réflexions concernant l'election d'un calife à la place de `othmân ALI IBN ABI TALIB LE QUATRIEME CALIFE
ALI IBN ABI TALIB LE QUATRIEME CALIFE
Hssan Amdouni
réflexions concernant l'election d'un calife à la place de `othmân
après la mort de `othmân, la terreur régna dans la ville et les régicides en devinrent les ma1"tres en l'absence de tout gouvernement. les citoyens, constatant l'état tumultueux de la populace en révolte, et craignant une guerre civile, réclamèrent l'élection immédiate d'un calife. l'attitude menaçante de ceux qui étaient venus de différentes parties de l'empire, c'est-à-dire d'egypte, de syrie, de mésopotamie et de perse à cette occasion, avait de quoi alarmer beaucoup de gens, car ils avaient décidé de ne pas se disperser avant de savoir qui serait leur souverain.
il y avait deux candidats, talha et zubayr (tous deux, frères de lait de `Aicha), qui aspiraient au califat en s'appuyant sur le soutien puissant de `Aicha, mais malheureusement pour eux, elle n'était pas présente à médine à ce moment-là, puisqu'elle se trouvait à la mecque, comme nous l'avons déjà noté. talhah - qui avait pris une part active dans l'incitation des assiégeants de la maison de `othmân à précipiter le cours des choses - et son associé, zubayr, étaient appuyés dans leur candidature par quelques gens de basrah et de kûfa, mais la majorité du peuple de médine, qui prétendait jouir du droit exclusif d'élire un calife, s'était choisi un troisième homme plus digne de ce poste. c'était un homme admiré aussi bien par ses amis que par ses ennemis, pour son courage, son éloquence, sa magnanimité, sa piété, sa noblesse et sa proche parenté avec le prophète.
il s'agissait évidemment de `alî, le cousin germain du prophète, et le père de la postérité du prophète, par sa fille bien-aimée, fâtimah. i1 était considéré comme le prétendant naturel au califat, et les gens, désireux à présent d'être gouvernés par l'héritier du prophète, voulaient voir `alî élevé à sa légitime dignité. talhah et zubayr, alerté par l'atmosphère générale favorable à `alî, se tinrent tranquilles, et pensèrent qu'il était plus prudent de dissimuler leurs sentiments au point d'accepter de prêter serment d'allégeance à `alî lorsqu'il fut élu, avec la ferme intention d'abjurer dès qu'une occasion favorable se présenterait à eux.
l'election de `alî
donc plusieurs notables de la ville de médine se rendirent chez `alî et lui demandèrent d'accepter de gouverner. en réponse, il leur affirma qu'il n'avait pas d'attirance pour le pouvoir temporel, et qu'il prêterait volontiers d'allégeance à quiconque ils éliraient. mais les médinois insistèrent sur le fait qu'il n'y avait aucune autre personne aussi qualifiée que lui pour ce poste. cependant `alî resta, malgré toute leur insistance, ferme dans son refus, et dit qu'il aimerait mieux servir un autre comme conseiller que de se charger du gouvernement lui-même. les insurgés, soucieux de remettre la ville dans son état normal après l'avoir réduite eux-mêmes au présent état de désordre, étaient les plus ennuyés par la difficulté du choix d'un calife. aussi insistèrent-ils pour que, avant leur départ, les citoyens de médine qui prétendaient jouir du droit exclusif de choisir le futur calife, procèdent à son élection en un jour, car elles étaient les seules personnes qualifiées pour régler la controverse, en précisant que si ce choix n'était pas fait dans le délai imparti, ils (les insurgés) passeraient par les armes les notables de la ville. alarmés par cet ultimatum, les gens revinrent chez `alî le soir même et lui expliquèrent la situation, le suppliant de reconsidérer sa position et les menaces qui pesaient sur la religion. cédant finalement à leur argumentation pathétique, `alî accepta leur requête, bien qu'avec réticence, en leur disant : "si vous m'excusez et élisez un autre que vous jugeriez plus digne que moi d'être élu, je me soumettrai à votre choix et je prêterai allégeance à votre élu.
si non, et si je dois me conformer à votre désir et accepter votre offre, je vous dis franchement dès le début que je conduirai l'administration d'une façon totalement indépendante et que je traiterai tout selon le livre sacré du seigneur et mon jugement". ils acceptèrent sans hésitation ces conditions et s'apprêtèrent à lui serrer la main en guise de prestation de serment d'allégeance, mais il refusa de faire quoi que ce soit, si ce n'était en public, afin que personne ne puisse murmurer. en fait "`alî craignait les intrigues de `Aicha, talhah, zubayr et de toute la famille omayyade (dont le chef était mu`âwiyeh, le lieutenant de `othmân en syrie) dont il savait qu'ils saisiraient toutes les occasions pour s'opposer à son gouvernement"
l'inauguration du califat de `alî
le lendemain matin (le quatrième jour après l'assassinat de `othmân), les gens se rassemblèrent en grand nombre dans la grande mosquée où `alî apparût habillé d'une simple robe de coton et coiffé d'un rude turban autour de la tête, et portant dans sa main droite un arc et dans sa main gauche des pantoufles qu'il avait 6tées par respect pour le lieu. talhah et zubayr n'étant pas présents, il demanda qu'on les fasse venir.
lorsqu'ils arrivèrent, ils lui tendirent leurs mains en signe d'approbation de son élection au califat. mais `alî se garda de répondre à leur geste et leur dit que s'ils étaient sincères dans leur cœur, ils devaient lui faire serment d'allégeance en bonne et due forme, leur assurant qu'en même temps, si l'un d'entre eux acceptait le califat, il était, quant à lui, tout à fait disposé à lui prêter serment d'allégeance en toute sincérité et qu'il serait plus heureux de le servir en tant que conseiller que de gouverner lui-même. tous les deux déclinèrent cette offre, et pour exprimer leur satisfaction de son accession au califat, ils avancèrent leurs mains pour lui rendre hommage. le bras de talhah avait été estropié à la suite d'une blessure survenue lors de la bataille d'ohod. aussi ne pouvait-il le tendre qu'avec difficulté. et étant le premier à commencer la cérémonie d'hommage, l'assistance considéra son attitude comme une mauvaise augure et un assistant fit cette remarque : "i1 est probable que ce sera une piètre affaire que celle qui commence par une main estropiée". la suite des événements donnera raison au présage.
l'assistance prêta ensuite serment d'allégeance à `alî, et son exemple fut suivi par tout le peuple. aucun des omayyades ni des proches partisans de `othmân ne se présenta. `alî, pour sa part, ne pressa personne de venir lui prêter serment d'allégeance. il y avait aussi certains notables de médine qui restèrent à l'écart, ne voulant pas rendre hommage à `alî. i1 s'agissait (selon al-mas`tidî) de sa`d ibn abî waqqâç, maslamah ibn khâlid, al-moghîrah ibn cho`bah, qidâmah b. matzun, wahbân ibn sayfi abdullâh b. salmân, hasan ibn thâbit, kab ibn mâlik, abti sa îd khudrî, mohammad ibn maslamah, et `abdullâh ibn `omar, fidhalah ibn `abîd, ka`b ibn ajza. habib al-sayyâr ajoute à cette liste : "zayd ibn thâbit, osma ibn zayd abu mousâ al-achari zayd b. râfi, salma ibn salma, sohayb ibn sinân, no`mân ibn bachîr et al-tabari y ajoute : râfi` ibn khadij. ces gens furent surnommés les mo`tazilah.
les insurgés, ayant rendu hommage à `alî, retournèrent chez eux.
les cris de vengeance pour l'assassinat de `othmân
après l'inauguration du califat de `alî, talhah et zubayr, accompagnés de plusieurs autres, vinrent voir `alî et lui demandèrent que le meurtre de `othmân soit absolument vengé, offrant leurs services pour atteindre ce but. `alî savait parfaitement que le crime avait été perpétré devant leurs yeux et que leur cri de vengeance n'était destiné qu'à provoquer des troubles en excitant la foule des ennemis. il leur expliqua donc que l'événement avait ses fondements dans de vieilles dissensions, qu'il y avait plusieurs parties dont les opinions divergeaient sur ce point, que ce n'était pas encore le moment de susciter une guerre civile, que le mécontentement était à l'instigation du diable qui, une fois maître du terrain, ne le lâcherait pas facilement, et que toutes les mesures qu'ils suggéraient de prendre n'étaient autres que la propre proposition du diable en vue d'encourager l'agitation et les troubles. i1 les informa toutefois qu'il avait déjà convoqué marwân, le secrétaire de `othmân, et nâ'ilah la femme de ce demier (qui étaient tous deux tout le temps dans la même maison avec le calife assassiné) afin de les interroger sur les vrais coupables qui avaient perpétré le meurtre. marwân était réticent, alors que nâ'ilah dit que les meurtriers étaient au nombre de deux, mais elle ne put ni nommer ni identifier aucun d'eux. `alî ajouta à l'adresse des partisans de la vengeance que plusieurs personnes étaient suspectées d'être impliquées dans le crime, mais qu'il n'y avait pas de preuves formelles contre elles. dans ces conditions, jura-t-il, à moins que toutes les parties s'unissent, si dieu le voulait, il était difficile de faire des pas concluants. i1 demanda aux visiteurs quelle méthode d'action ils proposaient pour atteindre le but. ils répondirent qu'ils n'en connaissaient aucune.
puis, il dit : "si vous parvenez à désigner un jour les assassins de `othmân, je ne manquerai pas de faire valoir la majesté de la loi divine en leur faisant payer ce qu'ils doivent". ils restèrent silencieux. ainsi, leur proposition insidieuse ayant été déjouée, ils repartirent. en même temps, averti par le départ soudain des familles omayyades, `alî commença à s'assurer la bonne volonté des quraych et des ançâr en leur montrant sa haute appréciation de leurs mérites, car il voulait avoir autant d'alliés que possible pour faire face aux difficultés qu'il craignait de la part des omayyades.
les réformes envisagées par ali
l'affaire suivante, qui fit l'objet de l'attention particulière du nouveau calife, était la révocation des impies qui gouvernaient les différentes provinces avec une telle tyrannie que les gens avaient été acculés au désespoir, ce qui avait coûté la vie à `othmân. beaucoup d'abus avaient été commis durant le règne de ce dernier, ce qui commandait une action immédiate, d'autant plus nécessaire que la plupart des gouvernements de provinces se trouvaient toujours entre les mains de personnes au passé douteux et à la foi suspecte. déterminé à opérer une réforme radicale, `alî décida de déposer mu`âwiyeh et les autres gouverneurs qui avaient été nommés par son prédécesseur. `abdullâh ibn `abbâs, qui venait de rentrer de son pèlerinage à la mecque, s'opposa fermement à cette mesure, et notamment à celle de la déposition de mu`âwiyeh, et conseilla à `alî d'ajourner l'exécution de cette réforme pendant un certain temps, au moins jusqu'à ce qu'il se trouvât solidement établi sans son autorité. i1 argua : "si tu déposes mu`âwiyeh, les syriens, solidement attachés à lui pour sa munificence, se révolteront contre toi tous ensemble, ne te reconnaîtront pas comme calife, et pis, t'accuseront du meurtre de `othmân. il serait donc plus sage de le laisser continuer dans ses fonctions jusqu'à ce qu'il se soumette à ton autorité, et une fois cela fait, il te sera facile de le faire sourir par les oreilles de chez lui quand tu le voudras". "en outre, rappela-t-il à `alî, talhah et zubayr ne sont pas des hommes sur qui on peut compter, et j'ai de bonnes raisons de les soupçonner de porter les armes contre toi très bient8t et de se joindre peut-être à mu`âwiyeh". "mais, protesta `alî, la loi divine n'autorise pas les tromperies astucieuses. je dois suivre strictement les principes authentiques de la religion, et c'est pourquoi je ne dois pas permettre à une impie de rester à ce poste. mu`âwiyeh n'aura rien d'autre que l'épée de ma part. je ne peux le garder même pas un seul jour". "bon ! continua-t-il. je te nomme, ?
ibn `abbâs". "cela est pratiquement impossible", s'écria ce dernier. "mu`âwiyeh ne me laisserait pas en vie, à cause de ma parenté avec toi." quand les réformes avancèrent, talhah et zubayr vinrent voir `alî et posèrent leurs candidatures pour être nommés respectivement gouverneurs de kûfa et de basrah. mais `alî refusa poliment en faisant observer que dans les circonstances présentes, et critiques, il avait besoin de bons conseillers comme eux à ses c6tés.
ayant choisi ses hommes pour le gouvernement des différentes provinces, `alî les envoya à leurs destinations respectives au mois de moharram 36 a.h. pour remplacer les gouverneurs destitués. ainsi, il envoya : l. `obaydullâh ibn `abbâs au yémen; 2. qays ibn sa`d ibn `obâdah en egypte; 3. quthâm ibn `abbâs à la mecque; 4. samâhah ibn `abbâs à tihâmah; 5. `awn ibn `abbâs à yamânah; 6. `othmân ibn honayf à basrah; 7. ammara ibn chahab à kûfa; 8. sa`îd ibn `abbâs à bahrein; 9. sahl ibn honayf en syrie.
`obaydullâh arriva au yémen et s'aperçut que ya`lâ, son prédécesseur, avait transfér vers la mecque tout le trésor, évalué à environ soixante mille dinars, qu'il céda à `Aicha avec six cents chameaux dont l'un était une rareté, un animal de grande taille et de bonne race, évalué à deux cents pièces d'or. il s'appelait al-`askar et fut spécialement offert pour l'usage personnel de `Aicha. `obaydullâh prit toutefois ses fonctions de gouverneur du yémen.
qays ibn sa`d, lorsqu'il s'approchait de l'egypte, fut accueilli par la résistance du parti de `othmân, dans la garnison frontalière, mais il réussit à gagner le siège de son gouvernement en feignant devant les opposants d'être attaché à la cause de `othmân. son prédécesseur, `abdullâh ibn abî sarh, ayant acquis la certitude de sa proche révocation, avait déjà pris le chemin de la syrie afin de se réfugier chez mu`âwiyeh comme l'avaient fait la plupart des omayyades depuis l'accession de `alî au califat.
`othmân ibn honayf, qui était allé à basrah, y entra sans opposition, mais ibn `Amir, son prédécesseur, était déjà parti avec tout le trésor pour rejoindre talhah et zubayr. `othmân occupa son poste, mais il constata que la désaffection pour `alî sévissait chez un grand nombre de gens. `ammârah, rencontra sur sa route vers kûfa, à un relais appelé zabala, tulayhah et qa`qa` qui lui conseillèrent de retourner à médine étant donné, lui affirmèrent-ils, que les kûftes étaient résolus à ne pas se séparer d'abû mûsâ al-ach`arî qui avait été nommé selon leur propre choix par le dernier calife. ils l'avertirent que s'il tentait d'entrer à kûfa, il aurait à faire face à une forte hostiiité. `ammârah rebroussa chemin vers médine et fît un rapport sur ce qui s'était passé au calife.
lorsque sahl, le nouveau gouverneur de syrie, arriva à tabûk, il rencontra un groupe de cavaliers qui lui dirent que le peuple syrien réclamait vengeance pour `othmân et qu'il n'était pas prêt à accueillir un homme nommé par `alî qû il n'avait pas reconnu comme calife. n'étant pas préparé à assurer son avance, sahl retourna à médine et relata les faits à `alî.
le plan des omayyades en vue de soulever les gens contre `alî
entre-temps, les omayyades, ne négligeant rien qui puisse servir à perturber `alî et son gouvernement, apportèrent, sur les instances d'om habîbah, une veuve du prophète et la soeur de mu`âwiyeh, la chemise tachée de sang que `othmân portait lors de son assassinat, ainsi que les doigts estropiés de nâ`ilah, sa femme, à mu`âwiyeh en syrie où il les utilisa comme un instrument pour susciter l'esprit de vengeance chez les gens. `amr ibn al-`âç, le conseiller spirituel de mu`âwiyeh, dit à ce dernier : "montre à l'ânesse son ânon, elle remuera ses entrailles", et mu`âwiyeh, s'exécuta en suspendant ladite chemise, sur laquelle on avait attaché les doigts estropiés de nâ'ilah, sur la chaire de la mosquée de damas. parfois ces reliques étaient transportées au campement de l'armée. ces objets, exposés quotidiennement aux regards, exaspéraient les syriens qui pleuraient tellement que leurs joues et leurs barbes étaient mouillées par leurs larmes et qu'ils jurèrent de tirer vengeance des assassins de `othmân.
le défi de mu`âwiyeh à l'autorité de `alî
lorsque sahl retourna à médine, `alî demanda à talhah et zubayr de rendre compte de l'étendue de la division des partis, division contre laquelle il les avait mis en garde. ils répondirent que s'ils étaient autorisés de sortir de médine, ils accepteraient d'être comptables de la perpétuation des troubles. `alî leur dit que la sédition est comme le feu, plus il brûle, plus il s'intensifie et brille, et que toutefois, il le supporterait aussi longtemps que possible, mais que s'il devenait insupportable il essaierait de l'éteindre. il se résolut tout d'abord à écrire une lettre à mu`âwiyeh et à abû mûsâ pour leur demander de présenter leur allégeance. abû mûsâ lui répondit que lui et les ktifites, à quelques exceptions près, étaient entièrement à sa disposition, mais de la part de mu`âwiyeh aucune réponse n'était parvenue bien que plusieurs semaines se fussent écoulées. en fait, mu`âwiyeh avait retenu le messager de `alî pour être témoin de l'état d'esprit de ses armées qui réclamaient à grands cris et impatiemment "vengeons le sang dé `othmân" et qui, étant soumises au gouverneur de syrie, n'attendaient qu'un mot de lui pour marcher contre tous ceux qu'elles croyaient être responsables de l'assassinat du précédent calife. après plusieurs semaines, mu`âwiyeh autorisa le messager à retourner à médine, en compagnie de son propre messager, porteur d'une lettre, sur l'enveloppe de laquelle il y avait la mention : "de mu`âwiyeh, dès son arrivée à médine, le messager de ce dernier accrocha la lettre en haut d'un bâton de sorte que tout le monde puisse la lire dans les rues. etant ainsi prévenus de la désaffection de mu`âwiyeh pour `alî, les gens s'assemblèrent en foule, soucieux de connaître le contenu du message.
c'était juste trois mois après l'assassinat de `othmân que le message fut présenté à `alî, lequel en lut l'adresse et, enlevant le cachet, il découvrit que l'intérieur était tout blanc, ce qu'il considéra à juste titre comme un signe d'extrême confiance. etonné par l'effronterie dédaigneuse de mu`âwiyeh, il demanda au messager d'en expliquer l'énigme. le messager, ayant obtenu l'assurance qu'il aurait la vie sauve, répondit: "sache donc que j'ai laissé derrière moi en syrie soixante mille guerriers pleurant le meurtre de `othmân sous sa chemise tachée de sang, exposée à côté de la chaire de la grande mosquée de damas, tenant tous à se venger de toi pour l'assassinat du calife". (selon major price, la réponse du messager à `alî fut la suivante: "cinquante mille hommes sont rassemblés autour des vêtements de `othmân. leurs joues et leurs barbes n'ont jamais cessé d'être mouillées par leurs larmes, et leurs yeux n'ont jamais cessé de verser des larmes de sang depuis l'heure de ce meurtre atroce. ils ont dégainé leurs sabres en faisant le serment solennel de ne jamais les rengainer ni de ne cesser de se lamenter avant d'avoir exterminé tous ceux qui ont été impliqués dans cette détestable affaire. ils ont transmis ce sentiment à leurs descendants, comme un legs solennel, et le tout premier principe que les mères inculquent à leurs enfants est celui de venger jusqu'au bout le sang de `othmân".
cet insolent exposé suscita la colère des compagnons du calife, à tel point que sans l'intervention de `alî, ils auraient commis des actes ayant des conséquences incalculables. i1 est difficile d'imaginer à quel point cette magnanimité de la part de `alî eut un effet magique sur le messager de mu`âwiyeh qui se déclara alors convaincu de son erreur et jura qu'il ne se séparerait plus jamais volontairement de `alî, ni ne reconnaîtrait l'autorité d'aucun autre souverain à son détriment").
"de moi ! s'étonna `alî. je fais de dieu le témoin de mon innocence dans cette affaire. ? mon dieu ! j'implore ta protection contre cette fausse accusation". puis, `alî déclara que seule l'épée pourrait arbitrer entre mu`âwiyeh et lui-même, et se tournant vers ziyâd ibn handhalah, qui était assis à côté de lui, il ordonna qu'une expédition contre la syrie soit proclamée, ordre que ziyâd communiqua rapidement aux gens.
le départ de talhah et de zubayr
talhah et zubayr, dont le désir de quitter médine avait été deux fois contrecarré, et qui voyaient à présent comment les événements tournaient, devinrent soucieux d'avoir leur liberté d'action et de mouvement, liberté dont ils ne pouvaient jouir tant qu'ils restaient à médine. encore une fois ils vinrent voir `alî et lui demandèrent de les laisser partir pour la mecque sous prétexte d'accomplir le pèlerinage mineur. `alî, qui avait compris leur véritable motivation, leur rappela leur déclaration faite librement lors de leur prestation de serment d'allégeance le jour de l'inauguration de son califat, et les laissa partir en leur disant qu'il s'attendait à des choses étranges de leur part, et que pour cette raison il insistait pour qu'ils mettent sous serment leur sincérité.
`alî commença la préparation de l'expédition vers la syrie, en faisant appel à l'assistance de toutes les provinces tout en recrutant à médine même. mais avant d'engager le combat contre mu`âwiyeh, il eut à faire face à une autre rébellion sérieuse, décrite en détail ci-après.
le plan de rébellion de `Aicha
`Aicha rencontra, sur son chemin de retour de la mecque, ibn om kalab, à sarif. celui-ci l'informa du meurtre de `othmân et de l'accession de `alî au califat. en apprenant ces nouvelles, elle se mit à crier : "ramenez-moi à la mecque" et de répéter : "par dieu ! `othmân était innocent, je vengerai son sang !" elle fut ramenée sur-le-champ à la mecque avec sa complice hafçah, et elle commença à y propager la sédition. dans ses "annals of the early caliphate" (pp. 351-352), sir w. muir fait la relation suivante de ce que fit `Aicha concernant cet incident : "pendant le début de la période troublée de `othmân, `Aicha, dit-on, contribua à l'exaspération du mécontentement du peuple à son égard. i1 est dit qu'elle était la complice des conspirateurs, parmi lesquels figurait son frère, mohammad fils d'abû bakr, comme un des principaux chefs. quand elle apprit la nouvelle de son assassinat, sur son chemin du retour de la mecque, elle déclara qu'elle vengerait la mort de `othmân. "quoi ! s'écria son informateur, étonné par son zèle. maintenant tu dis cela, alors que pas plus tard qu'hier tu incitais à le supprimer en tant qu'apostat ?" "oui! lui répondit-elle. car, bien qu'il se soit repenti de ce dont les rebelles l'accusaient, ils l'ont tué". en réponse, son informateur récita des vers tendant à dire : "tu étais la première à fomenter le mécontentement. tu nous commandais de tuer le prince pour son apostasie, et maintenant, etc...
. en tout état de cause, on doit admettre que `Aicha était une femme jalouse, violente et intriguante, caractère qui explique pour beaucoup ce qui paraîtrait bizarre autrement." en réalité, `Aicha espérait que soit talhah soit zubayr succéderait à othmân, mais à présent ayant appris, contrairement à son espérance, l'élection de `alî qu'elle détestait, elle était extrêmement perturbée dans son esprit et se résolut à adopter une attitude d'hostilité ouverte. se déclarant vengeresse du sang de `othmân, elle persuada le grand et puissant clan des omayyades, auquel appartenait `othmân, de se joindre à sa cause. les omayyades qui résidaient encore à la mecque et ceux qui s'étaient enfuis de médine lors de l'accession de `alî au califat se rassemblèrent avec empressement sous son drapeau. les gouverneurs déposés de plusieurs provinces, entraînant avec eux facilement un grand nombre de mécontents, firent, eux aussi, les uns après les autres, cause commune avec elle. ya`lâ, l'ex-gouverneur du yémen lui fournit un moyen précieux de mener puissamment une guerre, en mettant à sa disposition le trésor qu'il avait emporté avec lui du yémen.
talhah et zubayr rejoignent `Aicha dans sa rébellion
c'était environ quatre mois après le meurtre de `othmân que talhah et zubayr arrivèrent à la mecque et trouvèrent que les choses avaient bien progressé. ils avaient des liens de parenté avec `Aicha dont la sœur cadette était une épouse de talhah (qui était également un cousin de son père abû bakr) et la sœur aînée une épouse de zubayr dont le fils, `abdullâh, avait été adopté par `Aicha. malgré leur serment d'allégeance à `alî - serment dont ils disaient maintenant qu'il avait été pris sous la contrainte et qu'il était donc nul d'après eux ils exprimèrent leur désir d'épouser la cause de `Aicha, cause qui, en cas de succès, servirait sûrement leurs intérêts. par conséquent, ils la rejoignirent et commencèrent à travailler contre `alî, déclarant aux factions de la mecque que les affaires de `alî se trouvaient dans des conditions bien troubles. " `Aicha, talhah et zubayr, qui avaient été toujours des ennemis de `othmân et qui s'étaient affirmés, en fait, comme les organisateurs de sa mort et de sa destruction, lorsqu'ils virent `alî, qu'ils détestaient autant sinon plus que `othmân, investi de la fonction de calife, se servirent des amis réels et sincères de `othmân comme d'un instrument de leurs complots contre le nouveau calife. ainsi c'est pour des motifs très divers qu'ils se rassemblèrent tous sous le slogan de la vengeance du sang de `othmân" (simon ockley's his. sar., p. 294).
l'étendard de la rébellion fut hissé et le discours de ces personnages distingués était écouté avec un vif intérêt par les revanchards et factieux arabes dont les pères et frères avaient été tués par `alî lorsqu'il défendait le prophète et sa cause dans les différentes batailles qui avaient opposé l'islam naissant aux quraych païens à l'époque du prophète. beaucoup d'arabes mécontents s'assemblèrent sous l'étendard de la révolte. le trésor détourné par ibn `Amir, le gouverneur déposé de basrah, fut utilisé par talhah et zubayr pour équiper leurs forces armées.
le conseil de guerre
les préparatifs de la guerre ayant été achevés, les dirigeants de la rébellion tinrent un conseil pour discuter du lieu où les opérations pourraient être menées avec succès. `Aicha proposa de marcher sur médine et d'attaquer `alî dans sa capitale pour frapper à la racine, mais on lui objecta que le peuple de médine était unanimement acquis à `alî et qu'il était trop puissant pour être défait. quelqu'un suggéra de se diriger vers la syrie et de mener une attaque conjointe avec les insurgés de cette province, mais walîd ibn `oqbah s'opposa fermement à cette suggestion, déclarant que mu`âwiyeh n'approuverait pas la présence de ses supérieurs dans sa capitale, et encore moins le contr6le de ses armées par eux dans ces moments critiques, et que de plus il considérerait cela comme une ingérence dans son dessein d'accéder à l'indépendance, dessein qui l'avait en fait conduit à ne pas envoyer le secours demandé de lui en sa qualité de principal vassal de `othmân dont les jours qui lui restait à vivre étaient alors pourtant comptés. a la fin, talhah leur ayant affirmé qu'il avait un parti fort en sa faveur à basrah, et qu'il était sûr de la reddition de cette ville, on se résolut à faire mouvement vers celle-ci. par conséquent une proclamation par battement de tambour fut faite à travers les rues de la mecque, annonçant que `Aicha, "la mère des croyants", accompagnée des dirigeants distingués, talhah et zubayr, se dirigeait personnellement vers basrah, que tous ceux qui désiraient venger l'atroce mort du "prince des croyants", c'est-à-dire othmân, et servir la cause de la foi, devaient se oindre à elle, même s'ils étaient sans équipement, car celui-ci leur serait fourni dès qu'ils se présenteraient.
`Aicha incite om salma
`Aicha demanda à om salma - une autre "mère des croyants" - qui se trouvait à la mecque pour le pèlerinage, de l'accompagner dans son aventure, mais elle repoussa avec indignation cette demande, et demanda à `Aicha comment elle pouvait justifier sa violation des commandements du prophète en s'opposant à `alî qui était lui aussi calife dûment et unanimement élu par le peuple de médine et reconnu par les peuples de plusieurs provinces. et récitant cette parole du prophète : "`alî est mon lieutenant aussi bien de mon vivant qu'après ma mort. quiconque lui désobéit, me désobéit du même coup", elle demanda à `Aicha si elle avait oui ou non entendu le prophète prononcer cette parole. elle répondit par l'affirmative. puis om salma lui rappela la prédiction du prophète, qu'il avait exprimée à l'adresse de ses femmes : "peu après ma mort, les chiens de hawab aboieront contre l'une de mes épouses qui sera parmi la bande rebelle. oh ! j'ai su qui elle était ! gare à toi, ? homayra ! je crains que ce ne soit toi". en entendant ces démonstrations de la vérité, `Aicha fut alarmée. continuant son avertissement, om salma dit : "ne te laisse pas égarer par talhah et zubayr. ils vont t'empêtrer dans l'erreur, mais ils ne seront pas capables de te sortir du courroux ni de la disgrâce qui te frapperont". `Aicha retourna à son logis presque encline à renoncer à son plan, mais les adjurations de son fils adoptif, `abdullâh fils de zubayr, persuadèrent sa nature vindicative de se venger de l'homme qui s'était associé un jour au prophète en la suspectant de la fausse accusation dont elle avait fait l'objet " `Aicha, faisant fi des contraintes de son sexe, se prépara à partir en campagne et à ameuter le peuple de basrah comme elle venait de le faire avec celui de la mecque. hafçah, la fille de `omar, une autre "mère des croyants", fut empêchée par son frère (qui venait de s'enfuir de médine et de se mettre à l'écart de toutes les parties) d'accompagner sa soeur; de veuvage" (muir's annals, p. 353).
la marche de `Aicha sur basrah
a la fin, `Aicha monta dans une litière sur le chameau al-`askar, et quitta la mecque à la tête de mille volontaires dont six cents montaient des chameaux quatre cents des chevaux. elle était accompagnée de talhah à sa droite et zubayr à sa gauche. sur son chemin, beaucoup de gens se joignirent à elle, gonflant le nombre de ses combattants à trois mille hommes. moghîrah ibn cho`bah, l'ex-gouvemeur de basrah et de kdfa, qui avait présidé à ces deux gouvernements à l'époque du calife `omar, et sa`îd, l'un des vétérans de la mecque, et un mohâjir de la première emigration, qui accompagnaient eux aussi la chevauchée, ayant des soupçons sur les vraies motivations de talhah et zubayr, demandèrent à ceux-ci qui serait calife en cas de victoire. "celui d'entre nous deux qui sera choisi par le peuple" fut leur réponse tout faite. "et pourquoi pas un fils de `othmân ?"
demanda sa`îd. "parce que les plus âgés étant des chefs distingués et des muhâjidn, ne doivent pas être commandés", répondirent-ils. "mais je crois, dit sa`îd, que si l'objet de votre campagne est de venger la mort de `othmân son successeur de droit doit être son propre fils. or deux de ses fils, obân et walîd, sont déjà dans votre camp. votre nomination signifierait que, sous le prétexte de vouloir venger le calife assassiné, vous avez combattu dans votre propre intérêt". "en tout cas, répliquèrent-ils, il appartiendra aux hommes de médine de choisir quiconque ils voudront".
moghîrah et sa`îd, se méfiant des dirigeants de la rébellion, décidèrent de se retirer, et en conséquence ils tournèrent leurs talons vers la mecque avec leurs partisans qui formaient une partie de l'armée rebelle. se tournant vers les troupes, alors qu'ils passaient près d'elles, ils s'écrièrent : "tuez les assassins de othmân, détruisez-les tous sans exception". moghîrah cria à l'adresse de marwân et d'autres : "où allez-vous traquer les meurtriers ? ils sont devant vos yeux sur les bosses de leurs chameaux (en pointant son doigt vers talhah, zubayr et `Aicha). tuez-les et retournez chez vous. ils sont l'objet même de votre vengeance. ils ont trempé autant que tout autre dans cette sale affaire". l'armée continua toutefois sa marche, tout en reprenant à son compte, et à cor et à cri ce qu'elle venait d'entendre. on argua à son intention que la question de la succession était prématurée, et `Aicha déclara que le choix d'un successeur était le droit exclusif des médinois et qu'il devait rester le leur comme auparavant. et pour éviter toute inquiétude supplémentaire, elle ordonna à `abdullâh, le fils de zubayr, de conduire les prières quotidiennes.
`Aicha dans la vallée de hawab
sur leur route vers basrah, les rebelles apprirent que `alî, le calife, était sorti de médine pour les poursuivre. pour arriver à basrah sans interruption et sans obstacle `Aicha ordonna qu'on changeât de route. quittant la route principale, ses armées s'engagèrent sur des sentiers en direction de basrah. pour dissiper l'ennui des longues nuits de l'automne, le guide passait son temps à chanter et occasionnellement à crier le nom de chaque vallée, désert ou village par lesquels on passait. arrivé une nuit à un lieu déterminé, il cria : "la vallée de hawab". frappée de stupeur par ce nom, un frisson traversa tout le corps de `Aicha lorsque sur-le-champ les chiens du village entourèrent son chameau et se mirent à aboyer vers elle plus bruyamment. "quel est cet endroit ?" hurla-t-elle. le guide répéta sur le même ton habituel : "la vallée de hawab". la prédiction du prophète, récemment remise à sa mémoire par om salma, comme on vient de le noter un peu plus haut, s'empara maintenant de son esprit, et elle s'exclama en tremblant : "innâ lillâhi wa innâ ilayhî râje`ûn" (nous appartenons à dieu et nous devons retoumer à lui). faisant agenouiller son chameau, elle descendit de sa litière et gémit en lâchant un profond soupir : "hélas ! hélas ! je suis en fait la misérable femme de hawab. le prophète m'en avait déjà prévenue". elle déclara qu'elle ne ferait pas un pas de plus avec cette expédition de malheur. talhah et zubayr la pressèrent en vain de poursuivre son voyage, en lui racontant que le guide s'était trompé de nom et que cet endroit ne s'appelait pas hawab. ils subornèrent même cinquante témoins pour qu'ils le jurent, mais elle ne les crut pas et refusa d'avancer.
on dit que ce fut le premier faux témoignage public survenu depuis l'avènement de l'islam. ainsi cette nuit-là, et toute la journée suivante, les rebelles restèrent à hawab. talhah et zubayr étaient déconcertés et ne savaient pas quoi faire. finalement, recourant à un stratagème intelligent, ils purent mettre l'armée sur pied en criant soudainement : "vite ! vite ! `alî s'approche rapidement pour nous surprendre". ce disant, ils commencèrent à détaler. `Aicha, frappée de terreur, tourna tout de suite les talons, trouva son chameau et entra promptement dans sa litière. la marche fut ainsi reprise.
le campement de `Aicha à khoraybah
dans sa hâte d'arriver à basrah l'armée rebelle avança rapidement et, arrivant près de la ville, elle campa à khoraybah. `Aicha fit venir un notable de basrah, ahnaf ibn qays, et lui demanda de rejoindre son étendard. après quelques discussions sur le sujet, il refusa de prendre les armes contre le calife. mais décidé toutefois à rester neutre il quitta basrah avec six mille partisans et campa à wâdi-1-saba, dans les faubourgs de basrah.
`Aicha envoya un message à `othmân ibn honayf, le gouvemeur de basrah, l'invitant à venir la voir. ibn honayf enfila immédiatement son armure et, suivi d'un grand nombre de citoyens, se dirigea vers le campement de `Aicha. mais à sa grande surprise, il trouva l'armée des insurgés déployés sur le terrain de manœuvre, suivie par un grand nombre de ses concitoyens factieux qui avaient en même temps rejoint `Aicha pour se ranger de son c6té.
des pourparlers s'engagèrent : "talhah et zubayr s'adressaient alternativement aux foules, et ils furent suivis par `Aicha qui haranguait les gens du haut de son chameau. sa voix, qu'elle avait élevé pour se faire entendre par tout le monde, devint stridente et aiguë, au lieu d'être intelligible, ce qui suscita l'hilarité de la foule. une querelle éclata à propos de la justice de son appel, les différentes parties se mirent à échanger des injures, à se traiter de menteuses et à se lancer l'une contre l'autre de la poussière au visage. l'un des hommes de basrah se tourna alors vers `Aicha et lui lança : "honte à toi, ? mère des croyants !" et d'ajouter : "l'assassinat du calife était un crime cruel, mais moins abominable que ton oubli de ta condition et de ton sexe. pourquoi as-tu abandonné le calme de ta maison et ton voile protecteur pour monter comme un homme imberbe sur ce maudit chameau et fomenter querelles et dissensions parmi les fidèles ?" un autre homme de la foule s'écria, moqueur, aux visage de talhah et zubayr : "vous avez amené votre mère avec vous. pourquoi n'avez-vous pas amené vos femmes aussi?" des insultes fusèrent de partout, des épées furent tirées, et des escarmouches éclatèrent, et les antagonistes se battirent jusqu'à ce que l'heure de la prière les etlt séparés (w. inring's succ. of mohd., p.172).
les entrées de la cité étaient désormais hermétiquement fermées aux insurgés. quelques jours passèrent, pendant lesquels des escarmouches eurent lieu, causant des pertes sérieuses aux partisans du gouverneur et permettant aux insurgés de s'implanter un peu dans la ville. finalement une trêve fut conclue, aux termes de laquelle un messager serait envoyé à médine pour vérifier si talhah et zubayr avaient prêté serment d'allégeance à `alî, le jour de l'inauguration de son califat, volontairement ou sous la contrainte. dans le premier cas, ils devraient être traités en rebelles, et dans le second, leurs partisans à basrah auraient raison de soutenir leur cause. les insurgés, qui désiraient avoir une sérieuse occasion de vaincre le gouverneur et de prendre possession de la ville, acceptèrent cet arrangement pour gagner du temps. un messager fut ainsi envoyé à médine. lorsqu'il délivra sa commission, tout le monde garda le silence. a la fin, osâmah se leva et dit qu'ils avaient été contraints. mais cette affirmation lui aurait coûté la vie sans l'intervention de son ami sohayl, un homme d'influence et d'autorité, qui le prit sous sa protection et l'amena chez lui.
`Aicha s'empare de basrah
dans l'intervalle, les dirigeants des insurgés s'efforcèrent d'attirer ibn honayf, le gouvemeur de basrah, dans leur campement en lui envoyant des messages amicaux, mais il soupçonna une tricherie derrière ces messages et s'enferma chez lui en se faisant suppléer par `ammâr dans son poste.
talhah et zubayr, prenant avec eux une élite de leurs partisans, une nuit de tempête, se mêlèrent à l'assemblée des priants dans la mosquée, surprirent le gouverneur, et après avoir tué quarante hommes de sa garde, ils le firent prisonnier. le jour suivant, hâkim ibn jabalah essaya de libérer le prisonnier, mais il perdit la vie et celle de soixante-dix partisans dans cette tentative. une bataille sérieuse fit rage dans la ville, aboutissant à une déconfiture totale et à des pertes considérables parmi les partisans de `alî. `Aicha entra en grand apparat dans la ville, et le gouvernement de basrah, ainsi que le trésor, passèrent aux mains des insurgés.
peu après la capture de `othmân ibn honayf, on demanda à `Aicha comment elle voulait qu'on disposât de lui. elle le condamna à mort, mais sur les instances d'une femme de sa suite elle consentit à épargner sa vie. il fut toutefois condamné à subir des maux encore pires jusqu'à ce qu'il pût échapper à ses ravisseurs. les poils de sa barbe, ses moustaches et ses sourcils furent arrachés un à un, et il fut honteusement exposé au pilori.
`alî apprend la nouvelle de la révolte de`Aicha
le lecteur se demandera sans doute avec anxiété ce que faisait `alî, le calife, pendant tout ce temps-là. nous allons donc laisser de c8té les insurgés, maintenant maîtres de basrah, pour suivre les traces de `alî. les nouvelles des troubles survenus à la mecque étaient parvenues à médine.
mais `alî avait dit que tant qu'une action de grande envergure des insurgés n'aurait pas menacé l'unité de l'islam, il ne prendrait pas de mesures énergiques contre eux. après quelques temps, om salma, qui avait repoussé fermement les propositions de `Aicha à la mecque, comme on l'a vu plus haut, s'étant rendue à médine rapidement après le départ des insurgés pour basrah, avait informé `alî de la révolte de `Aicha, talhah et zubayr. un autre message, en provenance d'om al-fadhl la veuve d'al-`abbâs, qui se trouvait à la mecque, était parvenu également à `alî, faisant état des mouvements des rebelles contre le calife et de leur marche sur basrah.
en apprenant cette nouvelle, `alî avait fait rassembler les gens dans la grande mosquée et les avait appelés aux armes pour poursuivre les rebelles.
le discours éloquent et les appels chaleureux du calife avaient été accueillis avec froideur et apathie par l'assemblée. personne ne paraissait prêt à répondre à l'appel, notamment parce que certains dans l'auditoire avaient pris en considération le fait que la personne contre laquelle on les pressait de prendre les armes n'était autre que la mère des croyants, `Aicha, et redoutaient une guerre civile; d'autres encore se demandaient si `alî n'avait pas été impliqué indirectement dans la mort de `othmân. pendant trois jours consécutifs. `alî fit de son mieux pour que les gens bougent et réagissent. finalement, le troisième jour, ziyâd ibn handhalah se leva et s'avança vers `alî en disant : "laisse-les rester à l'arrière, moi, j'avancerai". suivant son exemple, deux ançâr, abul-hathim et khazima ibn thâbit s'avancèrent en prononçant ces propos: "le prince des croyants est innocent du meurtre de `othmân, nous devons le rejoindre". sur-le-champ abû qatâda, un autre ançârî, un homme distingué, se leva et, tirant son épée, s'exclama : "le messager de dieu, que la paix soit sur lui, m'avait ceint avec cette épée. je l'ai gardée rengainée depuis longtemps, mais à présent il est grand temps de la dégainer contre ces méchants hommes qui trompent toujours le peuple" (simon ockley's his. sar., p. 300). même om salma dit avec zèle (2) : "ô commandeur des croyants ! si la loi le permettait, je t'aurais accompagné dans ton expédition, mais je sais que tu ne me le permets pas. aussi je t'offre les services de mon fils `omar b. abî salma, qui m'est plus cher que ma propre vie. laisse-le partir avec toi pour partager vos chances". `alî accepta l'offre et `omar ibn abî salma l'accompagna dans l'expédition. c'était un homme de valeur, de piété et de beaucoup d'autres qualités, et il sera nommé plus tard, gouverneur de bahrein.
1
la marche de `atî contre `Aicha ALI IBN ABI TALIB LE QUATRIEME CALIFE la marche de `atî contre `Aicha
finalement, une armée de neuf cents hommes put être levée difficilement. l'attitude froide des médinois dans cette conjoncture critique découragea tellement `alî qu'il décida de ne pas revenir parmi eux et de choisir un autre endroit pour le siège de son gouvernement. il sortit cependant à la tête de cette petite force de neuf cents hommes dans l'intention de surprendre les rebelles sur leur chemin vers basrah. arrivé à rabdhah (aux abords de najd), il constata que les insurgés étaient déjà partis et qu'ils se trouvaient bien loin devant. bien que rejoint dans sa marche par les banî tay et quelques autres tribus loyales, il n'était pas suffisamment équipé pour avancer davantage. aussi ordonna-t-il qu'on fasse halte à thî-q`ar (thîqâr), en attendant l'arrivée de renforts de kûfa, ville à laquelle il avait envoyé mohammad ibn abî bakr et `abdullâh ibn ja`far pour demander à son gouvemeur abû mûsâ al-ach`arî d'inciter les gens à rejoindre leur calife afin d'aller avec lui auprès des rebelles et d'essayer de réunir les gens divisés.
la conduite d'abû mûsâ al-ach`arî envers le calife
abû mûsâ al-ach`arî n'était pas bien disposé envers le calife, qui avait auparavant envoyé `ammâr ibn chahab pour le remplacer, comme nous l'avons déjà vu. en outre, c'était un homme qui manquait d'enthousiasme dans l'accomplissement de ses tâches. `Aicha lui avait déjà écrit des lettres pour dissuader ses concitoyens de prêter serment d'allégeance à `alî et pour les persuader de se lever pour venger le meurtre de `othmân. prenant acte du succès de `Aicha à basrah, il avait déjà commencé à nuancer son allégeance à `alî et à défendre la cause de `Aicha devant les gens. lorsque les messagers du calife arrivèrent à kûfa et qu'ils délivrèrent leur message, un silence complet règna sur l'assemblée dans la mosquée. finalement les gens demandèrent à abû mûsâ ce qu'il leur conseillait à propos de la demande du calife de le rejoindre. i1 répondit gravement que sortir ou rester à la maison étaient deux choses différentes. le premier était un acte pour le monde d'ici-bas, le second pour celui de la vie future. a eux donc de choisir. choqués par ces propos tendancieux, les envoyés du calife lui en firent le reproche. ce à quoi il répondit que le serment d'allégeance envers `othmân l'engageait encore - tout comme il engageait encore leur maître (c'est-à-dire `alî) - ainsi que son peuple, lequel était déterminé à liquider les assassins du défunt calife où qu'ils se trouvent, et que, aussi longtemps que les meurtriers resteraient tranquilles, il ne participerait à aucune expédition. i1 demanda à mohammad ibn abî bakr et `abdullâh ibn ja`far de retourner chez `alî pour lui répéter ce qu'il venait de leur dire.
dans l'intervalle, `othmân ibn honayf, l'ex-gouverneur de basrah, se rendit à thî-qa`r. i1 était dans un dr6le d'état. le calife le reconnut et lui dit en souriant qu'il l'avait laissé un vieil homme et qu'il revenait auprès de lui tel un jeune imberbe. en fait, `othmân avait eu une barbe remarquablement belle, dont la perte, doublée de la perte de ses cheveux et sourcils lui donnait une apparence étrange. i1 raconta à `alî ses mésaventures avec les dirigeants des insurgés, et le calife sympathisa avec lui pour les souffrances qu'il avait subies, et le réconforta en l'assurant que ses peines seraient comptées comme mérites. puis il dit que les hommes qui avaient été les premiers à le reconnaître comme calife, étaient aussi les premiers à abjurer leur serment d'allégeance et les premiers à se rebeller contre lui. il s'étonna de leur soumission volontaire à abû bakr, `omar et `othmân, et de leur opposition à lui-même.
aussitôt que mohammad ibn abî bakr et `abdullâh ibn ja`far retournèrent à médine et rapportèrent ce qu'abû mûsâ avait dit, le calife dépêcha ibn `abbâs et mâlik al-achtar à kûfa où ils délivrèrent le message du calife demandant l'assis- tance des kûfites. mais au lieu d'encourager ces derniers à répondre à l'appel du calife, abû mûsâ leur dit : "frères ! les compagnons du prophète sont plus savants que les non-compagnons à propos de dieu et de son prophète. le désaccord est parmi les compagnons qui savent mieux à qui il faut faire confiance. vous ne devez donc pas vous mêler de leurs affaires, car le prophète a dit une fois : "il y aura des troubles pendant lesquels il vaudra mieux (pour le musulman) être couché que réveillé, réveillé qu'assis, assis que debout, debout qu'en marche, en marche que sur une monture". rengainez donc vos épées, cassez vos arcs et déposez vos lances. gardez tranquillement vos maisons et accueillez-y avec hospitalité les blessés jusqu'à ce que les troubles cessent. laissez les compagnons du prophète se mettre tous d'accord entre eux. vous n'avez besoin de faire la guerre contre aucun d'entre eux. que ceux qui sont venus vous voir de médine, retournent d'où ils sont venus".
abû mûsâ a1-ach`arî démis de ses fonctions de gouverneur de kûfa
lorsque ibn `abbâs et mâlik al-achtar retournèrent à médine et rapportèrent au calife ce qu'avait fait abû mûsâ al- ach`arî, il envoya son fils, al-hassan, accompagné de `ammâr ibn yâcir qui avait été pendant un temps gouverneur de kûfa durant le règne du calife `omar, et qui avait été très maltraité par la suite par le calife `othmân pour ses remarques franches. mâlik al-achtar (un homme d'initiative et de détermination, qui exerçait une grande influence sur les kûfites) et qui avait été irrité par les équivoques d'abû mûsâ lors de sa précédentes mission, suivit al-hassan dans son voyage, en compagnie de qardhah ibn ka`b al-ançârî qui venait d'être nommé gouverneur de kûfa en remplacement d'abû mûsâ al-ach`arî. abû mûsâ les reçut tout à fait respectueusement, mais lorsqu'on demanda aux kûfites, rassemblés dans la mosquée, leur participation à l'expédition contre les insurgés, conformément au message du calife, il s'y opposa aussi vigoureusement qu'il l'avait fait auparavant, invoquant le même hadith, cité dans le précédent paragraphe, à savoir : "il y aura des troubles pendant lesquels il vaudra mieux être couché que réveillé, etc". `ammâr ibn yâcir, le vénérable compagnon favori du prophète, âgé alors d'environ quatre-vingt dix ans, un soldat austère et vétéran, et à présent général de cavalerie dans l'armée de `alî, ayant entendu le discours malicieux d'abû mûsâ, lui répliqua vivement qu'il avait fait un mauvais usage de la parole du prophète, laquelle visait à réprimander des hommes de l'espèce d'abû mûsâ lui-même, qu'il valait mieux qu'ils restent couchés que réveillés, assis que debout, etc... cependant, abû mûsâ persistait à décourager les gens de répondre aux propositions des envoyés de `alî. un tumulte s'éleva lorsque zayd ibn sihân intervint pour lire une lettre de `Aicha lui commandant soit de rester neutre soit de la rejoindre. après avoir fait la lecture de cette lettre, il en sortit une autre adressée au grand public de kûfa, leur demandant de faire de même.
après la lecture de ces deux lettres, il fit remarquer : "le coran et le prophète commândent qu'elle (`Aicha) reste tranquille chez elle, et que nous combattions jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de sédition. elle nous ordonne donc de jouer son rôle alors qu'elle a pris le n6tre pour elle". d'aucuns parmi l'assistance reprochèrent à zayd sa remarque contre la mère des croyants. abû mûsâ reprit son discours pour poursuivre son opposition au calife, ce qui conduisit certains parmi les auditeurs à lui reprocher son infidélité et sa déloyauté et à l'obliger à quitter la chaire qui fut ensuite occupée par al-hssan ibn `alî.
abû mûsâ dut quitter non seulement la chaire, mais aussi le mosquée tout de suite, quelques soldats de la garnison stationnée au palais du gouverneur étant venus se plaindre d'avoir été battus sévèrement avec des bâtons. i1 est à noter que le débat se déroulait à la mosquée, mâlik al-achtar avait pris avec lui un groupe de ses partisans et s'était emparé par surprise du palais du gouverneur, et les hommes de la garnison avaient été bruyamment battus et envoyés à la mosquée pour interrompre le débat. cette prompte action eut l'effet escompté. en outre elle rendit l'impassibilité froide de la conduite d'abû mûsâ tellement ridicule et méprisable que les sentiments du peuple se retournèrent immédiatement contre lui. lorsqu'il sortit de la mosquée, il se rendit hâtivement à son palais où mâlik lui ordonna de vider les lieux immédiatement. la foule assemblée à l'entrée était prête à piller ses biens, mais mâlik intervint et impartit à abû mûsâ un délai de vingt-quatre heures pour qu'il emportât ses effets.
al-hassan ibn `alî réussit une levée de neuf mille kûfites
du haut de sa chaire, al-hassan adressa avec éloquence à l'assemblée un discours dans lequel "i1 confirrma l'innocence de son père en ce qui concerne l'assassinat de `othmân. i1 dit que son père, soit avait tort, soit subissait une injustice. s'il avait tort, dieu 1'en punirait et s'il subissait une injustice, il lui viendrait en aide. l'affaire était donc entre les mains du très-haut. talhah et zubayr qui avaient été les premiers à inaugurer son califat, avaient été aussi les premiers à se retourner contre lui. qu'avait-il donc fait, en tant que calife, pour mériter cette opposition ? quelle injustice avait-il commise ? quelle avidité ou quel égoïsme avait-il manifestés" (w. irving's succ. of mohd., p. 177).
l'éloquence d'al-hassan eut un pouvoir réel sur l'assistance. les chefs des tribus se dirent les uns aux autres qu'ils avaient tendu leurs mains en guise d'allégeance à `alî, et que ce dernier leur avait fait honneur en leur demandant d'être les arbitres dans une si importante affaire. ils regrettèrent de n'avoir pas tenu compte des précédents messagers du calife, ce qui avait conduit ce dernier à députer son fils pour demander leur assistance. ils conclurent finalement qu'ils devaient obéir à leur calife et répondre à une demande si raisonnable. a1-hassan leur dit qu'il allait retourner auprès de son père et que ceux qui se croyaient prêts à l'accompagner devaient le faire, alors que les autres pouvaient le suivre par voie de terre ou par bateaux. ainsi neuf mille kûfites rejoignirent `alî par terre et par bateaux. en leur souhaitant la bienvenue, `alî leur dit: "je vous ai fait venir ici pour être témoins entre nous et nos frères de basrah. s'ils acceptent de se soumettre pacifiquement, c'est tout ce que nous désirons, mais s'ils persistent dans leur révolte, nous les amènerons à la réconciliation gentiment, à moins qu'ils ne se mettent à nous offenser.
pour notre part, nous ne négligerons rien qui puisse, d'une façon ou d'une autre, contribuer à un arrangement que nous devons préférer à la désolation de la guerre" (s. ockley's his. sar. p. 305). l'armée du calife, ayant reçu des renforts de diverses régions, devint forte d'environ vingt mille hommes qui s'avancèrent vers basrah. pendant qu'il était stationné avec son année à thî-qâr, `alî avait écrit des lettres à `Aicha, talhah et zubayr pour les mettre en garde contre les démarches déraisonnables qu'ils avaient entreprises, et pour leur dire qu'aucun d'entre eux ne pouvait prétendre être le vengeur du sang de `othmân, ce dernier étant un omayyade, alors qu'aucun d'eux n'appartenait aux banî `omayyah. `Aicha avait répondu que les choses étaient arrivées à un point où les avertissements n'avaient plus aucune utilité, alors que talhah et zubayr ne donnèrent pas de réponse écrite, se contentant de faire parvenir à `alî un mot pour l'informer qu'ils n'étaient pas disposés à obéir à ses ordres et qu'il avait toute la liberté de faire ce qu'il voulait.
l'arrivée de `alî à basrah
l'armée de `Aicha comptait trente mille hommes dont la plupart étaient de nouvelles recrues, alors que celle de `alî se composait principalement de vétérans, d'hommes ayant déjà servi dans les forces armées, et de compagnons du prophète. lorsque `alî apparut avec ses forces armées déployées en un imposant ordre de bataille devant basrah, `Aicha et ses confédérés furent frappés de terreur. une fois proche de basrah, `alî envoya qa`qâ` ibn `amr, un compagnon du prophète, aux dirigeants des rebelles en vue de négocier avec eux un plan de paix, si possible. `Aicha répondit que `alî devait négocier personnellement avec eux. lorsque `alî arriva, des messages circulèrent dans les rangs des forces hostiles en vue de compromettre la négociation. on voyait `alî, talhah et zubayr tenir de longues conversations, faisant le va-et-vient ensemble à la vue des deux armées, et les négociations paraissaient tellement dans la bonne voie que tout le monde pensa qu'on allait aboutir sûrement à un arrangement pacifique; car par son impressionnante éloquence, `alî toucha les cœurs de talhah et de zubayr en les mettant en garde contre le jugement du ciel et en les défiant à une ordalie où l'on invoquerait la malédiction divine contre ceux qui avaient encouragé et suggéré le meurtre de `othmân et incité les malfaiteurs à le commettre. au cours de l'un de leurs entretiens, `alî demanda à zubayr : "as-tu oublié le jour où le messager de dieu t'avait demandé si tu n'aimais pas son cher "fils" `alî et où tu lui as répondu : "si". ne te rappelles-tu pas cette prédiction du prophète : "cependant, il arrivera un jour où tu te soulèveras contre lui et où tu apporteras des misères à lui et à tous les musulmans". zubayr répondit qu'il s'en souvenait parfaitement, qu'il se sentait désolé, que s'il s'en était souvenu auparavant, il n'aurait jamais porté les armes contre lui. zubayr semblait donc déterminé à ne pas se battre contre `alî.
i1 retourna à son camp et informa `Aicha de ce qui s'était passé entre lui et `alî. "on dit qu'à la suite de cette allusion à la prédiction du prophète, zubayr renonça à combattre contre `alî, mais malgré ladite prédiction prophétique, `Aicha était si pleine de haine contre `alî qu'elle ne pouvait accepter aucun arrangement, à n'importe quelle condition. d'autres disent que c'est le fils de zubayr, `abdullâh (adopté par `Aicha) qui l'avait fait changer d'avis en lui demandant si c'était la peur des troupes de `alî qui l'avait conduit à cette volte-face. a ceci zubayr répondit "non mais le serment prêté à `alî". `abdullâh lui suggéra alors d'expier son serment en libérant un esclave, ce qui l'amena à se préparer sans plus d'hésitation à combattre contre `alî" (s. ockley's his. sar., p. 307).
les deux armées étaient face à face sur le même champ de bataille. durant la nuit chaque partie chargea l'autre, les deux parties s'accusant mutuellement d'avoir ouvert les hostilités. le lecteur pourra lui-même déduire quelle est la partie à blâmer pour cette attaque nocturne, quelle partie essayait d'arriver à un arrangement pacifique pour éviter l'effusion de sang et laquelle mettait en échec ces tentatives de paix. les circonstances relatées ci-dessus sont assez claires pour éclairer et indiquer la vérité.
la bataille d'al-jamal (du chameau)
le lendemain matin, t6t, le vendredi 16 jamâdî ii de l'an 36 a.h. (nov. 656 a.j.c.), `Aicha entra dans le champ de bataille, assise dans une litière sur son grand chameau, al-`askar. elle fit l'inspection de ses troupes, qu'elle animait par sa présence et par sa voix. dans l'histoire, cette bataille fut appelée "la bataille du chameau", en raison de la présence de la bête étrange sur laquelle était montée `Aicha, et ce, bien qu'elle fût livrée à khoraybah, près de basrah. l'armée de `alî faisait face à l'ennemi en ordre de bataille, mais le calife avait ordonné à ses combattants de ne charger que si l'ennemi les attaquait le premier. en outre, il leur donna l'ordre strict de ne jamais achever un blessé, de ne jamais poursuivre un fuyard, de ne pas s'emparer de butin et de ne jamais violer une maison. et alors qu'une pluie de flèches lancées par l'ennemi tombait sur les troupes de `alî, celui-ci ordonna à ses soldats de ne pas rpondre au tir et d'attendre. "jusqu'au dernier moment `alî fit preuve d'une répugnance implacable à l'effusion du sang de musulmans, et juste avant la bataille il s'efforçait encore d'obtenir l'allégeance de l'adversaire par un appel solennel au coran. une personne, nommée muslim, s'avança alors immédiatement, levant un exemplaire du coran dans sa main droite. muslim se mit à fustiger l'ennemi pour l'amener à renoncer à ses desseins injustifiés.
mais la main qui portait le livre sacré fut coupée par un soldat de l'armée ennemie. il porta alors le coran dans sa main gauche, mais celle-ci fut à son tour coupée par un autre cimeterre. l'homme ne fut pas pour autant découragé, et il serra le coran contre sa poitrine avec ses bras mutilés, continuant ses exhortations jusqu'à ce qu'il fût achevé par les sabres de l'ennemi. son corps fut par la suite récupéré par ses amis et des prières furent faites sur lui par `alî lui-même. le calife ramassa ensuite une poignée de sable, la lança en direction des insurgés, invoquant contre eux la vengeance de dieu. en même temps, l'impétuosité des hommes de `alî ne pouvait être retenue plus longtemps. tirant leurs sabres et pointant leurs lances, ils se lancèrent vaillamment dans le combat qui fut livré de tous c6tés avec une férocité et une animosité extraordinaires" (price's mohd. his., cité par s. ockley, p. 308).
le sort de talhah
alors que la bataille faisait rage et que la victoire commençait à pencher du c6té de `alî, marwân ibn al-hakm (le secrétaire particulier du précédent calife, `othmân), l'un des officiers de l'armée de `Aicha, remarqua que talhah incitait ses troupes à se battre vaillamment. "voyez ce traître ! dit-il à son serviteur. tout récemment encore, il était l'un des assassins du vieux calife. et le voilà qui prétend être le vengeur de son sang. quelle plaisanterie !" ce disant, il tira dans un accès de haine et de furie une flèche qui perça sa jambe droite et la traversa pour toucher son cheval qui se cabra et jeta le cavalier par terre. en ce moment d'angoisse, talhah s'écria : "? mon dieu ! venge `othmân sur moi selon ta volonté", avant d'appeler au secours. constatant que ses chaussures ruisselaient de sang, il demanda à l'un de ses hommes de le ramasser, de le faire monter sur son cheval, derrière lui, et de le convoyer à basrah. et sentant sa fin proche, il appela l'un des hommes de `alî qui se trouvait là par hasard : "donne-moi ta main, dit le mourant repentant, afin que j'y pose la mienne en guise de renouvellement de mon serment d'allégeance à `alî". talhah rendit son dernier soupir en prononçant ces mots de repentir. lorsque `alî entendit le récit de sa mort, son cœur généreux fut touché, et il dit : "allâh ne voulait pas l'appeler au ciel avant d'effacer sa première violation de serment par ce dernier serment de fidélité". le fils de talhah, mohammad, fut lui aussi tué dans cette bataille.
le sort de zubayr
les remords et la componction avaient envahi le cœur de zubayr après avoir écouté le rappel par `alî de la prédiction du prophète. i1 ne fait pas de doute qu'il avait participé à la bataille sur l'instance de `Aicha et de son fils et à contre-coeur. par la suite, il avait vu `ammâr ibn yâcir, le vénérable et vieux compagnon du prophète, connu pour sa probité et son intégrité, être un général dans l'armée de `alî. il s'était rappelé alors avoir entendu de la bouche du prophète que `ammâr serait toujours du côté des partisans de la justice et du bon droit et qu'il tomberait sous les sabres de mauvais rebelles. tout avait semblé donc être de mauvais augure pour participer à cette bataille. aussi se retira-t-il du champ de bataille et prit-il le chemin de la mecque tout seul. lorsqu'il arriva à la vallée traversée par le ruisseau de saba, où ahnaf ibn qays avait campé avec une horde d'arabes dans l'attente de l'issue du combat, il fut reconnu de loin par ahnaf. "personne ne peut-il m'apporter des nouvelles de zubayr ?" dit-il à l'adresse de ses hommes.
l'un de ceux-ci, `amr ibn jarmuz, comprit l'insinuation et se mit en route. zubayr voyant cet homme s'approcher, le soupçonna de mauvaises intentions à son égard. aussi lui ordonna-t-il de rester à distance. mais après avoir échangé quelques paroles, ils devinrent amis et tous deux descendirent de leurs chevaux pour faire la prière, étant donné qu'il en était l'heure. losque zubayr se prosterna en accomplissant sa prière, `amr saisit l'occasion et coupa sa tête avec son cimeterre. i1 apporta sa tête à `alî qui pleura à la vue de cette tête. car il s'agissait de la tête de quelqu'un qui avait été son ami. se tournant vers l'homme qui lui avait apporté ce cadeau macabre, il s'écria, indigné : "va-t-en maudit. apporte tes nouvelles à ibn safiyah en enfer". cette malédiction inattendue enragea le misérable qui s'attendait plutôt à une récompense, et il proféra une bordée d'injures à l'adresse de `alî. puis, dans un accès de désespoir, il dégaina son sabre et l'enfonça dans son propre cœur.
la défaite de `Aicha
tel fut donc le sort des deux grands dirigeants des rebelles. quant à `Aicha, l'implacable âme de la révolte, la femme de guerre, elle continua à hurler inlassablement de sa voix stridente : "tuez les assassins de `othmân", incitant ses hommes à se battre. mais les troupes, privées de leurs dirigeants, s'étaient senties déjà démoralisées et avaient commencé à retourner à la ville. toutefois, voyant que `Aicha était en danger, ses partisans arrêtèrent leur fuite et revinrent à son secours. se rassemblant autour de son chameau, ils essayèrent l'un après l'autre d'en saisir la bride et de prendre l'etendard, mais ils furent abattus à tour de r6le. ainsi soixante-dix hommes périrent par la bride de cet animal maudit. la litière de `Aicha, en tôle d'acier et construite comme une cage, était hérissée de dards et de flèches, et sur la bosse de l'énorme bête, elle ressemblait à un hérisson effrayant et en colère. "convaincu que la bataille ne pourrait être interrompue aussi longtemps que le chameau continuerait à s'amuser de la sorte avec les défenseurs de `Aicha, `alî exprima aux hommes qui 1`entouraient son désir de les voir s'efforcer de terrasser l'animal. après plusieurs assauts désespérants, mâlik al-achtar réussit enfin à forcer un passage et à casser l'une des pattes du chameau. mais malgré cela, l'animal resta debout et impassible, et persévéra dans son attitude.
une autre patte fut brisée, mais sans résultat. mâlik al-achtar, étonné et terrifié par le comportement du chameau ne savait pas s'il devait continuer ou non. `alî s'approcha et lui demanda de frapper sans hésitation même si l'animal paraissait bénéficier du soutien d'un agent surnaturel. stimulé, mâlik frappa la troisième patte et l'animal fut immédiatement terrassé.
la litière de `Aicha étant maintenant à terre, `alî ordonna à mohammad, fils d'abû bakr, de se charger de sa soeur et de la protéger des flèches qui continuaient à tomber de partout. mohammad s'exécuta s'approcha de la litière, et y introduisant sa main qui toucha par hasard celle de `Aicha, il entendit cette dernière l'accabler d'insultes et crier, interrogative, quel vaurien osait toucher sa main que personne d'autre que le prophète n'avait l'autorisation de toucher. mohammad répondit que bien que cette main fût celle de la personne la plus proche d'elle par le sang, elle était aussi celle de son pire ennemi. reconnaissant alors la voix bien connue de son frère, `Aicha se défit rapidement de ses appréhensions" (price's his., cité par s. ockley, p. 310).
la magnanimité de `alî envers l'ennemi
" `Aicha pouvait s'attendre logiquement à un traitement sévère de la part de `alî, étant donné qu'elle était son ennemie vindicative et acharnée, mais `alî était trop magnanime pour se venger d'un adversaire vaincu" (w. irving's succ. of mohd., p.179). une fois que toutes les confusions liées à la bataille se furent estompées, `alî vint voir `Aicha et lui demanda comment elle allait. ayant constaté qu'elle allait bien et qu'elle avait été sauvée sans subir aucun mal, il lui dit sur un ton de reproche : "le prophète aurait-il accepté que tu agisses ainsi ?" elle répondit : "tu es victorieux. sois donc bon envers ton adversaire vaincu". `alî ne lui fit plus de reproches et ordonna à son frère mohammad d'emmener sa sœur à la maison de `abdullâh ibn khalaf, un khozâ`ite, notable citoyen de basrah, tué alors qu'il combattait pour `Aicha. celle-ci demanda à son frère de chercher les traces de `abdullâh, fils de zubayr, qu'on trouvera par la suite, blessé, parmi les morts et les blessés qui jonchaient le champ de bataille. selon le désir de `Aicha il fut amené devant `alî pour obtenir son pardon. le très généreux vainqueur promulgua alors avec magnanimité une amnistie générale pour tous les rebelles et leurs alliés, y compris `abdullâh ibn zubayr. malgré toutes ces mesures de clémence, marwân et les omayyades s'enfuirent chez mu`âwiyeh en syrie, ou à la mecque.
le carnage dans la bataille
les pertes dans cette bataille furent très lourdes. certains historiens avancent le chiffre de seize mille sept cent quatre-vingt-seize tués parmi les hommes de `Aicha et de mille soixante-dix parmi ceux de `alî. d'autres parlent de dix mille tués parmi les partisans de `Aicha et cinq mille parmi ceux de `alî. en tout état de cause, les cadavres jonchaient le champ de bataille. une fosse fut creusée dans laquelle furent enterrés sur ordre du calife aussi bien les partisans que les adversaires tués dans les combats.
la retraite de `Aicha
lorsque le calme fut revenu, `alî envoya `abdullâh ibn `abbâs pour demander à `Aicha de partir pour médine, mais elle déclina l'offre, insistant sur le fait qu'elle ne voulait pas aller dans un endroit où il y avait des hâchimites. quelques propos de reproches furent échangés entre l'émissaire de `alî et `Aicha, et le premier revint auprès du calife pour lui signifier son refus. mâlik al-achtar fut envoyé alors avec la même mission, mais il échoua lui aussi dans sa tentative de la persuader d'accepter l'offre du calife. puis `alî lui-même alla la voir et lui dit qu'elle avait le devoir de rester tranquille à sa maison où elle devait aller maintenant afin de retrouver le gîte dans lequel le prophète l'avait laissée, et d'oublier le passé. "que dieu te pardonne, ajouta-t-il, pour ce que tu as fait, et qu'il te couvre de sa clémence". mais `Aicha ne prta pas attention à la parole de `alî. ce dernier lui envoya enfin, son fils al-hassan pour l'avertir que si elle persistait dans son refus de regagner son foyer à médine, elle serait traitée de la façon qu'elle connaissait bien.
lorsqu'al-hassan arriva, elle était en train de se coiffer, mais ayant entendu le message, elle fut si embarrassée qu'elle laissa ses cheveux à moitié coiffés, se leva tout de suite et donna l'ordre de se préparer immédiatement en vue de voyager. après le départ d'al-hassan les dames de la maison lui demandèrent ce que ce garçon avait de particulier qui l'avait mise si mal à l'aise alors qu'elle n'avait pas hésité auparavant à repousser la proposition de ibn `abbâs, mâlik al-achtar et même de `alî lui-même. `Aicha raconta alors comment le prophète avait donné à `alî le pouvoir de prononcer lui-même le divorce des femmes du prophète aussi bien de son vivant qu'après sa mort. "al-hassan, dit-elle, était porteur de ce message d'avertissement de `alî qui lui faisait valoir son autorité, ce qui l'avait mise si mal à l'aise. `alî fit alors les arrangements convenables pour le voyage de `Aicha et ordonna à ses deux fils, al-hassan et al-hussayn, de l'escorter pendant une étape, et il l'accompagna lui-même jusqu'à une certaine distance. "sur ordre de `alî, `Aicha fut escortée par une suite de femmes (quarante ou soixante-dix), déguisées en hommes, dont l'approche familière fit l'objet de plaintes constantes. mais une fois arrivée à médine, `Aicha découvrit la délicatesse de la ruse et devint aussi généreuse, dans sa reconnaissance, qu'elle l'avait été auparavant dans ses reproches" (price's mohd. his., his., cité par s. ockley, p. 310).
les butins de guerre
comme il a été mentionné plus haut, `alî avait interdit à ses armées tout pillage. "ainsi, les ordres de `alî concernant l'interdiction du pillage avaient été respectés avec un tel scrupule que tout ce qu'on avait trouvé sur le champ de bataille ou dans le camp de l'ennemi fut rassemblé dans la grande mosquée, de sorte que chacun pouvait réclamer la restitution de son bien. aux mécontents qui se plaignaient de n'avoir pas la permission de puiser dans le butin, `alî répondit que les droits de la guerre avaient duré aussi longtemps que les rangs étaient en ordre de bataille, les uns face aux autres, et que tout de suite après leur soumission, les insurgés avaient recouvré leurs droits et privilèges de frères musulmans. une fois entré dans la ville, il divisa le contenu du trésor parmi les troupes qui avaient combattu pour lui, tout en leur promettant une récompense encore plus grande lorsque dieu aurait fait délivrer la syrie" (muir's annals, p. 366).
le transfert du siège du gouvernement
le séjour de `alî à basrah ne dura pas longtemps. après avoir nommé `abdullâh ibn `abbâs gouverneur de cette ville. le calife repartit pour kûfa au mois de rajab de l'an 36 a.h. craignant les mauvais desseins de mu`âwiyeh à son égard, le calife considéra kûfa comme un lieu bien situé pour faire face à toute attaque contre la région de l'irak ou de la mésopotamie. peut-être aussi en reconnaissance de l'assistance qu'il avait reçue de la part des irakiens, il estima bon de transférer de médine à kûfa le siège de son gouvernement. i1 fit ainsi de cette ville le centre de l'islam et la capitale de l'empire, et c'était d'autant plus à bon escient que kûfa était géographiquement au centre de ses provinces.
la zone de domination de `alî
la conspiration de `Aicha, talhah et zubayr ayant fait long feu sur le champ de bataille de khoraybah, `alî jouit d'une victoire qui lui assurait désormais une domination totale sur un territoire s'étendant du khorâsân à l'est à l'egypte à l'ouest, à l'exception des provinces situées au nord-ouest de l'arabie, lesquelles étaient sous l'influence du gouverneur de syrie, mu`âwiyeh.
les activités préliminaires de mu`âwiyeh
nous avons déjà noté que pendant son séjour à médine, à l'occasion de sa visite au calife `othmân, mu`âwiyeh avait demandé un jour à ka`b al-ahbar de prédire comment les troubles actuels contre `othmân se termineraient. ka`b avait prédit que `othmân serait assassiné et qu'après une longue course la mule grise (c'est-à-dire mu`âwiyeh) réussirait à s'emparer du pouvoir.
confiant dans cette prédiction, mu`âwiyeh cherchait les occasions susceptibles de le mener à l'autorité suprême et n'omettait jamais de faire le nécessaire pour réaliser cet objectif qu'il ne perdra jamais de vue dans toutes les actions qu'il entreprendra. et c'est par rapport à cet objectif qu'il faut comprendre pourquoi mu`âwiyeh ne s'était pas empressé d'envoyer le secours demandé par `othmân lorsque celui-ci avait été assiégé, pourquoi, une fois `othmân assassiné, il s'était attaché à inciter les syriens à venger son sang en exhibant du haut de sa chaire la chemise ensanglantée du calife assassinée, pourquoi il avait retenu pendant longtemps le messager de `alî et évité de donner une réponse définitive à sa demande de lui faire son allégeance, espérant ainsi que l'esprit de révolte ne tarderait pas à se répandre parmi les syriens, pourquoi il avait rassemblé autour de lui tous les notables en disgrâce, tels que `obaydullâh (le fils du calife `omar, le meurtrier qui avait fui, de peur d'être traduit en justice devant `alî), `abdullâh ibn abî sarh (l'ex gouverneur d'egypte, qui avait été révoqué lorsque `alî avait accédé au califat),
marwân (le secrétaire et le mauvais génie du calife `othmân), ainsi que presque tous les proches partisans de ce calife, et les omayyades qui avaient fui chez lui après la défaite de `Aicha à basrah, pourquoi il s'était assuré l'alliance de `amr ibn al-`âç, le conquérant de l'egypte et l'ex gouvemeur de ce pays, maintenant résidant en palestine en tant que propriétaire, mais aussi en tant que contestataire (ayant obtenu l'assurance de mu`âwiyeh de reprendre son poste de gouverneur de ce pays en contrepartie de sa coopération en vue de la déposition de `alî, il prêta serment d'allégeance à mu`âwiyeh, le reconnaissant comme le calife légal en présence de toute l'armée, laquelle lui emboîta le pas, et fut suivie par le grand public de la syrie, qui se joignit à cette cérémonie d'acclamation), pourquoi il avait cherché l'allégeance de nombreux compagnons distingués du prophète, tels que sa`d ibn abî waqqâç, `abdullâh ibn `omar, osâmah ibn zayd, mohammad ibn maslamah qui s'étaient fait remarquer par leur non-prestation de serment d'allégeance à `alî lors de l'inauguration de son califat, mais qui avaient rejeté également la sollicitation de mu`âwiyeh et lui avaient écrit des lettres de reproches, choisissant ainsi, de rester à l'écart des deux parties (à cette époque, abû horayrah, abû al-dardâ',
abû osâmah al-bâhilî et no`mân ibn bachîr al-ançârî étaint les seuls compagnons du prophète en service auprès de la cour de mu`âwiyeh), pourquoi, étant pendant plus de vingt ans le gouverneur de cette riche province de syrie et ayant adopté une politique clairvoyante depuis le tout début, comme nous l'avons déjà noté, il avait amassé un immense trésor et préparé une puissante armée qui lui était totalement inféodée.
maintenant, les préjugés tendant à impliquer `alî dans l'assassinat de `othmân, qu'il avait inculqués perfidement aux syriens en général et à l'armée en particulier, militaient en sa faveur. la chemise tachée du sang de `othmân pendait encore sur la chaire dans la grande mosquée de damas, et les gens, enflammés par la vue de cet objet macabre, sanglotaient à chaudes larmes et criaient vengeance contre les meurtriers et leurs protecteurs. tel était le terrible adversaire à qui `alî avait affaire après en avoir fini avec `Aicha, talhah et zubayr.
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