Qom, la plus ancienne ville chiite de l’Iran
Qom, la plus ancienne ville chiite de l’Iran
Djamileh Zia
Qom fut conquise en l’an 23 de l’Hégire par une armée d’Arabes musulmans dirigée par Abou Moussa Ash’ari. Près de six mille membres du clan Ash’ari s’installèrent à Qom en l’an 93 de l’Hégire. Ils étaient chiites et firent de cette ville un lieu de refuge pour les musulmans qui soutenaient les descendants de l’Imâm ’Ali et s’opposaient aux califes omeyades et abbassides. Qom devint à partir du milieu du IIe siècle de l’Hégire un important centre de théologie chiite, et reste encore aujourd’hui l’un des centres les plus importants du chiisme duodécimain dans le monde. [1]
Les villes chiites de l’Iran au cours des premiers siècles de l’Hégire
C’est à partir du règne des Safavides, au IXe siècle de l’Hégire, que le chiisme duodécimain est devenu religion d’Etat et s’est propagé en Iran.
Avant cette période, l’Iran était majoritairement sunnite ; seuls les habitants de quelques régions en Iran étaient chiites. Au cours des trois premiers siècles de l’Hégire, les Iraniens chiites vivaient essentiellement dans trois régions : au nord de l’Iran dans les provinces de Deylamân (correspondant globalement à l’actuelle province de Guilân) et de Tabarestân (correspondant à l’actuelle province de Mâzandarân) ; au nord-est de l’Iran dans la région correspondant à la province du Khorâssân, en particulier à Beyhagh correspondant à l’actuelle ville de Sabzevâr ; à Qom et ses alentours. [2] La partie occidentale de l’empire sassanide (située en Mésopotamie et correspondant à l’Irak actuel) fut la première région de l’empire conquise par les Arabes musulmans, qui y fondèrent les villes de Koufa et de Bassora pour s’y installer. La conquête du reste de l’empire sassanide se fit progressivement, en plusieurs siècles, avec plus ou moins de résistance selon les régions. Dans la partie orientale de l’empire sassanide (correspondant à l’Iran actuel), Qom fut la première ville où il n’y eut d’emblée que des chiites duodécimains. Cette spécificité de Qom est liée au fait que les Arabes qui s’y sont installés étaient des partisans de l’Imâm ’Ali et de ses descendants.
Qom était une ville à l’époque des Sassanides
Dans les livres sur le chiisme en Iran, il est souvent écrit que Qom n’existait pas en tant que ville quand les Arabes s’y sont installés, ce qui est faux car de nombreux textes historiques et les découvertes archéologiques montrent que Qom était une ville importante au cours de la période préislamique. Elle a été détruite par Alexandre lors de la chute de l’empire achéménide (en 330 av. J.-C.) et elle est restée en état de ruine jusqu’au règne de Ghobâd Ier (roi sassanide, 488-496 et 499-531) qui, de retour de chez les Hephtalites, trouvant la ville en ruine, donna l’ordre de la reconstruire. Cette ville fut nommée dès lors Virân abad-e kard-kavâd (expression qui signifie « la ville en ruine que Ghobâd a reconstruite »), et ce jusqu’au règne de Yazdguerd III. Dans les textes historiques, il est mentionné qu’au cours de la bataille de Ghâdessieh (ou Qadisiyya, en 636 de l’ère chrétienne), une armée de 25 000 soldats dirigée par Shirzâd, gouverneur de Qom et de Kâshân, était venue pour soutenir l’armée de l’Iran ; de même, dans la bataille de Nahâvand (en 642 de l’ère chrétienne), 20 000 soldats à cheval venus de Qom et de Kâshân étaient présents dans l’armée de l’Iran, et après la défaite des Iraniens, le gouverneur de Qom alla à Ispahan pour y rencontrer le roi Yazdguerd III (632-651).
Des historiens ont écrit que lors de l’attaque des arabes à Qom, cette ville était si grande que les hommes mobilisés uniquement des villages avoisinants étaient près de 4000, et ils avaient chacun un domestique, un boulanger et un cuisinier. L’auteur de Târikh-e Qom (livre sur l’histoire de Qom écrit en 385 de l’Hégire) écrit lui aussi que la ville de Qom existait à l’époque sassanide. Il existe encore de nos jours, dans les environs de Qom, les ruines de nombreux temples du feu et autres monuments zoroastriens. [3]
Les Ash’ari
Qom fut conquise en l’an 23 de l’Hégire par Abou Moussa Ash’ari. Les Ash’ari étaient originaires du Hedjâz (région occidentale de la péninsule de l’Arabie) et s’étaient installés à Koufa après la conquête de la partie occidentale de l’empire sassanide. [4] En 93 de l’Hégire, plusieurs membres de cette famille se réfugièrent à Qom pour fuir l’oppression des califes omeyades. [5] Ils y entreprirent des constructions, entre autre un nouveau rempart pour la ville, plus solide que le précédent et qui faisait entrer la rivière Anâr dans l’enceinte de la ville. [6]
L’auteur de Târikh-e Qom est le principal narrateur de l’arrivée et de l’installation des Arabes Ash’ari dans la région de Qom. On peut conclure, en lisant cet auteur, que des Iraniens vivaient dans cette région, mais les Arabes les ont expulsés de la ville ou les ont tués à la suite d’un conflit avec eux. [7] Les Ash’ari étaient dès le départ des chiites duodécimains, et avaient des contacts avec les descendants de l’Imâm ’Ali. Ils sont même cités à plusieurs reprises dans les livres chiites comme les compagnons des Imâms. La famille Ash’ari changea de nom plus tard et s’appela Qomi. [8]
Les Ash’ari, en prenant le contrôle de la ville de Qom, firent de celle-ci un refuge pour les descendants et les partisans de l’Imâm ’Ali. Ces derniers, pourchassés par les califes omeyades et abbassides au cours des premiers siècles de l’Hégire, vinrent en Iran et s’installèrent dans les régions où les habitants étaient accueillants à leur égard. Il existe même des hadiths dans lesquels l’Imâm Ja’far Sâdeq cite la ville de Qom et la considère comme un refuge pour les chiites. Les textes historiques mentionnent de nombreuses révoltes des habitants de Qom contre les envoyés des califes. [9]
L’histoire de Qom au cours de ces dix derniers siècles
Les soulèvements successifs des habitants de Qom, matés à chaque reprise, se répétèrent jusqu’à l’arrivée au pouvoir des Bouyides, qui étaient des chiites iraniens originaires de Lâhijân (ville située dans la province de Guilân). Les Bouyides donnèrent de l’importance à la ville de Qom et favorisèrent le développement de cette ville. C’est à l’époque des Bouyides que Târikh-e Qom, qui est le premier livre ayant pour thème l’histoire de Qom, fut rédigé. [10]
Les habitants de Qom restèrent chiites au cours des siècles suivants. Au temps des Seldjoukides (aux Ve et VIe siècles de l’Hégire) les habitants de Qom devinrent très actifs sur la scène politique et obtinrent des fonctions étatiques importantes.
Qom fut complètement détruit lors de l’attaque des Mongols, puis des souverains mongols convertis à l’islam tentèrent de reconstruire cette ville, qui fut de nouveau attaquée et ses habitants massacrés un siècle et demi plus tard par Tamerlan. Des historiens du VIIIe siècle de l’Hégire mentionnent que les habitants de Qom sont des chiites duodécimains fanatiques. En 909 de l’Hégire, l’armée du roi safavide Ismaïl Ier conquit la ville de Qom. Les Safavides portèrent une attention particulière à cette ville, qui devint un centre important et dynamique du chiisme. Au cours de l’attaque des tribus afghanes (à la fin du règne des Safavides) Qom, devenue une ville de garnison de l’armée afghane, subit encore une fois des dommages importants. Le roi Fath-Ali Shah Qâdjâr entreprit des travaux de rénovation des bâtiments importants de Qom, en particulier du mausolée de Hazrat-e Ma’soumeh, sœur de l’Imâm Rezâ. Après la Révolution de 1979, l’importance de Qom s’accrut en tant que centre d’enseignement du chiisme. [11]
Qom, lieu d’enseignement du chiisme duodécimain depuis le IIe siècle de l’Hégire
Qom est un centre d’enseignement du chiisme depuis l’Imâm Ja’far Sâdeq. De nombreux spécialistes des hadiths, au cours du IIe et du IIIe siècle de l’Hégire, étaient natifs de Qom ou y habitaient. C’est vers le milieu du IIe siècle de l’Hégire que l’école de théologie chiite de Qom devança, par son importance, l’école de Koufa. [12] L’installation de l’Imâm Rezâ en Iran, en l’an 200 de l’Hégire, et l’inhumation de Hazrat-e Ma’soumeh, sa sœur, à Qom un an plus tard firent de cette ville un pôle d’enseignement du chiisme.
Au cours des Ve et VIe siècles de l’Hégire (à l’époque des Seldjoukides), Qom fut un centre important d’enseignement de la théologie chiite, avec des écoles dotées de moyens suffisants, des enseignants et des exégètes de qualité et des bibliothèques remplies de livres à propos des différents ordres religieux. Au temps des Safavides, le chiisme duodécimain devint religion d’Etat en Iran. Les écoles de théologie de Qom étaient actives et des théologiens célèbres tels que Mollâ Sadrâ, Mollâ Mohsen Feyz, ’Allâmeh Lahiji, Sheikh Bahâ’i y enseignèrent. Les bâtiments des écoles furent restaurés et de nouveaux bâtiments furent construits.
On peut dire que le Howzeh Elmieh de Qom (nom attribué à l’institution responsable de l’enseignement du chiisme et de ses différents principes à Qom) date de l’époque safavide. L’ayatollâh ’Abdolkarim Hâeri, qui vivait à Qom à l’époque des Qâdjârs, donna une structure plus cohérente aux enseignements. Ensuite, avec les efforts de l’ayatollâh Boroujerdi, les activités du Howzeh Elmieh prirent de l’essor, et les écoles, les bibliothèques, les publications concernant les différentes branches de la théologie islamique devinrent très actives. Après la Révolution de 1979, les activités du Howzeh Elmieh entrèrent dans une nouvelle phase et prirent un grand essor. Actuellement, plus de quarante mille étudiants en théologie (iraniens et étrangers) résident à Qom et les écoles de théologie de cette ville sont dotées des moyens technologiques les plus modernes.
[13] L’objectif principal du Howzeh Elmieh est d’apprendre aux étudiants les différents domaines de la théologie et du droit islamiques, en se basant principalement sur les enseignements de l’Imâm Ja’far Sâdeq, et de favoriser leur diffusion dans le monde. Le Howzeh Elmieh a également des dizaines de centres de recherche. [14]
Les écoles de théologie qui existent actuellement à Qom sont toutes sous l’égide du Howzeh Elmieh. Quelques unes d’entre elles sont très anciennes, d’autres ont été construites récemment. Parmi les plus anciennes, citons la Madresseh Razavieh. Il semble que l’Imâm Rezâ y résida quelques jours lors de son voyage vers le Khorâssân. La Madresseh Jahânguir Khân (également appelée Madresseh Nâsseri) date de l’époque safavide. De nombreux théologiens célèbres y ont fait leurs études. La Madresseh Ghiâssieh est ce qui reste d’une célèbre et grande école du VIIIe siècle de l’Hégire qui, selon une autre version, fut construite par ordre du vizir du sultan seldjoukide Sanjar en 547 de l’Hégire. La Madresseh Feyzieh est parmi les écoles de théologie les plus célèbres du monde. Cette école remplaça la Madresseh Astâneh au début du XIIIe siècle de l’Hégire. Celle-ci fut construite vers le milieu du VIe siècle de l’Hégire et fut restaurée sous les Safavides. Gholâm-Hossein Feyz Kâshâni, un grand mystique, y étudia la théologie, et c’est pour cela qu’on appela cette école Feyzieh. Les écoles construites au cours de ces dernières décennies sont la Madresseh Hojjatieh, construite en 1987, qui est l’une des plus grandes écoles de théologie de Qom (elle est consacrée actuellement aux étudiants non Iraniens) et la Madresseh Ma’soumieh, construite en 1981 et utilisée depuis 1988. [15]
Notes
[1] Dans cet article, la plupart des dates sont en calendrier musulman. Pour les convertir en dates du calendrier chrétien, il faut ajouter six siècles à ces dates.
[2] L’article intitulé Shahr-hâye shi’eh-neshin dar Irân (les villes chiites en Iran), consulté sur le site Andisheh Qom rattaché au Howzeh Elmieh le 5 oct 2011 à l’adresse www.andisheqom.com.
[3] Nobân, Mehr-ol-Zamân, Simâye mirâs-e farhangui-ye ostân-e Qom (Panorama de l’héritage culturel de la province de Qom), édité par l’Organisation de l’Héritage Culturel de l’Iran, Téhéran, hiver 1381 (2003), pp. 21-22.
[4] L’article intitulé Târikh-e tashayo’ dar Qom (L’histoire du chiisme à Qom), consulté sur le site Andisheh Qom rattaché au Howzeh Elmieh le 5 oct 2011 à l’adresse www.andisheqom.com.
[5] L’article intitulé Shahr-e moghaddas-e Qom dar gozar-e târikh (La ville sainte de Qom au cours de l’histoire), consulté sur le site Andisheh Qom rattaché au Howzeh Elmieh le 5 oct 2011 à l’adresse www.andisheqom.com.
[6] Nobân, Mehr-ol-Zamân, Op.Cit., p.24.
[7] 7. Târikh-e tashayo’ dar Qom (L’histoire du chiisme à Qom), Op. Cit., Selon une autre version historique, après le soulèvement de Mokhtâr en 67 de l’Hégire, un groupe de musulmans appartenant au clan des Bani Assad immigra à Qom et s’y installa. Dans d’autres écrits, il est fait mention de l’arrivée du clan des Mazhej avant les Ash’ari à Qom.
[8] Ibid.
[9] Ibid.
[10] Shahr-e moghaddas-e Qom dar gozar-e târikh, Op.Cit.
[11] Ibid.
[12] Nobân, Mehr-ol-Zamân, Op.Cit., p 25.
[13] L’article intitulé Qom va Howzeh Elmieh (Qom et le Howzeh Elmieh), consulté sur le site Andisheh Qom rattaché au Howzeh Elmieh le 5 oct 2011 à l’adresse www.andisheqom.com.
[14] Ibid.
[15] Nobân, Mehr-ol-Zamân, Op. Cit., pp. 132-138.
Djamileh Zia
Qom fut conquise en l’an 23 de l’Hégire par une armée d’Arabes musulmans dirigée par Abou Moussa Ash’ari. Près de six mille membres du clan Ash’ari s’installèrent à Qom en l’an 93 de l’Hégire. Ils étaient chiites et firent de cette ville un lieu de refuge pour les musulmans qui soutenaient les descendants de l’Imâm ’Ali et s’opposaient aux califes omeyades et abbassides. Qom devint à partir du milieu du IIe siècle de l’Hégire un important centre de théologie chiite, et reste encore aujourd’hui l’un des centres les plus importants du chiisme duodécimain dans le monde. [1]
Les villes chiites de l’Iran au cours des premiers siècles de l’Hégire
C’est à partir du règne des Safavides, au IXe siècle de l’Hégire, que le chiisme duodécimain est devenu religion d’Etat et s’est propagé en Iran.
Avant cette période, l’Iran était majoritairement sunnite ; seuls les habitants de quelques régions en Iran étaient chiites. Au cours des trois premiers siècles de l’Hégire, les Iraniens chiites vivaient essentiellement dans trois régions : au nord de l’Iran dans les provinces de Deylamân (correspondant globalement à l’actuelle province de Guilân) et de Tabarestân (correspondant à l’actuelle province de Mâzandarân) ; au nord-est de l’Iran dans la région correspondant à la province du Khorâssân, en particulier à Beyhagh correspondant à l’actuelle ville de Sabzevâr ; à Qom et ses alentours. [2] La partie occidentale de l’empire sassanide (située en Mésopotamie et correspondant à l’Irak actuel) fut la première région de l’empire conquise par les Arabes musulmans, qui y fondèrent les villes de Koufa et de Bassora pour s’y installer. La conquête du reste de l’empire sassanide se fit progressivement, en plusieurs siècles, avec plus ou moins de résistance selon les régions. Dans la partie orientale de l’empire sassanide (correspondant à l’Iran actuel), Qom fut la première ville où il n’y eut d’emblée que des chiites duodécimains. Cette spécificité de Qom est liée au fait que les Arabes qui s’y sont installés étaient des partisans de l’Imâm ’Ali et de ses descendants.
Qom était une ville à l’époque des Sassanides
Dans les livres sur le chiisme en Iran, il est souvent écrit que Qom n’existait pas en tant que ville quand les Arabes s’y sont installés, ce qui est faux car de nombreux textes historiques et les découvertes archéologiques montrent que Qom était une ville importante au cours de la période préislamique. Elle a été détruite par Alexandre lors de la chute de l’empire achéménide (en 330 av. J.-C.) et elle est restée en état de ruine jusqu’au règne de Ghobâd Ier (roi sassanide, 488-496 et 499-531) qui, de retour de chez les Hephtalites, trouvant la ville en ruine, donna l’ordre de la reconstruire. Cette ville fut nommée dès lors Virân abad-e kard-kavâd (expression qui signifie « la ville en ruine que Ghobâd a reconstruite »), et ce jusqu’au règne de Yazdguerd III. Dans les textes historiques, il est mentionné qu’au cours de la bataille de Ghâdessieh (ou Qadisiyya, en 636 de l’ère chrétienne), une armée de 25 000 soldats dirigée par Shirzâd, gouverneur de Qom et de Kâshân, était venue pour soutenir l’armée de l’Iran ; de même, dans la bataille de Nahâvand (en 642 de l’ère chrétienne), 20 000 soldats à cheval venus de Qom et de Kâshân étaient présents dans l’armée de l’Iran, et après la défaite des Iraniens, le gouverneur de Qom alla à Ispahan pour y rencontrer le roi Yazdguerd III (632-651).
Des historiens ont écrit que lors de l’attaque des arabes à Qom, cette ville était si grande que les hommes mobilisés uniquement des villages avoisinants étaient près de 4000, et ils avaient chacun un domestique, un boulanger et un cuisinier. L’auteur de Târikh-e Qom (livre sur l’histoire de Qom écrit en 385 de l’Hégire) écrit lui aussi que la ville de Qom existait à l’époque sassanide. Il existe encore de nos jours, dans les environs de Qom, les ruines de nombreux temples du feu et autres monuments zoroastriens. [3]
Les Ash’ari
Qom fut conquise en l’an 23 de l’Hégire par Abou Moussa Ash’ari. Les Ash’ari étaient originaires du Hedjâz (région occidentale de la péninsule de l’Arabie) et s’étaient installés à Koufa après la conquête de la partie occidentale de l’empire sassanide. [4] En 93 de l’Hégire, plusieurs membres de cette famille se réfugièrent à Qom pour fuir l’oppression des califes omeyades. [5] Ils y entreprirent des constructions, entre autre un nouveau rempart pour la ville, plus solide que le précédent et qui faisait entrer la rivière Anâr dans l’enceinte de la ville. [6]
L’auteur de Târikh-e Qom est le principal narrateur de l’arrivée et de l’installation des Arabes Ash’ari dans la région de Qom. On peut conclure, en lisant cet auteur, que des Iraniens vivaient dans cette région, mais les Arabes les ont expulsés de la ville ou les ont tués à la suite d’un conflit avec eux. [7] Les Ash’ari étaient dès le départ des chiites duodécimains, et avaient des contacts avec les descendants de l’Imâm ’Ali. Ils sont même cités à plusieurs reprises dans les livres chiites comme les compagnons des Imâms. La famille Ash’ari changea de nom plus tard et s’appela Qomi. [8]
Les Ash’ari, en prenant le contrôle de la ville de Qom, firent de celle-ci un refuge pour les descendants et les partisans de l’Imâm ’Ali. Ces derniers, pourchassés par les califes omeyades et abbassides au cours des premiers siècles de l’Hégire, vinrent en Iran et s’installèrent dans les régions où les habitants étaient accueillants à leur égard. Il existe même des hadiths dans lesquels l’Imâm Ja’far Sâdeq cite la ville de Qom et la considère comme un refuge pour les chiites. Les textes historiques mentionnent de nombreuses révoltes des habitants de Qom contre les envoyés des califes. [9]
L’histoire de Qom au cours de ces dix derniers siècles
Les soulèvements successifs des habitants de Qom, matés à chaque reprise, se répétèrent jusqu’à l’arrivée au pouvoir des Bouyides, qui étaient des chiites iraniens originaires de Lâhijân (ville située dans la province de Guilân). Les Bouyides donnèrent de l’importance à la ville de Qom et favorisèrent le développement de cette ville. C’est à l’époque des Bouyides que Târikh-e Qom, qui est le premier livre ayant pour thème l’histoire de Qom, fut rédigé. [10]
Les habitants de Qom restèrent chiites au cours des siècles suivants. Au temps des Seldjoukides (aux Ve et VIe siècles de l’Hégire) les habitants de Qom devinrent très actifs sur la scène politique et obtinrent des fonctions étatiques importantes.
Qom fut complètement détruit lors de l’attaque des Mongols, puis des souverains mongols convertis à l’islam tentèrent de reconstruire cette ville, qui fut de nouveau attaquée et ses habitants massacrés un siècle et demi plus tard par Tamerlan. Des historiens du VIIIe siècle de l’Hégire mentionnent que les habitants de Qom sont des chiites duodécimains fanatiques. En 909 de l’Hégire, l’armée du roi safavide Ismaïl Ier conquit la ville de Qom. Les Safavides portèrent une attention particulière à cette ville, qui devint un centre important et dynamique du chiisme. Au cours de l’attaque des tribus afghanes (à la fin du règne des Safavides) Qom, devenue une ville de garnison de l’armée afghane, subit encore une fois des dommages importants. Le roi Fath-Ali Shah Qâdjâr entreprit des travaux de rénovation des bâtiments importants de Qom, en particulier du mausolée de Hazrat-e Ma’soumeh, sœur de l’Imâm Rezâ. Après la Révolution de 1979, l’importance de Qom s’accrut en tant que centre d’enseignement du chiisme. [11]
Qom, lieu d’enseignement du chiisme duodécimain depuis le IIe siècle de l’Hégire
Qom est un centre d’enseignement du chiisme depuis l’Imâm Ja’far Sâdeq. De nombreux spécialistes des hadiths, au cours du IIe et du IIIe siècle de l’Hégire, étaient natifs de Qom ou y habitaient. C’est vers le milieu du IIe siècle de l’Hégire que l’école de théologie chiite de Qom devança, par son importance, l’école de Koufa. [12] L’installation de l’Imâm Rezâ en Iran, en l’an 200 de l’Hégire, et l’inhumation de Hazrat-e Ma’soumeh, sa sœur, à Qom un an plus tard firent de cette ville un pôle d’enseignement du chiisme.
Au cours des Ve et VIe siècles de l’Hégire (à l’époque des Seldjoukides), Qom fut un centre important d’enseignement de la théologie chiite, avec des écoles dotées de moyens suffisants, des enseignants et des exégètes de qualité et des bibliothèques remplies de livres à propos des différents ordres religieux. Au temps des Safavides, le chiisme duodécimain devint religion d’Etat en Iran. Les écoles de théologie de Qom étaient actives et des théologiens célèbres tels que Mollâ Sadrâ, Mollâ Mohsen Feyz, ’Allâmeh Lahiji, Sheikh Bahâ’i y enseignèrent. Les bâtiments des écoles furent restaurés et de nouveaux bâtiments furent construits.
On peut dire que le Howzeh Elmieh de Qom (nom attribué à l’institution responsable de l’enseignement du chiisme et de ses différents principes à Qom) date de l’époque safavide. L’ayatollâh ’Abdolkarim Hâeri, qui vivait à Qom à l’époque des Qâdjârs, donna une structure plus cohérente aux enseignements. Ensuite, avec les efforts de l’ayatollâh Boroujerdi, les activités du Howzeh Elmieh prirent de l’essor, et les écoles, les bibliothèques, les publications concernant les différentes branches de la théologie islamique devinrent très actives. Après la Révolution de 1979, les activités du Howzeh Elmieh entrèrent dans une nouvelle phase et prirent un grand essor. Actuellement, plus de quarante mille étudiants en théologie (iraniens et étrangers) résident à Qom et les écoles de théologie de cette ville sont dotées des moyens technologiques les plus modernes.
[13] L’objectif principal du Howzeh Elmieh est d’apprendre aux étudiants les différents domaines de la théologie et du droit islamiques, en se basant principalement sur les enseignements de l’Imâm Ja’far Sâdeq, et de favoriser leur diffusion dans le monde. Le Howzeh Elmieh a également des dizaines de centres de recherche. [14]
Les écoles de théologie qui existent actuellement à Qom sont toutes sous l’égide du Howzeh Elmieh. Quelques unes d’entre elles sont très anciennes, d’autres ont été construites récemment. Parmi les plus anciennes, citons la Madresseh Razavieh. Il semble que l’Imâm Rezâ y résida quelques jours lors de son voyage vers le Khorâssân. La Madresseh Jahânguir Khân (également appelée Madresseh Nâsseri) date de l’époque safavide. De nombreux théologiens célèbres y ont fait leurs études. La Madresseh Ghiâssieh est ce qui reste d’une célèbre et grande école du VIIIe siècle de l’Hégire qui, selon une autre version, fut construite par ordre du vizir du sultan seldjoukide Sanjar en 547 de l’Hégire. La Madresseh Feyzieh est parmi les écoles de théologie les plus célèbres du monde. Cette école remplaça la Madresseh Astâneh au début du XIIIe siècle de l’Hégire. Celle-ci fut construite vers le milieu du VIe siècle de l’Hégire et fut restaurée sous les Safavides. Gholâm-Hossein Feyz Kâshâni, un grand mystique, y étudia la théologie, et c’est pour cela qu’on appela cette école Feyzieh. Les écoles construites au cours de ces dernières décennies sont la Madresseh Hojjatieh, construite en 1987, qui est l’une des plus grandes écoles de théologie de Qom (elle est consacrée actuellement aux étudiants non Iraniens) et la Madresseh Ma’soumieh, construite en 1981 et utilisée depuis 1988. [15]
Notes
[1] Dans cet article, la plupart des dates sont en calendrier musulman. Pour les convertir en dates du calendrier chrétien, il faut ajouter six siècles à ces dates.
[2] L’article intitulé Shahr-hâye shi’eh-neshin dar Irân (les villes chiites en Iran), consulté sur le site Andisheh Qom rattaché au Howzeh Elmieh le 5 oct 2011 à l’adresse www.andisheqom.com.
[3] Nobân, Mehr-ol-Zamân, Simâye mirâs-e farhangui-ye ostân-e Qom (Panorama de l’héritage culturel de la province de Qom), édité par l’Organisation de l’Héritage Culturel de l’Iran, Téhéran, hiver 1381 (2003), pp. 21-22.
[4] L’article intitulé Târikh-e tashayo’ dar Qom (L’histoire du chiisme à Qom), consulté sur le site Andisheh Qom rattaché au Howzeh Elmieh le 5 oct 2011 à l’adresse www.andisheqom.com.
[5] L’article intitulé Shahr-e moghaddas-e Qom dar gozar-e târikh (La ville sainte de Qom au cours de l’histoire), consulté sur le site Andisheh Qom rattaché au Howzeh Elmieh le 5 oct 2011 à l’adresse www.andisheqom.com.
[6] Nobân, Mehr-ol-Zamân, Op.Cit., p.24.
[7] 7. Târikh-e tashayo’ dar Qom (L’histoire du chiisme à Qom), Op. Cit., Selon une autre version historique, après le soulèvement de Mokhtâr en 67 de l’Hégire, un groupe de musulmans appartenant au clan des Bani Assad immigra à Qom et s’y installa. Dans d’autres écrits, il est fait mention de l’arrivée du clan des Mazhej avant les Ash’ari à Qom.
[8] Ibid.
[9] Ibid.
[10] Shahr-e moghaddas-e Qom dar gozar-e târikh, Op.Cit.
[11] Ibid.
[12] Nobân, Mehr-ol-Zamân, Op.Cit., p 25.
[13] L’article intitulé Qom va Howzeh Elmieh (Qom et le Howzeh Elmieh), consulté sur le site Andisheh Qom rattaché au Howzeh Elmieh le 5 oct 2011 à l’adresse www.andisheqom.com.
[14] Ibid.
[15] Nobân, Mehr-ol-Zamân, Op. Cit., pp. 132-138.