Gnose musulmane et bouddhisme zen : étude comparée
Gnose musulmane et bouddhisme zen : étude comparée
Introduction
Dans un regard d’ensemble sur les religions, on y distingue toujours deux dimensions, l’une ésotérique et l’autre exotérique. La Loi de chaque religion se rapporte à la dimension exotérique, alors que l’ésotérique approfondit les significations que la religion réserve à ceux et celles qui ont la capacité de saisir la quintessence du message céleste. A titre d’exemple, la religion hindouiste propose trois voies de salut : Jnana marga (1) (ou Jnana Yoga), Karma marga (2) (ou Karma yoga), Bhakti marga (3) (Bhakti Yoga) qui sont respectivement la voie de la connaissance et du savoir, la voie des actes et la voie de l’Amour.
Dans le Karma marga, on accomplit les rites et les cérémonies tandis que dans le Jnana Marga, on insiste pour l’acquisition de la connaissance et parvenir à la vérité.
Dans la gnose islamique, suivre la voie intérieure non seulement ne retient pas l’aspirant à la gnose de la dimension extérieure, qui est celle de la Loi, mais l’encourage à avoir constamment le souci de garder une égale distance à l’égard des deux dimensions et à montrer son engagement à respecter la dimension externe (les enseignements de la Loi religieuse).
Nous pouvons relever, de façon coutumière, les points communs dans la gnose des différentes religions. Mentionnons pour exemple, des questions comme celles qui suivent : le monothéisme, l’extinction, l’amour, la contemplation, la pratique des exercices ascétiques, le microcosme et le macrocosme ainsi que la relation entre les deux et l’expression sibylline des résultats de l’expérience contemplative, etc.
Cette question s’explique du fait que lorsque les hommes considèrent avec sagesse la question de l’Etre, ils tiennent tous les mêmes propos et parviennent à des conclusions similaires et parfois communes et partagées. Bien sûr, beaucoup de ces points communs sont des vestiges ou des effets des paroles sages et divines tenues par les prophètes respectifs de chacune des différentes communautés. Les prophètes ont tenu, en leur temps, à leur communauté, des discours dans lesquels ils leur ont révélé des vérités que ces communautés n’auraient jamais pu connaître par le seul usage de leur raison. En d’autres termes, ces prophètes ont su faire apparaître les trésors enfouis dans l’intellect des hommes.
Cet exposé applique la méthode comparative pour faire connaître les approches de la gnose islamique et celle du bouddhisme zen et se propose d’apporter des réponses aux questions suivantes :
1) Quelle est la relation entre la religion et la gnose ?
2) En quoi consiste la différence entre la gnose religieuse et la gnose humaine ?
3) La gnose non religieuse a-t-elle la capacité de faire parvenir les hommes à la perfection souhaitée ?
La notion de zen
Qu’est-ce exactement que le zen ?
Pour commenter un Mondo (4) (un échange très court entre un maître et son disciple), Suzuki (5) le rapporte ainsi : « Tu me demandes : qu’est-ce que le zen ? Je te réponds : le zen c’est ce qui t’a poussé à poser ta question. Parce que la réponse se trouve là même où a germé la question. La réponse n’est pas autre chose que la personne même qui a posé la question.»
Le disciple dit : « Par conséquent, Vous voulez dire que : je suis moi-même le zen. »
Il répond : « Quand tu me demandes ce qu’est le zen, tu te demandes en réalité qui tu es. Qu’est ton âme ? C’est pourquoi les maîtres du zen te disent presque tous : ‘‘Ne pose pas de question ?’’ , C’est le summum de la stupidité que de demander au sujet de toi-même puisque que c’est justement ton amour propre qui t’a incité à questionner. »
Puis il poursuit : « Tu sais à présent ce qu’est le zen, parce que le zen t’explique ce qu’est ton âme, et cette âme, c’est le zen. »
Suzuki entame un autre sujet ; en voici le dialogue :
Le disciple interroge :
- « Qu’est-ce qui a poussé le Bouddha Harima (6) à venir en Chine ? »
Suzuki répond :
- Pourquoi m’interroger au sujet de quelqu’un d’autre, au lieu de m’interroger au sujet de toi-même et de ton mental ?
- Qu’est mon âme, maître ?
- Il te faut d’abord savoir ce qu’est l’acte allusif.
- C’est quoi l’acte allégorique, allusif ?
Le maître ouvre ses yeux puis les referme. Il dit :
- Est-ce que cet acte est allusif ? Quel rapport y a-t-il entre ouvrir et fermer un œil et l’âme ? Il n’y a aucune énigme en cela et en supposant qu’il y en ait, quel rapport cela peut avoir avec la connaissance de soi ? Donc, après avoir relevé les sourcils ou toussé ou ri, il semble que nous devons nous intéresser plus au mystère de l’âme qui se trouve derrière les actes.
Est-ce que le disciple parvient à l’illumination en contemplant l’acte allusif du maître ? Dans le récit, il est rapporté qu’ensuite il a compris où chercher son âme et son mental.
Puis Suzuki poursuit ainsi : « Pour les hommes ordinaires, cette sorte de perception est impossible, parce que leurs questions ne proviennent pas du fond de leur être. Les questions que soulève la raison trouvent leurs réponses dans les paroles, les mouvements et la gestuelle du maître. En d’autres termes, le maître oriente le mental du questionneur vers le lieu où il trouvera sa réponse.
Burton Watson (7) , traducteur du chinois et japonais dans le domaine de la littérature et de la poésie, écrit : « Décrire les spécificités qui distinguent le zen ou chan des autres écoles du Bouddhisme n’est pas un travail facile. Le nom zen signifie Dhya-na (8) ou introspection spirituelle par la méditation ; mais les autres écoles accordent aussi une importance égale sinon plus grande encore à cette sorte d’introspection. On peut même affirmer que dans le zen, l’introspection n’est nulle part recommandée comme un acte indispensable ». Il poursuit ainsi : « Ne rien avoir à dire » n’est pas la spécificité du zen. Et cela non pas parce que la réalité ou la vérité ne peut pas entrer dans le moule des paroles et des mots. »
Cette question a été traitée bien avant dans les traités du Madhyamaka (9) et dans les enseignements de Lao Tseu (10) .
Lao Tseu dit : « Ceux qui savent ne parlent pas. Et ceux qui parlent, ne savent pas ». Peut-être que la spécificité du zen réside bien en cela.
Dans les autres écoles du Bouddhisme, l’éveil ou buddhi est inaccessible aux hommes et l’on peut y parvenir par un effort patient et après plusieurs cycles de vie. Mais dans le zen, il existe un principe selon lequel l’éveil est une chose tout à fait naturelle, pouvant advenir à tout instant.
La méthode de base pour pouvoir devenir Bouddha est celle de la méditation d’introspection, car dans cette école les différentes formes à cet effet ont été exposées. Bien que l’individu puisse pratiquer l’introspection vigilante dans toutes les conditions, la méthode habituelle est qu’elle se fasse dans la position assise dite en tailleur (11) , l’illumination satori (12) ou le paroxysme de l’introspection peut survenir de façon graduelle ou soudaine.
Afin de développer la faculté imaginative et d’accroitre la conscience pour une meilleure contemplation dans le bouddhisme zen, les différentes écoles de cette doctrine ont mis en œuvre différents styles et méthodes. Ces méthodes comprennent les mondos, de courts échanges entre un maître et un disciple, ou des questions d’intérêt général, Koan (13) qui sont des illogismes ou des bizarreries, et qui ont été imaginées pour accélérer le dévoilement.
La secte des Linji (14) (japonais : Rinzâi (15) ) emploie la méthode appelée « méthode de la tempête », dans laquelle le blâme et les coups sont utilisés pour obtenir le réveil de la conscience. Alors que d'autres sectes, comme So-to-, (16) préfèrent une orientation calme et subtile.
Le zen et la question de l’homme
Selon Izutsu (17) , la préoccupation de la religion bouddhiste, en particulier dès le début de sa période formative, fut la question de l’homme. La philosophie bouddhiste qui a atteint sa maturité dès les premiers temps qui ont suivi la mort de Bouddha, s’est fixée impérativement comme sujet fondamental de méditation, l’homme en tant que « dépourvu d’âme ».
Cette position axiale de l’homme dans la méditation bouddhiste a été renforcée après la naissance et l’expansion du zen. Avec l’avènement de l’expérience pratique de l’illumination, le zen a renoué avec la problématique traditionnelle de l’homme qui sera exposée comme le problème de l’égotisme absolu.
A ce sujet, le zen, au lieu d’aborder la question de manière aristotélicienne en posant la question : qu’est-ce que l’homme ?, pose la question directement : « Qui suis-je ? » La question ici n’est pas celle de la quiddité de façon générale, elle implique la personne même qui se pose la question.
Izutsu avance, à ce propos, la démonstration suivante : « Chacun de nous, en tant qu’humain, avons conscience de nous-mêmes et des autres hommes autour de nous. Nous avons tous ou presque un avis particulier au sujet de la question : qu’est-ce que l’homme ? La philosophie classique occidentale de tradition aristotélicienne définit l’homme comme un animal raisonnable. Du point de vue du zen, cette notion, ne donne pas à connaître la réalité profonde de l’homme. Parce que dans cette définition, l’homme a une existence objective, extra-mentale. Or du point de vue du zen, la réalité ultime est le soi absolu. Ce n’est que cette représentation de l’homme appréhendable ontologiquement et par la contemplation qui correspond réellement à ce qu’est l’homme, et qui peut donner pleine satisfaction. »
Cette question a reçu une attention méritée tout au long de l’histoire du bouddhisme zen, parce que le zen était dès l’origine soucieux de porter l’homme de son soi relatif à un Soi absolu.
Cette représentation particulière de l’homme n’est rien d’autre que le résultat naturel de l’insistance spéciale que porte le zen sur l’expérience de l’illumination.
Relation pratique entre le mental et l’essence
La prétention fondamentale du zen est celle de la relation pratique du mental avec l’essence, entre la connaissance et le connu, de telle sorte que le moindre mouvement de l'âme entraîne un changement dans la réalité, quelle que soit sa dimension. Dans le zen, et de façon générale dans le bouddhisme, dans la relation entre l’âme et le monde, le facteur déterminant est l’âme. Globalement, on peut affirmer que la structure mentale détermine la structure du monde de la réalité. Enfin, si nous appréhendons, de façon floue ou partielle, que le monde visible n’est pas un monde réel, et que les phénomènes que nous observons ont une réalité qui ne nous est pas visible, il nous faut dès lors faire quelque chose pour la structure de notre conscience, et c’est une chose que le bouddhisme zen suggère de faire. On dit que le célèbre maître du zen, Nan-chuan (18) (en japonais Nanzen Fugan) de la dynastie des Tang, fit un signe vers une rose épanouie dans la cour et dit : il semble que les gens ordinaires ne peuvent voir cette rose qu’en rêve. Si la rose que nous voyons dans le jardin était semblable à une rose que l’on verrait en rêve, il ne nous resterait plus qu’à nous réveiller de notre rêve pour contempler une rose vraie. Ceci pour signifier que le transfert demandé pour voir la réalité des choses voit le jour dans le mental. Izutsu dit : « Le rapport semblable à ce qui a été dit à propos de la rose du jardin, s’observe dans la vie quotidienne entre le mental et la réalité. » Pour éclaircir ce point, il donne un exemple : Pour des personnes différentes, le monde et ce qu’il contient est conforme à leurs perceptions habituelles et leurs penchants et apparaît donc différemment à chacune des personnes. A titre d’exemple, la couleur d’une chose change en fonction des différents points de vue d’où on la regarde, ou sous une lumière artificielle, etc.
Une chose partagée, observée de différents points de vue sera différemment vue et perçue. Cela n’est pas le souci du zen ; son problème est ailleurs. La question du zen concerne le respect ou le non respect de la loi de l’identité. C’est-à-dire l’interprétation que ‘’A est A ‘’ (principe d’identité) qui est considéré comme le premier fondement de la première vie humaine dans le domaine empirique.
Les différences individuelles et personnelles dans l’expérience sensible des choses du point de vue du bouddhisme
Selon la vision du bouddhisme zen, les différences individuelles et personnelles dans l’expérience sensible des choses ne sont rien d’autres que les évènements qui surviennent dans la dimension cognitive de l’activité mentale naturelle. Cette dimension est cet espace où notre intellect effectue des tâches, comme associer ou distinguer ou composer, etc. Le principe ultime qui commande l’ensemble de nos activités mentales est la faculté estimative. Ce rendement principal de l’esprit est appelé Vikalpa (19) dans la religion bouddhiste et fait face à Prajna (20) , la « sagesse transcendante ». Par exemple, la même pomme pourrait apparaître différente pour plusieurs personnes, mais en dernière instance, « une pomme est une pomme », et pomme elle restera. En vertu du principe de l’identité : A est A et A n’est pas non-A. Une pomme ne peut pas être une non-pomme.
Le premier pas dans l’apprentissage de Vikalpa est la connaissance d’une chose telle qu’elle existe (par exemple savoir que A est A), et le fait de la distinguer des autres choses (tous les non-A). Cette connaissance, basée sur la distinction, la discrimination, est le commencement de toutes les étapes suivantes de l’activité mentale. Comme nous l’avions déjà dit, le bouddhisme zen met en cause la loi de l’identité. Lorsque A est vu comme A, son statut est connu comme solide et invariable, de telle sorte qu’il ne puisse pas être autre chose que A. C’est à dire qu’il possède l’essence du A.
Cependant, pour le zen, il ne suffit pas que la pomme ne soit pas vue comme pomme, mais il faut que rien ne soit vu. Autrement dit, la pomme doit être vue dépouillée de toute limite (définition). En réalité, elle doit être envisagée dans sa non-détermination. Pour que la pomme soit vue sous cet angle (dans cette forme), la pomme doit être vue avec le Mushin (terme technique japonais signifiant non-mental). Quand tous les atomes de la pomme susceptibles d’êtres perçus seront annulés, soudain la réalité extraordinaire de la pomme se montrera d’elle-même. Cette apparition s’appelle Prajna dans le bouddhisme.
Le non-mental
Le non-mental, Wu shin en chinois et Mushin en japonais, peut être traduit comme une forme mentale qui ne soit pas le mental, ou bien un cerveau qui soit dans un état de non-être. Mais il n’en est pas ainsi. Le non-mental est un état psychique dans lequel l'esprit se retrouve dans l’étape la plus élevée de déduction. Une étape dans laquelle l'esprit est au sommet de sa puissance et fonctionne en toute clarté. Comme cela est rappelé plusieurs fois dans les dits du bouddhisme : la conscience se manifeste dans le rayonnement parfait de sa propre lumière.
Le non-mental a joué un rôle considérable et constructif dans l’histoire culturelle de la Chine et du Japon. Au Japon, les importantes formes esthétiques comme la poésie, la peinture, la calligraphie, etc., se sont développées et ont été toutes plus ou moins sous l’influence du non-mental.
Et les nombreux récits courts, réels ou fictifs font partie aujourd’hui du patrimoine culturel. A titre d’exemple, les peintres qui peignent en noir et blanc au gré de leur inspiration. Ceux qui laissent courir leur pinceau sur le papier pour qu’il se déplace à sa guise sans que l’artiste ait conscience de son mouvement. Citons aussi un maître de musique jouant de la harpe qui a l’impression que ce n’est pas lui qui joue, mais que c’est la musique qui poursuit elle-même sa propre mélodie.
La structure de l’âme pratique (empirique)
On peut désigner la relation cognitive entre l’âme et l’objet extérieur du vaste regard empirique par le symbole SO. Ce raccourci signifie : « C’est ainsi que je comprends ». Le sujet grammatical S fait donc connaître la conscience de l’âme humaine au niveau de l’expérience sensible, et I (moi, je) en tant qu’essence, c'est-à-dire substance. Tant que l’âme empirique demeure au niveau empirique, elle n’aura jamais conscience d’un être supérieur à elle. Pour cette raison, partout et pour toute chose, le zen perçoit directement Tatha-garbha (21) , c'est-à-dire la matrice de la réalité absolue. Derrière chaque « moi », il existe une chose dont on peut formuler l’activité par le symbole S, c'est-à-dire I see (je comprends).
La parenthèse montre que cette action au niveau empirique est une sorte de conscience cachée. Par conséquent, on peut formuler la structure de l’âme empirique S ainsi : S ou Myself (moi-même) I See (je comprends) S, l’âme empirique pourrait être le centre réel de toutes les activités, parce que le principe occulté S agit toujours au moyen de l’âme empirique S. Ici, pour éclaircir la question, Izutsu dit : « On comprendrait mieux la quiddité de l’acte du ‘’moi, je comprends’’ (I SEE) si on la comparait avec une notion similaire dans la gnose islamique, précisément là où le Coran dit : « Ce n’est pas toi qui as lancé mais (en réalité) c’est Dieu qui a lancé. » (Sourate Al-Anfâl (Les butins) ; 8 : 17)
Ce niveau est totalement occulté et échappe à l’attention de l’âme empirique. La formule de la relation cognitive du sujet externe, objectif, est pareille à la formule précédente. Ici aussi, l’âme empirique n’est consciente que de la présence des choses et ces choses sont envisagées en tant que formes subsistantes par elles-mêmes. La formule présentant la structure interne O est la suivante : O) S) ou I SEE) This). Cette nouvelle formule indique que O est la seule chose ayant un modèle à l’extérieur. Mais derrière cette forme phénoménale (noumène) à caractère occulte, il s’exerce une activité que l’âme empirique ignore. Ici, il s’établit une relation entre le cerveau et l’objet, c'est-à-dire toute la séquence cognitive par l’intermédiaire de laquelle l’essence de l’âme subsistante en apparence, perçoit l’essence de l’objet externe (en apparence) subsistant par soi. Auparavant, nous avions indiqué cette question par la formule O S. Cette formule s’est élargie et se décrit ainsi : le S est l’âme empirique ; il n’y a rien d’autre qui soit que l’actualité (S) dans la relation entre le connu-inconnu avec O ou l’objet, qui lui aussi existe à cause du même S.
Toute cette étape existe dans le but que soit appréhendée l’actualité objective de « moi je comprends » (I SEE) ou S sans parenthèses. Le zen dit : même cette part de conscience de l’âme doit être évacuée de l'esprit. L’expression « non-mental » indique l’action pure de voir dans l’actualité instantanée et directe, où s’occulte l’acte éternel de comprendre (I SEE) sans parenthèses. Sur la base de l’analyse bouddhiste, derrière le S et derrière le O, le S est aussi caché. Finalement, toutes les choses doivent être conférées à un acte général, universel et très large du comprendre (SEE). Dans le zen, ce SEE n’est autre que la réalité finale et absolue qui se manifeste dans le mental humain qui vit dans la dimension sensible de l’existence. Le bouddhisme zen considère que l’introspection dans la position dite en tailleur est nécessaire pour connaître le soi authentique.
back to 1 Ou « voie de la connaissance » impliquant méditation et pratique ascétique dans le but de comprendre la réalité et de se débarrasser de l'illusion. [ma-rga (sanskrit : « chemin »)]
back to 2 Ou « voie de l'action » ; elle est explicitée par les Veda et les enseignements des brahmanes. Cette voie implique un respect des obligations imposées par sa caste ; les actions et les pensées dans cette existence terrestre actuelle déterminant ensuite la future incarnation.
back to 3 Ou « voie de la dévotion ». Cette voie est considérée comme plus aisée que la jn~a-na ma-rga et est aussi plus populaire. Elle comprend notamment l'identification de la personne avec une divinité particulière, le plus souvent Ra-ma ou Krishna. La Bhagavad-Gi-ta- est le premier grand texte de la bhakti. Krishna y affirme notamment : « Seulement avec amour, vous pouvez venir à moi ».
Le terme sanskrit Bhakti, traduit par "dévotion", fait référence à l'ensemble des pratiques spirituelles tournées vers la dévotion à la divinité. Le Bhakti-Yoga comporte neuf pratiques. Le dévot peut trouver des explications sur l'approfondissement de l'aptitude à la dévotion (Bhakti) dans la Bhagavad-Gîtâ et le Bhâgavata Purâna. C’est aussi l'une des trois voies de la réalisation spirituelle également appelée "libération" (Trima-rga), les deux autres étant le Jn~a-na Yoga et le Karma Yoga.
back to 4 Le Mondo (terme du bouddhisme Zen) « questions et réponses » est une collection enregistrée de dialogues entre un élève et son maître. (Certains enseignants vont jusqu'à demander à leurs élèves de déchirer leurs écritures.) Cependant, parfois les actes mondo (il manque un verbe) comme un guide sur la méthode d'enseignement.
Un exemple d'un mondo non-bouddhiste est le Sokuratesu-pas-mondo, traduction en japonais de la « méthode socratique », par laquelle Socrate a posé ses questions à des élèves afin d'obtenir la vérité innée de faits présumés.
back to 5 Daisetsu Teitaro Suzuki (18 octobre 1870 - 12 juillet 1966), japonais, est un auteur de livres et essais sur le bouddhisme, le zen et le shin qui ont joué un rôle dans la propagation de l'intérêt porté au zen et au shin en Occident. Suzuki a également été un prolifique traducteur du chinois, japonais et de la littérature sanskrite. Suzuki a également enseigné et donné de nombreuses conférences dans les universités occidentales et a été professeur pendant plusieurs années à l'Université Otani, une école bouddhiste japonaise.
back to 6 La province de Harima, aussi appelée Banshu-, est une ancienne province du Japon.
back to 7 Né à New York en 1925, Watson s'est spécialisé en études chinoises et japonaises et a obtenu son doctorat à l'Université de Columbia où le prix de la Médaille d’Or de la traduction lui a été offert en 1979. Le Prix de traduction PEN en 1981 pour sa traduction de l’Anthologie de la poésie japonaise, et un prix en 1995 pour la traduction d’une sélection de poèmes de Su Tong-po, font partie des autres prix qu’il a reçus. Watson a consacré beaucoup de son temps à la traduction de textes bouddhistes en anglais.
back to 8 Le zen est une forme de bouddhisme maha-ya-na qui met l'accent sur la méditation (dhya-na) silencieuse, ainsi que sur la posture dite de zazen.
back to 9 Le Madhyamaka, c'est à dire « Voie du milieu » ou « médiane ». Cette école vit le jour en Inde au IIe siècle et fait partie de l'une des deux principales écoles spécifiques du bouddhisme maha-ya-na. Un tenant de cette doctrine est appelé madhyamaka, tandis que madhyamaka est l'adjectif faisant référence à cette doctrine.
Dès son premier sermon, Bouddha a évoqué ce concept de voie médiane considéré comme un intermédiaire entre la complaisance sensuelle et la mortification.
back to 10 Lao Tseu, qui signifie « Vieux Maître », aurait été un sage chinois et un contemporain de Confucius. Ce dernier l'aurait d'ailleurs reconnu comme étant un maître et un être extraordinaire. Il a été considéré a posteriori comme étant le père fondateur du taoïsme. Nous ne disposons que de très peu d'informations historiques à son sujet, ce qui a même conduit certains chercheurs depuis la fin du XXe siècle à conclure qu'il ne serait qu'un personnage fictif et composite, et non proprement historique.
Le Livre de la Voie et de la Vertu lui étant attribué par la tradition est un texte central du taoïsme. D'autres courants considèrent aussi cet ouvrage comme important. Les sectes taoïstes considèrent Lao Tseu comme un dieu. Il est le plus souvent représenté sous la forme d'un vieillard à la barbe blanche, parfois sur un buffle. Las des dissensions politiques, il décida finalement de quitter son pays. Personne ne sait alors ce qu’il devint, mais selon certains, il ne serait jamais mort ou encore il se réincarnerait sous différentes formes pour transmettre le Dao.
back to 11 (Japonais : zazen) La position du tailleur est l'une des postures de base du yoga, idéale pour les exercices respiratoires. Jambes croisées, les pieds sous les genoux opposés, ischions au sol, la colonne vertébrale et la tête sont droites et alignées. Cette position qui est aussi appelée lotus (ou padma-sana) est utilisée dans la méditation bouddhique... Le public européen l’apprécie comme une « gym » venue d’Asie qui, non seulement favorise l'ouverture des hanches, étire la colonne vertébrale et assouplit les muscles des jambes mais qui surtout, réconcilie le corps et l'esprit, tout en douceur.
back to 12 Satori est un terme du bouddhisme zen faisant référence à l'éveil spirituel et signifie littéralement « compréhension ».
back to 13 Un ko-an est une phrase courte ou brève anecdote absurde ou paradoxale utilisée comme objet de méditation ou en vue de provoquer l’éveil par certaines écoles du bouddhisme zen. Le ko-an désigne un objet de méditation susceptible de provoquer le Satori, ou permettant le discernement entre l’éveil et l’égarement. Avec la posture assise, les ko-an sont actuellement l'un des outils d'enseignement principaux de la tradition Rinzai. Les premiers ko-an ont été rédigés dès le IXe siècle ; cependant, la grande majorité des ko-an a été compilée aux XIe et XIIe siècles. On en dénombre des centaines, qui sont de véritables témoins de plusieurs siècles de transmission du bouddhisme chan en Chine et du bouddhisme zen au Japon.
back to 14 Linji Yixua'n est le fondateur de l'école Rinzai du bouddhisme Chan durant la dynastie Tang en Chine.
back to 15 Avec So-to- et O-baku, l'école Rinzai est l'une des trois écoles du bouddhisme zen japonais.
Rinzai est la branche japonaise de l'école chinoise Linji, fondée par Linji Yixuan sous la dynastie Tang.
back to 16 L'école So-to- est actuellement l'école zen la plus importante du Japon. Elle comprend près de 15 000 temples, 18 000 prêtres et compte entre 7 et 8 millions d'adhérents. En tant que principale école du bouddhisme zen, elle s'est répandue aux E'tats-Unis et en France, et connaît un certain succès en Occident de manière générale.
back to 17 Toshihiko Izutsu (4 mai 1914 - 1 juillet 1993) était un professeur d'université et auteur de nombreux ouvrages sur l'islam et les autres religions. Il a enseigné à l'Institut des études culturelles et linguistiques à l'Université de Keio au Tokyo, l'Académie impériale iranienne de philosophie à Téhéran, et l'Université McGill à Montréal. Il est né dans une famille d'un propriétaire d'entreprise riche au Japon. Dès son jeune âge, il a été familier de la méditation zen et koan, puisque son père était aussi un calligraphe et un pratiquant bouddhiste laïc zen. En 1937, il devient assistant de recherche. En 1958, il a complété la première traduction directe du Coran de l'arabe vers le japonais. Sa traduction est toujours réputée pour sa précision linguistique et largement utilisé pour les travaux d'érudition. Il était extrêmement talentueux dans l'apprentissage des langues étrangères. Il acheva sa lecture du Coran un mois après avoir commencé à apprendre l'arabe.
back to 18 Maître Nansen : Nanquan Pu(yuàn, 748-835 ; en Japonais : Nansen Fugan ; il fut disciple et successeur de Ma(zu( Daoyi
back to 19 Le terme sanskrit Vikalpa désigne la connaissance indirecte qui se base sur les mots, la parole, la conceptualisation ou l'imagination et non sur l'expérience ou l'expérimentation.
back to 20 Le mot sanskrit prajn~a-, qui peut être traduit par « sagesse transcendante », ou même « gnose », est une notion centrale du bouddhisme. Ce mot signifie à l’origine « capacité cognitive » ou « savoir-faire » et dans le bouddhisme, il fait référence à la capacité de percevoir notamment l’absence de son propre soi (anatta) ainsi que le vide (sunyata) de toute chose. La prajn~a- permet d’atteindre la « sagesse transcendantale » (jn~a-na) transcendant le moi individuel fragmenté et limité.
back to 21 Le tatha-gatagarbha, désigne le germe renfermant la nature essentielle, universelle et immortelle qui se trouve dans tout être sensible. C'est ce germe qui est considéré comme étant la cause et le potentiel d’illumination (Nirva-na).
La gnose islamique ('irfân)
Le terme 'irfân a pour sens la connaissance et techniquement, il s’applique de façon absolue pour désigner spécialement la voie initiatique, la voie contemplative ou l’expérience ésotérique. Nous l’entendons ici au sens du dictionnaire Robert : « Philosophie suprême contenant toutes les connaissances sacrées, et par extension, savoir qui se donne comme le Savoir par excellence ». Les gnostiques croient que le domaine de connaissance de la gnose est plus vaste que celui de la raison. Cela signifie que pour atteindre le monde de la vérité et le sens profond de l’être, l’homme se voit proposer deux voies : l’une exotérique et l’autre ésotérique. Suivre la voie de l’apparence, celle suivie par les gens de l’opinion et de la démonstration, est relativement facile.
L’homme peut établir la démonstration de l’existence de Dieu par des voies diverses. Tout homme de raison a cette capacité, même si parmi les compétences des partisans de l’opinion, il existe aussi une grande disparité. La voie de la démonstration, l’apodictique, précède sans aucun doute la voie ésotérique et possède une antériorité essentielle sur elle. La réalité de la gnose est justement la voie initiatique et sa finalité est de parvenir à la jonction avec l’essence de l’être, ainsi que l’annihilation en Dieu. La station de l’aspirant à la voie est la dernière station de la voie qui consiste à s’éteindre dans l’unité (fanâ (1) ) et à subsister en Dieu (baqâ (2) ). Suivre cette station implique néanmoins que l’on préserve et observe scrupuleusement les commandements de la sharî'a (Loi), car l’ésotérisme est précédé par l’exotérisme. Pour cette raison, les gnostiques réalisés ont dit : avant d’avoir maîtrisé et consolidé la voie de la raison, la science de la philosophie et la théologie, il est impossible de rentrer dans la voie ésotérique et tant qu’une personne ne sera pas devenue un savant selon les critères de la Voie, elle ne pourra pas s’engager dans la voie initiatique.
La différence entre gnostiques et philosophes
Les différences entre les partisans de la philosophie théorique et les partisans du dévoilement gnostique comportent différents aspects et philosophie et gnose n'en ont pas moins certains liens. A titre d'exemple, le statut de validité du dévoilement est dépendant de la validité de la démonstration (logique). La méthode des gens du dévoilement permet de contempler le principe interne des choses sans la médiation de concepts et c’est pourquoi ils sont comptés parmi les gens de la certitude. Comme en atteste le Saint Coran : « C’est ainsi que Nous avons montré à Abraham le royaume des cieux et de la terre afin qu’il soit parmi les hommes de certitude » (Sourate Al-An’âm (Les bestiaux) ; 6 : 75)
L’homme réalisé voit l’unité dans la contemplation
Son premier regard porte sur la lumière de l’être
Le cœur qui a vu la lumière pure de la connaissance
En toute chose qu’il voit, voit d’abord Dieu
Tout l’univers provient de Sa lumière
Comment irait-Il se montrer dans l’univers ? (3)
Mohaqqeq râ ke vahdat dar shuhûdast
Nakhostîn nazreh bar nûr-e vojûdast
Delî k-az ma’refat nûr o safâdîd
Be har chîzî ke dîd avval Khodâdîd
Hame âlam ze nur-e U^-st peydâ
Kojâ U gardad az âlam hoveydâ
Le guide des gens de la contemplation est Dieu, exalté soit-Il, qui effectue la jonction de leur être intérieur (bâtin (4) ) avec le Royaume céleste, afin qu’ils voient la Réalité avec leurs yeux intérieurs. Cette science qui s’appelle « l’œil de la certitude » (5) ou la « réalité de la certitude » (6) n’abolit pas et ne rend pas vaine la science acquise ou déduite par la démonstration, « la science de la certitude » (7) .
Un savoir qui est compatible avec la réalité est un savoir souhaité et recherché comme une lumière. Mais le savoir acquis par la porte de la contemplation possède un degré supérieur à celui de la science acquise par l’enseignement traditionnel. La science est pareille à l’être et à la lumière, et se dit de façon analogique. Elle peut être faible, moyenne, forte ou très forte.
'Allâmeh Hassan Zâdeh Amolî (8) écrit à propos de la relation entre la démonstration et la gnose : « Prendre la plume pour réfuter la connaissance intellectuelle, continuer à tirer un trait sur les manifestes de défense de la logique, penser que la religion de Dieu doit être séparée de la gnose et de la philosophie, est une grande injustice. En même temps, ne pas faire la distinction entre les deux sortes de source dont est pourvue la connaissance est un propos laxiste. Jamais les hommes n’ont pu se passer de la logique et de la démonstration, pas plus que de la révélation et de la prophétie. En supposant que quelqu’un veuille rejeter la logique ou la philosophie, il devra le faire avec un argument, or l’argument fait lui-même partie de la philosophie et de la logique. Par conséquent, établir une argumentation pour réfuter les sciences rationnelles au moyen de preuves revient à aller en guerre contre l’argumentation. Bien qu’aucun savoir ne possède de fondements aussi précieux et bien fondés que la science de la connaissance de Dieu, celui qui ne possède pas cette connaissance ne possède ni ce monde ni l’Au-delà. Mais comme dit le gnostique au philosophe : « Il faut regarder Dieu avec les deux yeux, car Il est au-dessus de la transcendance et de l’immanence ».
De même, la vérité est que les connaissances et les sciences doivent être étudiées avec les deux yeux de la raison et de la gnose, car les deux sont fondées sur la logique et la démonstration.
Gnose théorique ('irfân nazari) et gnose pratique ('irfân 'amali)
La gnose pratique est la pratique d'exercices spirituels sous la conduite d’un maître, qui aide un homme ou une femme à atteindre à la contemplation (station de l’unification) et cette pratique insiste sur le principe de l’être, de l’existence. En réalité, la gnose pratique consiste à gravir les étapes qui mènent à l’unification avec Dieu.
Ces étapes sont appelées demeures (manâzil) ou stations (maqâmât). Ces mots sont employés parfois comme des synonymes, mais il faut se rappeler que la station est plus durable que la demeure qui est une étape transitoire.
Khâjeh Abdollâh Ansârî (9) a écrit un ouvrage célèbre qui a été beaucoup enseigné, et qui s’intitule Manâzil al-Sâ’irîn (10) (les demeures de ceux qui marchent vers l’Union), traduit en français par Les cents étapes, par Serge de Beaurecueil (11) .
Quant à Ibn Sînâ (12) , le célèbre Avicenne, grand philosophe et grand médecin, il a aussi écrit un ouvrage intitulé Maqâmât al-'Arifîn (les stations des gnostiques).
Au sujet du nombre de ces étapes, il existe beaucoup d’opinions. Certains les estiment à mille et d’autres à cent. La première est celle de l’éveil (yaqzah), celle où l’aspirant se réveille et met un terme à son indifférence envers les choses divines. Ce cheminement se poursuivra jusqu’ à l’étape de l’anéantissement en Dieu. Ce « voyage » initiatique se déroule en quatre étapes selon le philosophe iranien du XVIIe siècle, Mollâ Sadra Shîrâzî (13) qui a consacré un immense ouvrage à ce sujet, intitulé Al-Asfâr al-Arba’a (14) , c’est à dire le livre des Quatre voyages.
Le voyage signifie l’action qu’accomplit l’homme quand il se met en mouvement pour quitter sa patrie et se diriger vers sa destination, en traversant des étapes. Un sens du mot voyage est formel et apparent, comme le sens propre du mot voyage l’indique. Une autre signification figurée désigne le voyage spirituel. Ce voyage spirituel a lieu en quatre étapes :
Voyage de la création vers Dieu (al-Haqq)
Dans ce voyage, l’aspirant rompt avec la création et se met en mouvement vers Dieu. Il écarte les voiles obscures ou lumineuses qui se dressent entre lui et sa réalité.
Voyage par Dieu en Dieu
Dans ce voyage, l’aspirant est parvenu à la station de la sainteté et son être est devenu conforme à la volonté de Dieu (haqqânî). Il poursuit donc son voyage avec une étape nouvelle qui commence de la station de l’Essence en direction des perfections, jusqu’à atteindre la station de la science de tous les Noms, exceptés ceux des Noms que Dieu a gardés pour Lui et n’a pas révélé aux hommes.
Voyage de Dieu vers la création
Après avoir fait son initiation auprès des Noms et attributs divins, l’aspirant prend la couleur « divine » et il prend le chemin du retour vers la création.
Voyage dans la création avec Dieu
Après que l’aspirant soit retourné vers les créatures aux fins de les orienter et de les guider, il s’efforce d’entraîner tout le monde en direction de Dieu. Il enseigne aux autres ce qu’il a appris et les met au courant de tous les obstacles qu’il a rencontrés sur la voie de Dieu. Il y a un point intéressant à noter : c’est que le gnostique réalisé ou l’aspirant qui a achevé son voyage ne va pas se retirer et s’isoler du monde dans une cellule. Il n’a pas que le souci de lui-même, mais se mobilise pour conduire les autres à la Vérité. Par conséquent, si un aspirant de la voie initiatique se replie sur lui-même, ne s’occupe pas des autres personnes et ne fait rien afin de les orienter et les guider, son parcours sera considéré comme insuffisant, imparfait.
La gnose théorique, expression de la vision gnostique du monde
La gnose théorique élabore et expose la vision du monde particulière qui est celle des gnostiques par opposition aux autres Weltanschauungs (15) (conception du monde d’un point de vue métaphysique). En d’autres termes, la gnose théorique expose les visions des grands maîtres spirituels qui fixent par écrit ou par enseignement oral le savoir qu’ils ont acquis ou que leurs maîtres leur ont transmis et qui à la longue finissent par définir les principes fondateurs de la gnose universelle. Cet enseignement est ensuite mis à la portée des autres qui en prendront connaissance par l’étude. La vision du monde de la gnose n’est en réalité qu’une explicitation de la vision du monde de la religion, c'est-à-dire des enseignements révélés aux prophètes par Dieu. Par exemple, toute l’œuvre d’Ibn 'Arabî (16) est un immense commentaire du Coran. Il en va de même du Mathnawî (17) de Mowlânâ Jalâl ad-Dîn Rûmî, dont on a aussi dit que c’était le commentaire du Coran en langue persane.
Pour les grands gnostiques de l’islam, le Coran est la preuve que l’on peut parvenir aux plus hauts sommets de la perfection par la religion. Parmi ces grands hommes, on peut citer Ibn 'Arabî, l’auteur des Fusûs al-Hikam (18) et des Futûhât al- Makkiyya (19) , ou encore Ibn Sînâ qui a apporté des preuves de cela dans son célèbre Kitâb al-Ishârât wal-tanbîhât (20) , traduit en français par Livre des directives et des remarques, en particulier dans les chapitres 8 et 9 consacrés à l’examen de la prophétie. Il y a fait preuve de subtilité et d’une capacité exceptionnelle pour parler de la question gnostique. On peut aussi mentionner tous les maîtres issus de l’école d’Ibn 'Arabî, comme Afzaluddîn Turka Isfahînî (21) , auteur du Qawâ’îd al-Tawhîd (22) , son petit-fils Sâ’in al-Dîn Ibn Turka (23) , auteur d’un commentaire du précédent, intitulé Tamhîd al-Qawâ’id (24) , ainsi que Shams al-Dîn Fanarî (25) , savant de l’époque Ottomane, auteur du Misbâh al-Uns (26) , et enfin Haydar Amolî (27) et Mollâ Sadrâ Shîrâzî. Tous ces auteurs sont encore lus et enseignés dans beaucoup d’universités du monde, y compris en Occident.
La gnose pratique est le domaine où se vérifie la gnose théorique
C’est la gnose pratique qui alimente et entretient la gnose théorique. Et celle-ci explicite aussi les questions de celle-là. Un point qui mérite attention à ce sujet est le fait que la gnose islamique se fonde sur la Révélation coranique. On ne perd jamais de vue que la racine, la source première de la gnose en islam est le Coran et les traditions de l’Envoyé de Dieu et de sa Famille. Par exemple, l’idée de l’unité de l’être (wahdat al-wujûd) signifie que le principe un et authentique, est l’origine de l’ensemble des créatures et des déterminations et embrasse tous les actes.
Cette idée se fonde sur le verset : « Il est le Premier, Il est le Dernier, l’Apparent, la Caché » (Sourate Al-Hadîd (Le fer) ; 57 : 3). Et aussi sur le verset : « Ne sont-ils pas dans le doute quant à la rencontre de leur Seigneur ? Est-ce que Son regard n’embrasse pas toute chose ? » (Sourate Fussilat (Les versets détaillés) ; 41 : 54), puis le verset : « Et Il est avec vous où que vous soyez » (Sourate Al-Hadîd (Le fer) ; 57 :4) et aussi : « Et Nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire » (Sourate Qâf ; 50 :16).
Dans la tradition et notamment dans le Nahj al-Balâgha (La voie de l'éloquence) rassemblant les paroles de l'Imâm 'Ali (as), on peut aussi citer :
« Il pénètre les choses sans s’y mélanger, et Il en sort, sans s’en éloigner »
« Je n’ai jamais vu de chose sans que j’y vois Dieu, avant elle, après elle, avec elle et en elle. »
La représentation de la descente (création ou procession de l’être) et de la remontée (retour à Dieu), par deux arcs est appuyée par les versets : « Nous sommes à Dieu et sûrement c’est vers Lui que nous retournons ». (Sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 156) et : « et que tout aboutit, en vérité, vers ton Seigneur » (Sourate Al-Najm (L'étoile) ; 53 : 42) ; ou : « C’est vers ton Seigneur qu’est le Retour final » (Sourate Al-‘Alaq (L'adhérence) ; 96 : 8)
Il n’est donc pas nécessaire de s’appuyer sur des sources extérieures à l’islam, comme les cultures, les écoles ou mêmes les autres religions, comme la philosophie de Plotin, la gnose bouddhiste ou la gnose chrétienne… pour trouver les sources de la gnose islamique.
Cela n’empêche pas que lorsque l’on expose la doctrine islamique, on puisse faire appel à des termes spécifiques empruntés puisque le but est de faire connaitre aux autres la conception musulmane. Les grands doctrinaires des autres cultures ont forgé un vocabulaire que chacun peut reprendre à son compte quand c’est pour des raisons de commodité d’expression.
Cela n’implique donc pas toujours nécessairement une « influence ». Comparaison n’est pas raison. La spiritualité musulmane a sa propre force dont témoigne le niveau sublime qu’elle atteint et qui lui est reconnu par les grands savants.
Chaque fois que les hommes ont considéré l’être avec philosophie, ils ont tenu les mêmes propos, et sont parvenus à des conclusions semblables parfois similaires. Sans parler de ce que beaucoup de similarités ne sont que des traces de l’enseignement des prophètes qui ont prêché parmi ces différentes nations.
Aspects communs entre la gnose islamique et le bouddhisme zen
Certains de ces aspects consistent en ces points :
L’Eveil
L’éveil dans la spiritualité islamique est le moment décisif de la résolution et de l’attention de se réveiller du sommeil de l’indifférence. C’est le moment où le voyageur vers Dieu prend la route. Cette étape ressemble à l’illumination soudaine (satori) dans le bouddhisme zen. Comme nous l’avions expliqué dans la première partie, l’aspirant (sâlik), dans la position assise en tailleur, s’adonne à l’introspection (zazen) en méditant sur un ko-an (une question particulière) qui lui a été assigné par son maître et poursuit l’illumination soudaine (satori).
2)- L’introspection
Pour la spiritualité musulmane, l’introspection signifie que le voyageur doit surveiller ses comportements et ses états avec une vigilance spéciale afin de poursuivre sa route et ne pas se laisser séduire par des promesses illusoires.
L’introspection spirituelle n’a pas le même sens et ne porte pas sur le même thème. Elle dépend des étapes à traverser et du degré atteint par l’aspirant. Par exemple, à ses débuts, il devra apprendre à abandonner « ce qui ne le regarde pas » et se débarrasser définitivement de ce défaut.
Il devra maîtriser ses comportements et se conformer totalement aux ordres de Dieu, en paroles et en actes, pour obtenir l’agrément divin. La vigilance portera parfois sur l’étape, parfois sur lui-même et parfois sur un sujet supérieur comme les Noms et attributs divins.
Dans le zen, il existe une sorte d’introspection particulière que l’on peut considérer comme spécifique au zen. Le zazen signifie la pratique de l’introspection dans la position assise en tailleur. Dans cette position, l’aspirant s’efforce de parvenir à porter un regard sur son soi intérieur et à apprendre à voyager dans l’espace intérieur de sa personnalité.
La différence principale entre ces introspections consiste dans la limite illicite et leur continuité. Dans le bouddhisme zen, le zazen (position) est une forme particulière qui n’a pas de continuité, limitée dans le temps. Dans l’islam, l’introspection prend un sens dans sa relation avec la notion de « présence » ou de « perception de la présence » et par conséquent, elle est continue. Celui qui voyage vers Dieu est constamment dans l’introspection.
Il est vrai qu’il existe une étape dans laquelle l’aspirant « abandonne » l’introspection parce que la spiritualité islamique se définit aussi comme l’abandon des habitudes. Il s’agit seulement de ne pas agir par habitude. L’aspirant doit aussi se rappeler que c’est Dieu qui agit à travers lui : par conséquent, il devra confier à Dieu sa propre introspection.
Dans ce cas, les deux spiritualités trouvent une autre convergence.
3)- Le besoin d’un maître
La pensée spiritualiste de l’islam considère comme nécessaire et indispensable pour l’aspirant d’avoir un maître accompli et compétent, afin de mener son voyage sans risque. Le maître connaît les capacités et l’aptitude du murîd (28) pour la voie spirituelle avant de décider de le prendre en charge pour le guider.
Dans le zen, aussi, les disciples sont dans des couvents sous la surveillance d’un maître spécial qui leur fait appliquer le zazen et l’introspection.
Il les oriente au moyen de courts aphorismes ou récits allusifs servant de matière à penser et aussi en leur confiant des exercices de ko-an (question particulière), tout cela dans le but de les faire parvenir à l’illumination (satori).
Comme nous l'avons évoqué dans la première partie, une grande partie de la littérature du zen est constituée par les échanges courts en maîtres et disciples. Ces mondos ont pour objectif de susciter une sorte de conscience et de perception soudaine par l’activité mentale du questionneur, ou de mesurer le degré de la perspicacité de ce dernier. Pour ce motif, si ces questions sont traitées, leur effet se dissipera. La personne devra sans tarder comprendre l’allusion. L’intérêt spécifique de ces mondos est de servir de modèles.
Le sujet du ko-an
Le sujet du ko-an est l’introspection. Il se compose des éléments suivants :
Certains mondos anciens qui sont connus.
Des séquences de soutra bouddhistes.
Des extraits précis des échanges avec les maîtres.
De brefs récits exprimant des aspects différents des maîtres.
Le ko-an paraît en premier lieu comme dénué de sens et irrationnel. Mais les maîtres du zen sont convaincus que chaque ko-an présente une structure à double dimension : d’un côté, il présente une signification philosophique simple, connaissable par la raison. Et d’un autre côté, il est quelque chose d’irrationnel qui vise à donner au disciple un choc psychique.
A titre d’exemples, voici deux ko-an:
Un jour, Chao chu tomba au sol sur la neige. Il poussa un cri : Au secours ! Aidez-moi à me relever ! Aidez-moi à me relever ! Un moine vint et s’allongea à ses côtés. Chao chu se leva et partit.
L’eau s’infiltrait du toit de la maison dans la chambre. Le maître chargea deux moines d’apporter des ustensiles pour recueillir l’eau. L’un apporta un seau et l’autre un panier. Il blâma beaucoup le premier et encouragea le second.
Zazen (l’introspection en position assise) est la voie à pratiquer pour résoudre un ko-an. La pratique du zen est d’abord une pratique du zazen. Les disciples consacrent des heures entières du jour à cet exercice et accordent beaucoup à la manière de s’asseoir et de respirer.
back to 1 (en arabe et en persan :فناء), évanescence dans le vocabulaire du soufisme, il désigne l'étape où le mystique parvient à se détacher des objets sensibles avec l’extinction de ses attributs humains. Le fanâ' permet d’éviter de contourner le thème de la fusion mystique entre l'homme et Dieu qui heurte la sensibilité exotérique.
back to 2 (en arabe et en persan :بقاء ), subsistance, étape où le mystique atteint un haut degré de perfection et reçoit la permission de « subsister » en Dieu. C’est la dernière étape du voyage mystique, le sâlik y est à la fois dans le monde et avec Dieu.
back to 3 Sheikh Mahmûd Shabestarî, Golshan-e Râz, Chapitre 4
back to 4 (en arabe et en persan: باطِن), occulte ; ésotérique. Il désigne ce qui est intérieur, intime, caché. Les spirituels professent normalement une lecture ésotérique du Coran, complétant la lecture externe.
Il s’agit simplement de l’herméneutique. Certains orientalistes en ont donné des significations exagérées prêtant à des sectes musulmanes des intentions de jouer avec le sens apparent du Coran. Le mot bâtin fait référence au ventre (batn) et le mot zâher (l’apparence) fait référence au dos (zahr).
back to 5 ’eyn-ol-yaqin
back to 6 ‘haqq-ol-yaqin
back to 7 ‘ilm-ol-yaqin
back to 8 Hassan Tabarî, fils de Abdollah Tabarî Amolî, connu sous le nom d'Ayatollah Hassan Hassan-Zâdeh Amolî (né en 1929 à Amol, ville située au nord de l’Iran) éminent religieux, médecin et mathématicien.
back to 9 Khâjeh Abdollâh Ansârî, maître spirituel (né à Herat, en Afghanistan, en 396 de l’Hégire /1006). Il compte parmi les grands maîtres du soufisme et ses recueils en vers parmi les chefs-d’œuvre de la littérature persane. Il est aussi juriste, exégète, maître en hadîths, historien estimé et poète accompli. En 423/1031, il rencontre, le grand Sheikh al-Kharaqânî, dont il devient le disciple. Il est connu pour son opposition au kalâm, la théologie classique.
Quand il mourut en 481/1089, dans sa ville natale, il fut gratifié du titre de Sheikh al-Islâm. Ses nombreux ouvrages dont Tabaqât al-Sûfiyya et Manâzil al-Sâ’irîn sont encore étudiés et commentés aujourd’hui.
back to 10 Manâzil al-Sâ’irîn, célèbre ouvrage de référence dans le soufisme, écrit par Khâjeh Abdollâh Ansârî et traduit en français sous le titre Les étapes des itinérants sur le chemin de Dieu, a été maintes fois commenté. Il sert de guide aux chercheurs car il décrit les cent étapes du « voyage » spirituel, dites les manâzil.
back to 11 Missionnaire chrétien né en 1917 à Paris, mort en 2005. Au Caire, de 1946 à 1963. Il s’installa en Afghanistan en 1970. Il s’est intéressé à l’œuvre du mystique de Herât, Ansârî, et en a traduit les Cent étapes, (Manâzil al-Sâ’irîn).
back to 12 Abû ‘Ali Hossein ibn ‘Abdollâh ibn Sînâ (en persan :ابن سينا/ en arabe : ابو عل? الحسين بن عبد الله بن سينا), (7 août 980 / juin 1037), Sheikh el-Raïs (prince des savants) pour ses disciples, Avicenne pour les occidentaux, est un grand savant iranien, à la fois philosophe et médecin alchimiste, astronome... Ibn Sînâ est considéré comme l’un des plus célèbres scientifiques du monde islamique de tous les temps et de tous les lieux, le troisième Maître, après Aristote et Al-Fârâbî. La plupart de ses livres ont été rédigés en arabe classique, la langue savante de son temps. Son œuvre principale, le Canon de la médecine, (al-Qânûn fî al-Tibb), a été enseignée dans les universités occidentales jusqu'au début du XIXe siècle.
back to 13Sadr al-Dîn Muhammad ibn Ibrahîm ibn Yahya al-Qawamî al-Shîrâzî, connu sous le nom de Mollâ Sadrâ, est un philosophe iranien chiite, né à Shîrâz en 1571 et mort en 1640. E'lève de Mir Dâmâd et Mir Fendereskî, il est l’auteur du monumental traité philosophique en arabe, dont le titre abrégé est Les Quatre Voyages (Al-Asfâr al-Arba’a). Il a enseigné à Shîrâz. C'est là que s’est développée l’école de Shîrâz, qui a pris le relais de celle d'Ispahan.
Son œuvre a intéressé l’orientalisme. C’est surtout le philosophe français Henry Corbin qui a contribué à le faire connaître en Occident en publiant ses textes et en traduisant certains autres. Corbin a vu en Mollâ Sadrâ, l’aboutissement parfait de la théosophie. A la philosophie classique grecque et arabe, il intègre la Sagesse orientale de Sohrawardi d’Alep et celle d'Ibn Arabî dans sa propre philosophie qu'il nomme Hikmat al-Muta'âliyyah, la sagesse transcendantale. Les philosophes ne font pas l’unanimité sur ce jugement. Mollâ Sadrâ meurt à Basra en 1640 (1050 Hégire) sur le chemin de son septième pèlerinage à pied à La Mecque.
back to 14 Les Quatre Voyages, est le plus important livre de Mollâ Sadrâ. Considéré par certains comme le plus grand ouvrage de philosophie musulmane. C’est l’œuvre de philosophie la plus enseignée dans les écoles traditionnelles en Iran.
back to 15 Terme des philosophes allemands désignant la vision globale du monde.
back to 16 Ibn 'Arabî, Muhyî al-Dîn, surnommé le Sheikh al-Akbar, le plus grand maître. Né à Murcie, en Andalousie almohade en 1165 et mort à Damas ayyoubide, en 1240. Célèbre mystique considéré comme le plus grand maître de la spiritualité musulmane. Il est l'auteur de centaines d'ouvrages. Les plus célèbres sont le monumental Futâhât al-Makkiyya (Les révélations de La Mecque) et le Fusûs al-Hikam (les chatons de la sagesse). Son œuvre nourrit la pensée musulmane depuis plus de 7 siècles. Elle est de plus en plus étudiée en Occident, exerçant une influence puissante sur les esprits.
back to 17 Œuvre en distiques de Jalâl ad-Dîn Rûmi basée sur des récits d'initiation mystique. Elle contient près de 30 000 vers.
back to 18 Ouvrage d'Ibn 'Arabî, sans doute le plus lu et le plus commenté (plus de 300 commentaires écrits). Il y expose une typologie de la prophétie fondée sur la dialectique des Noms divins.
back to 19 Célèbre ouvrage d'Ibn 'Arabî, qui est son opus magnum, exposant en détail son enseignement. Les Futuhât contiennent 560 chapitres et fournissent les clefs du Fusûs al-Hikam.
back to 20 Livre des Directives et Remarques, livre d'Avicenne, traduit en français par A-M. Goichon. Avicenne y expose entre autre, sa philosophie prophétique. En un seul volume, cet ouvrage est moins long que le Kitâb al-Shifâ, traité philosophique principal d’Avicenne.
back to 21 Un des membres d'une grande famille originaire du Khojand en Transoxiane qui a eu le surnom de Turka (mort au début du XIVe siècle). Il aurait traduit en persan le Kitâb al-Milal wal-Nihal (le livre des religions et des sectes) de Shahrestâni.
back to 22 Ouvrage composé par Abou Hamed Turka Isfahânî, (mort vers 698 de l’Hégire / 1300), transfuge de l’avicennisme qui a rejoint la doctrine de l’unité de l’être, wahdat al-wujûd. Probablement disciple de Qûnawî, disciple direct d’Ibn 'Arabî.
back to 23 Arrière petit-neveu de Turka Isfahânî. Commentateur du Qawâ’îd al-Tawhîd, de son arrière oncle.
back to 24 Tamhîd al-Qawâ’id, titre du commentaire écrit par Sâ’in al-Dîn Esfahânî sur l’ouvrage de son grande oncle Abû Hâmed Turka Isfahânî, intitulé Qawâ’id al-Tawhîd.
back to 25 L'un des derniers grands commentateurs akbariens de la Turquie Ottomane. Il vécut et mourut à Bursa, ancienne capitale avant la prise de Constantinople. Son ouvrage le plus connu est le Misbâh al-Uns, commentaire du Miftâh al-Wujûd de Qûnawî. Mort en 1435.
back to 26 Commentaire du Miftâh al-wujûd, traité de Qûnawî par Shams al-Dîn Fanarî, ouvrage enseigné encore dans les universités religieuses en Iran.
back to 27 Bahâ al-Dîn bin Ali bin Seyyed al-‘Ubaydî al-Husaynî al-Amolî, (né en 720/1220 – mort après 794/1393) doit sa célébrité dans le monde occidental à Henry Corbin qui, à raison, a vu en lui un des grands penseurs iraniens de la période post-mongole. Il est l’auteur d’un commentaire chiite du Fusûs al-Hikam, intitulé Nass al-Nusûs, édité et publié en partie par H. Corbin. Il est aussi l’auteur du Jâmeh’ al-Asrâr wa Manba’ al-Anwâr. Il a considéré que le soufisme était le vrai chiisme. Il n’a pas été très lu dans l’Iran chiite et c’est H. Corbin qui a fait connaître ses œuvres dont les manuscrits sont rares en Iran.
back to 28 (en persan : morid مر?د) signifie: celui qui aspire. Dans le vocabulaire soufi musulman, ce mot désigne le disciple en quête de la Vérité.
L’extinction
Dans la spiritualité islamique, l’extinction est la dernière étape de la voie menant à Dieu. Dans la station de l’extinction, l’aspirant est arrivé à la demeure de stabilité, destination finale de la voie initiatique.
Dans cette station, l’aspirant renie non seulement tout ce qui est autre-que-Dieu, mais en plus il ne les voit pas, pas plus qu’il ne se voie, pour avoir à les nier. Car démontrer ce qui est « prouvé » et nier ce qui est « nié par nature » sont deux choses. Et cette quantité numérique, cette multiplicité ne sont pas compatibles avec l’unité de contemplation. Le fait est que la station de l’extinction n’est pas la dernière cime de la perfection de l’aspirant. Il devra aussi s’éteindre dans l’extinction.
La mort de l’ange de la mort et la mort du principe de la mort, qui sont évoquées dans les « haltes » (stations intermédiaires) de la grande résurrection, sont deux puissants témoins de l’extinction de l’extinction. Parce que le sens de la mort de l’ange de la mort et de la mort de la racine de la mort est celui de la disparition et de l’extinction de la cause originelle du changement et des transformations, ce qui est comme la négation dans la négation qui signifie affirmation.
Donc la mort de la mort et la mort de l’ange de la mort équivalent à la réalisation de l’affirmation, de la subsistance, de l’éternité qui échappe à l’évanescence. Cela n’est donc pas l’anéantissement de toute chose car dans cette hypothèse, le principe de l’extinction est évacué au lieu de gagner en hégémonie.
Il existe deux écoles importantes dans le bouddhisme : Mahayana (1) (grand véhicule) et Hinayana (2) (petit véhicule).
Dans l’école Hinayana, on appelle Arhat (3) celui qui est parvenu au Nirvâna (4) . L’accès à cette station n’est ouvert qu’aux prêtres et les hommes ordinaires n’ont pas la possibilité d’y parvenir.
Le bouddhisme zen est une branche du bouddhisme Mahayana. L’idéal de Boddhisattva se pose alors. Et il consiste à parvenir à la station du Nirvâna, pas seulement en vue d’assurer son propre salut, mais pour essayer d’assurer le salut de toutes les créatures. Rappelons que la station de « subsistance après l’extinction » est l’un des points saillants de l’enseignement de la spiritualité islamique.
Points de divergences entre la gnose musulmane et la gnose zen
L’Unité divine
La gnose islamique se caractérise principalement par l’accent qu’elle met sur le monothéisme absolu et sur la sainteté. Gravir les échelons qui mènent à l’union avec Dieu revient à gravir les degrés du monothéisme. Le mystique a pour tâche de percer le voile du monde de la multiplicité et de la différence. En écartant petit à petit ce voile, il débouche sur ce qui est réel et authentique, comprend le sens de l’extinction et devient un monothéisme réalisé. Comme le dit le Coran : « Il est le Premier et le Dernier, l’Apparent et le Caché » (Sourate Al-Hadîd (Le fer) ; 57 : 3).
'Allâmeh Hassan-Zâdeh Amolî dit : « La réalité est que le sens de la religion est la gnose par Dieu, et la connaissance de Dieu. [Celui qui possède] la connaissance de l’être et des paroles de l’être est aussi une connaissance. C’est cela la réalité de la gnose et le gnostique s’efforce aussi d’atteindre une telle station. La réalité est que Celui qui est connu dans la noble science de la gnose est Dieu, exalté soit-Il, ainsi que Ses plus beaux Noms.
Dieu, exalté soit-Il, est une Essence sacro-sainte conforme au verset : « Rien n’est à Sa semblance. » (Sourate Al-Shûra (La consultation) ; 42 : 11). La connaissance gnostique est donc d’une valeur inégalée et l’homme parfait est un miroir de cette unité sans pareille. En effet, la station de tout être humain dépend de sa connaissance et l’étendue de toute science dépend de son sujet.
Sheikh Sadûq (5) , grande figure du chiisme, a rapporté que l’Envoyé de Dieu (s) avait dit : « Je n’ai pas dit, et personne avant moi n’a dit, mieux que : il n’y a pas d’autre divinité que Allah ». Il est évident que ce qui est visé par le Prophète de l’islam (s), par « personne avant lui », ne concerne pas seulement les prophètes venus dans ce monde avant lui, mais bien aussi tous les saints et les amis de Dieu ainsi que tous ceux qui ont prêché le monothéisme avant lui. De même, il est clair que cette déclaration de l’Envoyé de Dieu (s) ne signifie pas que ces personnes qui ont prêché le monothéisme s’exprimaient en arabe, parce que les prophètes et envoyés étaient nombreux à parler une autre langue que l’arabe, comme le syriaque ou l’hébreu. Par conséquent, la signification du hadith est que le contenu de la formule « Il n’y a de Dieu qu’Allah » est réel, que ce n’est pas moi qui l’ai apporté, pas plus que les hommes parfaits qui ont vécu avant moi n’en ont présenté de pareil. »
Il a été rapporté que l’Imam Bâqer (6) (as) avait dit : « L’ange Gabriel est venu à l’Envoyé de Dieu et lui a dit : « O Mohammad, Bonne annonce à ceux qui dans ta communauté disent : Il n’y a pas d’autre divinité que Dieu, Lui seul, Lui seul, Lui seul. L’unité trois fois répétée de l’unité semble exprimer l’unité de l’Essence, celle des attributs et celle des actes, c'est-à-dire : il n’y a de divinité que Dieu, par l’Essence, que Lui par les attributs, et que Lui par les actes. »
Dans le bouddhisme, la perte des enseignements de l’unité divine est perceptible. Beaucoup de chercheurs et de spécialistes occidentaux des religions sont de cet avis que Bouddha a parlé de Dieu. Cependant, certains des spécialistes de la religion ne sont pas d’accord sur ce sujet et pensent que dans la religion bouddhiste, Dieu n’est connu que sous le rapport de Sa non-détermination. Cette question demande une enquête et une attention indépendante le moment venu. Quoi qu’il en soit, la clarté de la position du bouddhisme vis-à-vis de la question de l’unité divine, en a fait un motif adéquat de la part du groupe mal intentionné des athées occidentaux qui cherchent un substitut pour préserver la tranquillité des hommes, après l’évacuation de Dieu de leur vie privée et intime.
Ils ont vu dans le bouddhisme zen une réponse à leur attente, et ont travaillé à le faire connaître comme un substitut à la croyance en Dieu.
La non-conformité de l’enseignement du zen aux paroles et aux textes sacrés
L’auteur de l’article sur l’école de l’introspection, dans l’Encyclopédie de la religion, dit : « L’enseignement du zen ne s’appuie par sur des paroles ou des textes sacrés, mais sur une transmission hors des enseignements sacrés. C’est une transmission d’une activité mentale à une autre activité mentale. Cela, alors que la gnose islamique repose sur le Coran et sur les traditions rapportées par les Imâms Impeccables. Et c'est un des points qui en font la force. C’est ce qui distingue la gnose divine de la gnose humaine, parce que comme elle repose sur la révélation, le risque d’erreur tombe à son minimum. Alors que la gnose humaine, créée et instaurée par l’homme, ne peut pas assurer la tranquillité et la sérénité suffisantes.
La question du vide et la négation de la réalité des êtres externes
L’enseignement du vide (sunyata (7) ) au sein des écoles du bouddhisme mahayana, parmi lesquels le madhyamaka et le zen, prend une forme extrême dans le yogachara (8) , dans le sens où tous les phénomènes du monde extérieur sont considérés comme dépourvus (vides) d’être et considèrent que la cause de toute chose se trouve dans l’activité mentale.
Par exemple, cette réalité est évoquée par le poème suivant qui est d’un grand moine du zen, Hui Nang (9) :
Jamais l’arbre de Bouddha n’a existé
Il n’y eut jamais de miroir transparent
Fondamentalement, il n’y a jamais rien eu
Où est donc la terre, pour qu’elle soit pure ?
'Allâmeh Hassan-Zâdeh Amoli écrit à ce propos : « Sache que parfois, au sujet de la doctrine de l’unité de l’être, se produit cette illusion que l’être est une seule entité unique en son genre, son être est nécessaire et le concept d’être ne s’applique qu’à lui. Par conséquent, tous les étants, dans le ciel ou sur terre, les végétaux, les animaux, l’âme, l’intelligence, sont des illusions de l’être. C'est-à-dire que, excepté cet E^tre unique, rien d’autre n’est, et les étants ne sont rien d’autre que Lui. A l’image de l’eau de la mer dont les vagues ne sont en réalité que de l’eau, mais comme les vagues sont très nombreuses et prennent des formes différentes, elles paraissent à l’observateur humain comme des êtres distincts et autonomes. Cette erreur au sujet de l’unité de l’être, cette façon de la comprendre, est contraire à beaucoup de règles bien établies de la raison, parce que cette appréhension nie en réalité la causalité de Dieu et le statut d’effet des êtres existant. Et cela suscite cette illusion que les êtres possibles sont suffisants par soi, et plutôt nie même l’existence de ces derniers. En résumé, les défauts de cette façon de comprendre sont nombreux aux yeux de la Loi divine et de la raison. Et aucun des grands maîtres spirituels et gnostiques ne l’ont professée et leur attribuer une telle croyance serait de la pure calomnie et du mensonge grave.
Mollâ Sadrâ traitant de la causalité, écrit dans son livre Al-Asfâr al-Arba’a (Les Quatre Voyages) : « Tout être possible possède deux facettes :
Il est existant et il l’est par autrui. De ce point de vue, il participe avec l’ensemble des autres existants, au même plan, à l’être général. La deuxième facette est que cet être possède une chose en vertu de laquelle sa réalité existentielle sera déterminée. Cela consiste à voir en quoi cet être, au point de vue de l’intensité, faible ou parfaite et défectueuse, sera situé au niveau des degrés de l’être. Car la possibilité de l’être possible procède du degré de la perfection nécessaire et de la puissance infinie ainsi que de la domination achevée et de la majesté sublime. Et en fonction de chaque degré des degrés inférieurs à ceux du degré de l’être absolu - qui ne présente aucun des caractères du néant ni de la potentialité -, cet être se voit attribuer, pour exister, des traits rationnels distinctifs et des déterminations mentales, que l’on désigne par les termes de quiddités ou d’essences immuables (a’yân thâbita (10) ) ». Ainsi, tout être possible présente à l’analyse une double composante : du côté de l’être absolu et du coté du degré de sa détermination en imperfection d’être…
Le grand gnostique Mollâ Hâdî Sabzevârî (11) dit : « Ce raisonnement sophiste est né de la confusion entre la quiddité et la réalité, l'existence même. La quiddité en tant que quiddité a été comprise dans le sens de réalité. Les soufis n’ont pas compris que l’être est à leurs yeux, le principe. Comment alors se pourrait-il que l’existence et la réalité même des choses soient subjectives, alors que la dimension lumineuse de chaque chose, qui est la face et le lieu de manifestation de Dieu, de Sa puissance, de Sa volonté, qui sont des indices de l’action et non la passivité, comment pourrait-on les considérer comme subjectives ? Alors que le vêtement de gloire et de majesté de Dieu transcende bien la poussière de la subjectivité ? Quand donc les grands gnostiques bien avisés ont-ils prétendu que le royaume, les sphères, l’homme et les animaux et toutes les créatures sont subjectives ? Leur intention concerne les quiddités de ces choses qui, elles, sont bien subjectives.
L’enseignement de la réincarnation
Comme les autres sectes bouddhistes et religions hindouistes, le zen professe la doctrine de la réincarnation, dans ce sens qu’après la mort, l’âme humaine se réincarne, c'est-à-dire revient au monde dans un autre corps et poursuit sa vie.
La question de la mort et de la renaissance est le principal sujet de préoccupation des bouddhistes et des hindouistes. Ils sont constamment dans le souci de trouver le moyen de sortir du cycle des morts et des réincarnations dans ce monde. La vie future de chaque individu, celle qu’il aura à sa prochaine réincarnation dans ce monde, dépend de son karma, c'est-à-dire de la somme algébrique de ses œuvres dans la vie précédente. Par exemple, il est possible qu’un individu ayant accompli de mauvaises actions revienne dans sa vie future sous une forme animale, c'est-à-dire qu’il soit engendré par une femelle animale.
Dans l’islam, chaque personne est responsable de ses actes. Après la mort, elle poursuivra sa vie dans le barzakh (12) , un monde intermédiaire entre ce monde et l’au-delà. Bien entendu, la qualité de sa vie dans le barzakh et plus tard dans la Grande Résurrection dépendra elle aussi de ses œuvres ici-bas. Et en aucune façon, l’âme d’un individu n’émigrera dans le corps d’un autre individu dans ce monde.
Dans la spiritualité musulmane, la réincarnation ne peut pas avoir de signification parce qu’une essence ne peut se transformer en une autre dans ce monde humain (nâsût (13) ) ou angélique (molk (14) ), mais seulement progresser en intensité d’être pour devenir encore plus lumineuse ou, que Dieu nous en garde, perdre de sa lumière et devenir un être négatif. Il n’est pas question que l’âme de l’homme, qui a été voulue par Dieu et honorée par Lui, retourne à l’état animal après la mort. L’homme est récompensé par ses actes bons et punis pour ses actes méchants, mais ne subit jamais une perte de son essence humaine.
Dans le barzakh, il y a une manifestation symbolisée des actes accomplis ici-bas sous une forme corporelle ou spirituelle, selon la qualité des actes bons ou mauvais. C'est-à-dire que déjà dans la "tombe", le mort voit le bonheur qui l’attend alors que le méchant voit ses actes sous forme de scorpions menaçants et autres choses affreuses.
Dans l’axe de la descente, l'E^tre divin se déploie ou se manifeste dans cinq niveaux de présence (hazarât al-khams) ou six si on compte la présence ineffable.
Dans l'axe de la remontée, il y a aussi cinq stades qui sont par ordre croissant d'intensité: nâsût, malakût (15) , jabarût (16) , lâhût (17) et Hâhût (18)
Que la vie future de l’homme soit fondée sur la base de ses œuvres dans ce monde est quelque chose de tout à fait vrai. Le problème se pose dans l’analyse matérialiste de cette question par les écoles spirituelles non-religieuses.
Conclusion
La spiritualité et la religion ont toutes les deux des racines dans la nature humaine. C’est pourquoi on ne trouve pas d’opposition ni de contradiction entre deux choses qui ont une même origine. Le but de la spiritualité est de se connaître, de parvenir à sa personnalité humaine authentique. Si nous comprenons l’élément de la nature humaine primordiale (fetrat (19) ), comme l’élément de la personnalité humaine authentique, alors parvenir à la nature originelle et retrouver sa personnalité authentique sera l’objectif des enseignements de la gnose.
La nature originelle est une réalité métaphysique existentielle et ne possède pas une quiddité matérielle. Il va de soi alors que pour atteindre cette réalité, il est nécessaire de prendre des distances à l’égard de la matière et de se rapprocher du monde immatériel, où la relation et l’intimité seront plus grandes entre l’homme et sa réalité profonde.
Comme nous l’avons aussi montré davantage auparavant, le souci premier du bouddhisme était également dès ses débuts la question de l’homme et la connaissance de l’âme. Mais la voie indiquée à cet effet n’est pas féconde. Pour effectuer la jonction avec la source divine, avec le principe et l’origine de la création, la religion expose des méthodes pour accéder à la connaissance spirituelle, méthodes qui sont les plus rapides, les plus accessibles, les plus sûres et les plus justes.
Assurément, les voies indiquées pour l’acquisition de la connaissance spirituelle dans la religion musulmane sont de loin les plus efficaces et motivées « pour avérer ce qui était en cours des Ecritures, en l’englobant.. » Comme le dit le Coran :
« Enfin Nous avons fait descendre sur toi l’Ecrit, dans le Vrai, pour avérer ce qui était en cours des Ecritures, en l’englobant. » (Sourate Al-Mâ’ida (La table servie) ; 5 ; 48). Il est évident que le dépouillement peut-être atteint par une autre voie que celle de la religion ; par exemple, par l’ascèse et le renoncement au monde. Mais il faut savoir à quel dépouillement on aspire. Il y a une différence dans le concept. Les gnostiques distinguent deux niveaux dans le royaume divin (malakût) : le malakût inférieur et le malakût supérieur. Celui qui est contradiction avec l’essence de la Loi trouvera une voie vers le malakût inférieur.
Dans le Coran, il est question de « la descente des anges et de l’Esprit » : « Tandis que ceux qui disent : "Nous n’avons que Dieu pour Seigneur", et de plus vont dans la rectitude, les anges sur eux se posent : "N’ayez crainte ni deuil. Réjouissez-vous du Jardin qui vous fut promis" » (Sourate Fussilat (Les versets détaillés) ; 41, : 30)
« La Nuit grandiose vaut plus qu’un millier de mois. En elle, font leur descente les anges et l’Esprit, sur permission de leur Seigneur, pour tout décret. » (Sourate Al-Qadr (La Destinée) ; 97 : 3 et 4)
Parallèlement à ces versets, il est question de la « descente » des démons : « Ils descendent sur tout imposteur et pécheur » (Sourate Al-Shu’arâ (Les poètes) ; 26 : 222)
« Les diables inspirent à leurs alliés de disputer avec vous. » (Sourate Al- An’âm (Les bestiaux) ; 6 : 121)
On voit ainsi qu’il est possible de parvenir au malakût par des voies contraires à la Loi. Mais celui qui y parvient devient un allié du mal.
La religion est responsable de deux choses importantes: l’une est de s’attacher à faire connaître la Réalité, et l’autre de montrer la voie pour opérer la jonction avec cette Réalité. Ainsi, plus une personne aura de connaissance relative de la réalité, plus elle bénéficiera de la dimension ésotérique de la religion.
En raison des spécificités propres et inégalées de la religion divine, rien ne saurait la remplacer. Parce que premièrement, la religion est la voie générale pour se rapprocher de la réalité, et deuxièmement, elle est un programme complet, décisif et infaillible qui conduira surement à la réalité, la personne pratiquante. Ni le zen bouddhiste, ni aucune autre gnose humaine ne peut satisfaire totalement et parfaitement l’ensemble des besoins et dimensions humaines, ni lui servir de guide vers le lieu de perfection souhaitée. Parce que cette sorte de gnose, outre le bouddhisme zen ou toute autre gnose humaine, est sujet à erreur car elle n'est pas fondée sur la révélation céleste, et se sont montrés incapables de conduire à la perfection.
En plus de sa vie individuelle, l’homme possède aussi une vie sociale. Le zen bouddhiste prête une attention exclusive à la dimension individuelle, mais se désintéresse totalement de la vie sociale. C’est pour cette raison que les propagandistes du sécularisme, en particulier dans les pays occidentaux, ont vu dans cette école quelque chose de compatible avec leurs objectifs, et s’efforcent de le faire connaître.
Cela, alors que la spiritualité musulmane porte un vaste regard sur toutes les dimensions existentielles de l’homme et prend en charge aussi bien sa vie individuelle que sa vie sociale. Nous avons dit précédemment que le lien de la religion avec la gnose est un lien linéaire ; la gnose porte sur la couche profonde et ésotérique de la religion. Par conséquent, la spiritualité n’est pas une branche indépendante ni séparée. La religion musulmane prend en charge la dimension individuelle et la dimension sociale de l’homme. Par conséquent, la spiritualité de l’islam qui en est aussi la dimension ésotérique, est aussi ainsi. Nos chers lecteurs, en particulier les jeunes, qui sont à la recherche de connaissances ésotériques, doivent savoir à quelle table ils iront se servir de la nourriture spirituelle. Comme dit le Coran : « Que l’homme considère son repas » (Sourate ‘Abasa (Il s'est renfrogné) : 80 : 24).
Ce n’est pas tout groupe ou toute école se disant école ésotérique, qui pourrait se porter garant de cette importante affaire. L’aspirant à la spiritualité met le pied sur le chemin droit de la bonne conduite de soi et franchit les étapes avant d’arriver à son but. Sans s’attacher fermement à la Loi et à ses enseignements religieux, il ne lui sera pas facile de trouver la voie qui mène à la Réalité.
back to 1 (terme sanskrit).Vers le début de l’ère commune, le bouddhisme maha-ya-na s'est diffusé dans tout l’Extrême-Orient, en commençant par l’Inde et puis la Chine. Sa forme tantrique, le Vajraya-na, a pénétré au Tibet entre le VIIe siècle et le VIIIe siècle, mais a moins influencé moins la Chine. A partir du VIIIe siècle, il se marque aussi en Corée et au Japon.
back to 2 (terme sanskrit). Il désignait à l’origine une perspective individuelle de la libération mais s’est appliqué plus tard à tous les courants chez qui la libération individuelle passait avant la libération universelle de tous les êtres.
back to 3 (terme sanskrit). Ce terme désigne ceux des disciples qui ont vaincu les illusions et les passions, ont atteint l’Eveil suite à un enseignement (contrairement à un bouddha qui atteint cet état par lui-même) et « méritent » le Nirvana. Le terme Arhat s’emploie comme épithète pour Bouddha.
back to 4 (terme sanskrit). Ce terme désigne l’idéal et la finalité pour un bouddhiste. Ce dernier y accède suite à un détachement duquel dérive la paix intérieure.
back to 5 Ibn Babuyeh Qommî, surnommé Sheikh Sadûq (né avant 940 et mort en 991 à Ray, près de Téhéran), est l’un des quatre principaux traditionnistes du chiisme duodécimain. Il est l’auteur entre autres du Man lâyahzuru al-Faqîh (le Livre de celui qui n'a pas de juriste près de lui), recueil de traditions du Prophète (s) et des Imâms (as) de sa Famille, qui devait d’après son titre permettre à son lecteur de se passer de juriste, et dont les hadiths constituent une référence pour les juristes chiites. Il fut également le maître des théologiens Shaykh Mofîd et Ibn Shadhan. Il a une œuvre prolifique (près de 300 ouvrages), dont seule une partie nous est parvenue. Citons notamment un recueil en deux volumes servant à l’histoire du 8ème Imâm (as). C'est un auteur original, proposant des classifications thématiques des traditions.
back to 6 (en arabe : أبوجعفرمحمد بن علي الباقر) Abû Ja`far Mohammad ben `Alî al-Bâqer 676 à Médine / 743 à Médine) cinquième imâm des chiites, fils de `Alî Zayn al-`A^bidîn, surnommé Bâqer al-‘Olûm : « celui qui dissèque les sciences ». Il a consacré une grande partie de sa vie aux activités scientifiques et a préparé le terrain pour que son fils, l’Imam Ja’far Sâdeq, crée une école qui formera plus de quatre mille savants et qui sera la première université de l’histoire du monde musulman.
back to 7 (terme sanskrit). Il exprime dans le bouddhisme, l’inexistence de toute essence, l’idée de non-être relatif. On le traduit souvent par le terme de vacuité, sans qu’il s’agisse exactement d’une réalité vide. C’est surtout le fait qu’une chose n’ait pas d’être par soi, mais par autrui, c'est-à-dire une dépendance essentielle à son principe qui est visé par ce terme de sunyata.
back to 8 (terme sanskrit) désignant l’Ecole fondée au IVe siècle qui enseigne que « tout est conscience », c'est-à-dire que les choses sont ce qu’elles sont dans les esprits. Le fait que la conscience les désigne est leur seule réalité absolue. La chose connaissable n’a donc pas besoin d’être un objet extérieur.
back to 9 Hui Neng (683 / 713) est le sixième maillon de la chaine du bouddhisme Chan, le premier à prôner la doctrine de l'Illumination subite. Toute l’ignorance vient du fait que les hommes s’attachent à leur égo et au monde. Or aucune de ces choses n’existe vraiment. Il enseigne donc la voie directe.
back to 10(en persan : اع?ان ثابته) A’yân thâbita, exemplaires éternels ou essences immuables. Expression d’origine théologique qu’a répandue Ibn Arabî qui s’en sert pour désigner le statut des êtres dans la science divine. Les essences immuables n’ont pas l’être propre, mais on peut seulement affirmer qu’elles sont connues de Dieu, jusqu’à ce que Dieu les fasse venir à l’être par l’ordre « sois » : (kon) !
back to 11 (en persan : ملا هاد? سبزوار?) (1797 / 1873) philosophe, théologien et poète iranien, dont les œuvres en philosophie sont devenues des manuels des universités religieuses d’Iran. Henry Corbin a signalé son importance et contribué à le faire connaître hors des frontières de l’Iran
back to 12 (en arabe : البرزخ) al-Barzakh, ce qui sépare (ou relie) deux choses pour les empêcher de se mélanger. Corbin traduit ce terme coranique par isthme, ou intermonde. Il désigne le temps qui sépare le moment de la mort d’une personne et celui de sa résurrection. Il désigne aussi le ‘’lieu’’ où a lieu cette attente.
back to 13 (en persan : ناسوت) nasût désigne la condition de l'homme sur terre, et la conscience qu'il en a.
back to 14 (en persan : مُلک) molk est le mot par lequel on désigne techniquement le Royaume divin, la souveraineté divine sur toute chose.
back to 15 (en persan : ملکوت) malakût : désigne le monde angélique et sa conscience
back to 16 (en persan : جبروت) jabarût : désigne l'environnement divin, les anges rapprochés, les archanges
back to 17 (en persan : لاهوت) lâhût : est le fait de passer du matériel à l’immatériel
back to 18 (en persan : هاهوت) hâhût : est le ''niveau'' suprême, celui du monde de l'Essence divine et de Ses états qui ne sont connus que de Dieu
back to 19 (en persan :فطرت) est un mot coranique servant à désigner la nature primordiale, foncière, qui est celle de l'homme tel qu'il a été voulu par Dieu. Dans sa fetrat, tout être est croyant en Dieu
Références :
Sakhâyi, Mojgân, "Dar-âmadi bar motâle’eh-ye moqâyeseh-yi-e ‘erfân-e eslâmi va zen-e boudâyi", (Une introduction à l’étude comparative de la Gnose islamique et le Zen bouddhiste), Qabasât No. 24 ; A^shtiâni, Seyyed Jalâl el-din, Sharh-e moqadameh Qeysari (Commentaire de la préface de Qeysari), pp. 70-74 ; p. 51-52 ; pp. 62-64 ; Hassan-Zâdeh A^moli, Hassan, Qor'ân o ‘Erfân o Borhân az ham jodâyi nadârand (Le Coran, la Gnose et la Démonstration sont inséparables), pp.41-43 ; Hosseini Qâem-Maqâmi, Seyyed Abbâs, Ranj-e bi payân (La souffrance infinie), pp. 200-204 ; Javâdi A^moli, Abdollâh, Marâhel-e akhlâq dar Qor’ân (Les étapes de la morale dans le Coran), pp. 402-403 ; Hosseini Qâem-maqâmi, Seyyed Abbâs, Ta'amolât-e falsafi (Réflexions Philosophiques), pp. 2-198.
Introduction
Dans un regard d’ensemble sur les religions, on y distingue toujours deux dimensions, l’une ésotérique et l’autre exotérique. La Loi de chaque religion se rapporte à la dimension exotérique, alors que l’ésotérique approfondit les significations que la religion réserve à ceux et celles qui ont la capacité de saisir la quintessence du message céleste. A titre d’exemple, la religion hindouiste propose trois voies de salut : Jnana marga (1) (ou Jnana Yoga), Karma marga (2) (ou Karma yoga), Bhakti marga (3) (Bhakti Yoga) qui sont respectivement la voie de la connaissance et du savoir, la voie des actes et la voie de l’Amour.
Dans le Karma marga, on accomplit les rites et les cérémonies tandis que dans le Jnana Marga, on insiste pour l’acquisition de la connaissance et parvenir à la vérité.
Dans la gnose islamique, suivre la voie intérieure non seulement ne retient pas l’aspirant à la gnose de la dimension extérieure, qui est celle de la Loi, mais l’encourage à avoir constamment le souci de garder une égale distance à l’égard des deux dimensions et à montrer son engagement à respecter la dimension externe (les enseignements de la Loi religieuse).
Nous pouvons relever, de façon coutumière, les points communs dans la gnose des différentes religions. Mentionnons pour exemple, des questions comme celles qui suivent : le monothéisme, l’extinction, l’amour, la contemplation, la pratique des exercices ascétiques, le microcosme et le macrocosme ainsi que la relation entre les deux et l’expression sibylline des résultats de l’expérience contemplative, etc.
Cette question s’explique du fait que lorsque les hommes considèrent avec sagesse la question de l’Etre, ils tiennent tous les mêmes propos et parviennent à des conclusions similaires et parfois communes et partagées. Bien sûr, beaucoup de ces points communs sont des vestiges ou des effets des paroles sages et divines tenues par les prophètes respectifs de chacune des différentes communautés. Les prophètes ont tenu, en leur temps, à leur communauté, des discours dans lesquels ils leur ont révélé des vérités que ces communautés n’auraient jamais pu connaître par le seul usage de leur raison. En d’autres termes, ces prophètes ont su faire apparaître les trésors enfouis dans l’intellect des hommes.
Cet exposé applique la méthode comparative pour faire connaître les approches de la gnose islamique et celle du bouddhisme zen et se propose d’apporter des réponses aux questions suivantes :
1) Quelle est la relation entre la religion et la gnose ?
2) En quoi consiste la différence entre la gnose religieuse et la gnose humaine ?
3) La gnose non religieuse a-t-elle la capacité de faire parvenir les hommes à la perfection souhaitée ?
La notion de zen
Qu’est-ce exactement que le zen ?
Pour commenter un Mondo (4) (un échange très court entre un maître et son disciple), Suzuki (5) le rapporte ainsi : « Tu me demandes : qu’est-ce que le zen ? Je te réponds : le zen c’est ce qui t’a poussé à poser ta question. Parce que la réponse se trouve là même où a germé la question. La réponse n’est pas autre chose que la personne même qui a posé la question.»
Le disciple dit : « Par conséquent, Vous voulez dire que : je suis moi-même le zen. »
Il répond : « Quand tu me demandes ce qu’est le zen, tu te demandes en réalité qui tu es. Qu’est ton âme ? C’est pourquoi les maîtres du zen te disent presque tous : ‘‘Ne pose pas de question ?’’ , C’est le summum de la stupidité que de demander au sujet de toi-même puisque que c’est justement ton amour propre qui t’a incité à questionner. »
Puis il poursuit : « Tu sais à présent ce qu’est le zen, parce que le zen t’explique ce qu’est ton âme, et cette âme, c’est le zen. »
Suzuki entame un autre sujet ; en voici le dialogue :
Le disciple interroge :
- « Qu’est-ce qui a poussé le Bouddha Harima (6) à venir en Chine ? »
Suzuki répond :
- Pourquoi m’interroger au sujet de quelqu’un d’autre, au lieu de m’interroger au sujet de toi-même et de ton mental ?
- Qu’est mon âme, maître ?
- Il te faut d’abord savoir ce qu’est l’acte allusif.
- C’est quoi l’acte allégorique, allusif ?
Le maître ouvre ses yeux puis les referme. Il dit :
- Est-ce que cet acte est allusif ? Quel rapport y a-t-il entre ouvrir et fermer un œil et l’âme ? Il n’y a aucune énigme en cela et en supposant qu’il y en ait, quel rapport cela peut avoir avec la connaissance de soi ? Donc, après avoir relevé les sourcils ou toussé ou ri, il semble que nous devons nous intéresser plus au mystère de l’âme qui se trouve derrière les actes.
Est-ce que le disciple parvient à l’illumination en contemplant l’acte allusif du maître ? Dans le récit, il est rapporté qu’ensuite il a compris où chercher son âme et son mental.
Puis Suzuki poursuit ainsi : « Pour les hommes ordinaires, cette sorte de perception est impossible, parce que leurs questions ne proviennent pas du fond de leur être. Les questions que soulève la raison trouvent leurs réponses dans les paroles, les mouvements et la gestuelle du maître. En d’autres termes, le maître oriente le mental du questionneur vers le lieu où il trouvera sa réponse.
Burton Watson (7) , traducteur du chinois et japonais dans le domaine de la littérature et de la poésie, écrit : « Décrire les spécificités qui distinguent le zen ou chan des autres écoles du Bouddhisme n’est pas un travail facile. Le nom zen signifie Dhya-na (8) ou introspection spirituelle par la méditation ; mais les autres écoles accordent aussi une importance égale sinon plus grande encore à cette sorte d’introspection. On peut même affirmer que dans le zen, l’introspection n’est nulle part recommandée comme un acte indispensable ». Il poursuit ainsi : « Ne rien avoir à dire » n’est pas la spécificité du zen. Et cela non pas parce que la réalité ou la vérité ne peut pas entrer dans le moule des paroles et des mots. »
Cette question a été traitée bien avant dans les traités du Madhyamaka (9) et dans les enseignements de Lao Tseu (10) .
Lao Tseu dit : « Ceux qui savent ne parlent pas. Et ceux qui parlent, ne savent pas ». Peut-être que la spécificité du zen réside bien en cela.
Dans les autres écoles du Bouddhisme, l’éveil ou buddhi est inaccessible aux hommes et l’on peut y parvenir par un effort patient et après plusieurs cycles de vie. Mais dans le zen, il existe un principe selon lequel l’éveil est une chose tout à fait naturelle, pouvant advenir à tout instant.
La méthode de base pour pouvoir devenir Bouddha est celle de la méditation d’introspection, car dans cette école les différentes formes à cet effet ont été exposées. Bien que l’individu puisse pratiquer l’introspection vigilante dans toutes les conditions, la méthode habituelle est qu’elle se fasse dans la position assise dite en tailleur (11) , l’illumination satori (12) ou le paroxysme de l’introspection peut survenir de façon graduelle ou soudaine.
Afin de développer la faculté imaginative et d’accroitre la conscience pour une meilleure contemplation dans le bouddhisme zen, les différentes écoles de cette doctrine ont mis en œuvre différents styles et méthodes. Ces méthodes comprennent les mondos, de courts échanges entre un maître et un disciple, ou des questions d’intérêt général, Koan (13) qui sont des illogismes ou des bizarreries, et qui ont été imaginées pour accélérer le dévoilement.
La secte des Linji (14) (japonais : Rinzâi (15) ) emploie la méthode appelée « méthode de la tempête », dans laquelle le blâme et les coups sont utilisés pour obtenir le réveil de la conscience. Alors que d'autres sectes, comme So-to-, (16) préfèrent une orientation calme et subtile.
Le zen et la question de l’homme
Selon Izutsu (17) , la préoccupation de la religion bouddhiste, en particulier dès le début de sa période formative, fut la question de l’homme. La philosophie bouddhiste qui a atteint sa maturité dès les premiers temps qui ont suivi la mort de Bouddha, s’est fixée impérativement comme sujet fondamental de méditation, l’homme en tant que « dépourvu d’âme ».
Cette position axiale de l’homme dans la méditation bouddhiste a été renforcée après la naissance et l’expansion du zen. Avec l’avènement de l’expérience pratique de l’illumination, le zen a renoué avec la problématique traditionnelle de l’homme qui sera exposée comme le problème de l’égotisme absolu.
A ce sujet, le zen, au lieu d’aborder la question de manière aristotélicienne en posant la question : qu’est-ce que l’homme ?, pose la question directement : « Qui suis-je ? » La question ici n’est pas celle de la quiddité de façon générale, elle implique la personne même qui se pose la question.
Izutsu avance, à ce propos, la démonstration suivante : « Chacun de nous, en tant qu’humain, avons conscience de nous-mêmes et des autres hommes autour de nous. Nous avons tous ou presque un avis particulier au sujet de la question : qu’est-ce que l’homme ? La philosophie classique occidentale de tradition aristotélicienne définit l’homme comme un animal raisonnable. Du point de vue du zen, cette notion, ne donne pas à connaître la réalité profonde de l’homme. Parce que dans cette définition, l’homme a une existence objective, extra-mentale. Or du point de vue du zen, la réalité ultime est le soi absolu. Ce n’est que cette représentation de l’homme appréhendable ontologiquement et par la contemplation qui correspond réellement à ce qu’est l’homme, et qui peut donner pleine satisfaction. »
Cette question a reçu une attention méritée tout au long de l’histoire du bouddhisme zen, parce que le zen était dès l’origine soucieux de porter l’homme de son soi relatif à un Soi absolu.
Cette représentation particulière de l’homme n’est rien d’autre que le résultat naturel de l’insistance spéciale que porte le zen sur l’expérience de l’illumination.
Relation pratique entre le mental et l’essence
La prétention fondamentale du zen est celle de la relation pratique du mental avec l’essence, entre la connaissance et le connu, de telle sorte que le moindre mouvement de l'âme entraîne un changement dans la réalité, quelle que soit sa dimension. Dans le zen, et de façon générale dans le bouddhisme, dans la relation entre l’âme et le monde, le facteur déterminant est l’âme. Globalement, on peut affirmer que la structure mentale détermine la structure du monde de la réalité. Enfin, si nous appréhendons, de façon floue ou partielle, que le monde visible n’est pas un monde réel, et que les phénomènes que nous observons ont une réalité qui ne nous est pas visible, il nous faut dès lors faire quelque chose pour la structure de notre conscience, et c’est une chose que le bouddhisme zen suggère de faire. On dit que le célèbre maître du zen, Nan-chuan (18) (en japonais Nanzen Fugan) de la dynastie des Tang, fit un signe vers une rose épanouie dans la cour et dit : il semble que les gens ordinaires ne peuvent voir cette rose qu’en rêve. Si la rose que nous voyons dans le jardin était semblable à une rose que l’on verrait en rêve, il ne nous resterait plus qu’à nous réveiller de notre rêve pour contempler une rose vraie. Ceci pour signifier que le transfert demandé pour voir la réalité des choses voit le jour dans le mental. Izutsu dit : « Le rapport semblable à ce qui a été dit à propos de la rose du jardin, s’observe dans la vie quotidienne entre le mental et la réalité. » Pour éclaircir ce point, il donne un exemple : Pour des personnes différentes, le monde et ce qu’il contient est conforme à leurs perceptions habituelles et leurs penchants et apparaît donc différemment à chacune des personnes. A titre d’exemple, la couleur d’une chose change en fonction des différents points de vue d’où on la regarde, ou sous une lumière artificielle, etc.
Une chose partagée, observée de différents points de vue sera différemment vue et perçue. Cela n’est pas le souci du zen ; son problème est ailleurs. La question du zen concerne le respect ou le non respect de la loi de l’identité. C’est-à-dire l’interprétation que ‘’A est A ‘’ (principe d’identité) qui est considéré comme le premier fondement de la première vie humaine dans le domaine empirique.
Les différences individuelles et personnelles dans l’expérience sensible des choses du point de vue du bouddhisme
Selon la vision du bouddhisme zen, les différences individuelles et personnelles dans l’expérience sensible des choses ne sont rien d’autres que les évènements qui surviennent dans la dimension cognitive de l’activité mentale naturelle. Cette dimension est cet espace où notre intellect effectue des tâches, comme associer ou distinguer ou composer, etc. Le principe ultime qui commande l’ensemble de nos activités mentales est la faculté estimative. Ce rendement principal de l’esprit est appelé Vikalpa (19) dans la religion bouddhiste et fait face à Prajna (20) , la « sagesse transcendante ». Par exemple, la même pomme pourrait apparaître différente pour plusieurs personnes, mais en dernière instance, « une pomme est une pomme », et pomme elle restera. En vertu du principe de l’identité : A est A et A n’est pas non-A. Une pomme ne peut pas être une non-pomme.
Le premier pas dans l’apprentissage de Vikalpa est la connaissance d’une chose telle qu’elle existe (par exemple savoir que A est A), et le fait de la distinguer des autres choses (tous les non-A). Cette connaissance, basée sur la distinction, la discrimination, est le commencement de toutes les étapes suivantes de l’activité mentale. Comme nous l’avions déjà dit, le bouddhisme zen met en cause la loi de l’identité. Lorsque A est vu comme A, son statut est connu comme solide et invariable, de telle sorte qu’il ne puisse pas être autre chose que A. C’est à dire qu’il possède l’essence du A.
Cependant, pour le zen, il ne suffit pas que la pomme ne soit pas vue comme pomme, mais il faut que rien ne soit vu. Autrement dit, la pomme doit être vue dépouillée de toute limite (définition). En réalité, elle doit être envisagée dans sa non-détermination. Pour que la pomme soit vue sous cet angle (dans cette forme), la pomme doit être vue avec le Mushin (terme technique japonais signifiant non-mental). Quand tous les atomes de la pomme susceptibles d’êtres perçus seront annulés, soudain la réalité extraordinaire de la pomme se montrera d’elle-même. Cette apparition s’appelle Prajna dans le bouddhisme.
Le non-mental
Le non-mental, Wu shin en chinois et Mushin en japonais, peut être traduit comme une forme mentale qui ne soit pas le mental, ou bien un cerveau qui soit dans un état de non-être. Mais il n’en est pas ainsi. Le non-mental est un état psychique dans lequel l'esprit se retrouve dans l’étape la plus élevée de déduction. Une étape dans laquelle l'esprit est au sommet de sa puissance et fonctionne en toute clarté. Comme cela est rappelé plusieurs fois dans les dits du bouddhisme : la conscience se manifeste dans le rayonnement parfait de sa propre lumière.
Le non-mental a joué un rôle considérable et constructif dans l’histoire culturelle de la Chine et du Japon. Au Japon, les importantes formes esthétiques comme la poésie, la peinture, la calligraphie, etc., se sont développées et ont été toutes plus ou moins sous l’influence du non-mental.
Et les nombreux récits courts, réels ou fictifs font partie aujourd’hui du patrimoine culturel. A titre d’exemple, les peintres qui peignent en noir et blanc au gré de leur inspiration. Ceux qui laissent courir leur pinceau sur le papier pour qu’il se déplace à sa guise sans que l’artiste ait conscience de son mouvement. Citons aussi un maître de musique jouant de la harpe qui a l’impression que ce n’est pas lui qui joue, mais que c’est la musique qui poursuit elle-même sa propre mélodie.
La structure de l’âme pratique (empirique)
On peut désigner la relation cognitive entre l’âme et l’objet extérieur du vaste regard empirique par le symbole SO. Ce raccourci signifie : « C’est ainsi que je comprends ». Le sujet grammatical S fait donc connaître la conscience de l’âme humaine au niveau de l’expérience sensible, et I (moi, je) en tant qu’essence, c'est-à-dire substance. Tant que l’âme empirique demeure au niveau empirique, elle n’aura jamais conscience d’un être supérieur à elle. Pour cette raison, partout et pour toute chose, le zen perçoit directement Tatha-garbha (21) , c'est-à-dire la matrice de la réalité absolue. Derrière chaque « moi », il existe une chose dont on peut formuler l’activité par le symbole S, c'est-à-dire I see (je comprends).
La parenthèse montre que cette action au niveau empirique est une sorte de conscience cachée. Par conséquent, on peut formuler la structure de l’âme empirique S ainsi : S ou Myself (moi-même) I See (je comprends) S, l’âme empirique pourrait être le centre réel de toutes les activités, parce que le principe occulté S agit toujours au moyen de l’âme empirique S. Ici, pour éclaircir la question, Izutsu dit : « On comprendrait mieux la quiddité de l’acte du ‘’moi, je comprends’’ (I SEE) si on la comparait avec une notion similaire dans la gnose islamique, précisément là où le Coran dit : « Ce n’est pas toi qui as lancé mais (en réalité) c’est Dieu qui a lancé. » (Sourate Al-Anfâl (Les butins) ; 8 : 17)
Ce niveau est totalement occulté et échappe à l’attention de l’âme empirique. La formule de la relation cognitive du sujet externe, objectif, est pareille à la formule précédente. Ici aussi, l’âme empirique n’est consciente que de la présence des choses et ces choses sont envisagées en tant que formes subsistantes par elles-mêmes. La formule présentant la structure interne O est la suivante : O) S) ou I SEE) This). Cette nouvelle formule indique que O est la seule chose ayant un modèle à l’extérieur. Mais derrière cette forme phénoménale (noumène) à caractère occulte, il s’exerce une activité que l’âme empirique ignore. Ici, il s’établit une relation entre le cerveau et l’objet, c'est-à-dire toute la séquence cognitive par l’intermédiaire de laquelle l’essence de l’âme subsistante en apparence, perçoit l’essence de l’objet externe (en apparence) subsistant par soi. Auparavant, nous avions indiqué cette question par la formule O S. Cette formule s’est élargie et se décrit ainsi : le S est l’âme empirique ; il n’y a rien d’autre qui soit que l’actualité (S) dans la relation entre le connu-inconnu avec O ou l’objet, qui lui aussi existe à cause du même S.
Toute cette étape existe dans le but que soit appréhendée l’actualité objective de « moi je comprends » (I SEE) ou S sans parenthèses. Le zen dit : même cette part de conscience de l’âme doit être évacuée de l'esprit. L’expression « non-mental » indique l’action pure de voir dans l’actualité instantanée et directe, où s’occulte l’acte éternel de comprendre (I SEE) sans parenthèses. Sur la base de l’analyse bouddhiste, derrière le S et derrière le O, le S est aussi caché. Finalement, toutes les choses doivent être conférées à un acte général, universel et très large du comprendre (SEE). Dans le zen, ce SEE n’est autre que la réalité finale et absolue qui se manifeste dans le mental humain qui vit dans la dimension sensible de l’existence. Le bouddhisme zen considère que l’introspection dans la position dite en tailleur est nécessaire pour connaître le soi authentique.
back to 1 Ou « voie de la connaissance » impliquant méditation et pratique ascétique dans le but de comprendre la réalité et de se débarrasser de l'illusion. [ma-rga (sanskrit : « chemin »)]
back to 2 Ou « voie de l'action » ; elle est explicitée par les Veda et les enseignements des brahmanes. Cette voie implique un respect des obligations imposées par sa caste ; les actions et les pensées dans cette existence terrestre actuelle déterminant ensuite la future incarnation.
back to 3 Ou « voie de la dévotion ». Cette voie est considérée comme plus aisée que la jn~a-na ma-rga et est aussi plus populaire. Elle comprend notamment l'identification de la personne avec une divinité particulière, le plus souvent Ra-ma ou Krishna. La Bhagavad-Gi-ta- est le premier grand texte de la bhakti. Krishna y affirme notamment : « Seulement avec amour, vous pouvez venir à moi ».
Le terme sanskrit Bhakti, traduit par "dévotion", fait référence à l'ensemble des pratiques spirituelles tournées vers la dévotion à la divinité. Le Bhakti-Yoga comporte neuf pratiques. Le dévot peut trouver des explications sur l'approfondissement de l'aptitude à la dévotion (Bhakti) dans la Bhagavad-Gîtâ et le Bhâgavata Purâna. C’est aussi l'une des trois voies de la réalisation spirituelle également appelée "libération" (Trima-rga), les deux autres étant le Jn~a-na Yoga et le Karma Yoga.
back to 4 Le Mondo (terme du bouddhisme Zen) « questions et réponses » est une collection enregistrée de dialogues entre un élève et son maître. (Certains enseignants vont jusqu'à demander à leurs élèves de déchirer leurs écritures.) Cependant, parfois les actes mondo (il manque un verbe) comme un guide sur la méthode d'enseignement.
Un exemple d'un mondo non-bouddhiste est le Sokuratesu-pas-mondo, traduction en japonais de la « méthode socratique », par laquelle Socrate a posé ses questions à des élèves afin d'obtenir la vérité innée de faits présumés.
back to 5 Daisetsu Teitaro Suzuki (18 octobre 1870 - 12 juillet 1966), japonais, est un auteur de livres et essais sur le bouddhisme, le zen et le shin qui ont joué un rôle dans la propagation de l'intérêt porté au zen et au shin en Occident. Suzuki a également été un prolifique traducteur du chinois, japonais et de la littérature sanskrite. Suzuki a également enseigné et donné de nombreuses conférences dans les universités occidentales et a été professeur pendant plusieurs années à l'Université Otani, une école bouddhiste japonaise.
back to 6 La province de Harima, aussi appelée Banshu-, est une ancienne province du Japon.
back to 7 Né à New York en 1925, Watson s'est spécialisé en études chinoises et japonaises et a obtenu son doctorat à l'Université de Columbia où le prix de la Médaille d’Or de la traduction lui a été offert en 1979. Le Prix de traduction PEN en 1981 pour sa traduction de l’Anthologie de la poésie japonaise, et un prix en 1995 pour la traduction d’une sélection de poèmes de Su Tong-po, font partie des autres prix qu’il a reçus. Watson a consacré beaucoup de son temps à la traduction de textes bouddhistes en anglais.
back to 8 Le zen est une forme de bouddhisme maha-ya-na qui met l'accent sur la méditation (dhya-na) silencieuse, ainsi que sur la posture dite de zazen.
back to 9 Le Madhyamaka, c'est à dire « Voie du milieu » ou « médiane ». Cette école vit le jour en Inde au IIe siècle et fait partie de l'une des deux principales écoles spécifiques du bouddhisme maha-ya-na. Un tenant de cette doctrine est appelé madhyamaka, tandis que madhyamaka est l'adjectif faisant référence à cette doctrine.
Dès son premier sermon, Bouddha a évoqué ce concept de voie médiane considéré comme un intermédiaire entre la complaisance sensuelle et la mortification.
back to 10 Lao Tseu, qui signifie « Vieux Maître », aurait été un sage chinois et un contemporain de Confucius. Ce dernier l'aurait d'ailleurs reconnu comme étant un maître et un être extraordinaire. Il a été considéré a posteriori comme étant le père fondateur du taoïsme. Nous ne disposons que de très peu d'informations historiques à son sujet, ce qui a même conduit certains chercheurs depuis la fin du XXe siècle à conclure qu'il ne serait qu'un personnage fictif et composite, et non proprement historique.
Le Livre de la Voie et de la Vertu lui étant attribué par la tradition est un texte central du taoïsme. D'autres courants considèrent aussi cet ouvrage comme important. Les sectes taoïstes considèrent Lao Tseu comme un dieu. Il est le plus souvent représenté sous la forme d'un vieillard à la barbe blanche, parfois sur un buffle. Las des dissensions politiques, il décida finalement de quitter son pays. Personne ne sait alors ce qu’il devint, mais selon certains, il ne serait jamais mort ou encore il se réincarnerait sous différentes formes pour transmettre le Dao.
back to 11 (Japonais : zazen) La position du tailleur est l'une des postures de base du yoga, idéale pour les exercices respiratoires. Jambes croisées, les pieds sous les genoux opposés, ischions au sol, la colonne vertébrale et la tête sont droites et alignées. Cette position qui est aussi appelée lotus (ou padma-sana) est utilisée dans la méditation bouddhique... Le public européen l’apprécie comme une « gym » venue d’Asie qui, non seulement favorise l'ouverture des hanches, étire la colonne vertébrale et assouplit les muscles des jambes mais qui surtout, réconcilie le corps et l'esprit, tout en douceur.
back to 12 Satori est un terme du bouddhisme zen faisant référence à l'éveil spirituel et signifie littéralement « compréhension ».
back to 13 Un ko-an est une phrase courte ou brève anecdote absurde ou paradoxale utilisée comme objet de méditation ou en vue de provoquer l’éveil par certaines écoles du bouddhisme zen. Le ko-an désigne un objet de méditation susceptible de provoquer le Satori, ou permettant le discernement entre l’éveil et l’égarement. Avec la posture assise, les ko-an sont actuellement l'un des outils d'enseignement principaux de la tradition Rinzai. Les premiers ko-an ont été rédigés dès le IXe siècle ; cependant, la grande majorité des ko-an a été compilée aux XIe et XIIe siècles. On en dénombre des centaines, qui sont de véritables témoins de plusieurs siècles de transmission du bouddhisme chan en Chine et du bouddhisme zen au Japon.
back to 14 Linji Yixua'n est le fondateur de l'école Rinzai du bouddhisme Chan durant la dynastie Tang en Chine.
back to 15 Avec So-to- et O-baku, l'école Rinzai est l'une des trois écoles du bouddhisme zen japonais.
Rinzai est la branche japonaise de l'école chinoise Linji, fondée par Linji Yixuan sous la dynastie Tang.
back to 16 L'école So-to- est actuellement l'école zen la plus importante du Japon. Elle comprend près de 15 000 temples, 18 000 prêtres et compte entre 7 et 8 millions d'adhérents. En tant que principale école du bouddhisme zen, elle s'est répandue aux E'tats-Unis et en France, et connaît un certain succès en Occident de manière générale.
back to 17 Toshihiko Izutsu (4 mai 1914 - 1 juillet 1993) était un professeur d'université et auteur de nombreux ouvrages sur l'islam et les autres religions. Il a enseigné à l'Institut des études culturelles et linguistiques à l'Université de Keio au Tokyo, l'Académie impériale iranienne de philosophie à Téhéran, et l'Université McGill à Montréal. Il est né dans une famille d'un propriétaire d'entreprise riche au Japon. Dès son jeune âge, il a été familier de la méditation zen et koan, puisque son père était aussi un calligraphe et un pratiquant bouddhiste laïc zen. En 1937, il devient assistant de recherche. En 1958, il a complété la première traduction directe du Coran de l'arabe vers le japonais. Sa traduction est toujours réputée pour sa précision linguistique et largement utilisé pour les travaux d'érudition. Il était extrêmement talentueux dans l'apprentissage des langues étrangères. Il acheva sa lecture du Coran un mois après avoir commencé à apprendre l'arabe.
back to 18 Maître Nansen : Nanquan Pu(yuàn, 748-835 ; en Japonais : Nansen Fugan ; il fut disciple et successeur de Ma(zu( Daoyi
back to 19 Le terme sanskrit Vikalpa désigne la connaissance indirecte qui se base sur les mots, la parole, la conceptualisation ou l'imagination et non sur l'expérience ou l'expérimentation.
back to 20 Le mot sanskrit prajn~a-, qui peut être traduit par « sagesse transcendante », ou même « gnose », est une notion centrale du bouddhisme. Ce mot signifie à l’origine « capacité cognitive » ou « savoir-faire » et dans le bouddhisme, il fait référence à la capacité de percevoir notamment l’absence de son propre soi (anatta) ainsi que le vide (sunyata) de toute chose. La prajn~a- permet d’atteindre la « sagesse transcendantale » (jn~a-na) transcendant le moi individuel fragmenté et limité.
back to 21 Le tatha-gatagarbha, désigne le germe renfermant la nature essentielle, universelle et immortelle qui se trouve dans tout être sensible. C'est ce germe qui est considéré comme étant la cause et le potentiel d’illumination (Nirva-na).
La gnose islamique ('irfân)
Le terme 'irfân a pour sens la connaissance et techniquement, il s’applique de façon absolue pour désigner spécialement la voie initiatique, la voie contemplative ou l’expérience ésotérique. Nous l’entendons ici au sens du dictionnaire Robert : « Philosophie suprême contenant toutes les connaissances sacrées, et par extension, savoir qui se donne comme le Savoir par excellence ». Les gnostiques croient que le domaine de connaissance de la gnose est plus vaste que celui de la raison. Cela signifie que pour atteindre le monde de la vérité et le sens profond de l’être, l’homme se voit proposer deux voies : l’une exotérique et l’autre ésotérique. Suivre la voie de l’apparence, celle suivie par les gens de l’opinion et de la démonstration, est relativement facile.
L’homme peut établir la démonstration de l’existence de Dieu par des voies diverses. Tout homme de raison a cette capacité, même si parmi les compétences des partisans de l’opinion, il existe aussi une grande disparité. La voie de la démonstration, l’apodictique, précède sans aucun doute la voie ésotérique et possède une antériorité essentielle sur elle. La réalité de la gnose est justement la voie initiatique et sa finalité est de parvenir à la jonction avec l’essence de l’être, ainsi que l’annihilation en Dieu. La station de l’aspirant à la voie est la dernière station de la voie qui consiste à s’éteindre dans l’unité (fanâ (1) ) et à subsister en Dieu (baqâ (2) ). Suivre cette station implique néanmoins que l’on préserve et observe scrupuleusement les commandements de la sharî'a (Loi), car l’ésotérisme est précédé par l’exotérisme. Pour cette raison, les gnostiques réalisés ont dit : avant d’avoir maîtrisé et consolidé la voie de la raison, la science de la philosophie et la théologie, il est impossible de rentrer dans la voie ésotérique et tant qu’une personne ne sera pas devenue un savant selon les critères de la Voie, elle ne pourra pas s’engager dans la voie initiatique.
La différence entre gnostiques et philosophes
Les différences entre les partisans de la philosophie théorique et les partisans du dévoilement gnostique comportent différents aspects et philosophie et gnose n'en ont pas moins certains liens. A titre d'exemple, le statut de validité du dévoilement est dépendant de la validité de la démonstration (logique). La méthode des gens du dévoilement permet de contempler le principe interne des choses sans la médiation de concepts et c’est pourquoi ils sont comptés parmi les gens de la certitude. Comme en atteste le Saint Coran : « C’est ainsi que Nous avons montré à Abraham le royaume des cieux et de la terre afin qu’il soit parmi les hommes de certitude » (Sourate Al-An’âm (Les bestiaux) ; 6 : 75)
L’homme réalisé voit l’unité dans la contemplation
Son premier regard porte sur la lumière de l’être
Le cœur qui a vu la lumière pure de la connaissance
En toute chose qu’il voit, voit d’abord Dieu
Tout l’univers provient de Sa lumière
Comment irait-Il se montrer dans l’univers ? (3)
Mohaqqeq râ ke vahdat dar shuhûdast
Nakhostîn nazreh bar nûr-e vojûdast
Delî k-az ma’refat nûr o safâdîd
Be har chîzî ke dîd avval Khodâdîd
Hame âlam ze nur-e U^-st peydâ
Kojâ U gardad az âlam hoveydâ
Le guide des gens de la contemplation est Dieu, exalté soit-Il, qui effectue la jonction de leur être intérieur (bâtin (4) ) avec le Royaume céleste, afin qu’ils voient la Réalité avec leurs yeux intérieurs. Cette science qui s’appelle « l’œil de la certitude » (5) ou la « réalité de la certitude » (6) n’abolit pas et ne rend pas vaine la science acquise ou déduite par la démonstration, « la science de la certitude » (7) .
Un savoir qui est compatible avec la réalité est un savoir souhaité et recherché comme une lumière. Mais le savoir acquis par la porte de la contemplation possède un degré supérieur à celui de la science acquise par l’enseignement traditionnel. La science est pareille à l’être et à la lumière, et se dit de façon analogique. Elle peut être faible, moyenne, forte ou très forte.
'Allâmeh Hassan Zâdeh Amolî (8) écrit à propos de la relation entre la démonstration et la gnose : « Prendre la plume pour réfuter la connaissance intellectuelle, continuer à tirer un trait sur les manifestes de défense de la logique, penser que la religion de Dieu doit être séparée de la gnose et de la philosophie, est une grande injustice. En même temps, ne pas faire la distinction entre les deux sortes de source dont est pourvue la connaissance est un propos laxiste. Jamais les hommes n’ont pu se passer de la logique et de la démonstration, pas plus que de la révélation et de la prophétie. En supposant que quelqu’un veuille rejeter la logique ou la philosophie, il devra le faire avec un argument, or l’argument fait lui-même partie de la philosophie et de la logique. Par conséquent, établir une argumentation pour réfuter les sciences rationnelles au moyen de preuves revient à aller en guerre contre l’argumentation. Bien qu’aucun savoir ne possède de fondements aussi précieux et bien fondés que la science de la connaissance de Dieu, celui qui ne possède pas cette connaissance ne possède ni ce monde ni l’Au-delà. Mais comme dit le gnostique au philosophe : « Il faut regarder Dieu avec les deux yeux, car Il est au-dessus de la transcendance et de l’immanence ».
De même, la vérité est que les connaissances et les sciences doivent être étudiées avec les deux yeux de la raison et de la gnose, car les deux sont fondées sur la logique et la démonstration.
Gnose théorique ('irfân nazari) et gnose pratique ('irfân 'amali)
La gnose pratique est la pratique d'exercices spirituels sous la conduite d’un maître, qui aide un homme ou une femme à atteindre à la contemplation (station de l’unification) et cette pratique insiste sur le principe de l’être, de l’existence. En réalité, la gnose pratique consiste à gravir les étapes qui mènent à l’unification avec Dieu.
Ces étapes sont appelées demeures (manâzil) ou stations (maqâmât). Ces mots sont employés parfois comme des synonymes, mais il faut se rappeler que la station est plus durable que la demeure qui est une étape transitoire.
Khâjeh Abdollâh Ansârî (9) a écrit un ouvrage célèbre qui a été beaucoup enseigné, et qui s’intitule Manâzil al-Sâ’irîn (10) (les demeures de ceux qui marchent vers l’Union), traduit en français par Les cents étapes, par Serge de Beaurecueil (11) .
Quant à Ibn Sînâ (12) , le célèbre Avicenne, grand philosophe et grand médecin, il a aussi écrit un ouvrage intitulé Maqâmât al-'Arifîn (les stations des gnostiques).
Au sujet du nombre de ces étapes, il existe beaucoup d’opinions. Certains les estiment à mille et d’autres à cent. La première est celle de l’éveil (yaqzah), celle où l’aspirant se réveille et met un terme à son indifférence envers les choses divines. Ce cheminement se poursuivra jusqu’ à l’étape de l’anéantissement en Dieu. Ce « voyage » initiatique se déroule en quatre étapes selon le philosophe iranien du XVIIe siècle, Mollâ Sadra Shîrâzî (13) qui a consacré un immense ouvrage à ce sujet, intitulé Al-Asfâr al-Arba’a (14) , c’est à dire le livre des Quatre voyages.
Le voyage signifie l’action qu’accomplit l’homme quand il se met en mouvement pour quitter sa patrie et se diriger vers sa destination, en traversant des étapes. Un sens du mot voyage est formel et apparent, comme le sens propre du mot voyage l’indique. Une autre signification figurée désigne le voyage spirituel. Ce voyage spirituel a lieu en quatre étapes :
Voyage de la création vers Dieu (al-Haqq)
Dans ce voyage, l’aspirant rompt avec la création et se met en mouvement vers Dieu. Il écarte les voiles obscures ou lumineuses qui se dressent entre lui et sa réalité.
Voyage par Dieu en Dieu
Dans ce voyage, l’aspirant est parvenu à la station de la sainteté et son être est devenu conforme à la volonté de Dieu (haqqânî). Il poursuit donc son voyage avec une étape nouvelle qui commence de la station de l’Essence en direction des perfections, jusqu’à atteindre la station de la science de tous les Noms, exceptés ceux des Noms que Dieu a gardés pour Lui et n’a pas révélé aux hommes.
Voyage de Dieu vers la création
Après avoir fait son initiation auprès des Noms et attributs divins, l’aspirant prend la couleur « divine » et il prend le chemin du retour vers la création.
Voyage dans la création avec Dieu
Après que l’aspirant soit retourné vers les créatures aux fins de les orienter et de les guider, il s’efforce d’entraîner tout le monde en direction de Dieu. Il enseigne aux autres ce qu’il a appris et les met au courant de tous les obstacles qu’il a rencontrés sur la voie de Dieu. Il y a un point intéressant à noter : c’est que le gnostique réalisé ou l’aspirant qui a achevé son voyage ne va pas se retirer et s’isoler du monde dans une cellule. Il n’a pas que le souci de lui-même, mais se mobilise pour conduire les autres à la Vérité. Par conséquent, si un aspirant de la voie initiatique se replie sur lui-même, ne s’occupe pas des autres personnes et ne fait rien afin de les orienter et les guider, son parcours sera considéré comme insuffisant, imparfait.
La gnose théorique, expression de la vision gnostique du monde
La gnose théorique élabore et expose la vision du monde particulière qui est celle des gnostiques par opposition aux autres Weltanschauungs (15) (conception du monde d’un point de vue métaphysique). En d’autres termes, la gnose théorique expose les visions des grands maîtres spirituels qui fixent par écrit ou par enseignement oral le savoir qu’ils ont acquis ou que leurs maîtres leur ont transmis et qui à la longue finissent par définir les principes fondateurs de la gnose universelle. Cet enseignement est ensuite mis à la portée des autres qui en prendront connaissance par l’étude. La vision du monde de la gnose n’est en réalité qu’une explicitation de la vision du monde de la religion, c'est-à-dire des enseignements révélés aux prophètes par Dieu. Par exemple, toute l’œuvre d’Ibn 'Arabî (16) est un immense commentaire du Coran. Il en va de même du Mathnawî (17) de Mowlânâ Jalâl ad-Dîn Rûmî, dont on a aussi dit que c’était le commentaire du Coran en langue persane.
Pour les grands gnostiques de l’islam, le Coran est la preuve que l’on peut parvenir aux plus hauts sommets de la perfection par la religion. Parmi ces grands hommes, on peut citer Ibn 'Arabî, l’auteur des Fusûs al-Hikam (18) et des Futûhât al- Makkiyya (19) , ou encore Ibn Sînâ qui a apporté des preuves de cela dans son célèbre Kitâb al-Ishârât wal-tanbîhât (20) , traduit en français par Livre des directives et des remarques, en particulier dans les chapitres 8 et 9 consacrés à l’examen de la prophétie. Il y a fait preuve de subtilité et d’une capacité exceptionnelle pour parler de la question gnostique. On peut aussi mentionner tous les maîtres issus de l’école d’Ibn 'Arabî, comme Afzaluddîn Turka Isfahînî (21) , auteur du Qawâ’îd al-Tawhîd (22) , son petit-fils Sâ’in al-Dîn Ibn Turka (23) , auteur d’un commentaire du précédent, intitulé Tamhîd al-Qawâ’id (24) , ainsi que Shams al-Dîn Fanarî (25) , savant de l’époque Ottomane, auteur du Misbâh al-Uns (26) , et enfin Haydar Amolî (27) et Mollâ Sadrâ Shîrâzî. Tous ces auteurs sont encore lus et enseignés dans beaucoup d’universités du monde, y compris en Occident.
La gnose pratique est le domaine où se vérifie la gnose théorique
C’est la gnose pratique qui alimente et entretient la gnose théorique. Et celle-ci explicite aussi les questions de celle-là. Un point qui mérite attention à ce sujet est le fait que la gnose islamique se fonde sur la Révélation coranique. On ne perd jamais de vue que la racine, la source première de la gnose en islam est le Coran et les traditions de l’Envoyé de Dieu et de sa Famille. Par exemple, l’idée de l’unité de l’être (wahdat al-wujûd) signifie que le principe un et authentique, est l’origine de l’ensemble des créatures et des déterminations et embrasse tous les actes.
Cette idée se fonde sur le verset : « Il est le Premier, Il est le Dernier, l’Apparent, la Caché » (Sourate Al-Hadîd (Le fer) ; 57 : 3). Et aussi sur le verset : « Ne sont-ils pas dans le doute quant à la rencontre de leur Seigneur ? Est-ce que Son regard n’embrasse pas toute chose ? » (Sourate Fussilat (Les versets détaillés) ; 41 : 54), puis le verset : « Et Il est avec vous où que vous soyez » (Sourate Al-Hadîd (Le fer) ; 57 :4) et aussi : « Et Nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire » (Sourate Qâf ; 50 :16).
Dans la tradition et notamment dans le Nahj al-Balâgha (La voie de l'éloquence) rassemblant les paroles de l'Imâm 'Ali (as), on peut aussi citer :
« Il pénètre les choses sans s’y mélanger, et Il en sort, sans s’en éloigner »
« Je n’ai jamais vu de chose sans que j’y vois Dieu, avant elle, après elle, avec elle et en elle. »
La représentation de la descente (création ou procession de l’être) et de la remontée (retour à Dieu), par deux arcs est appuyée par les versets : « Nous sommes à Dieu et sûrement c’est vers Lui que nous retournons ». (Sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 156) et : « et que tout aboutit, en vérité, vers ton Seigneur » (Sourate Al-Najm (L'étoile) ; 53 : 42) ; ou : « C’est vers ton Seigneur qu’est le Retour final » (Sourate Al-‘Alaq (L'adhérence) ; 96 : 8)
Il n’est donc pas nécessaire de s’appuyer sur des sources extérieures à l’islam, comme les cultures, les écoles ou mêmes les autres religions, comme la philosophie de Plotin, la gnose bouddhiste ou la gnose chrétienne… pour trouver les sources de la gnose islamique.
Cela n’empêche pas que lorsque l’on expose la doctrine islamique, on puisse faire appel à des termes spécifiques empruntés puisque le but est de faire connaitre aux autres la conception musulmane. Les grands doctrinaires des autres cultures ont forgé un vocabulaire que chacun peut reprendre à son compte quand c’est pour des raisons de commodité d’expression.
Cela n’implique donc pas toujours nécessairement une « influence ». Comparaison n’est pas raison. La spiritualité musulmane a sa propre force dont témoigne le niveau sublime qu’elle atteint et qui lui est reconnu par les grands savants.
Chaque fois que les hommes ont considéré l’être avec philosophie, ils ont tenu les mêmes propos, et sont parvenus à des conclusions semblables parfois similaires. Sans parler de ce que beaucoup de similarités ne sont que des traces de l’enseignement des prophètes qui ont prêché parmi ces différentes nations.
Aspects communs entre la gnose islamique et le bouddhisme zen
Certains de ces aspects consistent en ces points :
L’Eveil
L’éveil dans la spiritualité islamique est le moment décisif de la résolution et de l’attention de se réveiller du sommeil de l’indifférence. C’est le moment où le voyageur vers Dieu prend la route. Cette étape ressemble à l’illumination soudaine (satori) dans le bouddhisme zen. Comme nous l’avions expliqué dans la première partie, l’aspirant (sâlik), dans la position assise en tailleur, s’adonne à l’introspection (zazen) en méditant sur un ko-an (une question particulière) qui lui a été assigné par son maître et poursuit l’illumination soudaine (satori).
2)- L’introspection
Pour la spiritualité musulmane, l’introspection signifie que le voyageur doit surveiller ses comportements et ses états avec une vigilance spéciale afin de poursuivre sa route et ne pas se laisser séduire par des promesses illusoires.
L’introspection spirituelle n’a pas le même sens et ne porte pas sur le même thème. Elle dépend des étapes à traverser et du degré atteint par l’aspirant. Par exemple, à ses débuts, il devra apprendre à abandonner « ce qui ne le regarde pas » et se débarrasser définitivement de ce défaut.
Il devra maîtriser ses comportements et se conformer totalement aux ordres de Dieu, en paroles et en actes, pour obtenir l’agrément divin. La vigilance portera parfois sur l’étape, parfois sur lui-même et parfois sur un sujet supérieur comme les Noms et attributs divins.
Dans le zen, il existe une sorte d’introspection particulière que l’on peut considérer comme spécifique au zen. Le zazen signifie la pratique de l’introspection dans la position assise en tailleur. Dans cette position, l’aspirant s’efforce de parvenir à porter un regard sur son soi intérieur et à apprendre à voyager dans l’espace intérieur de sa personnalité.
La différence principale entre ces introspections consiste dans la limite illicite et leur continuité. Dans le bouddhisme zen, le zazen (position) est une forme particulière qui n’a pas de continuité, limitée dans le temps. Dans l’islam, l’introspection prend un sens dans sa relation avec la notion de « présence » ou de « perception de la présence » et par conséquent, elle est continue. Celui qui voyage vers Dieu est constamment dans l’introspection.
Il est vrai qu’il existe une étape dans laquelle l’aspirant « abandonne » l’introspection parce que la spiritualité islamique se définit aussi comme l’abandon des habitudes. Il s’agit seulement de ne pas agir par habitude. L’aspirant doit aussi se rappeler que c’est Dieu qui agit à travers lui : par conséquent, il devra confier à Dieu sa propre introspection.
Dans ce cas, les deux spiritualités trouvent une autre convergence.
3)- Le besoin d’un maître
La pensée spiritualiste de l’islam considère comme nécessaire et indispensable pour l’aspirant d’avoir un maître accompli et compétent, afin de mener son voyage sans risque. Le maître connaît les capacités et l’aptitude du murîd (28) pour la voie spirituelle avant de décider de le prendre en charge pour le guider.
Dans le zen, aussi, les disciples sont dans des couvents sous la surveillance d’un maître spécial qui leur fait appliquer le zazen et l’introspection.
Il les oriente au moyen de courts aphorismes ou récits allusifs servant de matière à penser et aussi en leur confiant des exercices de ko-an (question particulière), tout cela dans le but de les faire parvenir à l’illumination (satori).
Comme nous l'avons évoqué dans la première partie, une grande partie de la littérature du zen est constituée par les échanges courts en maîtres et disciples. Ces mondos ont pour objectif de susciter une sorte de conscience et de perception soudaine par l’activité mentale du questionneur, ou de mesurer le degré de la perspicacité de ce dernier. Pour ce motif, si ces questions sont traitées, leur effet se dissipera. La personne devra sans tarder comprendre l’allusion. L’intérêt spécifique de ces mondos est de servir de modèles.
Le sujet du ko-an
Le sujet du ko-an est l’introspection. Il se compose des éléments suivants :
Certains mondos anciens qui sont connus.
Des séquences de soutra bouddhistes.
Des extraits précis des échanges avec les maîtres.
De brefs récits exprimant des aspects différents des maîtres.
Le ko-an paraît en premier lieu comme dénué de sens et irrationnel. Mais les maîtres du zen sont convaincus que chaque ko-an présente une structure à double dimension : d’un côté, il présente une signification philosophique simple, connaissable par la raison. Et d’un autre côté, il est quelque chose d’irrationnel qui vise à donner au disciple un choc psychique.
A titre d’exemples, voici deux ko-an:
Un jour, Chao chu tomba au sol sur la neige. Il poussa un cri : Au secours ! Aidez-moi à me relever ! Aidez-moi à me relever ! Un moine vint et s’allongea à ses côtés. Chao chu se leva et partit.
L’eau s’infiltrait du toit de la maison dans la chambre. Le maître chargea deux moines d’apporter des ustensiles pour recueillir l’eau. L’un apporta un seau et l’autre un panier. Il blâma beaucoup le premier et encouragea le second.
Zazen (l’introspection en position assise) est la voie à pratiquer pour résoudre un ko-an. La pratique du zen est d’abord une pratique du zazen. Les disciples consacrent des heures entières du jour à cet exercice et accordent beaucoup à la manière de s’asseoir et de respirer.
back to 1 (en arabe et en persan :فناء), évanescence dans le vocabulaire du soufisme, il désigne l'étape où le mystique parvient à se détacher des objets sensibles avec l’extinction de ses attributs humains. Le fanâ' permet d’éviter de contourner le thème de la fusion mystique entre l'homme et Dieu qui heurte la sensibilité exotérique.
back to 2 (en arabe et en persan :بقاء ), subsistance, étape où le mystique atteint un haut degré de perfection et reçoit la permission de « subsister » en Dieu. C’est la dernière étape du voyage mystique, le sâlik y est à la fois dans le monde et avec Dieu.
back to 3 Sheikh Mahmûd Shabestarî, Golshan-e Râz, Chapitre 4
back to 4 (en arabe et en persan: باطِن), occulte ; ésotérique. Il désigne ce qui est intérieur, intime, caché. Les spirituels professent normalement une lecture ésotérique du Coran, complétant la lecture externe.
Il s’agit simplement de l’herméneutique. Certains orientalistes en ont donné des significations exagérées prêtant à des sectes musulmanes des intentions de jouer avec le sens apparent du Coran. Le mot bâtin fait référence au ventre (batn) et le mot zâher (l’apparence) fait référence au dos (zahr).
back to 5 ’eyn-ol-yaqin
back to 6 ‘haqq-ol-yaqin
back to 7 ‘ilm-ol-yaqin
back to 8 Hassan Tabarî, fils de Abdollah Tabarî Amolî, connu sous le nom d'Ayatollah Hassan Hassan-Zâdeh Amolî (né en 1929 à Amol, ville située au nord de l’Iran) éminent religieux, médecin et mathématicien.
back to 9 Khâjeh Abdollâh Ansârî, maître spirituel (né à Herat, en Afghanistan, en 396 de l’Hégire /1006). Il compte parmi les grands maîtres du soufisme et ses recueils en vers parmi les chefs-d’œuvre de la littérature persane. Il est aussi juriste, exégète, maître en hadîths, historien estimé et poète accompli. En 423/1031, il rencontre, le grand Sheikh al-Kharaqânî, dont il devient le disciple. Il est connu pour son opposition au kalâm, la théologie classique.
Quand il mourut en 481/1089, dans sa ville natale, il fut gratifié du titre de Sheikh al-Islâm. Ses nombreux ouvrages dont Tabaqât al-Sûfiyya et Manâzil al-Sâ’irîn sont encore étudiés et commentés aujourd’hui.
back to 10 Manâzil al-Sâ’irîn, célèbre ouvrage de référence dans le soufisme, écrit par Khâjeh Abdollâh Ansârî et traduit en français sous le titre Les étapes des itinérants sur le chemin de Dieu, a été maintes fois commenté. Il sert de guide aux chercheurs car il décrit les cent étapes du « voyage » spirituel, dites les manâzil.
back to 11 Missionnaire chrétien né en 1917 à Paris, mort en 2005. Au Caire, de 1946 à 1963. Il s’installa en Afghanistan en 1970. Il s’est intéressé à l’œuvre du mystique de Herât, Ansârî, et en a traduit les Cent étapes, (Manâzil al-Sâ’irîn).
back to 12 Abû ‘Ali Hossein ibn ‘Abdollâh ibn Sînâ (en persan :ابن سينا/ en arabe : ابو عل? الحسين بن عبد الله بن سينا), (7 août 980 / juin 1037), Sheikh el-Raïs (prince des savants) pour ses disciples, Avicenne pour les occidentaux, est un grand savant iranien, à la fois philosophe et médecin alchimiste, astronome... Ibn Sînâ est considéré comme l’un des plus célèbres scientifiques du monde islamique de tous les temps et de tous les lieux, le troisième Maître, après Aristote et Al-Fârâbî. La plupart de ses livres ont été rédigés en arabe classique, la langue savante de son temps. Son œuvre principale, le Canon de la médecine, (al-Qânûn fî al-Tibb), a été enseignée dans les universités occidentales jusqu'au début du XIXe siècle.
back to 13Sadr al-Dîn Muhammad ibn Ibrahîm ibn Yahya al-Qawamî al-Shîrâzî, connu sous le nom de Mollâ Sadrâ, est un philosophe iranien chiite, né à Shîrâz en 1571 et mort en 1640. E'lève de Mir Dâmâd et Mir Fendereskî, il est l’auteur du monumental traité philosophique en arabe, dont le titre abrégé est Les Quatre Voyages (Al-Asfâr al-Arba’a). Il a enseigné à Shîrâz. C'est là que s’est développée l’école de Shîrâz, qui a pris le relais de celle d'Ispahan.
Son œuvre a intéressé l’orientalisme. C’est surtout le philosophe français Henry Corbin qui a contribué à le faire connaître en Occident en publiant ses textes et en traduisant certains autres. Corbin a vu en Mollâ Sadrâ, l’aboutissement parfait de la théosophie. A la philosophie classique grecque et arabe, il intègre la Sagesse orientale de Sohrawardi d’Alep et celle d'Ibn Arabî dans sa propre philosophie qu'il nomme Hikmat al-Muta'âliyyah, la sagesse transcendantale. Les philosophes ne font pas l’unanimité sur ce jugement. Mollâ Sadrâ meurt à Basra en 1640 (1050 Hégire) sur le chemin de son septième pèlerinage à pied à La Mecque.
back to 14 Les Quatre Voyages, est le plus important livre de Mollâ Sadrâ. Considéré par certains comme le plus grand ouvrage de philosophie musulmane. C’est l’œuvre de philosophie la plus enseignée dans les écoles traditionnelles en Iran.
back to 15 Terme des philosophes allemands désignant la vision globale du monde.
back to 16 Ibn 'Arabî, Muhyî al-Dîn, surnommé le Sheikh al-Akbar, le plus grand maître. Né à Murcie, en Andalousie almohade en 1165 et mort à Damas ayyoubide, en 1240. Célèbre mystique considéré comme le plus grand maître de la spiritualité musulmane. Il est l'auteur de centaines d'ouvrages. Les plus célèbres sont le monumental Futâhât al-Makkiyya (Les révélations de La Mecque) et le Fusûs al-Hikam (les chatons de la sagesse). Son œuvre nourrit la pensée musulmane depuis plus de 7 siècles. Elle est de plus en plus étudiée en Occident, exerçant une influence puissante sur les esprits.
back to 17 Œuvre en distiques de Jalâl ad-Dîn Rûmi basée sur des récits d'initiation mystique. Elle contient près de 30 000 vers.
back to 18 Ouvrage d'Ibn 'Arabî, sans doute le plus lu et le plus commenté (plus de 300 commentaires écrits). Il y expose une typologie de la prophétie fondée sur la dialectique des Noms divins.
back to 19 Célèbre ouvrage d'Ibn 'Arabî, qui est son opus magnum, exposant en détail son enseignement. Les Futuhât contiennent 560 chapitres et fournissent les clefs du Fusûs al-Hikam.
back to 20 Livre des Directives et Remarques, livre d'Avicenne, traduit en français par A-M. Goichon. Avicenne y expose entre autre, sa philosophie prophétique. En un seul volume, cet ouvrage est moins long que le Kitâb al-Shifâ, traité philosophique principal d’Avicenne.
back to 21 Un des membres d'une grande famille originaire du Khojand en Transoxiane qui a eu le surnom de Turka (mort au début du XIVe siècle). Il aurait traduit en persan le Kitâb al-Milal wal-Nihal (le livre des religions et des sectes) de Shahrestâni.
back to 22 Ouvrage composé par Abou Hamed Turka Isfahânî, (mort vers 698 de l’Hégire / 1300), transfuge de l’avicennisme qui a rejoint la doctrine de l’unité de l’être, wahdat al-wujûd. Probablement disciple de Qûnawî, disciple direct d’Ibn 'Arabî.
back to 23 Arrière petit-neveu de Turka Isfahânî. Commentateur du Qawâ’îd al-Tawhîd, de son arrière oncle.
back to 24 Tamhîd al-Qawâ’id, titre du commentaire écrit par Sâ’in al-Dîn Esfahânî sur l’ouvrage de son grande oncle Abû Hâmed Turka Isfahânî, intitulé Qawâ’id al-Tawhîd.
back to 25 L'un des derniers grands commentateurs akbariens de la Turquie Ottomane. Il vécut et mourut à Bursa, ancienne capitale avant la prise de Constantinople. Son ouvrage le plus connu est le Misbâh al-Uns, commentaire du Miftâh al-Wujûd de Qûnawî. Mort en 1435.
back to 26 Commentaire du Miftâh al-wujûd, traité de Qûnawî par Shams al-Dîn Fanarî, ouvrage enseigné encore dans les universités religieuses en Iran.
back to 27 Bahâ al-Dîn bin Ali bin Seyyed al-‘Ubaydî al-Husaynî al-Amolî, (né en 720/1220 – mort après 794/1393) doit sa célébrité dans le monde occidental à Henry Corbin qui, à raison, a vu en lui un des grands penseurs iraniens de la période post-mongole. Il est l’auteur d’un commentaire chiite du Fusûs al-Hikam, intitulé Nass al-Nusûs, édité et publié en partie par H. Corbin. Il est aussi l’auteur du Jâmeh’ al-Asrâr wa Manba’ al-Anwâr. Il a considéré que le soufisme était le vrai chiisme. Il n’a pas été très lu dans l’Iran chiite et c’est H. Corbin qui a fait connaître ses œuvres dont les manuscrits sont rares en Iran.
back to 28 (en persan : morid مر?د) signifie: celui qui aspire. Dans le vocabulaire soufi musulman, ce mot désigne le disciple en quête de la Vérité.
L’extinction
Dans la spiritualité islamique, l’extinction est la dernière étape de la voie menant à Dieu. Dans la station de l’extinction, l’aspirant est arrivé à la demeure de stabilité, destination finale de la voie initiatique.
Dans cette station, l’aspirant renie non seulement tout ce qui est autre-que-Dieu, mais en plus il ne les voit pas, pas plus qu’il ne se voie, pour avoir à les nier. Car démontrer ce qui est « prouvé » et nier ce qui est « nié par nature » sont deux choses. Et cette quantité numérique, cette multiplicité ne sont pas compatibles avec l’unité de contemplation. Le fait est que la station de l’extinction n’est pas la dernière cime de la perfection de l’aspirant. Il devra aussi s’éteindre dans l’extinction.
La mort de l’ange de la mort et la mort du principe de la mort, qui sont évoquées dans les « haltes » (stations intermédiaires) de la grande résurrection, sont deux puissants témoins de l’extinction de l’extinction. Parce que le sens de la mort de l’ange de la mort et de la mort de la racine de la mort est celui de la disparition et de l’extinction de la cause originelle du changement et des transformations, ce qui est comme la négation dans la négation qui signifie affirmation.
Donc la mort de la mort et la mort de l’ange de la mort équivalent à la réalisation de l’affirmation, de la subsistance, de l’éternité qui échappe à l’évanescence. Cela n’est donc pas l’anéantissement de toute chose car dans cette hypothèse, le principe de l’extinction est évacué au lieu de gagner en hégémonie.
Il existe deux écoles importantes dans le bouddhisme : Mahayana (1) (grand véhicule) et Hinayana (2) (petit véhicule).
Dans l’école Hinayana, on appelle Arhat (3) celui qui est parvenu au Nirvâna (4) . L’accès à cette station n’est ouvert qu’aux prêtres et les hommes ordinaires n’ont pas la possibilité d’y parvenir.
Le bouddhisme zen est une branche du bouddhisme Mahayana. L’idéal de Boddhisattva se pose alors. Et il consiste à parvenir à la station du Nirvâna, pas seulement en vue d’assurer son propre salut, mais pour essayer d’assurer le salut de toutes les créatures. Rappelons que la station de « subsistance après l’extinction » est l’un des points saillants de l’enseignement de la spiritualité islamique.
Points de divergences entre la gnose musulmane et la gnose zen
L’Unité divine
La gnose islamique se caractérise principalement par l’accent qu’elle met sur le monothéisme absolu et sur la sainteté. Gravir les échelons qui mènent à l’union avec Dieu revient à gravir les degrés du monothéisme. Le mystique a pour tâche de percer le voile du monde de la multiplicité et de la différence. En écartant petit à petit ce voile, il débouche sur ce qui est réel et authentique, comprend le sens de l’extinction et devient un monothéisme réalisé. Comme le dit le Coran : « Il est le Premier et le Dernier, l’Apparent et le Caché » (Sourate Al-Hadîd (Le fer) ; 57 : 3).
'Allâmeh Hassan-Zâdeh Amolî dit : « La réalité est que le sens de la religion est la gnose par Dieu, et la connaissance de Dieu. [Celui qui possède] la connaissance de l’être et des paroles de l’être est aussi une connaissance. C’est cela la réalité de la gnose et le gnostique s’efforce aussi d’atteindre une telle station. La réalité est que Celui qui est connu dans la noble science de la gnose est Dieu, exalté soit-Il, ainsi que Ses plus beaux Noms.
Dieu, exalté soit-Il, est une Essence sacro-sainte conforme au verset : « Rien n’est à Sa semblance. » (Sourate Al-Shûra (La consultation) ; 42 : 11). La connaissance gnostique est donc d’une valeur inégalée et l’homme parfait est un miroir de cette unité sans pareille. En effet, la station de tout être humain dépend de sa connaissance et l’étendue de toute science dépend de son sujet.
Sheikh Sadûq (5) , grande figure du chiisme, a rapporté que l’Envoyé de Dieu (s) avait dit : « Je n’ai pas dit, et personne avant moi n’a dit, mieux que : il n’y a pas d’autre divinité que Allah ». Il est évident que ce qui est visé par le Prophète de l’islam (s), par « personne avant lui », ne concerne pas seulement les prophètes venus dans ce monde avant lui, mais bien aussi tous les saints et les amis de Dieu ainsi que tous ceux qui ont prêché le monothéisme avant lui. De même, il est clair que cette déclaration de l’Envoyé de Dieu (s) ne signifie pas que ces personnes qui ont prêché le monothéisme s’exprimaient en arabe, parce que les prophètes et envoyés étaient nombreux à parler une autre langue que l’arabe, comme le syriaque ou l’hébreu. Par conséquent, la signification du hadith est que le contenu de la formule « Il n’y a de Dieu qu’Allah » est réel, que ce n’est pas moi qui l’ai apporté, pas plus que les hommes parfaits qui ont vécu avant moi n’en ont présenté de pareil. »
Il a été rapporté que l’Imam Bâqer (6) (as) avait dit : « L’ange Gabriel est venu à l’Envoyé de Dieu et lui a dit : « O Mohammad, Bonne annonce à ceux qui dans ta communauté disent : Il n’y a pas d’autre divinité que Dieu, Lui seul, Lui seul, Lui seul. L’unité trois fois répétée de l’unité semble exprimer l’unité de l’Essence, celle des attributs et celle des actes, c'est-à-dire : il n’y a de divinité que Dieu, par l’Essence, que Lui par les attributs, et que Lui par les actes. »
Dans le bouddhisme, la perte des enseignements de l’unité divine est perceptible. Beaucoup de chercheurs et de spécialistes occidentaux des religions sont de cet avis que Bouddha a parlé de Dieu. Cependant, certains des spécialistes de la religion ne sont pas d’accord sur ce sujet et pensent que dans la religion bouddhiste, Dieu n’est connu que sous le rapport de Sa non-détermination. Cette question demande une enquête et une attention indépendante le moment venu. Quoi qu’il en soit, la clarté de la position du bouddhisme vis-à-vis de la question de l’unité divine, en a fait un motif adéquat de la part du groupe mal intentionné des athées occidentaux qui cherchent un substitut pour préserver la tranquillité des hommes, après l’évacuation de Dieu de leur vie privée et intime.
Ils ont vu dans le bouddhisme zen une réponse à leur attente, et ont travaillé à le faire connaître comme un substitut à la croyance en Dieu.
La non-conformité de l’enseignement du zen aux paroles et aux textes sacrés
L’auteur de l’article sur l’école de l’introspection, dans l’Encyclopédie de la religion, dit : « L’enseignement du zen ne s’appuie par sur des paroles ou des textes sacrés, mais sur une transmission hors des enseignements sacrés. C’est une transmission d’une activité mentale à une autre activité mentale. Cela, alors que la gnose islamique repose sur le Coran et sur les traditions rapportées par les Imâms Impeccables. Et c'est un des points qui en font la force. C’est ce qui distingue la gnose divine de la gnose humaine, parce que comme elle repose sur la révélation, le risque d’erreur tombe à son minimum. Alors que la gnose humaine, créée et instaurée par l’homme, ne peut pas assurer la tranquillité et la sérénité suffisantes.
La question du vide et la négation de la réalité des êtres externes
L’enseignement du vide (sunyata (7) ) au sein des écoles du bouddhisme mahayana, parmi lesquels le madhyamaka et le zen, prend une forme extrême dans le yogachara (8) , dans le sens où tous les phénomènes du monde extérieur sont considérés comme dépourvus (vides) d’être et considèrent que la cause de toute chose se trouve dans l’activité mentale.
Par exemple, cette réalité est évoquée par le poème suivant qui est d’un grand moine du zen, Hui Nang (9) :
Jamais l’arbre de Bouddha n’a existé
Il n’y eut jamais de miroir transparent
Fondamentalement, il n’y a jamais rien eu
Où est donc la terre, pour qu’elle soit pure ?
'Allâmeh Hassan-Zâdeh Amoli écrit à ce propos : « Sache que parfois, au sujet de la doctrine de l’unité de l’être, se produit cette illusion que l’être est une seule entité unique en son genre, son être est nécessaire et le concept d’être ne s’applique qu’à lui. Par conséquent, tous les étants, dans le ciel ou sur terre, les végétaux, les animaux, l’âme, l’intelligence, sont des illusions de l’être. C'est-à-dire que, excepté cet E^tre unique, rien d’autre n’est, et les étants ne sont rien d’autre que Lui. A l’image de l’eau de la mer dont les vagues ne sont en réalité que de l’eau, mais comme les vagues sont très nombreuses et prennent des formes différentes, elles paraissent à l’observateur humain comme des êtres distincts et autonomes. Cette erreur au sujet de l’unité de l’être, cette façon de la comprendre, est contraire à beaucoup de règles bien établies de la raison, parce que cette appréhension nie en réalité la causalité de Dieu et le statut d’effet des êtres existant. Et cela suscite cette illusion que les êtres possibles sont suffisants par soi, et plutôt nie même l’existence de ces derniers. En résumé, les défauts de cette façon de comprendre sont nombreux aux yeux de la Loi divine et de la raison. Et aucun des grands maîtres spirituels et gnostiques ne l’ont professée et leur attribuer une telle croyance serait de la pure calomnie et du mensonge grave.
Mollâ Sadrâ traitant de la causalité, écrit dans son livre Al-Asfâr al-Arba’a (Les Quatre Voyages) : « Tout être possible possède deux facettes :
Il est existant et il l’est par autrui. De ce point de vue, il participe avec l’ensemble des autres existants, au même plan, à l’être général. La deuxième facette est que cet être possède une chose en vertu de laquelle sa réalité existentielle sera déterminée. Cela consiste à voir en quoi cet être, au point de vue de l’intensité, faible ou parfaite et défectueuse, sera situé au niveau des degrés de l’être. Car la possibilité de l’être possible procède du degré de la perfection nécessaire et de la puissance infinie ainsi que de la domination achevée et de la majesté sublime. Et en fonction de chaque degré des degrés inférieurs à ceux du degré de l’être absolu - qui ne présente aucun des caractères du néant ni de la potentialité -, cet être se voit attribuer, pour exister, des traits rationnels distinctifs et des déterminations mentales, que l’on désigne par les termes de quiddités ou d’essences immuables (a’yân thâbita (10) ) ». Ainsi, tout être possible présente à l’analyse une double composante : du côté de l’être absolu et du coté du degré de sa détermination en imperfection d’être…
Le grand gnostique Mollâ Hâdî Sabzevârî (11) dit : « Ce raisonnement sophiste est né de la confusion entre la quiddité et la réalité, l'existence même. La quiddité en tant que quiddité a été comprise dans le sens de réalité. Les soufis n’ont pas compris que l’être est à leurs yeux, le principe. Comment alors se pourrait-il que l’existence et la réalité même des choses soient subjectives, alors que la dimension lumineuse de chaque chose, qui est la face et le lieu de manifestation de Dieu, de Sa puissance, de Sa volonté, qui sont des indices de l’action et non la passivité, comment pourrait-on les considérer comme subjectives ? Alors que le vêtement de gloire et de majesté de Dieu transcende bien la poussière de la subjectivité ? Quand donc les grands gnostiques bien avisés ont-ils prétendu que le royaume, les sphères, l’homme et les animaux et toutes les créatures sont subjectives ? Leur intention concerne les quiddités de ces choses qui, elles, sont bien subjectives.
L’enseignement de la réincarnation
Comme les autres sectes bouddhistes et religions hindouistes, le zen professe la doctrine de la réincarnation, dans ce sens qu’après la mort, l’âme humaine se réincarne, c'est-à-dire revient au monde dans un autre corps et poursuit sa vie.
La question de la mort et de la renaissance est le principal sujet de préoccupation des bouddhistes et des hindouistes. Ils sont constamment dans le souci de trouver le moyen de sortir du cycle des morts et des réincarnations dans ce monde. La vie future de chaque individu, celle qu’il aura à sa prochaine réincarnation dans ce monde, dépend de son karma, c'est-à-dire de la somme algébrique de ses œuvres dans la vie précédente. Par exemple, il est possible qu’un individu ayant accompli de mauvaises actions revienne dans sa vie future sous une forme animale, c'est-à-dire qu’il soit engendré par une femelle animale.
Dans l’islam, chaque personne est responsable de ses actes. Après la mort, elle poursuivra sa vie dans le barzakh (12) , un monde intermédiaire entre ce monde et l’au-delà. Bien entendu, la qualité de sa vie dans le barzakh et plus tard dans la Grande Résurrection dépendra elle aussi de ses œuvres ici-bas. Et en aucune façon, l’âme d’un individu n’émigrera dans le corps d’un autre individu dans ce monde.
Dans la spiritualité musulmane, la réincarnation ne peut pas avoir de signification parce qu’une essence ne peut se transformer en une autre dans ce monde humain (nâsût (13) ) ou angélique (molk (14) ), mais seulement progresser en intensité d’être pour devenir encore plus lumineuse ou, que Dieu nous en garde, perdre de sa lumière et devenir un être négatif. Il n’est pas question que l’âme de l’homme, qui a été voulue par Dieu et honorée par Lui, retourne à l’état animal après la mort. L’homme est récompensé par ses actes bons et punis pour ses actes méchants, mais ne subit jamais une perte de son essence humaine.
Dans le barzakh, il y a une manifestation symbolisée des actes accomplis ici-bas sous une forme corporelle ou spirituelle, selon la qualité des actes bons ou mauvais. C'est-à-dire que déjà dans la "tombe", le mort voit le bonheur qui l’attend alors que le méchant voit ses actes sous forme de scorpions menaçants et autres choses affreuses.
Dans l’axe de la descente, l'E^tre divin se déploie ou se manifeste dans cinq niveaux de présence (hazarât al-khams) ou six si on compte la présence ineffable.
Dans l'axe de la remontée, il y a aussi cinq stades qui sont par ordre croissant d'intensité: nâsût, malakût (15) , jabarût (16) , lâhût (17) et Hâhût (18)
Que la vie future de l’homme soit fondée sur la base de ses œuvres dans ce monde est quelque chose de tout à fait vrai. Le problème se pose dans l’analyse matérialiste de cette question par les écoles spirituelles non-religieuses.
Conclusion
La spiritualité et la religion ont toutes les deux des racines dans la nature humaine. C’est pourquoi on ne trouve pas d’opposition ni de contradiction entre deux choses qui ont une même origine. Le but de la spiritualité est de se connaître, de parvenir à sa personnalité humaine authentique. Si nous comprenons l’élément de la nature humaine primordiale (fetrat (19) ), comme l’élément de la personnalité humaine authentique, alors parvenir à la nature originelle et retrouver sa personnalité authentique sera l’objectif des enseignements de la gnose.
La nature originelle est une réalité métaphysique existentielle et ne possède pas une quiddité matérielle. Il va de soi alors que pour atteindre cette réalité, il est nécessaire de prendre des distances à l’égard de la matière et de se rapprocher du monde immatériel, où la relation et l’intimité seront plus grandes entre l’homme et sa réalité profonde.
Comme nous l’avons aussi montré davantage auparavant, le souci premier du bouddhisme était également dès ses débuts la question de l’homme et la connaissance de l’âme. Mais la voie indiquée à cet effet n’est pas féconde. Pour effectuer la jonction avec la source divine, avec le principe et l’origine de la création, la religion expose des méthodes pour accéder à la connaissance spirituelle, méthodes qui sont les plus rapides, les plus accessibles, les plus sûres et les plus justes.
Assurément, les voies indiquées pour l’acquisition de la connaissance spirituelle dans la religion musulmane sont de loin les plus efficaces et motivées « pour avérer ce qui était en cours des Ecritures, en l’englobant.. » Comme le dit le Coran :
« Enfin Nous avons fait descendre sur toi l’Ecrit, dans le Vrai, pour avérer ce qui était en cours des Ecritures, en l’englobant. » (Sourate Al-Mâ’ida (La table servie) ; 5 ; 48). Il est évident que le dépouillement peut-être atteint par une autre voie que celle de la religion ; par exemple, par l’ascèse et le renoncement au monde. Mais il faut savoir à quel dépouillement on aspire. Il y a une différence dans le concept. Les gnostiques distinguent deux niveaux dans le royaume divin (malakût) : le malakût inférieur et le malakût supérieur. Celui qui est contradiction avec l’essence de la Loi trouvera une voie vers le malakût inférieur.
Dans le Coran, il est question de « la descente des anges et de l’Esprit » : « Tandis que ceux qui disent : "Nous n’avons que Dieu pour Seigneur", et de plus vont dans la rectitude, les anges sur eux se posent : "N’ayez crainte ni deuil. Réjouissez-vous du Jardin qui vous fut promis" » (Sourate Fussilat (Les versets détaillés) ; 41, : 30)
« La Nuit grandiose vaut plus qu’un millier de mois. En elle, font leur descente les anges et l’Esprit, sur permission de leur Seigneur, pour tout décret. » (Sourate Al-Qadr (La Destinée) ; 97 : 3 et 4)
Parallèlement à ces versets, il est question de la « descente » des démons : « Ils descendent sur tout imposteur et pécheur » (Sourate Al-Shu’arâ (Les poètes) ; 26 : 222)
« Les diables inspirent à leurs alliés de disputer avec vous. » (Sourate Al- An’âm (Les bestiaux) ; 6 : 121)
On voit ainsi qu’il est possible de parvenir au malakût par des voies contraires à la Loi. Mais celui qui y parvient devient un allié du mal.
La religion est responsable de deux choses importantes: l’une est de s’attacher à faire connaître la Réalité, et l’autre de montrer la voie pour opérer la jonction avec cette Réalité. Ainsi, plus une personne aura de connaissance relative de la réalité, plus elle bénéficiera de la dimension ésotérique de la religion.
En raison des spécificités propres et inégalées de la religion divine, rien ne saurait la remplacer. Parce que premièrement, la religion est la voie générale pour se rapprocher de la réalité, et deuxièmement, elle est un programme complet, décisif et infaillible qui conduira surement à la réalité, la personne pratiquante. Ni le zen bouddhiste, ni aucune autre gnose humaine ne peut satisfaire totalement et parfaitement l’ensemble des besoins et dimensions humaines, ni lui servir de guide vers le lieu de perfection souhaitée. Parce que cette sorte de gnose, outre le bouddhisme zen ou toute autre gnose humaine, est sujet à erreur car elle n'est pas fondée sur la révélation céleste, et se sont montrés incapables de conduire à la perfection.
En plus de sa vie individuelle, l’homme possède aussi une vie sociale. Le zen bouddhiste prête une attention exclusive à la dimension individuelle, mais se désintéresse totalement de la vie sociale. C’est pour cette raison que les propagandistes du sécularisme, en particulier dans les pays occidentaux, ont vu dans cette école quelque chose de compatible avec leurs objectifs, et s’efforcent de le faire connaître.
Cela, alors que la spiritualité musulmane porte un vaste regard sur toutes les dimensions existentielles de l’homme et prend en charge aussi bien sa vie individuelle que sa vie sociale. Nous avons dit précédemment que le lien de la religion avec la gnose est un lien linéaire ; la gnose porte sur la couche profonde et ésotérique de la religion. Par conséquent, la spiritualité n’est pas une branche indépendante ni séparée. La religion musulmane prend en charge la dimension individuelle et la dimension sociale de l’homme. Par conséquent, la spiritualité de l’islam qui en est aussi la dimension ésotérique, est aussi ainsi. Nos chers lecteurs, en particulier les jeunes, qui sont à la recherche de connaissances ésotériques, doivent savoir à quelle table ils iront se servir de la nourriture spirituelle. Comme dit le Coran : « Que l’homme considère son repas » (Sourate ‘Abasa (Il s'est renfrogné) : 80 : 24).
Ce n’est pas tout groupe ou toute école se disant école ésotérique, qui pourrait se porter garant de cette importante affaire. L’aspirant à la spiritualité met le pied sur le chemin droit de la bonne conduite de soi et franchit les étapes avant d’arriver à son but. Sans s’attacher fermement à la Loi et à ses enseignements religieux, il ne lui sera pas facile de trouver la voie qui mène à la Réalité.
back to 1 (terme sanskrit).Vers le début de l’ère commune, le bouddhisme maha-ya-na s'est diffusé dans tout l’Extrême-Orient, en commençant par l’Inde et puis la Chine. Sa forme tantrique, le Vajraya-na, a pénétré au Tibet entre le VIIe siècle et le VIIIe siècle, mais a moins influencé moins la Chine. A partir du VIIIe siècle, il se marque aussi en Corée et au Japon.
back to 2 (terme sanskrit). Il désignait à l’origine une perspective individuelle de la libération mais s’est appliqué plus tard à tous les courants chez qui la libération individuelle passait avant la libération universelle de tous les êtres.
back to 3 (terme sanskrit). Ce terme désigne ceux des disciples qui ont vaincu les illusions et les passions, ont atteint l’Eveil suite à un enseignement (contrairement à un bouddha qui atteint cet état par lui-même) et « méritent » le Nirvana. Le terme Arhat s’emploie comme épithète pour Bouddha.
back to 4 (terme sanskrit). Ce terme désigne l’idéal et la finalité pour un bouddhiste. Ce dernier y accède suite à un détachement duquel dérive la paix intérieure.
back to 5 Ibn Babuyeh Qommî, surnommé Sheikh Sadûq (né avant 940 et mort en 991 à Ray, près de Téhéran), est l’un des quatre principaux traditionnistes du chiisme duodécimain. Il est l’auteur entre autres du Man lâyahzuru al-Faqîh (le Livre de celui qui n'a pas de juriste près de lui), recueil de traditions du Prophète (s) et des Imâms (as) de sa Famille, qui devait d’après son titre permettre à son lecteur de se passer de juriste, et dont les hadiths constituent une référence pour les juristes chiites. Il fut également le maître des théologiens Shaykh Mofîd et Ibn Shadhan. Il a une œuvre prolifique (près de 300 ouvrages), dont seule une partie nous est parvenue. Citons notamment un recueil en deux volumes servant à l’histoire du 8ème Imâm (as). C'est un auteur original, proposant des classifications thématiques des traditions.
back to 6 (en arabe : أبوجعفرمحمد بن علي الباقر) Abû Ja`far Mohammad ben `Alî al-Bâqer 676 à Médine / 743 à Médine) cinquième imâm des chiites, fils de `Alî Zayn al-`A^bidîn, surnommé Bâqer al-‘Olûm : « celui qui dissèque les sciences ». Il a consacré une grande partie de sa vie aux activités scientifiques et a préparé le terrain pour que son fils, l’Imam Ja’far Sâdeq, crée une école qui formera plus de quatre mille savants et qui sera la première université de l’histoire du monde musulman.
back to 7 (terme sanskrit). Il exprime dans le bouddhisme, l’inexistence de toute essence, l’idée de non-être relatif. On le traduit souvent par le terme de vacuité, sans qu’il s’agisse exactement d’une réalité vide. C’est surtout le fait qu’une chose n’ait pas d’être par soi, mais par autrui, c'est-à-dire une dépendance essentielle à son principe qui est visé par ce terme de sunyata.
back to 8 (terme sanskrit) désignant l’Ecole fondée au IVe siècle qui enseigne que « tout est conscience », c'est-à-dire que les choses sont ce qu’elles sont dans les esprits. Le fait que la conscience les désigne est leur seule réalité absolue. La chose connaissable n’a donc pas besoin d’être un objet extérieur.
back to 9 Hui Neng (683 / 713) est le sixième maillon de la chaine du bouddhisme Chan, le premier à prôner la doctrine de l'Illumination subite. Toute l’ignorance vient du fait que les hommes s’attachent à leur égo et au monde. Or aucune de ces choses n’existe vraiment. Il enseigne donc la voie directe.
back to 10(en persan : اع?ان ثابته) A’yân thâbita, exemplaires éternels ou essences immuables. Expression d’origine théologique qu’a répandue Ibn Arabî qui s’en sert pour désigner le statut des êtres dans la science divine. Les essences immuables n’ont pas l’être propre, mais on peut seulement affirmer qu’elles sont connues de Dieu, jusqu’à ce que Dieu les fasse venir à l’être par l’ordre « sois » : (kon) !
back to 11 (en persan : ملا هاد? سبزوار?) (1797 / 1873) philosophe, théologien et poète iranien, dont les œuvres en philosophie sont devenues des manuels des universités religieuses d’Iran. Henry Corbin a signalé son importance et contribué à le faire connaître hors des frontières de l’Iran
back to 12 (en arabe : البرزخ) al-Barzakh, ce qui sépare (ou relie) deux choses pour les empêcher de se mélanger. Corbin traduit ce terme coranique par isthme, ou intermonde. Il désigne le temps qui sépare le moment de la mort d’une personne et celui de sa résurrection. Il désigne aussi le ‘’lieu’’ où a lieu cette attente.
back to 13 (en persan : ناسوت) nasût désigne la condition de l'homme sur terre, et la conscience qu'il en a.
back to 14 (en persan : مُلک) molk est le mot par lequel on désigne techniquement le Royaume divin, la souveraineté divine sur toute chose.
back to 15 (en persan : ملکوت) malakût : désigne le monde angélique et sa conscience
back to 16 (en persan : جبروت) jabarût : désigne l'environnement divin, les anges rapprochés, les archanges
back to 17 (en persan : لاهوت) lâhût : est le fait de passer du matériel à l’immatériel
back to 18 (en persan : هاهوت) hâhût : est le ''niveau'' suprême, celui du monde de l'Essence divine et de Ses états qui ne sont connus que de Dieu
back to 19 (en persan :فطرت) est un mot coranique servant à désigner la nature primordiale, foncière, qui est celle de l'homme tel qu'il a été voulu par Dieu. Dans sa fetrat, tout être est croyant en Dieu
Références :
Sakhâyi, Mojgân, "Dar-âmadi bar motâle’eh-ye moqâyeseh-yi-e ‘erfân-e eslâmi va zen-e boudâyi", (Une introduction à l’étude comparative de la Gnose islamique et le Zen bouddhiste), Qabasât No. 24 ; A^shtiâni, Seyyed Jalâl el-din, Sharh-e moqadameh Qeysari (Commentaire de la préface de Qeysari), pp. 70-74 ; p. 51-52 ; pp. 62-64 ; Hassan-Zâdeh A^moli, Hassan, Qor'ân o ‘Erfân o Borhân az ham jodâyi nadârand (Le Coran, la Gnose et la Démonstration sont inséparables), pp.41-43 ; Hosseini Qâem-Maqâmi, Seyyed Abbâs, Ranj-e bi payân (La souffrance infinie), pp. 200-204 ; Javâdi A^moli, Abdollâh, Marâhel-e akhlâq dar Qor’ân (Les étapes de la morale dans le Coran), pp. 402-403 ; Hosseini Qâem-maqâmi, Seyyed Abbâs, Ta'amolât-e falsafi (Réflexions Philosophiques), pp. 2-198.