Miracle Imam Ali (as) mort de Salman Al Farisi

Le bon caractère


Le récit du nuage blanc est rapporté par Saduq Ibn Babuyé. Le conteur en est Salmân El Fârisi, le chevalier persan parti à la recherche du vrai prophète. Après de nombreuses pérégrinations dans le proche orient, il parvient finalement à Médine et se joint au prophète et à ses compagnons. Ce fut lui qui conseilla de creuser un fossé protecteur autour de Médine lors de la bataille du Khandaq. Le prophète avait dit à son sujet : " Salmân est des nôtres, les gens de la maison, celle de la gnose. Salmân minna Ahl al Baït".

Salmân raconte : "J’étais dans la maison de l’Imâm ‘Ali, gendre et cousin du prophète. Les enfants de l’Imâm, Hassan, Hossein et trois autres de ses compagnons étaient présents. Le jeune Hassan demanda à son père s’il avait un pouvoir comparable à celui de Salomon. Ayant reçu une réponse affirmative, il lui demanda s’il pouvait nous faire visiter ce Malakût sur lequel Dieu lui a donné la royauté. L’Imâm ‘Ali voulut bien exaucer le vœu de son fils. Il fit une prière de deux rak’at et se dirigea vers la cour intérieure. Parvenu au centre, il tendit sa main vers l’occident et fit apparaître un lourd nuage blanc qu’il étendit au dessus de la maison.

 

A la suite de ce nuage, il en fit apparaître un second, plus petit et plus léger. En même temps nous vîmes l’Imâm s’adresser à un souffle de vent : descends vers nous ô vent, dit-il. Le vent, après le nuage, obtempéra et les deux dirent d’une seule voix : nous attestons qu’il n’y a de Dieu que l’Unique, que Mohamed est son serviteur et son Envoyé et que tu es l’Ami, le Wali de Dieu. Il nous invita ensuite à prendre place sur le premier nuage, à fermer les yeux et à mettre en œuvre notre vision intérieure, el Basîra. L’Imâm nous apparut assis sur un trône de lumière, sa face nous aveuglait presque.

Il était habillé de deux robes jaunes, sur sa tête un diadème de hyacinthe jaune, à son doigt un sceau de hyacinthe blanc et des sandales aux pieds dont les courroies rouges brillaient. Le vent nous enleva ensuite très haut; la surface de la terre se trouva réduite à la dimension d’un bouclier.

Nous arrivâmes à une montagne se dressant à une hauteur vertigineuse au sommet de laquelle un arbre se desséchait ; ses feuilles tombaient une à une. L’arbre se plaignait de l’absence de l’Imâm qui avait coutume de venir glorifier Dieu à son ombre. Lorsque l’Imâm étendit sa main vers l’arbre, ce dernier reverdit. Nous quittâmes alors cette première montagne ; un Ange dont la tête touchait au soleil et dont les pieds reposaient au fond de la mer nous apparut sur l’injonction de L’Imâm.

 

Nous fûmes ensuite emportés vers une montagne noire entourée de vapeurs. Ensuite l’Imâm demanda au vent de nous emmener vers la montagne du Qâf, la montagne d’émeraude, celle qui entoure et contient le monde. Nous y trouvâmes l’Ange à forme humaine parfaite qui la gouverne. Ce dernier, après avoir salué l’Imâm le pria d’aller à la rencontre d’El Khadir en plongeant dans l’eau de la Source. Sur notre chemin, nous trouvâmes un grand arbre qui se desséchait.

 

Il nous apprit qu’habituellement l’Imâm venait à cheval auprès de lui durant le premier tiers de la nuit, restait à son ombre en prières pendant une heure, puis le quittait, poursuivant son parcours. Voici nous dit-il quarante nuits qu’il m’a abandonné, et cela m’a plongé dans la tristesse, voyez comment je suis devenu. L’Imâm étendit de nouveau sa main vers l’arbre et ce dernier reverdit. Ensuite le nuage nous emmena jusqu’à un jardin d’entre les jardins du paradis. Nous y trouvâmes un Fatâ en prières entre deux tombes. L’Imâm nous apprit que c’était son frère le prophète Sâlih et que les deux tombes étaient celles de ses parents.

Nous étions étonnés de constater que l’Imâm faisait autant de visites dans le Malakût sans que nous n’en fussions jamais aperçus. Alors l’Imâm nous dit : aimeriez-vous que je vous montre Salomon, fils de David ? Il nous fit entrer dans un verger tel que nous n’avions jamais vu de pareil. Il y avait de tous les fruits, des courants d’eau vive, des oiseaux chanteurs.

 

Ces derniers, lorsqu’ils virent l’Imâm, s’assemblèrent en formant une ombrelle au dessus de sa tête. Nous y trouvâmes un fatâ gisant inanimé sur un lit de repos; il n’y avait pas de sceau à son doigt. A son chevet un serpent, et à ses pieds un autre serpent. Quand les deux reptiles virent l’Imâm, ils vinrent s’enrouler à ses pieds et devinrent poussière.

 

Alors l’Imâm enleva le sceau qu’il avait au doigt et le passa au doigt du Fatâ en disant : lève toi ô Salomon ! De par la puissance de celui qui ressuscite les morts, le Dieu tel qu’il n’y a pas de Dieu hormis lui, le Vivant, l’Eternel. Salomon se dressa et nous l’entendîmes prononcer la Chahâda, l’attestation de l’Unique, du missionnement du prophète et de la Walâya de L’Imâm. Nous revînmes à la maison de Médine après cinq heures d’absence alors qu’on annonçait la prière de midi.".

Le commentateur du récit est Qâdi Sa’id Qommi, un théosophe de la plus pure tradition. Qâdi Sa’id nous explique d’emblée que le secret du récit du nuage blanc est que tout se passe dans le Malakût. Les Amis de Dieu, dit-il, sont éclairés par la lumière prophétique. Les prophètes les conduisent de ciel en ciel spirituel jusqu’à leur perfection.


La main de l’Imâm est en fait un membre de son corps subtil pour lequel il n’y a ni proche ni lointain.

Notre univers matériel est par rapport au Malakût comme une noix serrée dans ton poing, dit Qommî. Lorsque l’Imâm étend sa main vers l’occident, c’est parce que la dimension de la Walâya, Amitié divine, se trouve du côté occidental du Malakût. Il faut y être afin que la preuve orientale, el burhân el machriqî, puisse être perçue à l’Orient de l’âme.

Le premier nuage, lourd et épais, que l’Imâm étend sur sa maison représente el Bâtin, le caché, l’ésotérique. Il involue en lui le temps, car la réalité Malakûti s’accomplit en dehors du temps chronologique. Le second nuage plus petit et plus léger représente le Dahir, l’apparent. Il involue l’espace; il va de soi, dit-il, que dans la hiérarchie de l’être, il ne se présente qu’en seconde position : l’involution du temps entraîne l’involution de l’espace et non l’inverse.

Ainsi il y a, dit-il :

- Un être ou Ange du Malakût dont dépend le monde apparent, l’exotérique. Il est le Seigneur ou Verbe de la terre.

- Un être du Malakût, Seigneur du Bâtin, de l’ésotérique. Il est l’Ange ou verbe du Malakût.

- Le Seigneur du Lâhût est le Verbe divin. Il est l’Ange ou Verbe chargé du mouvement.

L’involution du temps chronologique se fait sous l’autorité du Verbe du Malakût, et c’est cela que symbolise le geste de l’Imâm quand il étend sa main vers l’occident, là où sa Walâya a puissance. Le geste de l’Imâm étendant le nuage léger sur sa demeure terrestre la met sous l’autorité du Verbe qui fait involuer l’espace.

L’Ange que l’Imâm a fait se dresser par la permission divine, manifeste la totalité des temps et des lieux : tous les passés et tous les avenirs, tous les orients et tous les occidents sont là simultanément rassemblés dans son image. Par l’action conjuguée de ces trois Verbes : celui du mouvement, celui du temps et celui de l’espace, va s’effectuer le voyage de l’Imâm et de ses compagnons.

Qâdi Sa’id dégage ensuite la symbolique de l’habit de l’Imâm. Tout d’abord, il nous donne la couleur de chaque domaine conformément à ce qu’en disent l’ensemble des théosophes de l’Islam : la couleur noire est celle du monde sensible, la verte celle de l’Imâm, et la rouge celle du Malakût; cette dernière va s’éclaircissant en passant par l’oranger pour aboutir au jaune.

Le diadème de hyacinthe jaune, posé sur la tête de l’Imâm, représente le Jabarût; il est nommé en tête en raison de sa proximité du monde des esprits.

En ce qui concerne les deux robes de l’Imâm : celle du dessus est jaune, elle entoure la robe du dessous qui est jaune-rouge, couleur de la zone supérieure du Malakût.

Les sandales nous dit Qâdi Sa’id sont de couleur verte, couleur de l’Imâm, ciel Adamique, premier ciel spirituel. Les courroies sont couleur hyacinthe rouge; elles indiquent que les pieds sont dans le Malakût au ciel noétique. Cependant, il omet de nous dire que la semelle est noire et se trouve donc dans le monde sensible.

Le sceau que porte l’Imâm au doigt est de couleur blanche, couleur de l’univers des esprits, le Lâhût. Il authentifie la puissance qui est la sienne et qu’il détient par mandat de la plus haute autorité du plus haut des cieux.

Les quarante jours qui sont mentionnés à chaque étape, représentent le temps nécessaire pour qu’opère le levain qu’est l’expérience unitive sur l’intellect pratique de l’homme. C’est également le temps nécessaire au pèlerin pour acquérir la spiritualité d’un ciel avant de gagner le suivant.

Les oiseaux dans le verger qui se groupent et forment ombrelle au dessus de l’Imâm représentent le quatrième des intellects supérieur, l'intellect saint. Cela indique que le pèlerin atteindra le plus haut degré de la Walâya.

La montagne par laquelle commence le voyage est la réalité métaphysique primaire. L'arbre est la forme d’apparition du Verbe de la terre. Il lui est confié la vie au degré inférieur.

La seconde montagne, noire et fumante qu’ils visitent est la réalité métaphysique des forces de concupiscence, des désirs débridés, des jalousies et autres comportements démoniaques. Ces forces ont pour noms Gog et Magog. Dhu el qarnayn (celui qui est pourvu des deux premiers intellects supérieurs) érigea une montagne d’airain afin de s’en prémunir.

La troisième montagne sur la liste est la montagne de la réalité métaphysique humaine au sens vrai. Son Ange a la forme humaine parfaite. Son sommet couleur vert émeraude indique l’atteinte à la position polaire de l’Imâm. Le grand arbre est celui de la gnose parachevée dans l’homme. Le cheval représente le véhicule de l’âme humaine en ce monde. Sa couleur noire indique le point de départ de l’homme à partir du monde sensible et son point d’arrivée à la Source. Tous deux sont dans les ténèbres.

Pour comprendre le rendez-vous avec El Khadir, il faut considérer les douze Imams naqîb, ceux qui creusent en nous et pour nous dans le sens ascendant du Mi’râj. Chaque Naqîb est une lumière qui totalise l’ensemble de ce qui est dans la connaissance divine mais ne livre au pèlerin mystique que la spiritualité du ciel dont il est le trésor et le trésorier. Aux douze Imâms, correspondent les douze sources du rocher, les douze tribus d'Israël, les douze trésors de la connaissance mystique.

L’Imâm ‘Ali est le premier Imâm-naqib et à ce titre celui qui dé-couvre la première source. Il est le Bâb, la Porte de la gnose et la découverte de la première source.

La rencontre avec El Khadir signifie l’atteinte en soi de la spiritualité de l’Imâm-Naqib. Le premier degré est la vision de l’eau. Il y a progression dans l’atteinte de l’eau au fur et à mesure que se succèdent et se surajoutent les douze sources les unes aux autres. L’immersion totale est l’arrivée à la Source de vie. L’adepte, par la grâce de Dieu, aura alors exemplifié en lui-même, son Khadir de l’être.

 

Il devient esprit dans l’Esprit. Il est dans l’état de Meryem qui chaque matin se découvre une connaissance nouvelle : Coran 3, 37 : "Chaque fois que Zacharie allait la voir, dans le temple, il trouvait auprès d’elle la nourriture nécessaire, et lui demandait : ô Marie d’où cela te vient-il ? Elle répondait : Cela me vient de Dieu, Dieu donne sans compter sa subsistance à qui Il veut…" Chaque fois que l’adepte, symbolisé par Meryem, purifié par Dieu à son exemple, visite sa propre mémoire, il y trouve une nourriture, connaissance nouvelle, provenant de Lui.

Qâdi Sa’id Qommi explique que le temps, l’espace et le mouvement se correspondent comme correspondent entre elles les limites du monde : plus le temps s’involue et devient subtil, plus l’espace et le mouvement le deviennent aussi. La totalité des temps et des lieux sont présents à l’âme sur simple désir et en un clin d’œil. Un simple fragment du temps du Malakût équivaut dit-il à des mois et des années du temps de notre monde à nous. Voilà qu’avec ce regard Malakûti, les choses que tu jugeais impossibles à voir deviennent présentes à toi comme si elles étaient à la fois un état extérieur et un état intérieur à toi-même, conclue-t-il.