Mutawakkil que les deux lieux saints étaient sur le point de reconnaître l'autorité de l'Imâm al-Hâdî (p). Nous savons aussi que l'Imâm al-Hâdî (p) n'appelait pas le peuple à se révolter contre le califat abbasside car les conditions objectives ne le permettaient pas. Mais Burayha avait remarqué que les gens se rassemblaient autour de l'Imâm (p) d'une manière qui laisse soupçonner qu'ils le considéraient comme ayant la capacité de gérer leurs affaires. D'où, il a écrit cette lettre pour avertir le pouvoir central du danger qu'il pensait imminent, et il a multiplié l'envoi de lettres dans ce sens à al-Mutawakkil au sujet de l'Imâm al-Hâdî (p).

L'Imâm al-Hâdî (p) et ses épreuves face au pouvoir politique des Abbassides
Nous constatons aussi que, craignant les Gens de la Maison (p), le pouvoir ne pouvait cependant pas nier leurs mérites, leur haut rang et leur sainteté. Nombreux sont les exemples qui le prouvent :

Le premier exemple :
Les historiographes disent que al-Mutawakkil était atteint d'un abcès dont il a faillit mourir. Mais personne n'osait le lui crever avec un couteau.

Sa mère a fait le vœu de donner à Abû al-Hassan, 'Alî Ibn Muhammad al-Hâdî, une grande somme d'argent si son fils en arrivait à se rétablir. Après ce vœu, al-Mutawakkil se rétablit et la nouvelle fut annoncée à sa mère qui a envoyé à Abû al-Hassan (p) toute sellée une somme de dix mille dinars.

Quelques jours plus tard, al-Bathânî, qui était un laquais du pouvoir, a calomnié Abû al-Hassan (p) l'accusant à tort de cacher des armes et de l'argent. Sur-ce, al-Mutawakkil ordonne Sa'îd, l'un de ses officiers, de faire une descente pendant la nuit chez Abû al-Hassan (p) et de lui apporter ce qu'il trouverait chez lui en fait d'armes et d'argent.

A ce propos, Ibrâhîm Ibn Muhammad, qui le rapporte de Sa'îd, l'officier, dit : "Arrivé en plein nuit chez Abû al-Hassan (p), j'ai utilisé une échelle pour monter sur les toits. Mais l'obscurité m'a empêché de savoir comment me diriger. Tout à coup Abû al-Hassan (p) m'a interpellé et m'a demandé de rester là où j'étais et m'a dit qu'on va m'apporter une bougie. On n'a pas tardé de me l'apporter et, descendant, je l'ai vu habillé d'une cape en laine et d'un bonnet en laine, et il était debout face à la Qibla (en direction de la Mecque) sur son tapis de prière étendu sur une natte. Il m'a dit : 'Va inspecter les pièces'. J'y suis entré et j'ai inspecté, mais je n'ai rien trouvé en dehors de la bourse scellée du sceaux de la mère de al-Mutawakkil posée à côté d'un sac lui aussi scellé. Abû al-Hassan (p) m'a dit alors :

'Inspecte l'endroit de la prière'. Je l'ai inspecté et j'ai trouvé une épée dans son fourreau. J'ai tout apporté à al-Mutawakkil qui, voyant le sceau de sa mère sur la bourse, a envoyé la chercher. Un serviteur de l'intérieur du palais m'a appris qu'elle était venue et, interrogée par lui au sujet de la bourse, elle l'a mis au courant du vœu qu'elle avait fait lors de sa maladie et qu'elle lui a offert cette bourse qui était toujours scellée. Il a ouvert l'autre sac et y a trouvé quatre cent dinars. Alors, il a ajouté à la bourse une autre bourse et m'a ordonné d'aller les porter à Abû al-Hassan avec l'épée fourré. J'y suis allé et lui est dit avec embarras : ' ô mon maître ! Je regrette de m'être introduit dans ta maison sans ton autorisation. Mais j'avais l'ordre de le faire'. Il m'a répondu : "Pour ceux qui commettent l'iniquité, ils sauront bientôt quel destin sera le leur" (Coran XXVI, 227) ".

Ainsi, nous remarquons que, dans toute la société islamique, la Mère de al-Mutawakkil, n'ait pu trouver quelqu'un se rapprocher grâce à lui de Dieu afin d'intercéder auprès de Lui autre que l'Imâm al-Hâdî (p). Cela nous prouve que sa sainteté était vivante dans les consciences des Musulmans et même à l'intérieur de la famille califale opposée à la ligne des Imâms (p). Ce récit nous renseigne aussi sur la vie de l'Imâm al-Hâdî (p) telle qu'elle se présentait à l'intérieur de sa maison : Habillement dur, modestie devant Dieu sur son tapis de prière, bibliothèque remplie de recueils du Coran et de livres de science.

Le deuxième exemple : Yahyâ Ibn Harthama, la personne que al-Mutawakkil avait dépêchée à Médine pour conduire l'Imâm (p) à Sâmurrâ', a dit : " Je suis donc allé à Médine. Y entrant, ses habitants ont fait un vacarme inouï tellement ils craignaient pour sa vie. Tout les gens étaient dehors et complètement abasourdis, car l'Imâm al-Hâdî (p) était un homme charitable. Il ne quittait pas la mosquée et ne manifestait aucun penchant pour la vie de ce bas monde. Je me suis donc mis en devoir de les calmer. Je leur ai juré que je n'ai pas l'ordre de lui nuire et qu'il n'a rien à craindre. Puis j'ai inspecté sa maison et n'ai rien trouvé que des recueils du Coran, des copies d'invocations et des livres de science. Alors j'étais pris envers lui d'un sentiment d'estime et, l'accompagnant avec bonté, je me suis mis personnellement à le servir ".

Le troisième exemple : Le Même Yahyâ raconte ce qui suit : " Arrivé à Bagdad, j'ai commencé par consulter Ishâq Ibn Ibrâhîm at-Tâhirî qui était le gouverneur de la ville. Il m'a dit : 'Cet homme est un descendant du Messager de Dieu (P) et tu connais bien al-Mutawakkil. Si tu le dresses contre lui, il le tueras et tu seras l'adversaire du Messager de Dieu au Jour du Jugement'. Je lui ai répondu que je l'ai traité très convenablement. Après quoi, je me suis rendu à Sâmurrâ' où j'ai commencé par m'entretenir avec Wassîf, le Turc, qui était un grand fonctionnaire au service de al-Mutawakkil, et je l'ai informé de l'arrivée de Abû al-Hassan. Il m'a dit : 'S'il perd ne serait-ce qu'un cheveu tu en seras le seul responsable'.

J'étais étonné de ses propos conformes à ceux de Ishâq. Arrivée, enfin chez al-Mutawakkil, il m'a interrogé à son sujet et je lui ai dit qu'il était un homme de bien, droit, pieux et ascète et comment j'ai fouillé chez lui pour ne rien trouver en dehors des recueils du Coran et des livres de science. Je lui ai dit aussi comment les habitants de Médine avaient peur pour lui. Al-Mutawakkil l'a bien traité, lui a offert beaucoup de présents et lui a donné domicile avec lui à Sâmurrâ'.

Nous pouvons nous constituer une idée de la vénération que les gens vouaient à Abû al-Hassan (p) à travers un récit rapporté par Muhammad Ibn al-Hassan Ibn al-Ashtar al-'Alawî qui a dit : " Tout jeune, je me trouvais avec mon père devant la porte de al-Mutawakkil avec une foule de gens dont des Talibides, des Abbassides, des soldats et autres. Les gens avaient l'habitude de descendre de leurs montures chaque fois que Abû al-Hassan arrivait et de le rester jusqu'à ce qu'il entrait. Les gens se sont dit les uns aux autres : 'Pourquoi mettons-nous pied à terre par respect à ce garçon alors qu'il n'est pas le plus noble, le plus âgé, le plus puissant ou le plus versé dans la science parmi nous ?'. Les Gens ont fini donc de ne plus descendre de leurs montures . Alors Abû Hâshim al-Ja'farî leur a dit : 'Par Dieu ! Vous ne ferez que descendre de vos montures dès que vous le verrez'. Abû al-Hassan (p) n'a pas tardé de se présenter et voilà que toute l'assistance met pied à terre. Abû Hâshim leur a rappelé ce qu'ils venaient de dire et ils ont répondu qu'en le voyant, ils l'ont fait malgré eux.

Ces faits prouvent que la grandeur de l'Imâm (p), sa majesté et sa sainteté étaient reconnues non seulement par ses partisans mais aussi par ses ennemis, ses adversaires qui le traitaient injustement. Cela n'est pas le lot de tout le monde. Il est l'apanage seulement de ceux qui s'ouvrent à Dieu, de ceux dont Dieu implante l'amour dans les cœurs, de ceux qui mettent leurs potentialités au service des gens et qui sont respectés par les gens en réponse à leurs services et à la science qu'ils leur prodiguaient, science dont les savants eux-mêmes en avaient besoin.

Les Imâms vivaient avec le peuple, sur le terrain. Aucun d'entre eux ne vivait dans une tour d'argent. Pour cette raison, ils étaient craints par les califes qui ne possédaient point une telle popularité. Les califes ne voulaient voir aucune grande personnalité islamique jouir d'une telle confiance bien enracinée dans la réalité musulmane, surtout lorsque le peuple croit à l'Imâmat de ces personnalités, car cela constitue un danger qui menace leur pouvoir.

C'est pour cette raison que nous remarquons, lorsque nous étudions l'histoire des Imâms (p), qu'ils étaient de toute part entourés d'espions qui rapportaient des renseignements vrais ou faux, et que les gouverneurs étaient tyranniques dans leurs conduites envers eux. Ils emprisonnaient un Imâm par-ci, assignaient un autre à résidence par-là, ou obligeaient un troisième de quitter son domicile pour venir vivre près d'eux afin de pouvoir toujours contrôler ses faits et gestes. Mais toutes ces mesures n'ont pas empêchés leurs partisans, les Chiites, de les contacter, de participer avec eux à la direction des affaires et de profiter de leurs sciences et de leurs enseignements, et ce en dépit de toutes les difficultés. Cela n'a non plus empêché les Imâms (p) d'être actifs dans la société et d'acquérir la confiance du peuple.

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