L’influence du Coran dans la formation de la Sagesse transcendantale de Molla Sadra
Parmi les différents facteurs qui contribuèrent à la formation de la sagesse transcendantale, on peut en citer clairement plusieurs : la sagesse péripatéticienne, la sagesse de l’Ishrãq, la mystique théorique (en particulier dans la version d’Ibn Arabi), enfin la théologie.
Le Coran joue également un rôle important. La sagesse Sadratique s’appuie amplement sur les sources islamiques, contrairement aux autres sagesses (péripatéticienne et Ishrãq) et s’affranchit des discussions casuistiques de la théologie. Le Coran est cité plus de 980 fois dans le livre Asfãr – voyages spirituels – ce qui est une exception parmi les ouvrages de philosophie Islamique.
La présence du Coran dans les Asfãr prend plusieurs formes : appel à témoin, citation, commentaire (Tafsir) et interprétation originelle (Ta’wil).
1. Quand Sadrã évoque la théorie platonique des idées intelligibles et de l’abstraction de l’esprit, il essaie de rattacher cette idée au Coran (par exemple le Verset 87 de la Sourate le Repentir ou le Verset 14 de la Sourate Les Fraudeurs)
2. Sadrã se réfère à l’avis des commentateurs, comme dans l’explication du terme « esprit » donné par certains commentateurs
« قل الروح من أمر ربى » Isrã 85
Selon cette opinion, la parole du Créateur s’assimile à sa Parole et toute chose vivante devient vivante par son ordre : « vis ! ». Or l’esprit, selon cette théorie, ne peut s’inscrire dans le corps car il est le verbe de Dieu, qui est par l’existence de Dieu et non pas par le corps (Asfãr, T.8, P.318). Concernant les formes de la permanence de l’âme après le corps, Sadrã affirme que l’âme humaine a des positions et des origines propres. Sadrã prend alors à témoin le verset 85 de la sourate Isrã. Sur l’évolution de l’âme humaine vers des niveaux plus élevés, Sadrã évoque le verset 11 de la Sourate I’raf suivant :
« و لقد خلقناكم ثمّ صوّرناكم ثمّ قلنا للملائكة اسجدوا لآدم. »
Sadrã affirme que l’âme humaine est d’abord une forme partagée par tous les êtres humains, puis que dans un second temps, cette forme se diversifie avec la seconde nature innée. C’est une idée qu’aucun sage n’avait évoquée auparavant mais « Dieu me l’a inspiré (Ilhãm), et c’est ce vers quoi tend l’explication rationnelle et confirme le saint Coran ». Puis il évoque le verset coranique suivant – La Vache, 213 – à l’appui de sa prétention :
« كان الناس امّة واحدة »
Et le verset suivant
« تحسبهم جميعاً و قلوبهم شتّى »
(Sourate Hashr, Verset 14)
« الله ولى الذين آمنوا يخرجهم من الظلمات الى النور و الذين كفروا اوليائهم الطاغوت يخرجونهم من النور الى الظلمات. »
(Sourate La Vache, Verset 257)
Sur les différences entre les êtres existants en ce qui concerne la perfection de l’âme humaine, et l’idée qu’il existe plusieurs voies vers Dieu et ses cieux, il cite le verset suivant :
« و لكل وجهة هو مولّيها »Sourate la Vache, 148
et aussi :
« مامن دابة الا هو آخذ بناصيتها انّ ربى على صراط مستقيم. »
Sourate Hud, 56
Nous avons brièvement exposé quelques exemples d’évocations du Saint Coran dans l’argumentaire Sadratique parmi des centaines d’autres.
Pour résumer, le défunt professeur Seyyed Jalal Al-din Ashtiyãni explique : “Mulla Sadrã grâce à une maîtrise complète de la philosophie de l’Ishrãq et péripatéticienne et de l’étude des mystiques et de la pensée dans les paroles, les versets et les procès-verbaux reçus par révélation, avec cette qualité d’innovation qui lui est propre, a évoqué les questions philosophiques d’une manière nouvelle, et étudié les problèmes philosophiques confus » (Introduction à Asfãr, P.25). De même, le Professeur Nasr nous explique ainsi : « L’une des réussites de Mulla Sadrã est d’avoir réuni les sciences rationnelles aux sciences transmises. Ses travaux philosophiques sont remplis de références au Coran » (Histoire de la Philosophie dans l’Islam, T.2, P.447)
En fait, Mulla Sadrã évalue ses tribulations philosophiques à l’aune du Saint Coran. Un autre penseur écrit à propos de la philosophie Sadratique : « dans l’école Sadratique, il y a beaucoup d’effort pour se faire correspondre la religion et la philosophie, et le raffermissement de cette philosophie à l’aide des enseignements coraniques…cet effort s’est poursuivi de telle sorte que Mulla Sadrã a écrit quelques livres sur les fondements de la religion (Coran, Tradition, etc).Cependant, cet effort fut vain (…) je l’évoque plutôt en tant que système intellectuel extrêmement puissant à l’intérieur de la culture islamique, alors que les penseurs éclairés et les jeunes diplômés se penchent vers des écoles de pensée qui n’ont pas un millième de la profondeur de la philosophie Islamique ». (Hakimi, La science des musulmans, P.263)
Cependant, en réalité, la conciliation de la religion avec la philosophie n’équivaut pas à faire se correspondre le Coran et la Tradition avec l’école de la Sagesse transcendantale, mais signifie un renforcement des connaissances philosophiques à partir des enseignements islamiques et de la Révélation.
Par Mustafã Burujerdi (traduction du persan)