IMAM ALI (A.S.)

IMAM ALI (A.S.)
Nom : Ali
Titre : Mourtadha, Amiroul Mo'ménine
Kounyat : Aboul Hassan
Père : Abou Tàlib (Imran)
Mère : Bibi Fatima bint Asad
Naissance : 13 Rajab - 23 Av. Hégire (600) à Makka - (Kaaba)
Décès : 21 Ramadan 4O Après Hégire (660)
Enfants : 12 fils et 16 filles


Naissance :


Le 13 Rajab de l'année 30 Ap. Amoul fil (Année de l'éléphant- l'an 600), Fatima bint Asad est allée vers la Kaaba pour prier d'obtenir la naissance sereine de l'enfant qu'elle attendait. Elle s'approcha du mur opposé à la porte et s'inclina pour prier. Soudain le mur s'est fracturé (cette fissure est encore là de nos jours) et l'a laissée entrer avant de se refermer de lui-même. La nouvelle de cet événement se répandit à Makkà et les clés de la porte de Kaaba furent apportées pour essayer de l'ouvrir. Les clés n'ont pas servi.

Durant cet évènement, le Prophète Mohammad (as) était hors de Makkà et à son retour, trois jours plus tard, est allé au Kaaba. Le verrou s'est ouvert et il prit l'enfant de Fatima bint Asad et c'est là que Imam Ali (as) ouvrit ses yeux pour la première fois. La mère d'Imam Ali (as) l'avait appelé Haidar et Asad, mais le Prophète l'a nommé ALI (as) disant que c'était un nom venant d'Allah.

C'est la seule occasion connue de la naissance d'un enfant dans Kaaba depuis que ses fondations ont été mises.

Aussitôt après la naissance d'Imam Ali (as), le Prophète l'a pris chez lui pour l'élever comme son propre fils. Le Prophète le nourrissait, le lavait et l'habillait. Plus tard, l'Imam a dit : "J'étais encore un jeune enfant quand le Prophète me prit de mes parents. Je me suis attaché à lui. Chaque jour un nouvel aspect de son caractère m'éclairait et je l'acceptais et le suivais comme un ordre".


Sa Personnalité :


Les exemples suivants de sa vie montrent quelques aspects de sa personnalité.

Dans la bataille de Jamal, en plein combat, le serviteur de notre Imam; appelé Qambar, apporta une boisson fraîche en disant : "Mawla, le soleil est très chaud et vous avez combattu constamment. Rafraîchissez-vous par cette boisson".

Imam a répondu :" Puis-je me rafraîchir quand autour de moi des centaines sont allongés, blessés et mourrant de soif. Au lieu de m'apporter une boisson, servez-en à quelques hommes blessés". Qambar dit :" Ils sont tous nos ennemis". Imam a répondu :" Qambar !
Soit, mais ce sont des êtres humains, assistez-les".

Imam avait deux serviteurs : Qambar et Saïd. Après le martyr de notre Imam, Qambar dit qu'il avait très rarement l'opportunité de servir son Mawla. Il dit qu'Imam faisait lui-même tous ses travaux, même laver ses propres linges et les raccommoder, si nécessaire.
Il tirerait lui-même l'eau du puits. Imam leur donnait de la bonne nourriture et linge alors que lui-même mangeait et s'habillait comme un pauvre.

C'est seulement après son "Shahadàt" que le monde pût savoir qu'il s'occupait d'un lépreux le visitant chaque jour, le nourrissant et soignant ses plaies. Quand le lépreux apprit la mort d'Imam, il mourut sur place.

Durant la guerre, aucun ne pouvait rivaliser son courage et son expertise. Il fut le héros de toutes les batailles de l'Islam.


Les Trois phases de la vie d'Imam(as) :


1-De l'enfance à la mort du Prophète
2-De la mort du Prophète à son Khalifat
3-Du Khalifat au Martyre.

 

1-Vingt trois ans de lutte pour l'établissement d'un système islamique.


Imam Ali (as) était le "bras droit" du Prophète, compagnon de confiance, héro de toutes les batailles dont les victoires furent achevées grâce à la foi, au bravoure et à l'enthousiasme d'Imam Ali (as) pour le sacrifice. Les caractéristiques les plus dominantes d'Imam Ali (as) durant ces jours étaient son courage, sa bravoure et son sacrifice en allégeance totale au Prophète (saw) et dans la voie de l'Islam


2- Vingt cinq ans à préserver l'Unité de l'Islam.


Les historiens ont enregistré qu'après la mort du Prophète (saw), Abou Soufiyane vint vers Imam Ali (as) en disant que le Kalifa est le droit de l'Imam et que s'il le désirait ainsi, Abou Soufiyane remplirait les rues de Madina avec les soldats. Imam Ali (as) a répondu qu'il considérait l'unité de la "Oumma" plus importante.


3-Cinq années de lutte pour établir une justice sociale.


Au mois de Zilhajj 35 Ah.(l'an 655), les musulmans , après en avoir eu assez de toutes les injustices apportées par les Khalifats précédents, ont exhorté Imam Ali (as) d'accepter le Khalifat et ont prêté serment d'allégeance. Imam a dévoué l'entière période pour mettre en oeuvre la justice sociale et à déraciner le système de classe sociale que les Kalifa ts précédents ont essayé d'installer.


Il a dû faire face à une forte opposition et fut finalement martyrisé durant le mois du Ramadan 40 Ah. (L'an 660)


Le Martyre.


"Demain vous reverrez mon temps et mes pensées profondes vous seront révélées. Alors vous me reconnaîtrez après que j'aurais quitté ma position et un autre aurait pris ma place". Imam Ali (as).

Après la bataille de "Nahrwane", quelques ennemis restants, les Kharéjites se sont réfugiés à Makka.


Qui sont les Kharéjites ?


Ce sont ceux qui croient que tous les croyants sont de même position et qu'aucun ne doit exercer une autorité sur un autre. Ils ont bâti leur credo avec "Là hukm illa Allah" (Aucun jugement sauf celui d'Allah). Ils croient qu'il ne devrait pas y avoir d'Imam (leader) ou de Kalife et aucune allégeance ne doit être formulée vers un être humain. Ils se sont formés après la bataille de Siffine où ils ont blâmé Imam Ali (as) d'accepter un jugement humain et donner une chance à l'ennemi (Mouàwiyà) de se redresser. Imam (as) leur a indiqué qu'ils étaient dans l'erreur (péché) car eux ont refusé de continuer à se battre contre Mouàwiyà quand ils ont vu le Coran sur les lances et il n'avait plus le choix que de rappeler Maliki Ashtart qui était sur le point de gagner une victoire complète.

Plus tard, ce sont eux qui ont contraint Imam Ali (as) d'accepter un arbitre. Pour cela, ils ont admis leur culpabilité et ont dit qu'ils se sont repentis et qu'il (Imam Ali) devrait faire de même. Imam a dit qu'il n'a commis aucun péché de sa part.

Les Kharéjites qui avaient fuit vers Makkà et voulant venger leurs morts tombés à Nahrwàne, ont comploté d'assassiner Imam Ali (as), Mouàwiyà et Amr bin Aass. Les trois les plus décidés d'entre eux se sont portés volontaires :

1-Abdour Rahman bin Mouljim, pour tuer Imam Ali (as),
2-Bourk bin Abd Allah, pour tuer Mouàwiyà,
3-Amr bin Bakr, pour tuer Amr bin Aass.

Ils ont choisi le 19 Ramadan 40 après héjiri pour leurs forfaits en jurant qu'ils accompliraient leur mission ou qu'ils périraient.

Bourk bin Abd Allah, à son arrivée à Damas le jour convenu a mis au point son plan pour poignarder et tuer Mouàwyià, mais son arme (sabre) s'est glissé et Mouàwyià fut seulement blessé. Bourk fut attrapé, torturé et tué.

Amr bin Bakr en Egypte est allé tuer Amr bin Aass, mais ce jour, Amr bin Aass ne vint pas à la mosquée et avait envoyé son représentant pour conduire la prière . Celui-ci fut tué ainsi qu'Amr bin Bakr.

Abdou Rahman bin Mouljim arriva à Kouffa comme prévu. Là, il tomba amoureux d'une femme appelé Qoutouam qui haïssait Imam Ali (as) (son père et frère ont été tué par Imam Ali pour l'Islam). Elle était très belle et accepta de se marier avec Abdou Rahman bin Mouljim sur trois conditions :

1-3000 Dirhams
2-Un esclave mâle ou femelle
3-La mort d'Imam Ali (as).

Même si Abdou Rahman est venu à Kouffa pour tuer Imam Ali (as), ceci stimula sa détermination. Qoutouam, pour aider Abdou Rahman a demandé à deux hommes de sa tribu de l'assister.

19 Ramadan 40 A.H

Imam Ali (as) avait prophétisé sa mort plusieurs jours auparavant. Le Prophète l'avait également prophétisé et avait dit :" ش Ali, je vois devant mes yeux ta barbe couverte de sang de ton front".

Quand Imam Ali (as) quittait la maison le matin du 19 Ramadan, les oiseaux domestiques ont commencé à faire un grand bruit. Lorsque le serviteur est venu les calmer, Imam a dit :" Laissez-les tranquille, car leurs cris sont les lamentations sur ma mort très prochaines.

Quand il est arrivé à la Mosquée de Kouffa pour ses prières du matin, il réveilla tous ceux qui dormaient là, Abdou Rahman bin Mouljim inclus, qui dormait à plat ventre, cachant son sabre empoisonné.

Imam le dit qu'il était mauvais de dormir face à terre et qu'il avait un sabre sous ses vêtements qu'il allait l'utiliser pour de mauvaises intentions.

Puis, Imam Ali (as) dit l'Azàne (Appel à la prière) et se mit à conduire la prière. Au premier rakaat, alors qu'il se relevait du sajdà, il a été frappé sur la tête avec le sabre empoisonné par ibn Mouljim, qui causa une profonde blessure.

Dans la confusion, ibn Mouljim s'est enfui. Imam a fini son second soujoud et demanda à Imam Hassan (as) de terminer la prière. Il prononça les mots " Fouztou birabbil Kaaba" (Le Seigneur de la Kaaba m'a couronné de succès).

Le meurtrier fut attrapé et emmené devant Imam Ali (as). Quand Imam a vu les cordes attachant ibn Mouljim trop serrées, il ordonna qu'elles soient rendues moins serrées et dit aux musulmans de le traiter humainement. En entendent cela, ibn Mouljim commença à pleurer ; Imam l'a dit : "Il est trop tard pour se repentir. Est-ce que j'étais un mauvais Imam ou un gouverneur injuste ? Il a ordonné qu'ibn Mouljim ne soit pas torturé.

Imam a été emmené chez lui et quand il a vu le lumière du jour il dit :" ش jour ! Tu pourras témoigner que jamais de la vie de Ali, tu ne m'as trouvé endormi alors que tu te levais".

Imam mourut deux jours plus tard le 21 Ramadan 40 A.H, succombant à sa blessure. Il fut inhumé à Nadjaf par Imam Hassan (as) et Imam Hussein (as).


Sa désignation comme 1er Imam


LE PELERINAGE D'ADIEU DU PROPHETE. SON SERMON A GHADIR KHUM. LA SIGNIFICATION D'AHL-UL-BAYT EXPLIQUE


L'an dix de l'Hégire commença avec l'arrivée de nouveaux ambassadeurs. Diverses tribus de la c6te du Yémen, de Hadramaout, et de la c6te du Sud, envoyèrent des délégations pour signifier leur soumission au Prophète et leur adhésion à sa Foi. Deux chefs de Beni Kindah, de Hadriana, en l'occurrence A1-Ach`ath et Walid offrirent leur propre allégeance et embrassèrent l'Islam. Ce même Ach`ath rejoindra plus tard la rébellion qui éclatera après la mort du Prophète, et résistera avec acharnement à l'adversaire qui aura finalement besoin de renforts.

 

Il finira toutefois par être fait prisonnier, non sans difficulté, et envoyé au Calife, Abû Bakr, lequel lui pardonnera malgré les protestations de `Omar - après qu'il lui aura renouvelé son allégeance, et lui offrira sa sœur, Um Farwah en mariage. Par la suite il deviendra Kharijite en se rebellant contre `Ali. Ses fils, Mohammad et Ishâq, se feront remarquer dans l'armée que Yazîd enverra à Karbala' pour perpétrer le massacre de al-Hussayn Ibn `Ali.


Les Fonctions Missionnaires de `Ali au Yémen


Au mois de Rabî II, de l'an dix de l'Hégire, Khâlid B. Walid fut envoyé par le Prophète pour propager l'Islam parmi le peuple du Yémen. Mais au lieu de rapports de satisfaction à propos de son séjour de six mois dans ce pays, des plaintes contre lui parvinrent en grand nombre à Médine. Le Prophète demanda alors à `Ali de partir avec trois cents hommes pour remplacer Khâlid. Le jeune héros exprima modestement ses réserves sur cette mission auprès de gens beaucoup plus âgés que lui et plus versés dans l'Ecriture.

 

Le Prophète mit alors sa main sur la poitrine de `Ali, leva les yeux vers le ciel et pria : "O Dieu ! Délie la langue de `Ali et guide son cœur". Puis il donna pour la guidance de `Ali, en tant que juge, cette règle : "Lorsque deux parties se présentent devant toi, ne prononce jamais un jugement en faveur de l'un sans avoir tout d'abord entendu l'autre". Ensuite, arrangeant avec ses mains la coiffure de `Ali et lui remettant en mains propres l'Etendard de la Foi, le Prophète lui fit ses adieux. `Ali partit donc pour le Yémen où il lut la lettre du Prophète aux gens, fit des sermons selon la dictée du Prophète et prêcha les doctrines de l'Islam aux masses.

 

Le résultat fut un grand succès : en un jour toute la tribu de Hamadânî embrassa l'Islam. `Ali fit un rapport sur le succès de sa mission au Prophète, lequel, dès la réception de cette grande nouvelle, se prosterna, le front contre le sol, par révérence pour Dieu et Lui exprima sa gratitude. D'autres tribus suivirent, l'une après l'autre, l'exemple des Hamadânî. Certains chefs firent hommage et prêtèrent serment d'allégeance pour leurs sujets. Ali faisait quotidiennement un rapport sur les progrès de sa mission. Puis, sur ordre du Prophète, il partit pour Najrân, y collecta les impôts dus et se dirigea ensuite vers la Mecque pour rejoindre le Prophète dans son dernier Pèlerinage, au mois de Thilhaj 10 A.H.


Pour accomplir leur vœu, quelque deux cents personnes de Yémen arrivèrent à Médine, au début de l'an 11 de l'Hégire, (l'année commence au mois de Moharrem) pour présenter personnellement leur allégeance au Prophète et ce fut la dernière délégation reçue par lui.


Le Pèlerinage d'Adieu du Prophète


Etant donné que la période du Pèlerinage annuel s'approchait, le Prophète commença à faire les préparatifs en vue de son Pèlerinage à la Mecque. I1 invita les gens de toutes les régions de la Péninsule à se joindre à lui afin qu'ils se familiarisent avec l'accomplissement correct des différents rites ayant trait aux cérémonies sacrées. Depuis son émigration à Médine, ce serait le premier et le dernier Hajj (Pèlerinage à la Mecque) du Prophète. Cinq jours avant le début du mois de Thilhaj, le mois du Pèlerinage, le Prophète se dirigea vers la Mecque, suivi de plus de cent mille pèlerins. Toutes ses femmes, ainsi que sa fille bien-aimée, Fatima, la femme de `Ali, l'accompagnèrent. Au cours de ce voyage, Abû Bakr eut un fils de sa femme Asmâ' Bint Wahab. I1 fut appelé Mohammad.

Le Prophète arriva à la Mecque le dimanche 4 Thilhaj de l'an 10 A.H. Tout de suite après son arrivée, `Ali, qui revenait du Yémen à la tête de ses hommes, rejoignit le Prophète, lequel sembla très heureux de le revoir, et lui demanda, en l'embrassant quel vœu pour le Pèlerinage il avait fait. `Ali répondit : "J'ai fait le vœu d'accomplir le même Pèlerinage que le Prophète quoi qu'il arrive, et j'ai amené trente-quatre chameaux pour le sacrifice". Le Prophète s'écria joyeusement : "Allâh-u-Akbar" (Dieu est le plus grand), et dit qu'il en avait amené soixante-six. Et d'ajouter qu'il (`Ali) serait son partenaire dans tous les rites du Pèlerinage et dans le sacrifice. Ainsi, `Ali accomplit donc le Grand Pèlerinage avec le Prophète.

Etant donné que les différences, cérémonies devaient constituer des modèles à suivre dans l'avenir, le Prophète observa rigoureusement chaque rite, soit conformément aux Révélations faites à cet égard, soit selon l'usage patriarcal. Ainsi, lorsqu'on amena les chameaux à offrir en sacrifice, lui et `Ali se mirent à abattre conjointement les cent chameaux qu'ils avaient apportés.

 

Et quand on prépara un repas avec la viande des chameaux sacrifiés, le Prophète s'assit avec seulement `Ali, et personne d'autre, pour le partager. Les cérémonies du Pèlerinage prirent fin avec le rasage des chevaux et le coupage des ongles après le sacrifice des animaux. L'habit du Pèlerinage fut alors ôté et une proclamation fut faite par `Ali, monté sur la mule du Prophète, Duldul, levant les restrictions du Pèlerinage.

A la clôture du Pèlerinage, le Prophète informa le Calendrier, abolissant l'intercalation trisannuelle et faisant l'année purement lunaire, consistant en douze mois lunaires, ce qui permit de fixer le mois du Pèlerinage selon les saisons changeants de l'année lunaire.


Le Sermon de Ghadîr Khum


Faisant ses adieux à sa ville natale, le Prophète quitta la Mecque pour Médine le 14 Thilhaj. Sur la route, le 18 Thilhaj, il ordonna qu'on fasse halte à Ghadîr Khum, une région aride aux abords de la vallée de Johfa, à trois étapes de Médine, après avoir reçu la révélation suivante: "ش Prophète ! Fais connaître ce qui t'a été révélé (Ici allusion est faite au Commandement contenu dans la sourate al-Charh qui dit :

1- N'avons Nous pas ouvert ton cœur ?
2-3 Ne t'avons Nous pas débarrassé de ton fardeau qui pesait sur ton dos ?
4- N'avons Nous pas exalté ta renommée ?
5- Le bonheur est proche du malheur.
6- Oui, le bonheur est proche du malheur.
7- Lorsque tu es libéré de tes occupations, lève-toi pour prier.
8- et recherche ton Seigneur avec ferveur".

Dans le verset 7, Dieu a commandé au Prophète de désigner son successeur) par ton Seigneur. Si tu ne le fais pas, tu n'auras pas fait connaître Son Message. Dieu te protégera contre les hommes; Dieu ne dirige pas 1e peuple incrédule" (Sourate al-Mâ'idah, verset 67).

On affirme que le Prophète avait déjà reçu l'ordre de proclamer `Ali son successeur et avait remis à une occasion plus appropriée l'annonce de cette nomination pour éviter qu'elle soit mal prise.

A présent, ayant reçu ce Commandement, il décida de l'annoncer sans aucun retard. Aussi fit-il halte sur le lieu même où il reçut le rappel. Le terrain étant déblayé, une chaire fut formée de selles de chevaux, et Bilâl, le Muezzin, s écria à haute voix : Hayya `Alâ Khayr-il-`Amal (0 gens, accourez à la meilleure des actions). Et une fois les gens rassemblés autour de la chaire, le Prophète se leva prenant à sa droite Ali, dont le turban noir à deux bouts suspendus sur ses épaules avait été arrangé par le Prophète lui-même. Le Prophète loua tout d'abord Dieu, puis s'adressant à la foule, il dit : "Vous croyez qu'il n'y a de dieu que Dieu, que Mohammad est Son Messager et Son Prophète, que le Paradis et l'Enfer sont des vérités, que la mort et la Résurrection sont certaines, n'est-ce pas ?"


Ils répondirent tous "Oui, nous le croyons". Il les informa alors qu'il serait rappelé bientôt par son Seigneur, puis il prononça cette adjuration : "Je vous laisse deux grands préceptes dont chacun dépasse 1'autre par sa grandeur : ce sont le Saint Coran et ma sainte progéniture (dont les membres inéchangeables sont : `Ali, Fatima, Hassan et Husayn). Prenez garde dans votre conduite envers eux après ma disparition. Ils ne se sépareront pas 1'un de l'autre jusqu'à ce qu'i1s reviennent auprès de moi, au Ciel, à la Fontaine de Kawthar". Et d'ajouter : "Dieu est mon Gardien et je suis 1e gardien de tous 1es croyants".


`Ali Déclaré Successeur du Prophète


Ce disant, il prit la main de `Ali dans sa main, et la levant haut, il s'écria : "Celui dont je suis le maître, `Ali aussi est son maître. Que Dieu soutienne ceux qui viennent en aide à `Ali el qu'IL soit l'ennemi de ceux qui deviennent les ennemis de `Ali". Ayant répété cette proclamation trois fois, il descendit de la plate-forme dressée et fit asseoir `Ali dans sa tente où les gens vinrent le féliciter. `Omar Ibn al-Khattâb fut le premier à congratuler `Ali et à le reconnaître comme le "Tuteur de tous les croyants".

Après les hommes, toutes les femmes du Prophète ainsi que les autres dames vinrent féliciter `Ali. A la fin de cette cérémonie d'installation, le célèbre verset suivant du Coran fut révélé au Prophète : "Aujourd'hui, j'ai perfectionné votre religion et j'ai parachevé Ma grâce sur vous; j'agrée l'Islam comme étant votre Religion" (Sourate a1-Mâ'idah, verset 3). Le prophète se prosterna en signe de gratitude.


La Signification d'Ahl-ul-Bayt Expliquée


L'expression "ma progéniture" mentionnée dans l'Adjuration signifie les saintes personnes désignées par le verset coranique suivant :


"(0 Prophète !) Je ne vous demande aucun salaire pour cela, si ce n'est votre affection envers mes proches" (Sourate al-Chûrâ. verset 23). A la révélation de ce verset on avait demandé au Prophète de nommer les personnes dont l'amour était commandé. I1 nomma : `Ali, Fatima, al-Hassan, al-Hussayn. Les gens le soupçonnèrent alors d'avoir nommé ses chers proches afin qu'ils soient considérés avec la crainte et le respect dus après sa mort.

C'est à propos de la fidélité, de l'amour et l'obéissance envers ces personnes-là que les gens seront interrogées le Jour du Jugement, lorsqu'il sera demandé à chacun comment il s'est conduit envers elles, comment il a défendu leur cause et comment il a soutenu leurs intérêts.

Ce sont les personnages déclarés purifiés et exempts de toute impureté. Lorsque le verset coranique : "0 vous, les Gens de la Maison ! Dieu veut seulement éloigner de vous la souillure et vous purifier totalement" (Sourate al-Ahzâb, verset 33) fut révélé au Prophète, il se mit sous un manteau avec `Ali, Fatima, Hassan et Husayn, et déclara que sa Maison (Famille) consistait en ces personnes seulement. Um Salma, sa femme, dans la maison de laquelle la révélation était descendue, lui demanda d'être incluse dans le groupe sous le manteau, mais elle essuya un refus poli. Depuis ce jour-là ledit groupe reçut le surnom d'Açhdb a1-Kisb.

Ce sont ces personnes que le Prophète compara au Bateau de Noé, dans lequel ceux qui avaient embarqué furent sauvés, alors que ceux qui avaient cherché secours ailleurs que dans ce Bateau furent noyés.

Ces personnes faisaient partie intégrante de la Lumière Céleste dont fut créé le Prophète.


Ce sont ces personnes pour les actions vertueuses desquelles Mohammad fut félicité par Allah, et en louange desquelles la sourate al-Dahr fut révélée. (Dans sa traduction d'Al Coran, Sale fait suivre du commentaire suivant les versets 5-10 de la Sourate al-Dahr (A1- Insân). La traduction de ces versets par Sale :

5. Mais les justes boiront à une coupe (de vin), mélangé avec (de l'eau de) Kawthar,
6. une fontaine à laquelle boiront les serviteurs de Dieu...
7. Ils tiennent leur promesse, et redoutent un Jour dont le mal sera répandu très loin.
8. Ils nourrissent le pauvre, 1'orphelin et le captif pour l'amour de Dieu, (en disant) :
9. "Nous vous nourrissons pour plaire à Dieu seul : nous n'attendons de vous ni récompense ni gratitude;
10. Oui, nous redoutons, de la part de notre Seigneur, un jour menaçant (et) calamiteux".

La note de Sale, tirée d'A1-Baydhâwi, sur les versets 7-10: "On relate qû al-Hassan et al-Hussayn, les petits-fils de Mohammad, 6tant à un moment donné malades tous les deux, le Prophète, entre autres, leur rendit visite. Les visiteurs demandèrent à `Ali de faire un vœu à Dieu pour la guérison de ses fils. Sur ce, `Ali, Fatima et Fidhdhah, leur bonne, firent le vœu de jeûner trois jours si les deux malades allaient mieux. Or, il arriva qu'ils guérirent effectivement. La promesse fut accomplie avec un tel scrupule que le premier jour, n ayant pas de provisions à la maison, fut obligé d'emprunter trois mesures d'orge à un certain Siméon, un Juif de Khaybar.


Fatima en moulut une mesure le même jour et cuisit cinq gâteaux pour le repas. Et alors qu'ils étaient assis devant ces gâteaux pour rompre leur jeûne après le coucher du soleil, un pauvre se présenta à eux. Ils lui donnèrent leur pain et passèrent la nuit sans rien manger, se contentant de boire de l'eau. Le lendemain, Fatima, cuisit une deuxième mesure pour la même raison, mais un orphelin les pria de lui donner quelque chose à manger et ils lui offrirent leur repas, et passèrent une deuxième nuit sans manger. Le troisième jour ils donnèrent tout leur repas à un captif affamé. A cette occasion Jibrâîl révéla au Prophète la sourate ci-dessus et informa Mohammad que Dieu le félicitait pour les vertus de sa famille".

Concernant la promesse de Dieu dans le verset 6, lisez le récit de la découverte miraculeuse par `Ali d'une fontaine pour l'approvisionnement en eau de ses armées dans le désert sablonneux de la Mésopotamie, dans le second volume).

Rien d'étonnant donc à ce que le Prophète ait mis dans la même balance ces personnalités dépouillées de fautes et de pêchés et le Livre de Dieu - le Coran - et qu'il ait déclaré les deux Poids aussi lourds l'un que l'autre. `Ali était le seul homme qui pouvait prétendre à une connaissance minutieuse du Coran.

 

Il proclama tout haut qu'il invitait tout un chacun à lui demander quand, où et à quelle occasion chaque verset du Coran avait été révélé au Prophète, et la fameuse déclaration : "Je suis la Cité du Savoir, `Ali en est la Porte" ne peut que confirmer cette affirmation de `Ali. I1 en était de même pour al-Hassan (Un noble exemple de la générosité d'A1-Hassan et de son ardeur à satisfaire Dieu en accomplissant toutes les vertus mentionnées dans Ses commandements, se trouve dans le récit suivant, entre des milliers d'autres relatifs aux Saints descendants du Prophète : "Un serviteur d'al-Hassan Fils de `Ali fit tomber sur son maître un plat bouillant alors qu'il s'asseyait à table.

 

Craignant la colère d'Al Hassan, il tomba sur ses genoux et se mit à répéter ces mots : "Le Paradis est pour ceux qui refrènent leur colère". A1-Hassan répondit : "Je ne suis pas en colère". Le serviteur poursuivit : "Et pour ceux qui pardonnent aux gens". "Je te pardonne" dit al-Hassan. Le serviteur sembla toutefois décidé à finir le contenu de quelques versets coraniques en ajoutant : "Car Dieu aime les bienfaisants". "Puisque c'est ainsi, fit al-Hassan, je t'affranchis et je te donne quatre cents pièces d'argent". L'esclave citait les versets 133-134 de la Sourate آle `Imrân :


"Hâtez-vous vers le pardon de votre Seigneur et vers un Jardin large comme les cieux et la terre, préparé pour ceux qui craignent Dieu; pour ceux qui font l'aumône, dans l'aisance ou dans la gêne; pour ceux qui maîtrisent leur colère; pour ceux qui pardonnent aux hommes - Dieu aime ceux qui font le bien"), al- Husayn et Fatima.

Ce sont ces personnes pieuses qui étaient souvent accompagnées par les anges.


Bien que le Prophète eût informé solennellement les gens que la désignation de `Ali comme "Le Gardien de tous les croyants", était faite sur Commandement de Dieu, les gens continuèrent à le soupçonner d'avoir attribué à `Ali cette haute position sans avoir reçu un ordre de Dieu dans ce sens.

Un incident survenu quelque temps après que le Prophète eut fait l'Adjuration mérite d'être mentionné : un homme nommé Hârith B. No`mân Fihrî (ou Nadhr B. Hârith selon un autre hadith) refusa de croire le Prophète et le soupçonna d'avoir fait la proclamation par affection et amour pour `Ali. Il alla même jusqu'à invoquer sérieusement la descente de la colère du Ciel sur lui-même, si ces soupçons n'étaient pas fondés, prière qui fut rapidement exaucée, lorsqu'une pierre tomba sur sa tête, le tuant sur-le-champ.


Conclusion en faveur de `Ali tirée de la Parole du Prophète


Le lecteur se rappelle sans doute les précédentes occasions lors desquelles le Prophète déclara `Ali son successeur, tout d'abord le jour où il se proclama publiquement Messager de Dieu en disant : "O fils de `Abdul-Muttalib ! Dieu n'a jamais envoyé un Messager sans qu'IL ait désigné en même temps son frère, son héritier et son successeur parmi ses proches parents"; et ensuite lorsqu'il déclara que `Ali "est à lui ce que Harûn fut à Musa".

Ces propos du Prophète n'étaient pas une simple opinion personnelle qu'il exprimait, comme en témoignent ces versets coraniques : "Il ne parle pas selon son désir; mais exprime les Commandements qui lui sont révélés" (Sourate al-Najm, 3-4). Cela signifie que lesdits propos étaient conformes aux Commandements de Dieu. Et cette dernière déclaration faite devant des milliers de gens était conforme aux précédentes déclarations, qui n'avaient jamais été retirées ni abrogées pendant une période d'une vingtaine d'années.

Se fondant sur ce qui précède, une grande partie des Musulmans considéra `Ali comme étant sans aucun doute le successeur choisi et désigné du Prophète depuis le début de sa mission prophétique. A cette dernière occasion, il eut la distinction d'être pour les musulmans ce que le Prophète était pour eux : à savoir que `Ali devait être traité en remplaçant (successeur) du Prophète après sa mort. Chah Hassan Jaisi, un mystique sunnite a bien expliqué la signification du terme "Mawlâ" dans sa stance qui peut se traduire ainsi : "Vous courez ça et là pour chercher le sens de "Mawlâ". Eh bien ! `Ali est "Mawlâ" dans le même sens que le Prophète est "Mawlâ".


Sa désignation comme vizir (dès le début de l'Islam


Mohammad se proclame Prophète


La quatrième année de sa Mission, le Prophète Mohammad reçut l'ordre d'Allah d'avertir ses proches parents : "Avertis tes plus proches parents" (Sourate al-Cho`arâ', 26 :214). Aussi les invita-t-il tous à un entretien dans le but d'exécuter le Commandement d'Allah. Un banquet consistant en une grande tasse de lait avec un pain d'un ça' (environ trois kilos) de farine de blé et de viande avait été préparé par `Ali conformément aux instructions du Prophète. Quarante personnes de ses proches parents, les `Abdul-Muttalib,


répondirent à l'invitation. Les oncles du Prophète, Abû Tâlib, Al-`Abbâs, Hamzah et Abû Lahab étaient parmi les invités. Mohammad leur servit ce repas apparemment sobre et le goûta lui-même en le commençant par l'invocation du nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux. Ils le suivirent tous et mangèrent à leur faim; mais à la surprise générale, rien ne fut entamé, tout semblait rester tel qu'il avait été servi. Abû Lahab se leva alors en s'écriant que Mohammad les avait tous ensorcelés.

 

La réunion fut ainsi rompue. Mohammad ne put prononcer un mot, car ils étaient tous partis. Mais il les invita à nouveau pour un entretien semblable. Cette fois-ci il s'adressa à eux comme suit : "0 fils de `Abdul-Muttalib ! Je ne connais personne en Arabie qui ait apporté à ses proches parents une chose plus excellente que ce que j'ai apporté pour vous. Elle vous servira dans cette vie et dans la vie future. Me croiriez-vous si je vous disais qu'un de vos ennemis vous attaquera le jour ou la nuit ?" Ils répondirent en chœur qu'ils le croyaient être un homme véridique. I1 dit alors : "Sachez donc tous qu'Allah m'a envoyé pour guider l'homme dans le droit chemin, et qu'I1 m'a ordonné d'appeler tout d'abord mes proches parents, de les inviter à Sa Sainte Volonté et de les avertir de Sa Colère.

 

Vous avez vu le festin miraculeux auquel vous avez assisté, ne persistez donc pas dans votre infidélité ! 0 fils de `Abdul-Muttalib ! Allah n'a jamais envoyé un Messager sans qu'il ait désigné son frère, héritier et successeur parmi ses propres parents. Qui va donc m'assister dorénavant dans ma noble tâche et devenir mon frère, mon héritier et mon successeur ? Il sera à moi ce que fut Haroun à Musa (Moïse)".


Mohammad proclame `Ali comme son Successeur


Mohammad qui venait de prononcer son discours avec une ferveur religieuse fut déçu de voir toute l'assemblée garder le silence, quelques-uns étonnés, d'autres souriant avec un air d'incrédulité et de dérision.

Personne n'était prêt à l'accepter comme guide spirituel. Mohammad semblait compatissant à leur égard. A ce moment critique, `Ali, le cousin favori du Prophète s'avança. Mais Mohammad lui ordonna d'attendre jusqu'à ce que quelqu'un de plus âgé s'avance. Le Prophète essaya en vain trois fois. A la fin, `Ali, n'appréciant pas l'attitude ridicule adoptée par, l'assemblée, s'avança impatiemment pour la troisième fois, et déclara avec enthousiasme que, non seulement il croyait Mohammad Prophète de Dieu, mais aussi il s'offrait corps et âme au bon plaisir du Prophète : "0 Prophète, dit-il. Je suis l'homme (que tu cherches).

 

Quiconque se lève contre toi, je lui casserai les jambes et l'éventerai. ش Prophète ! Je t'assisterai et je serai ton vizir auprès d'eux". Sur ce, Mohammad, lançant ses bras autour du généreux jeune homme et le pressant contre sa poitrine, s'écria : "Voilà mon frère, mon lieutenant et mon successeur (ou Calife). Ecoutez-le tous et obéissez-lui". Ayant entendu ces propos, toute l'assemblée exhorta Abû Tâlib avec un rire de mépris bas et ironique, à se plier devant son fils `Ali et à lui jurer obéissance. Ainsi les invités de Mohammad se dispersèrent-ils avec de la haine dans le cœur et de l'ironie sur le visage.

Dans son livre "Heroes and Hero-Worship" (Héros et culte des héros) Thomas Carlyte écrit : "L'assemblée se dispersa dans le rire. Pourtant il n'y avait rien de risible : tout était très sérieux. Quant à ce jeune `Ali, on ne peut que l'aimer. Une créature noble d'esprit : comme il le montra sur le moment et par la suite, c'était un homme affectueux et d'un courage enflammé. I1 y avait quelque chose de chevaleresque en lui : il était courageux comme un lion et digne de la chevalerie chrétienne".


Mohammad Prêcha en Public


Mohammad ne fut pas du tout découragé par le traitement dédaigneux que lui avaient réservé ses proches. Il se mit à prêcher publiquement à la Mecque. Il put, grâce à son air naturellement noble, son habileté plaisante et ses manières agréables, réussir toujours à rassembler autour de lui un grand nombre d'auditeurs. Et tant qu'il prêchait les croyances de l'Islam - c'est-à-dire :


reconnaître Un Seul Vrai Dieu, le Tout-puissant, le Juge Omniscient de l'humanité, se soumettre à Sa Volonté et se vouer à Son adoration en accomplissant les prières, en faisant l'aumône, et en se conduisant d'une manière honnête et droite conformément à Ses Commandements - les assistants l'écoutaient avec patience et attention. Mais dès qu'il aborda le sujet inévitable du rejet du polythéisme et de l'idolâtrie, et dès qu'ils constatèrent qu'il parlait légèrement de leurs dieux et de leur adoration impie, ils se mirent à le conspuer et à l'insulter, mais il continua patiemment ses prêches qui, malgré toute l'opposition qu'ils rencontrèrent finirent par être payants.


Mohammad est Indirectement Attaqué


Mohammad continua à gagner du terrain, bien qu'à très petits pas. Quelques personnes, dont un membre des Umayyades en vue, `Othmân fils de `Affân, embrassèrent sa foi. Les Quraych, et notamment le clan des Umayyades qui vouait une vieille inimitié aux Hâchimites, s'en alarmèrent. Mais ils n'osaient pas s'attaquer franchement à Mohammad à cause de la protection d'Abû Tâlib.

 

Lui nuire sérieusement les impliquerait nécessairement dans des conflits familiaux, risque qu'il ne fallait pas prendre à la légère. Aussi élaborèrent-ils un plan visant à mener un combat indirect mais efficace contre Mohammad, de l'intérieur même de sa famille. Abû Lahab - le seul Hâchimite opposé à Mohammad et l'ami intime des Umayyades, ayant épousé une sœur d'Abû Sufiyân, leur chef - en accord avec sa femme, obligea ses deux fils `Otbah et `Otaybah à divorcer de leurs femmes respectives, Om Kulthûm et Roqayyah qui étaient les filles de Khadîdja - nées de son premier mari - et les belles-filles de Mohammad, et qu'ils avaient épousées longtemps avant que Mohammad ne se proclamât Prophète. Mohammad dut souffrir beaucoup de ces troubles familiaux. Mais Roqayyah ne tarda pas à se marier avec Othmân Ibn Affân et plus tard après sa mort, sa sœur Om Kulthûm, se maria avec lui aussi.


Les Persécutions


Sans trop se soucier des affaires domestiques, le Prophète poursuivit sa mission avec plus de ferveur que jamais. Les Quraych commencèrent à réagir violemment à son action et à s'opposer vigoureusement à ses enseignements et innovations. Ils l'insultaient publiquement, jetaient de la poussière et de la saleté sur lui pendant qu'il priait, criaient à tue-tête, sifflaient ou chantaient des chansons frénétiques pour couvrir sa voix lorsqu'il prêchait. Mais à leur grande déconvenue ils ne purent le décourager. Ayant échoué dans leurs tentatives de réduire au silence Mohammad, par les mots, les menaces, les insultes et les attaques, ils essayèrent de le pacifier en lui faisant miroiter fortune, pouvoir, position ou mariage avec la plus belle femme. Mais il rejeta avec dédain toutes ces offres.


Violences contre les Adeptes de Mohammad


Constatant que tous leurs efforts avaient été vains, ils se mirent à utiliser la violence contre ses adeptes et à les traiter avec mépris. Les principales victimes de ces violences parmi ses adeptes furent ceux qui n'avaient aucune position indépendante ni aucun soutien familial pour les défendre. C'est sur eux que les Quraych vidaient leur colère. Ils étaient détenus et emprisonnés.


Quelques-uns furent enfermés dans des cottes de mailles et allongés sur les sables arides sous le soleil brûlant de midi. La torture infligée par le métal chauffé par le soleil torride au-dessus d'eux et par le sable brûlant au-dessous, est difficilement descriptible. Les esclaves convertis des Quraych, qu'ils fussent hommes ou femmes, étaient traités impitoyablement par leurs maîtres qui les torturaient brutalement et les frappaient sauvagement. Par exemple, `Omar Ibn al-Khattâb avait l'habitude de frapper son esclave, une femme, dénommée Lobaynah, jusqu'à ce qu'il fût fatigué lui-même. Bilâl, l'Africain, un converti, esclave de Omayyah ah Ibn Khalf, fut torturé cruellement, exposé au grand soleil de midi, allongé sur le gravier brûlant de la vallée mecquoise. Lorsque le tourment était aggravé par une soif insupportable, on exigeait du malheureux supplicié de reconnaître les idoles de la Mecque;


cependant Bilâl refusait d'abjurer, et du fond de son angoisse, il criait : "Ahad ! Ahad !" (Un, Un le Dieu Unique !). Mohammad (Que la paix soit sur lui et sur sa Famille), ayant appris son malheur, fut tellement apitoyé sur son sort qu'il décida de l'arracher aux tortures en le rachetant. Yâcir et sa femme Somayyah, ayant refusé catégoriquement d'abjurer, furent torturés à mort par les Quraych.


Somayyah avait été attachée à deux chameaux et cruellement transpercée par une lance. Leur fils, `Ammâr, lorsqu'il fut torturé et forcé d'abjurer, ayant peur de partager le sort insoutenable de ses parents qu'il avait vu mourir de ses propres yeux, et désirant échapper à une mort certaine, finit par obéir aux exigences de ses tortionnaires, bien que son cœur ne s'accordât pas avec sa langue.


Le Prophète ayant été informé que `Ammâr avait renié la foi, dit que cela était impossible, car `Ammâr était imprégné de foi, du sommet de la tête jusqu'à la plante des pieds, la foi étant fusionnée dans son sang et sa chair. Lorsque `Ammâr réapparut devant lui, pleurant et poussant des cris de regret, le Prophète récita ces paroles du Coran : "Celui qui renie Dieu après avoir cru - sauf celui qui le fait par contrainte et dont le cœur reste ferme dans la foi (...) la colère de Dieu est sur lui et un terrible châtiment l'atteindra" (Sourate Al-Nahl, 16 :106). Il essuya les larmes sur le visage de `Ammâr et le consola en lui disant : "'Tu n'es pas coupable, s'ils t'y ont forcé".


L'Emigration en Abyssinie


Dans de telles circonstances, il n'était plus possible pour les adeptes de Mohammad de vivre en paix plus longtemps à la Mecque, et il n'était plus raisonnable pour lui de poursuivre ses prêches dans une ville où ses auditeurs risquaient d'être attaqués. Aussi conseilla-t-il à ses adeptes qui n'avaient pas de protection à la Mecque de chercher refuge et pays d'exil ailleurs. L'Abyssinie fut l'endroit proposé à cet effet, et accepté unanimement. Conformément à cette décision, un groupe de onze hommes et quatre femmes, dont Othmân et sa femme Roqayyah, fuirent vers ce pays au mois de Rajab de la cinquième année de la Mission (environ 615 A.J.). Ils furent reçus avec une bienveillance remarquée par Najâchî (le Négus), le Roi chrétien d'Ethiopie, qui embrassera lui-même l'Islam et deviendra un adepte de Mohammad un peu plus tard.

Encouragé par cet accueil aimable des réfugiés en Abyssinie, le Prophète permit à d'autres adeptes d'y émigrer pour avoir la vie sauve. Par conséquent, trente hommes et dix-huit femmes quittèrent la Mecque individuellement ou par petits groupes et se rendirent en Abyssinie. Ja`far Ibn Abî Tâlib les suivit avec cinquante autres personnes. Ainsi cent treize réfugiés arrivèrent sains et saufs en Abyssinie.


Une délégation de Quraych en Abyssinie


Les Quraych se sentirent déjoués par la fuite des convertis en Abyssinie; aussi décidèrent-ils d'envoyer une délégation dirigée par `Amr Ibn al-`آç et `Abdullah Ibn Omayyah, et munie de cadeaux coûteux au Roi d'Ethiopie. `Amr et `Abdullah se prosternèrent tout d'abord devant le Roi en signe de respect et ouvrirent ensuite leur mission par la présentation de leurs cadeaux de grande valeur.


Puis ils expliquèrent au Roi que certains membres de leurs tribus, ayant adopté une nouvelle foi qui leur enseignait de penser légèrement à propos de Jésus et de sa mère Marie, avaient abandonné leur véritable religion ancestrale et fui dans son pays. Ils le prièrent, au nom des Quraych - les nobles de la Mecque - de leur livrer les fuyards. Le Roi était un homme juste. I1 fit venir les Musulmans pour entendre leur défense à propos de l'accusation d'hérésie dont ils faisaient l'objet.

 

Ils se présentèrent en un groupe dirigé par Ja`far, le frère de `Ali, un des fils d'Abû Tâlib, et un cousin du Prophète Mohammad. Aucun membre de la délégation musulmane ne se prosterna devant le Roi, se contentant de le saluer à leur manière habituelle par la formule : "Assalâmu `Alaykum". Le Roi n'en fut pas offusqué; il admira même leurs manières. Puis, il leur exposa les charges portées contre eux par leurs propres compatriotes. Ja`far, qui était un homme d'apparence noble, favorisé par une expression de visage et une éloquence persuasives, s'avança et exposa les croyances de l'Islam avec zèle et enthousiasme.

 

Le Roi, qui était, comme nous l'avons déjà noté, un chrétien nestorien, trouva ces doctrines similaires à celles de sa propre religion et opposées au polythéisme des Quraych. I1 manifesta son désir d'entendre Ja`far réciter quelques passages des Révélations faites au Prophète. Ja`far récita quelques versets de la Sourate Mariam qui touchèrent le Roi au cœur, au point qu'il ne put retenir ses larmes. I1 était surtout heureux d'entendre Ja`far présenter ses arguments. I1 s'ensuivit qu'au lieu de livrer les Musulmans aux membres de la délégation Quraychite, il leur octroya des faveurs bien supérieures à la protection dont ils jouissaient déjà. I1 expulsa la délégation Quraychite de sa cour en lui rendant les cadeaux qu'elle lui avait apportés.


Le Prophète à Dâr al-Arqam


Après l'exil d'un nombre aussi grand que cent treize membres du petit groupe des adeptes du Prophète, la position de celui-ci s'affaiblit beaucoup à la Mecque. D'autre part les Quraych, ayant durement ressenti l'expulsion déshonorante de leurs envoyés à la Cour d'Abyssinie, décidèrent de se venger de Mohammad en persistant dans leurs tentatives de s'opposer à ses prêches avec plus de rigueur. Mohammad décida donc de chercher refuge, en cette sixième année de sa Mission, dans la maison de l'un de ses adeptes, nommé al-Arqam, près du sanctuaire de la Ka`bah, où il put faire ses prières et ses enseignements paisiblement.

Un jour, pendant que le Prophète était assis à la porte de la maison, Abû Jahl, le chef de la grande et riche famille de Banî Makhzûm, passa à son niveau et proféra des mots grossiers à son encontre. Le Prophète fut très choqué, mais il ne prononça aucun mot de remontrance. Une fille esclave de `Abdullah Ibn Jod`ân, qui vivait tout près, fut très mécontente de cette insulte gratuite de la part d'Abû Jahl. Peu après, elle raconta l'incident à Hamzah - un oncle du Prophète - qui passait par là pour regagner sa maison après une excursion de chasse. Hamzah, qui était un homme célèbre parmi les Arabes pour sa grande vaillance et sa chevalerie se sentit profondément affecté par ce traitement outrageux qu'Abû Jahl avait réservé à Mohammad.

 

Aussi se rendit-il directement chez Abû Jahl, et après lui avoir fait des remontrances, il le frappa avec son arc, lui portant un coup sur la tête. Les partisans d'Abû Jahl se levèrent pour le venger, mais il les calma et dit à Hamzah sur un ton conciliant que s'il avait insulté Mohammad, c'était seulement parce qu'il vilipendait leurs dieux. Hamzah déclara alors qu'il méprisait lui-même ces dieux de pierre, et il défia Abû Jahl de faire quoi que ce soit contre lui. Et pour se proclamer publiquement protecteur de Mohammad, Hamzah prononça à haute voix la profession de foi islamique : "Il n'y a pas de dieu, si ce n'est Le vrai Dieu Unique; et Mohammad est Son Prophète". Sur ce, il se déclara Musulman.


Dès lors il s'avéra être un Musulman ferme jusqu'à la fin de sa vie.

Ce fut là un très heureux événement pour Mohammad et pour les Musulmans, spécialement à ce moment critique où les choses tournaient si mal pour le petit groupe de Musulmans que l'adhésion d un tel notable à leur cause, adhésion qui constitua une vraie main secourable tendue par le Ciel.


`Omar accepte la mission de tuer Mohammad


Ayant subi cette humiliation que lui avait infligée Hamzah, Abû Jahl décida de mettre un terme, une fois pour toutes, aux innovations contagieuses de Mohammad, et fixa une récompense de cent chameaux ou de mille onces d'or, payée comptant, pour la tête de Mohammad.
`Omar Ibn al-Khattâb, qui était aussi viscéralement hostile à Mohammad qu'Abû Jahl, son oncle maternel se proposa de gagner la prime de ce crime de sang. Il avait à l'époque trente-trois ans.

 

Il prit donc son épée et se dirigea vers la maison d'Al-Arqam, En chemin, Omar rencontra Sa`d Ibn Abî al-Waqqâç à qui il lui fit par de son projet, ne sachant pas qu'il était un adepte de Mohammad. Sa`d le mit d'abord en garde contre le risque qu'il courait, puis il lui conseilla d'aller voir en premier lieu sa propre sœur et son mari qui étaient déjà des adeptes de Mohammad.

 

Omar, se rendant compte de la sagesse de cet avertissement, se tourna vers la maison de sa sœur, où il entendit un cours d'enseignement du Coran dispensé par un Khabbâb à sa sœur آminah, et à Sa`îd Ibn Zayd, son mari. I1 entra brusquement dans la maison fonça tout droit sur Sa`îd, engagea un corps à corps avec lui, et le jetant à terre où il tomba sur le dos, il s'assit sur sa poitrine. Là, sa sœur intervint. Elle reçut à son tour une claque qui la fit saigner, mais dans un accès de colère elle cria. "ش fils de Khattàb Fais ce que tu voudras ! J'ai vraiment changé de foi", et elle avoua qu'ils étaient tous deux - elle et son mari sans aucun doute Musulmans.


La Conversion de `Omar


Ayant honte de l'avoir acculée à une telle effronterie, `Omar s'écarta et lui demanda de réciter ce qu'elle apprenait. Elle récita les versets avec une solennité qui affecta le fond de son cœur. Le passage qu'elle lui avait récité était les quatorze premiers versets de la Sourate Tâhâ.

Omar fut stupéfait par la langue, qui avait un effet surnaturel auquel il ne put résister lui-même. A la fin, il leur demanda à tous les deux de le conduire à Mohammad. Khabbâb qui s'était caché dans la maison en voyant `Omar foncer vers eux, sortit alors de sa cachette. Ils amenèrent tous les trois `Omar à la maison d'al-Arqam où il croisa Hamzah à la porte. Il fut conduit auprès du Prophète. `Omar était si intimidé qu'il frémissait devant le Prophète qui le tint par la main et dit : "O Omar ! Veux-tu continuer jusqu'à ce que Dieu envoie sur toi une calamité et un châtiment comme IL l'a fait avec Al-Walîd Ibn Moghîrah ?", et il l'appela à l'Islam, qu'il accepta tout de suite en prononçant sa Profession de Foi (les Chahadatayn). La conversion de `Omar eut lieu seulement trois jours après que Hamzah se fut proclamé Musulman, la sixième année de la Mission.


La Délégation de Quraych auprès d'Abû Tâlib


Après la conversion de Harnzah et de `Omar, le Prophète prit deux fois le risque de faire ses prières avec ses adeptes publiquement à la Ka`bah, et la nécessité de tenir les rassemblements religieux dans le secret, notamment chez al-Arqam, ne s'imposait plus. Il réapparut donc publiquement pour prêcher, et l'Islam faisait des progrès sûrs parmi les différentes tribus arabes. Cela ne manquait pas de faire enrager plus que jamais les Quraych. Désormais, ils changèrent de tactique et pensèrent qu'il était plus sage de s'approcher d'Abû Tâlib, l'oncle et le protecteur du Prophète, et le chef de sa famille. Ils le prièrent chaleureusement d'imposer silence à Mohammad, et en cas d'insuccès, de lui retirer sa protection. Abû Tâlib les calma d'une manière ou d'une autre, mais sans toutefois informer Mohammad de leurs exigences. Mohammad continua donc à accomplir son travail selon sa manière habituelle.

Les Quraych se contentèrent d'observer pendant un certain temps, mais à la longue, n'ayant constaté aucun changement dans l'attitude de Mohammad, ils perdirent patience. Ils se rendirent de nouveau, en groupe, chez Abû Tâlib, et lui demandèrent, sur un ton menaçant, ou bien de convaincre son neveu de s'abstenir d'attaquer leurs dieux, ou bien de le laisser seul. Abû Tâlib convoqua alors son neveu et lui fit part de tout ce dont les Quraych le chargeaient. I1 lui suggéra de modérer ses attaques contre les Quraych afin d'éviter un conflit familial. Mohammad mit en avant ses convictions avec force et dit fièrement qu'il ne se permettrait pas de désobéir aux Commandements de Dieu, et qu'il était décidé à les appliquer jusqu'aux derniers moments de sa vie : "Même s'ils mettaient le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche, dit-il, pour me faire abdiquer ma tâche, je ne le ferais pas, et ce jusqu'à ce que Dieu la couronne de succès, ou que je me sacrifie pour elle" (Abul-Fidâ'). Mohammad pensa que son oncle voulait lui retirer sa protection pour éviter un conflit familial. Aussi lui dit-il qu'il ne comptait que sur la protection et d'aide de Dieu, le Tout-puissant, même si son oncle n'était pas désireux de continuer de se charger de la défendre.

Ayant dit cela, Mohammad se tourna pour s'en aller, le cœur serré, mais Abû Tâlib le retint, et sans plus discuter, lui promit de s'élever lui-même contre tous ses ennemis et de le défendre jusqu'à sa mort contre toutes les agressions. Abû Tâlib crut lui-même aux convictions de son neveu, et en conséquence il fit comprendre aux Mecquois que son neveu était réellement un Messager de Dieu et que pour cela, ils devraient le considérer comme leur dirigeant et guide spirituel.

Avec cette réponse froide d'Abû Tâlib, les Mecquois ne savaient plus quoi faire contre Mohammad et ses adeptes. Abû Sufiyân, le chef des Umayyades, saisit l'occasion pour jeter le discrédit non seulement sur Mohammad ou sur tel ou tel de ses proches parents qui avaient épousé sa foi, mais sur toute la lignée de Hâchim qui, bien que ne partageant pas ses croyances, le protégeait par solidarité clanique. Evidemment l'hostilité d'Abû Sufiyân n'était pas suscitée simplement par sa haine personnelle ou par ses scrupules religieux, mais par rivalité familiale. II avait l'ambition de transférer à sa propre famille les honneurs de la cité, si longtemps accaparés par les Hachémites. (W. Irving, "Life of Mohammad", p. 56). D'après les témoignages historiques disponibles c'est à cette époque-là que l'opposition à la propagation de la foi de Mohammad atteignit son paroxysme.


L'Interdiction et la Mise au Ban


Poussés par Abû Sufiyân, les chefs des différentes familles décidèrent de former une ligue pour couper tous contacts avec Mohammad, ses adeptes et les Hâchimites qui avaient refusé de se séparer de Mohammad. Ils prirent l'engagement solennel de n'avoir aucune sorte de relation commerciale avec eux - ne rien leur acheter et ne rien leur vendre - et de ne contracter aucune alliance matrimoniale avec eux. La septième année de la Mission (environ 616 A.J.) cette Convention fut rédigée, signée et scellée. Et pour lui conférer une valeur solennelle, elle fut conservée dans la Ka`bah.

Abû Tâlib amena alors Mohammad à son logement connu sous la dénomination de Chi`b Abî Tâlib. Les Hâchimites soumis eux aussi au boycottage à cause de Mohammad, se retirèrent au même endroit. L'un d'entre eux seulement, Abû Lahab, s'en sépara et fit cause commune avec les Mecquois.

Désormais les Hâchimites, mis au ban de la société, furent entièrement éloignés du reste des habitants de leur ville. Ils devinrent des gens excommuniés, condamnés à souffrir toutes les privations. Même la forteresse de Chi`b Abî Tâlib était occasionnellement assiégée par les Quraych afin de renforcer le blocus et de prévenir toute possibilité d'approvisionnement. Les Hâchimites se virent ainsi acculés à la famine pour cause de manque de provisions qu'ils ne pouvaient acquérir qu'à des prix exorbitants chez des commerçants étrangers pendant les jours de Trêve, c'est-à-dire aux mois de Rajab et de Thilhaj de chaque année.

Ils étaient constamment surveillés par les Quraych et n'osaient pas sortir dehors. Abû Tâlib craignait même des assassinats nocturnes. Aussi était-il toujours sur ses gardes et changeait-il souvent la chambre à coucher de Mohammad par mesure de précaution contre une attaque surprise. Cet état des choses dura environ trois ans. II commença vers la fin de la septième année de la mission et se termina la dixième année, où Mohammad atteignit l'âge de cinquante ans.

I1 est à noter ici que pendant ces années-là le Prophète ne négligea pas sa Mission. I1 s'appliquait à l'amélioration des mentalités de ses proches en prêchant le Monothéisme afin de rendre plus effective leur soumission à sa Foi, et chaque fois qu'il lui arrivait de sortir pendant les jours de Trêve, il se mêlait aux pèlerins, effectuait ses prêches parmi eux, exposait ses doctrines et annonçait ses révélations dans des occasions propices.


Quelques-uns des Miracles les Plus Remarquables


"De cette façon - écrit W. Irving dans son livre "Life of Mohammad", pp, 57-60 - il fit de nombreux convertis qui à leur retour dans leurs régions respectives apportèrent avec eux les germes de la nouvelle religion. Parmi ces convertis on comptait même des princes ou des chefs de tribu dont l'exemple fut suivi par leurs partisans. Les légendes arabes font un récit fastueux de la conversion de l'un de ces princes, laquelle conversion, étant en rapport avec l'un des miracles les plus notables de Mohammad, mérite d'être racontée :

"Le prince en question était Habib Ibn Mâlik, surnommé le Sage en raison de sa vaste connaissance et érudition, puisqu'il est présenté comme étant versé profondément dans la magie et les sciences et comme connaissant parfaitement toutes les religions jusqu'à leurs fondements mêmes, ayant lu tout ce qui avait été écrit à leur propos et ayant acquis une information pratique les concernant après avoir appartenu tour à tour au Judaïsme, au Christianisme et au Zoroastrisme. Il est vrai qu'il avait eu largement le temps pour acquérir des connaissances si vastes et des expériences si larges, puisque, selon la légende arabe, il vécut cent quarante ans. Un jour, il vint à la Mecque à la tête d'une puissance armée, forte de vingt mille hommes, amenant avec lui une belle jeune fille, Satihah, pour qui il offrit des prières à la Ka`bah, parce qu'elle était devenue sourde, muette, aveugle, et privée de l'usage de ses membres.

"Toujours selon la légende, Abû Sufiyân et Abû Jahl pensèrent que la présence de ce prince très puissant, très idolâtre, très âgé et très sage à la tête d'une armée si formidable, constituait une occasion favorable de provoquer la ruine de Mohammad. Par conséquent, ils informèrent Habib le Sage de l'hérésie du prétendu prophète et obtinrent de lui qu'il le convoquât à son campement dans la vallée de "Flints", pour qu'il justifiât ses croyances. Ils espéraient ainsi, qu'en s'obstinant dans l'erreur, Mohammad s'attirerait la mort ou le bannissement.

"La légende fait un conte somptueux de la parade des Quraychites idolâtres, fièrement ornés, à cheval et à pied, conduits par Abû Sufiyân et Abû Jahl, venus assister à la grande inquisition dans la Vallée de "Flints", et de la façon orientale dont ils furent reçus par Habib le Sage, assis sous une tente de tissu cramoisi, sur un trône d'ébène incrusté d'ivoire et de santal, et couvert de plaques d'or.

"Mohammad était dans la maison de Khadîdja lorsqu'il reçut la sommation de comparaître devant ce formidable tribunal. Khadîdja criait fort ses avertissements et ses filles s'accrochèrent à son cou, pleurant et se lamentant, car elles pensaient qu'il allait à la rencontre de sa mort certaine. Mais il apaisa gentiment leurs craintes et leur demanda d'avoir confiance en Allah.

"A la différence des manières ostentatoires de ses ennemis, Abû Sufiyân et Abû Jahl, il s'approcha de la scène du procès en vêtements simples, habillé d'une longue chemise blanche, d'un turban noir et d'un voile fait d'étoffe d'Aden. Ses cheveux tombaient au-dessous de ses épaules, la lumière mystérieuse de la prophétie rayonnait sur son visage, et bien qu'il n'eut pas oint sa barbe ni utilisé aucun parfum" excepté un peu de musc et de camphre sur les poils de sa lèvre supérieure, partout où il passait, un parfum doux répandait autour de lui et exhalait de sa personne.

"Une crainte silencieuse régna dans l'assemblée lorsque le Prophète s'approcha. Pas un murmure, pas un chuchotement. Les animaux sauvages même parurent se plaire dans le silence; les hennissements des coursiers, les cris des chameaux et les braiments des ânes avaient cessé.

"Le vénérable Habib le reçut gracieusement. Sa première question était déjà prête : "Ils disent que tu prétends être envoyé par Dieu. Est-ce ainsi ?" "Certainement, Allah m'a envoyé pour proclamer la Véritable Foi", répondit-il.

"Bien, répliqua le Sage, prudent. Mais chaque prophète a donné la preuve de sa Mission par des signes et des miracles. Noé avait son arc-en-ciel; Salomon, son anneau mystérieux; Abraham, le feu de la fournaise qui devint froid sur son ordre. Ismâ`îl, le bélier qui fut sacrifié à sa place; Moïse, son bâton magique, et `Issa ressuscitait les morts et calmait les tempêtes par de simples mots. Donc, si tu es vraiment un prophète, fais nous un miracle en guise de preuve."

"Les partisans de Mohammad tremblèrent de peur pour lui lorsqu'ils entendirent cette demande, et Abû Jahl battit des mains et exalta la sagacité de Habib le Sage. Mais le Prophète le réprimanda avec mépris. "Paix ! Chien de ta lignée ! Disgrâce de ta famille et de ta tribu !" Puis, il se mit calmement à exécuter les désirs de Habib.

"Le premier miracle demandé à Mohammad consistait à révéler ce que Habib gardait dans sa tente et pourquoi il l'avait amené à la Mecque.

"Sur ce, dit la légende, Mohammad se pencha vers le sol et traça des figures sur le sable. Puis, relevant la tête, il répondit : "ش Habib ! 'Tu as amené ici ta fille, sourde-muette, estropiée et aveugle, Satihah, dans l'espoir d'obtenir du Ciel qu'elle soit soulagée. Va à ta tente, parle-lui et écoute sa réponse, et sache que Dieu est Tout-puissant".

"Le vieux prince se dépêcha vers sa tente. Sa fille le reçut d'un pas léger et les bras ouverts, en possession de toutes ses facultés : ses yeux rayonnaient de joie, son visage dessinait un sourire et elle paraissait plus belle que la lune d'une nuit sans nuage". (W. Irving)


Le Miracle de la Disjonction de la Lune


Le second miracle que Habib avait demandé au Prophète de réaliser c'était de faire couvrir le ciel de midi de ténèbres surnaturelles et de faire apparaître la lune au-dessus de la Ka`bah. Le Prophète pria. Tout d'un coup une noirceur complète couvrit la lumière de jour et l'orbe glorieux de la lune brilla sur le sanctuaire. Le Prophète fit un signe de son doigt et l'orbe fut coupé en deux moitiés de sorte que la montagne d'Aby Qubays se dressa entre elles. Un peu plus tard, il fit de nouveau un signe et les deux moitiés se rejoignirent. Quelques fissures profondes sont toujours visibles sur le disque de la lune, comme si elles voulaient indiquer les traces de la réunion de deux parties.

Le prince et quatre cent soixante-dix de ses partisans, ainsi qu'un grand nombre de Mecquois, ayant été parfaitement convaincus, embrassèrent la foi du Prophète. Abû Jahl et Abû Sufiyân s'écrièrent que tout cela n'était qu'un ensorcellement de Mohammad; ils étaient des incroyants endurcis. On dit que les événements ci-dessus relatés eurent lieu cinq ans avant l'Emigration. (A propos de ce miracle de la disjonction de la lune, réalisé par le Prophète, il faut noter ici qu'on peut en trouver la confirmation indirecte dans les écrits du célèbre astronome, Sir J.F. Herschel, qui a écrit dans ses "Outlines of Astronomy" (4Q édition, 1851, p. 247), note en marge, en parlant de la lune : "I1 y a une illusion optique d'une nature étrange et inexplicable que l'on a souvent remarquée dans l'occultation.

 

L'étoile semble avancer effectivement sur et dans le disque (de la lune) avant de disparaître, et ce jusqu'à une profondeur considérable parfois. Je n'ai jamais été personnellement témoin de cet effet singulier, mais il repose sur un témoignage sans équivoque. Je l'ai appelé une illusion optique, car il est pratiquement impossible qu'une étoile puisse briller en de telles occasions à travers des fissures profondes dans la substance de la lune". Des fissures profondes dans la lune ! Cette expression n'indique-t-elle pas clairement une réunion des deux parties de la lune après que celle-ci s'était scindée en deux, réunion incomplète qui a laissé des fissures profondes).


La Fin Miraculeuse de la Mise au Ban


A la fin de la troisième année de l'Interdiction - la dixième année de la Mission - Mohammad informa Abû Tâlib qu'Allah avait montré sa désapprobation de la Convention dirigée contre lui et qu'Il avait envoyé des fourmis pour dévorer chaque mot du Document placé dans la Ka`bah, à part Son propre Nom qui y figurait. Abû Tâlib, ayant cru son neveu comme receveur des Révélations du Ciel, alla voir les Quraych sans hésitation et il leur raconta ce que Mohammad lui avait dit à propos du document, en leur disant que si l'information qu'il leur rapportait se vérifiait après l'examen du document, ils devraient s'engager à se retirer de leur convention et à abandonner leurs hostilités contre Mohammad et ses partisans, et si elle s'avérait fausse, il s'engagerait pour sa part à leur livrer Mohammad.


Mot`im Ibn `Adî, Zam`ah Ibn Aswad, Abul-Bakhtari et quelques autres parmi les voisins des Quraych, qui étaient affligés pour les lamentations douloureuses des enfants quasi faméliques des Hâchimites mis au ban de la société et sympathisaient avec eux dans leurs souffrances, accompagnèrent Abû Tâlib pour s'assurer que sa demande juste ne fût pas refusée par les Quraychites. La proposition d'Abû Tâlib fut toutefois volontairement acceptée par tout le monde. Tous ensemble allèrent inspecter le document.

 

Et à leur grande surprise, ils le virent dévoré par les fourmis. I1 n'en restait que le nom d'Allah. Abû Tâlib fut transporté de joie devant ce miracle accompli par un acte surnaturel en faveur du Prophète Mohammad, alors que les Quraych semblaient confus et hébétés. Ils dirent que c'était un ensorcellement fait par Mohammad; mais devant la persistance d'Abû Tâlib et de ses partisans, ils finirent par céder et déclarer le document nul et non avenu. Le bannissement étant annulé, tous les Hâchimites regagnèrent leurs maisons, et Mohammad (Que la paix soit sur lui et sur sa famille) fut une fois de plus libre.