Introduction du traducteur Un Regard Nouveau Sur Certains Versets Coraniques

Un Regard Nouveau Sur Certains Versets Coraniques
seyyed mujtaba mussavi lari
Introduction du traducteur
La lecture du Coran, la méditation sur le Coran est quelque chose qui est recommandé d'une façon générale par le Coran dans plusieurs passages de méta-texte :

" …est-ce faute de méditer le Coran ? Certains cœurs ne sont-ils pas verrouillés ? ".

(Coran, Sourate 47, verset 24)

Re-lire le Coran est par conséquent très recommandé par le Coran, car au Jour du Jugement, le Noble Livre témoignera contre les hommes qui l'auront considéré comme " une chose à fuir[1] ". Ce serait l'ingratitude même: refuser de boire à la source, alors que l'eau en sort toute limpide et fraîche.

Chez les docteurs en religion, le but de l'exégèse est de chercher puis de proposer non pas le sens absolu du Coran, mais les sens possibles pour ses lecteurs, c'est à dire ceux qu'autorise la langue dans laquelle s'exprime le texte révélé.

Et chacun le sait, malgré les centaines de commentaires complets ou partiels qui ont été écrits dans le passé et dans les temps modernes, le Coran n'a pas épuisé ses ressources. Il est encore capable de révéler des sens nouveaux, insoupçonnés par les Anciens. Les Anciens qui ont d'ailleurs compris l'intérêt et la chance que nous ne puissions pas réaliser un commentaire canonique, c'est à dire un commentaire au-delà duquel il ne serait plus possible de commenter. Ce serait figer le sens du Texte Révélé, ce serait mal comprendre la fonction même du Coran qui est d'alimenter le monde en sens, de donner vie aux esprits. La porte reste donc ouverte et le restera jusqu'à la fin des temps, tant qu'il y aura des hommes. Nous continuerons de solliciter le Coran.

Bien sûr tout ce que l'on en comprendra ne sera pas toujours du meilleur cru, ni même toujours acceptable par la raison ou par le sens commun.

Un minimum de connaissance, de savoir est bien entendu requis pour aborder l'interprétation du Coran, à commencer par la connaissance de la langue arabe. Mais faut-il s'empresser d'ajouter, la langue n'est pas tout. Bien qu'il s'exprime dans leur langue, tous les Arabes ne comprenaient, et ne comprennent pas le Coran, et tous ne le comprenaient pas entièrement et à sa juste compréhension, même si l'on peut supposer qu'il se trouvait parmi eux des individus capables de connaître tout le vocabulaire coranique.

" Seul connaît le Coran celui à qui il s'est adressé ", c'est à dire le Prophète. Comme un dialogue intime, entre Dieu et Son Prophète, les mots peuvent être captés, mais les sens sont réservés à celui-là seul qui les reçoit en premier et qui est chargé de les faire parvenir aux autres humains. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Prophète est considéré comme le premier commentateur, car lorsqu'un verset manquait de clarté aux yeux d'un compagnon, c'est au Prophète que ce dernier s'adressait.

Cette recherche du sens requiert donc une condition de réceptivité psychique et spirituelle. Il faut se mettre en état de purification, de pureté spirituelle pour recevoir les sens du Coran. Car " le caractère du Prophète était le Coran même " a-t-il été dit. Par conséquent, encore une fois, seul le Coran vivant peut recevoir et interpréter le Coran en tant que texte et message.

L'imitation du Prophète qui est à la base même de la pratique religieuse en islam vise à donner au croyant une aptitude à recevoir sa part du sens coranique, conformément à l'effort qu'il aura déployé pour se rendre digne pour en accéder.

Un verset du Coran précise d'ailleurs que seuls les êtres entièrement purifiés de toute attache mondaine peuvent " toucher " le Coran, c'est à dire en atteindre les sens élevés.

La lecture du Coran nourrit la pensée croyante depuis des siècles. C'est l'esprit du Coran qui est la référence de la pensée musulmane. Pour un croyant, tenter de comprendre et de dégager un sens du Coran est très important : car c'est ce sens qui l'éclairera dans les multiples choix et options que la société moderne lui propose.

C'est ainsi qu'à travers la pensée musulmane, le monde bénéficie de la possibilité de connaître un autre point de vue, une autre façon de voir les choses qui soit à la fois moderne et ancrée dans un enseignement stable qui n'est pas soumis aux caprices des hommes.

Pour un penseur musulman, dire la Loi divine, c'est plus éclairer le monde, aider à sa compréhension que vouloir imposer quelque chose. La Loi divine est un véhicule, un moyen d'accéder au savoir divin.

" …Irions-nous vous les imposer contre votre volonté ? "

(Coran, sourate 11, verset 28).

Les hommes sont libres de choisir la voie qu'ils veulent suivre. Cette liberté de choix est proportionnelle à l'ampleur de leur intelligence. La compréhension ne relève pas de la contrainte. Comprendre la Loi divine, ce n'est pas seulement accéder à un code pénal, c'est avant tout comprendre l'intention divine dans le monde, en appréhender l'organisation.

Peu importe en effet que cette loi s'applique dans nos sociétés. Il n'empêche, et il suffit, qu'elle s'applique aux yeux de Dieu. Un criminel peut parfaitement échapper aux poursuites des hommes, sa conscience lui rappellera son crime. L'important est de comprendre pour soi-même la portée et la signification de cette loi divine. Qu'est-ce qu'elle révèle comme intention divine?

Les sujets dont traite le Coran, ne sont pas que des cas juridiques au sens restreint du terme. Il serait plus juste de parler de thèmes de connaissance, car ce qui est demandé aux hommes, c'est de comprendre, de méditer sur la création, sur son sens, sa finalité son mode opératoire, ses merveilles. Le Coran n'est pas un code pénal, c'est une voie de connaissance de Dieu, de méditation pour obtenir par les actes, le salut éternel.

Autrement dit le droit musulman qui est un droit dont les principes sont édictés par le Coran, est un droit qui s'applique aux yeux de Dieu même lorsque les institutions humaines (juges et tribunaux) chargées de son application viennent à faire défaut.

Les malfaiteurs, les délinquants et les criminels peuvent échapper à la justice des hommes, mais pas à celle de Dieu.

Cela n'est pas affirmé seulement pour faire peur, pour faire peser une menace sur des individus qui du reste le méritent bien. Mais c'est aussi inviter à réfléchir sur le sens de la Loi, en tant que bonté divine, en tant que Voie de salut. Car accepter la Loi divine, se soumettre à elle, c'est s'assurer un salut éternel.

Un musulman ne peut pas non plus accepter en son for intérieur une loi édictée par les hommes, qui ferait tort à la dignité humaine, qui dérogerait au rang de l'homme dans la création divine. C'est pour cela qu'un minimum légal a été canoniquement prescrit aux hommes.

Les lois des hommes peuvent paraître justes à première vue, mais lorsqu'elles sont confrontées, mises en rapport entre elles, elles révèlent leur incohérence, leur caractère décousu, disparate ainsi que leur validité très restreinte. Nous pouvons voir cela par exemple dans la façon dont sont traités les " droits " de l'homme, ou les droits de l'enfant, qui sont proclamés de façon abstraite dans des déclarations universelles mais qui sont en conflit avec d'autres " droits " que s'arrogent les uns et les autres.

Ces droits ne seront concrétisés que si une évaluation nouvelle de l'homme, d'une sacralisation sérieuse de l'individu humain, s'instaure dans les esprits. Une valeur absolue...

Certains détracteurs modernes recourent à des attaques contre le Coran sur des questions qu'ils détachent abstraitement du contexte général de l'enseignement coranique. Leur intention non avouée est bien sûr de saper l'édifice même du Coran, mais ces attaques dégagent un relent d'anciennes rancunes qui ne trompent plus personne. Nous ne sommes pas au Moyen ?ge, ni même au XIXème siècle matérialiste. Il faut prendre les religions au sérieux, et personne aujourd'hui ne peut se permettre de juger l'islam avec autant d'ignorance et de légèreté qu'on le faisait au siècle passé.

Les commentaires proposés ici par Monsieur Sayyed Mujtaba Musavi Lâri constituent un exemple de l'effort d'interprétation du Coran à partir de l'observation, effort qui se poursuit toujours depuis les origines.

Avec l'accord de l'auteur, nous avons ajouté quelques notes en bas de page, dans le but de compléter éventuellement l'information du lecteur. Le contenu n'engage pas nécessairement l'auteur.

Pour les traductions des versets coraniques, nous avons utilisé la traduction de Jacques Berque, publiée chez Albin Michel, 1995, à Paris, que nous avons préférée pour la qualité de sa langue et aussi pour l'érudition considérable de son auteur. Les renvois au texte coranique comportent deux nombres séparés par les deux points. Le premier indique le numéro de la sourate et le second indique le ou les versets, lorsque la citation s'étend sur plusieurs versets.

Les abréviations AS et SAW qui suivent la mention des noms des prophètes et envoyés de Dieu signifient: Que la paix soit sur lui (ou sur eux)!

Haydar Benaïssa

Introduction de l'auteur
La plus merveilleuse des créations de Dieu est sans doute la langue et la possibilité de communication qu'elle procure aux hommes. C'est par le lien du langage que les hommes ont établi leur première relation, les uns avec les autres. C'est par cet instrument que les hommes ont pris connaissance du potentiel des pensées profondes que recèlent leurs esprits, et ont pu les échanger. Les mots, les significations et la parole sont les moyens et les outils auxquels recourt le locuteur pour faire connaître ses intentions, ses pensées, et ses désirs…

La Parole divine et les versets qu'elle a révélés et qui nous ont été transcrits, nécessitent une capacité intellectuelle supérieure pour leur compréhension, bien que d'après leur expression, ils ne se présentent pas dans une forme exceptionnelle. Il faut un esprit préparé, débarrassé des erreurs de jugement, une personnalité qui ne soit pas sujette aux doutes et à la malhonnêteté. Car les versets émanent de la Présence Seigneuriale sacrée. Et l'Essence Très Sainte est sans aucun doute hors de portée des raisons particulières et des sagesses individuelles.

Par conséquent, la compréhension de la Parole divine nécessite un esprit et une sagesse exceptionnelle, transcendante. C'est sans doute la raison pour laquelle Dieu a employé le mot " descente " (nuzûl) pour désigner Sa parole. Car pour que les destinataires de ces versets, qui sont les hommes, puissent les recevoir, il fallait que le niveau supérieur de la parole soit mis au niveau de l'intelligence humaine, que la Parole incréée soit rendue perceptible par un être contingent.

La première étape de cette descente est celle du Cœur Très Saint du Prophète (SAW), car il est le seul et unique humain à être digne d'accéder aux sens parfaits des réalités des versets de Dieu.

" Dis : "qui peut se vouloir l'ennemi de Gabriel, lui qui fait descendre (le message) sur ton cœur, avec la permission de Dieu, en tant qu'avération de ce qui avait cours, et que guidance et que bonne nouvelle aux croyants..'' "

(Coran, sourate 2, verset 97)

Quant aux autres humains, auxquels s'adresse aussi la Parole divine, ils reçoivent les versets de la bouche bénie de l'Envoyé de Dieu (SAW), c'est à dire qu'ils se situent dans une deuxième étape de la descente qui rend la compréhension des versets relativement plus aisée. C'est dans ce contexte que l'appel du Coran à méditer sur ses versets prend une signification. Car Dieu a exposé dans Son Livre des réalités et des idées, de façon qu'elles soient accessibles à ceux qui les reçoivent en proportion de leurs capacités respectives.

On peut même affirmer que chaque verset renferme un sens pour chacun des niveaux de l'intelligence humaine, dans le sens que par exemple le célèbre philosophe Mollâ Sadrâ expose dans son commentaire du verset :

" Nous leur ferons voir Nos signes sur les horizons et dans leur âme, jusqu'à faire éclater (à leurs yeux) que c'est bien là le Vrai. " (Coran, sourate 41, verset 53), en s'appuyant sur les arguments des Véridiques, dans son ouvrage intitulé al-Hikma al-muta'âliyya, appelé aussi al-Asfâr al-arba'a, les quatre voyages de l'esprit[2].

Ce n'est pas sans raison que Dieu appelle sans cesse Ses créatures à l'usage de leur intelligence pour la compréhension du Coran, et qu'Il insiste tant sur la nécessité d'approfondir la compréhension de Sa parole.

" Est-ce faute de méditer le Coran ? Certains cœurs ne sont-ils pas verrouillés ? "

(Coran, sourate 47, verset 24)

Trois mots, méditation, cœurs et verrous expriment la position spéciale du Coran dans la vie de l'homme. Oui, la seule voie offerte pour bien méditer dans le cours de la vie, briser les verrous de l'ignorance et de l'indifférence et retrouver la lumière des cœurs et des intelligences, est celle de la méditation profonde sur les sens des versets du Coran. Il est évident qu'un tel appel est valable pour tous les temps, et ne se limitera jamais à une époque particulière, ou à un moment particulier de la vie ou une période spécifique de l'histoire.

Certes, pour satisfaire leurs besoins matériels, les hommes peuvent tenter de tirer profit au mieux du don divin de l'intelligence, et tenter de les satisfaire du mieux qu'ils peuvent, mais pour l'éducation morale, spirituelle et l'élévation de la pensée, il y aura toujours nécessité de prendre en compte et de mettre en pratique les paroles révélées.

Cela ne sera facilité que par l'examen attentif et la méditation sur les versets coraniques, et l'acquisition de commentaires précis et bien argumentés de la Parole divine.

C'est la raison pour laquelle l'auteur du commentaire coranique Tafsîr al-Mîzân, Tabâtabâ'î (Que Dieu soit satisfait de lui), a dit : " Un commentaire du Coran, nouveau, mis à jour de façon à répondre aux besoins de l'époque, devrait être publié tous les dix ans. "

C'est cela même le sens du caractère vivant et éternel du Livre de Dieu. Un livre qui fut le plus grand miracle du Sceau des religions célestes, et qui s'est exprimé dans la langue du Sceau des prophètes.

Nous déduisons de ce qui précède que même s'il faut mettre en œuvre de la minutie et de la subtilité, et s'efforcer toujours de s'appuyer sur les arguments rationnels et traditionnels, afin de ne pas se laisser entraîner au commentaire libre, basé sur des opinions, au lieu et place d'un commentaire véritable -, tout cela n'empêche pas de faire l'effort de mener une recherche dans le domaine du Livre de Dieu, et de concevoir de nouveaux commentaires. Et ce d'autant plus que l'appel vivant et éternel du Coran invitant à la méditation sur les signes divins est toujours en vigueur !

Par conséquent, de même que durant les siècles passés, les docteurs de la Loi et les penseurs de la religion avaient pu mettre en évidence, grâce à leur persévérance, les réalités cachées dans les versets coraniques, de même à notre époque, aussi, cet effort devra se poursuivre inlassablement avec le même esprit et avec la même possibilité de dégager un trésor de significations nouvelles.

Car l'océan des sens des paroles divines est infini. Plus nous y plongerons, plus les perles scintillantes des significations éblouiront les yeux et les esprits. Tant il est vrai que même le mot océan ne suffit pas pour servir de métaphore à l'infinité des paroles divines :is : " Si la mer se faisait encre pour (transcrire) le langage de mon Seigneur, elle s'y épuiserait, même si Nous en doublions l'étendue, avant que ne s'épuisât le langage."

(Coran, sourate 18, verset 109)

Les pages qui suivent, même si elles ne concernent qu'une partie infime des versets coraniques, constituent néanmoins un pas, si modeste soit-il, dans la concrétisation de cet objectif.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous devons appeler l'attention du lecteur sur deux points.

a) Ce que nous évoquons sous le titre de Réalités cachées dans les versets coraniques, ne sont que de simples compréhensions qui se sont présentées à l'esprit de l'écrivain. Il est évident que ces intuitions, comme tous les points de vue exprimés au sujet des versets coraniques, ne sont jamais le reflet parfait de l'intention réelle et certaine de Dieu dans les versets. Il faut donc observer la règle qui est de rigueur en la matière, lorsque tout le commentaire a été dit au sujet d'un verset, de prononcer la fameuse réserve : Allahou a'lam ! Dieu est plus savant !

b) Que des savants puissent diverger au sujet des thèmes de discussions, ne constitue pas une raison pour rejeter leurs points de vue. Car, comme nous l'avons dit, les conclusions et les compréhension de l'auteur au sujet de certains versets coraniques sont des sortes de points de vues particuliers, qui doivent être pris en compte, à l'instar des autres points de vue et idées exprimés par d'autres commentateurs...

Seyyed Mujtaba Mûsavi Lârî

Qom, Mehr 1382 (Septembre 2003)

Chapitre 1
" Le regard affaissé, ils sortent des tombeaux, se répandent comme des sauterelles "

(Coran, Sourate 57, verset 7)

" خشُّعُاً أَبًصُارهمً يُخًرجونَ مِنُ الاجدُاثِ كَأَنُّهمً جُرُادّ منًتُشِرّ "

القمر: الاية (7)

Un des moyens d'exprimer avec force et éloquence des idées et des sens consiste dans l'emploi de la métaphore, de l'image et des figures de style…

La phrase métaphorique comprend trois parties : l'objet comparé (sujet de la métaphore), l'image à quoi cet objet est comparé, et ce sur quoi porte la comparaison.

Il est entendu que c'est cette dernière partie qui constitue l'essentiel au point de vue de l'esthétique du discours. Car le but et la finalité même de l'emploi de la métaphore résident dans la force que va véhiculer cette comparaison ou cette analogie.

Mais en ce qui concerne spécialement la polysémie de la Parole divine et des versets coraniques, le regard doit être encore plus minutieux, afin de faire apparaître de façon plus évidente la richesse secrète du Verbe divin.

En commentant le verset ci-dessus, les grands commentateurs sont d'avis que la métaphore se rapporte essentiellement à la façon dont les hommes se disperseront au Jour de la résurrection. La sortie des tombes est un spectacle si terrifiant et si épouvantable que les hommes frappés de stupeur se mettront à errer sans but dans toutes les directions, comme des nuées de sauterelles.

Cette explication fournie par nos prédécesseurs, qui s'appuie sur le verbe répandre de la fin du verset est juste, et reflète bien l'état d'angoisse et de turbulence extraordinaire des hommes au Jour de la résurrection. Cependant il ne faudrait peut-être pas s'arrêter à cet aspect et à cette signification. Car le but principal du verset est de dépeindre la grandeur d'un événement exceptionnel et unique comme celui de la résurrection des corps.

Sans doute, un jour viendra ou l'univers qui est le notre sera la scène de l'événement stupéfiant de la résurrection, et avec son avènement, le monde éclatera en morceaux. La terre sera agitée et remuée en tous sens, et les astres seront dans le même temps pulvérisés et anéantis. Les tombes seront sens dessus dessous et livreront leurs dépôts. Ce bouleversement de notre planète interviendra comme la conséquence d'un l'ordre divin qui sera obéi intégralement. Puis après une très longue période, le temps viendra pour les hommes de rendre compte des dépôts et secrets qui leur ont été confiés, et ils devront alors s'alléger du poids de leurs charges.

Si les humains pouvaient considérer que les différents éléments constitutifs de leurs corps physique, comme l'argile et l'eau, seront un jour dispersés en différentes parties sous la forme de fruits et légumes et d'autres matières nourricières, ou qu'ils se retrouveront sous forme de gouttes, au fond de l'océan, il ne leur serait plus difficile de se représenter le renouvellement du cycle de la vie

Pourquoi en effet ces matières qui furent dispersées et séparées les unes des autres, ne pourraient-elles pas de nouveau être rassemblées et se recomposer dans un moule et un corps nouveau ? N'en fut-il pas ainsi, après tout, à l'origine même de la vie ?

Ceci était un aspect de la grandeur du Créateur dans l'événement de la résurrection.

Mais ce qui semble plus important et plus digne d'attention que la dispersion et l'éparpillement des hommes dans la scène de la résurrection, c'est la séquence de la sortie des hommes hors de leurs tombeaux, qui est comparable à la sortie des sauterelles hors de la terre où elles ont atteint leur maturité. Le cœur du verset porte d'ailleurs sur cette métaphore. Car de même que les hommes, après leur mort, demeurent des siècles dans la terre jusqu'au jour où l'ordre divin leur sera intimé d'en sortir, qu'il leur sera commandé de redevenir vivants, leur retour à la vie sera semblable à celui des sauterelles qui demeurent pendant une longue période sous forme d'œufs, comme des morts, jusqu'à ce que les conditions soient favorables pour que l'œuf devienne sauterelle et puisse sortir de terre.

On sait que pour se reproduire, les sauterelles creusent un trou profond dans le sol pour y déverser un liquide semblable à de la cire. Cette ponte est en réalité comparable à un enterrement.

L'œuf de la sauterelle qui est déposé dans la terre est protégé par une paroi très mince, que l'on peut comparer à un linceul qui recouvre les morts. En automne et en hiver, les œufs sont inertes. Puis au printemps et en été, ils se transforment en insectes, en sauterelles qui s'extraient du sol, puis quand elles viennent à la lumière du jour, elles prennent leur envol dès que les conditions météorologiques le permettent.

Il en va exactement de même pour les morts humains. Les morts réduits à des particules d'être, reprennent vie au moment où l'ordre divin leur sera donné et, semblables aux larves de la sauterelle, sortiront de leur sépulture, et prendront place sur la scène du grand rassemblement.

Cette métaphore coranique est sans doute la plus minutieuse qui soit dans ce domaine et dont le sens se prête à la compréhension du plus grand nombre. Ce verset donne de façon on ne peut plus claire, la modalité du retour à la vie des morts.

Dieu invite ainsi Ses créatures à méditer sur la venue au monde des sauterelles, et à réaliser que leur destin est semblable à celui de cet insecte, et que forcément les humains seront ressuscités.

Par conséquent, en tenant compte de la subtilité de cette métaphore, il conviendrait de traduire ainsi le verset coranique en question :

" Ils sortiront des tombes, comme des sauterelles, et sur la scène de la résurrection, ils se disperseront[3]. "

Chapitre 2
" ''Rentre la main dans ton encolure : elle en sortira blanche, quoique sans mal''. Entre neuf signes destinés à Pharaon et à son peuple. C'était un peuple de scélératesse "

(Coran, Sourate 27, verset 12)

" وُ ادًخِل يُدُکُ فِي جُيًبِکُ تُخًرجً بُيًضُاء مِنً غَيرِ سوءٍ فِي تِسًع آياتٍ اِليُ فِرًعُون وُ قوًمِه اِنهمً کانوا قوًماً فاسِقِينُ ".

النمل، الاية (12)

Moïse fait partie des prophètes ayant accompli le plus de miracles. Du point de vue intellectuel et du comportement, le peuple israélite envoyé est le plus complexe, et le plus sophistiqué des peuples, et on peut dire en ce sens que les enfants d'Israël sont les plus attachés à leur mode de pensée antique. Ils constituent un peuple exceptionnel aux yeux de Dieu qui, pour les convaincre et leur fournir les arguments décisifs, leur a destiné le plus grand nombre de prophètes et de livres révélés, en les appuyant des plus grands miracles. Mais ce peuple avait en grande partie, préféré se montrer ingrat envers cette bénédiction divine, et n'a pas hésité à mettre à mort un grand nombre des émissaires divins venus à eux. Cependant la patience divine n'a pas été entamée, et Dieu a continué à leur envoyer des prophètes avertisseurs et faiseurs de miracles…

Le verset précédent témoigne de ces miracles de Dieu qui recèlent des points intéressants et subtils que nous examinons ci-après.

Selon certains commentateurs du Coran, l'expression ''main blanche quoique sans mal'' se réfère à la couleur blanche bien connue, la précision quoique sans mal écartant la possibilité que cette couleur soit l'indication d'une maladie (lèpre) qui aurait pu affecter la main de Moïse.

Ici, une distinction nette est établie entre la blancheur et la maladie, ce qui constituerait en soi un genre de miracle.

Cette interprétation est faible pour les raisons suivantes :

1- La blancheur de la main de l'envoyé de Dieu (Moïse) devrait être semblable à celle que cause cette maladie là. C'est pourquoi le verset a poursuivi : ''quoique sans mal'' pour écarter et rejeter l'illusion et la confusion dans ce contexte.

2- La pratique de la magie était très répandue à l'époque de Moïse, et une blancheur ne pouvait pas constituer un exploit dans l'art de la magie ni quelque chose susceptible de mettre au défi les autres magiciens. En outre, un miracle semblable ne serait pas compatible avec les autres miracles du prophète de Dieu que fut Moïse (AS).

3- Un miracle pareil ne pouvait être perçu comme tel que par des personnes qui seraient proches, à une distance très voisine de Moïse, et ne pouvait être perçu comme tel par quelqu'un qui en serait éloigné de quelques mètres. Cette observation est appuyée par le Coran :

" Moïse projeta son bâton. Et voici que ce fut d'évidence un serpent. Il retira sa main et voici qu'elle fut toute blanche aux regards "

(Coran, sourate 26, versets 32-33)

Par conséquent, cette blancheur était d'une intensité telle qu'elle était clairement perceptible à toutes les personnes présentes.

Cet événement surnaturel est intervenu après celui de la transformation du bâton en serpent. Si la main de Moïse s'était simplement transformée en main blanche, seuls s'en seraient aperçu celles des personnes qui seraient situées aux premiers rangs les plus rapprochés de la scène. Or nous savons que l'événement s'est produit devant un grand rassemblement auquel participaient de nombreux magiciens et sorciers venus relever le défi de Moïse, et travaillant pour le compte de Pharaon. Et ce rassemblement s'était tenu un jour de grande fête, à laquelle les gens étaient tenus de participer sur ordre de Pharaon :

" Moïse dit : ''Vous avez rendez-vous au jour de la parure, quand les gens se rassemblent au matin'' "

(Coran, sourate 20, verset 59)

De même, nous pouvons remarquer que l'événement ne s'est pas produit de nuit. Il a eu lieu à l'heure où la lumière du soleil est la plus éclatante, ce qui lève tout doute au sujet de la prépondérance de la blancheur de la main de Moïse (AS). Si la couleur de la main était d'une blancheur naturelle, cela n'aurait pas été perçu à cette heure là, car la lumière du soleil aurait éclairé toute chose, et il n'y aurait plus aucun doute que cette main était atteinte de maladie.

Par conséquent, le miracle aurait induit un doute dans les esprits des témoins, à savoir que cette main est peut-être atteinte de lèpre. Or cela n'est pas compatible avec la scène, ni même avec la mission du prophète Moïse (AS).

Le Coran dit :

" Or Nous ne leur découvrions aucun signe qui ne fût plus décisif que son similaire, et Nous les saisissions par le tourment, escomptant qu'ils feraient retour. "

(Coran, Sourate 43, verset 48)

Il devient par conséquent nécessaire d'interpréter le verset autrement. Or il se trouve que le mot bayzâ' (adjectif et substantif signifiant blanche en arabe) est un des termes synonymes qui servent à désigner le soleil. Nous sommes alors devant trois possibilités :

Ou bien, l'éclat de la main de Moïse (AS) est inférieur à celui de la lumière du soleil, alors elle devient perceptible aux yeux des témoins du miracle.

Ou bien cette blancheur est égale à celle de la lumière du soleil, dans ce cas aussi, elle n'attire pas l'attention non plus.

Ou bien, - et c'est ce dont nous devons convenir-, la clarté de la main de Moïse dépasse celle du soleil, en intensité, au point de susciter la stupéfaction parmi toute l'assistance de ce jour-là.

Or nous savons que lorsque l'intensité de la lumière dépasse celle du maximum de la lumière du soleil, elle ne manque pas de causer de lésions aux yeux des hommes, des lésions qui sont parfois irréversibles. Il est donc possible que le Coran ait eu en vue ce miracle d'une lumière supérieure en intensité à celle du soleil et qui pourtant ne cause aucun mal aux yeux, comme l'a fait le miracle de blancheur excessive de la main de Moïse (AS).

Ainsi l'expression quoique sans mal qui figure dans le verset prend alors une signification qui a échappé aux anciens commentateurs, et qui consiste dans le fait que cette lumière surpuissante n'a cependant causé aucun préjudice, aucune blessure aux yeux des nombreux assistants qui l'ont perçue bon gré mal gré, sans parler de la stupéfaction qui a sans doute saisi Pharaon et sa cour[4].

Chapitre 3
" Dieu est la lumière des cieux et de la terre. Parabole de sa lumière : une niche où brûle une lampe, la lampe dans un cristal ; le cristal, on dirait une étoile de perle : elle tire son aliment d'un arbre de bénédiction, un olivier qui ne soit ni de l'est ni de l'ouest, dont l'huile éclaire presque sans que la touche le feu.
Lumière sur lumière ! Dieu guide à Sa lumière qui Il veut.. - Et Il use, à l'intention des hommes, de paraboles, car Dieu est Connaissant de toute chose. "

(Coran, Sourate 24, verset 35)

" اللهُ نور السُمُوُاتِ وُ الارًضِ مُثلُ نورِهِ کمِشًکوةٍ فِيهُا مِصًبُاحّ المِصًبُاح فِي زجُاجُةٍ الزجُاجُةُ کانُّهُا کوًکبّ درّيّ يوقدُ مِنً شُجُرُةٍ مبُارُکةٍ زُيًتونُةٍ لاشُرًقِيُّةٍ وُ لاغرًبِيُّةٍٍ يُکاد زُيًتهُا يضِيءُ وُ لو لمً تُمًسِسًه نُارّ نورّ عُلي نورٍ يُهًدِي اللهُ لِنورِهِ مُنً يُشُاءُ وُ يُضًرِب اللهُ الامًثال لِلنُّاسِ وُ اللهُ بِکُلِ شُيءٍ عُلِيمّ "

النور، الاية (35)

Le verset de la lumière est l'un des plus complexes du Coran. Les commentateurs, théologiens, spirituels et philosophes se sont exprimés à son sujet, chacun mettant en avant sa perspective particulière.

Sans doute, la meilleure façon de décrire les choses est celle de la métaphore. Cette figure de style permet de révéler deux caractéristiques importantes : d'une part, par sa dimension esthétique, elle offre au lecteur la possibilité de se familiariser rapidement avec l'intention visée par la parole exprimée, et d'autre part, elle permet de révéler des sens inaccessibles au premier abord, que seule l'image permet de faire connaître.

Le verset de la Lumière n'en fait pas exception.

Disons tout de suite que même si les commentateurs qui nous ont précédé n'ont pas réalisé les sens que nous avons en vue dans cet exposé, ils ont cependant apporté des commentaires fort édifiants qui sont tous conformes à l'esprit du Coran et qui ont d'ailleurs été reçus comme tels.

Voici quelques autres significations que nous avons dégagées de la méditation de ce verset.

" Dieu est la lumière des cieux et de la terre " : les lumières de Dieu s'étendent à toute l'existence, et elles éclairent les cieux et la terre, et l'on ne peut imaginer une seule parcelle du monde de l'existence qui ne soit pas éclairée par cette Lumière. Chaque être reçoit de cette lumière en proportion de sa capacité.

Pour faire connaître sa Lumière, Dieu emploie cette parabole : " La semblance de sa lumière est celle d'une niche où brûle une lampe, la lampe dans un cristal; le cristal, on dirait une étoile de perle. "

La première question qui se pose à ce sujet est : pourquoi Dieu n'a-t-il pas comparé Sa lumière à la plus éclatante des lumières qui soit, en l'occurrence celle du soleil, et pourquoi l'a-t-Il comparée à une lampe qui est une œuvre des hommes ?

Comme réponse, on peut dire que le soleil est une création de Dieu, et s'Il devait comparer Sa lumière à celle du soleil, ce serait une descente du degré de la capacité créatrice à celui de l'être créé, or cela est indigne de la grandeur divine.

En outre, le croyant et l'incroyant profitent également de la lumière du soleil, alors que seuls les cœurs des croyants sont éclairés par les rayons des lumières divines.

Pourquoi alors le Seigneur a-t-Il eu recours à la métaphore de la lampe qui est un objet fabriqué par les hommes ?

Nous proposons la réponse suivante : Les caractéristiques qui sont reconnues à la lampe dans le verset en question ne sont ni celles qui sont créées par le Seigneur ni celles d'un objet créé par les hommes, car les propriétés de cette lampe éclatante de clarté sont telles qu'on ne saurait jamais les retrouver dans l'existence. Et ce sont ces qualités qui constituent l'axe de la métaphore.

Dans ce contexte, la fonction spécifique de la lanterne est qu'elle protège la lampe des coups des vents et des ouragans. De même la lumière du Réel, qui s'appuie sur l'essence de Dieu ne subit aucun des effets du temps qui passe, ni dans sa forme ni dans l'intensité de sa lumière.

Le fait que le cristal ou le verre qui protège la lampe soit transparent signifie que cette lumière a la possibilité de se répandre à l'infini, qu'elle ne rencontre aucun obstacle. Ces lumières divines qui sont contenues dans un verre diffusent une lumière intense qui empêche par la même occasion que l'on parvienne à la source même de la lumière. Un être matériel ne peut avoir accès à une Essence dépouillée, immatérielle, et à une Réalité absolue. Et c'est là justement une des caractéristiques évoquées, à savoir qu'il est impossible de toucher à l'Essence Sacro-sainte.

En outre, il n'est pas exclu que ce verset ne porte pas aussi sur cet autre point, à savoir que de même que les hommes font usage de la lumière des lanternes qu'ils ont toujours à portée des mains, Dieu qui est aussi aux côtés des hommes, qui est plus proche d'eux que leur veine jugulaire, exerce aussi avec Ses lumières une influence sur le cœur et l'âme des hommes.

C'est ici que l'on se doit de méditer avec regret et désolation, ce vers :

L'Ami est plus proche de moi que moi-même

Ce qui est plus étrange est que je sois plus loin de Lui

" Dans cette lampe, il est une huile qui provient d'un olivier, arbre béni, qui n'est ni d'orient ni d'occident " : cette expression désigne sans doute cette réalité que l'orient est le lieu où se lève le soleil, alors que l'occident est celui où il se couche. Quand il dit qu'il n'est pas d'orient, cela veut dire que la lumière divine ne se lève pas, c'est à dire qu'elle est éternelle a parte ante (azal), et quand il dit qu'elle n'est pas d'occident, cela signifie que Sa lumière ne connaît pas de couchant, en d'autres termes qu'elle est une lumière éternelle a parte post (abad). Car Son essence est éternelle, de même la lumière de Son être est éternelle.

Bien que le sens apparent de l'expression ni d'orient ni d'occident se rapporte à l'arbre béni de l'olivier, cependant, de l'ensemble du contexte et des caractères qui sont définis dans ce verset, on peut déduire que cette expression désigne aussi la lumière divine. Les grands commentateurs du Coran ont expliqué ce segment en disant que le sens visé par ni d'orient ni d'occident est que la lumière de Dieu illumine l'est et l'ouest du monde. Mais ce sens ne s'accorde pas pleinement avec le sens caché, car si la lumière divine illuminait l'est et l'ouest, pourquoi alors ne préciserait-on pas aussi le sud et le nord, le haut et le bas ?

Il est donc évident que le sens du verset ne concerne pas les directions géographiques.

" … dont l'huile éclaire presque sans que la touche le feu " : L'huile de cette lanterne diffuse de la lumière sans qu'elle ait reçu de l'extérieur au préalable l'étincelle qui déclenche la flamme. Il faut en comprendre que la lumière du Réel (Dieu) procède de Son essence, et non de l'extérieur, en d'autres termes, que la lumière divine n'est pas quelque chose qui se surajoute à l'Essence.

" Lumière sur lumière " : cette séquence peut être une allusion au destinataire des lumières divines, car la lumière de Dieu est absolue, et on ne saurait concevoir pour elle des degrés. Par conséquent ce fragment du verset n'introduit pas des aspects dans l'essence de la lumière du Réel. En fait, ce verset exprime l'idée qu'à quelque degré de la connaissance monothéiste que l'homme puisse s'élever, il bénéficiera toujours de la lumière qui correspondra à ce degré.

" Dieu guide à sa lumière qui Il veut " : cette phrase confirme le même sens que précédemment, car Dieu fait pénétrer dans Sa guidance toute personne qui présente les capacités et les dispositions pour cela, et la fait baigner dans Sa lumière, en proportion de son degré de connaissance et de sa capacité essentielle.

On comprendra aisément la fin du verset en gardant à l'esprit ce qui vient d'être dit :

" Et Il use, à l'intention des hommes, de paraboles, car Dieu est Connaissant de toute chose. "