L'Election à Saqîfah Abou Bakr, le premier calife
Abou Bakr, le premier calife
Ali était le cousin de Mohammad et le mari de sa fille bien-aimée, Fatima. Le droit de succession sur la base de la consanguinité revenait à Ali, dont les vertus et les services rendus lui donnaient plus d'un titre à la succession au Prophète. Dans la première explosion de son zèle, lorsque l'Islam était encore une religion tournée en dérision et persécutée, il avait été déclaré, par Mohammad, frère et lieutenant. Depuis toujours il était dévoué à Mohammad en paroles et en actions. Il avait honoré sa cause par sa magnanimité aussi bien qu'il l'avait défendue par son courage." (W. Irving)
"Sa naissance, son alliance et son caractère, qui le plaçaient au-dessus du reste de ses compatriotes, devaient justifier suffisamment sa revendication du tr6ne vacant de l'Arabie. Le fils d'Abû Tâlib était de facto le Chef de la famille de Hâchim, et le prince héréditaire ou le gardien de la cité et du temple de la Mecque. La lumière de la prophétie avait été éteinte, mais le mari de Fatima pouvait s'attendre à l'héritage et à la bénédiction de la fille du Prophète, car les Arabes avaient parfois accepté le règne d'une femme, et d'autre part ils avaient souvent vu les deux petits-fils du Prophète, caressés par lui sur ses genoux, ou assis sur sa chaire, et présentés comme étant l'espoir de sa vie et les deux Maîtres de la Jeunesse du Paradis.
Depuis la première heure de sa Mission jusqu'aux derniers rites de ses funérailles, le Messager n'avait jamais été délaissé par cet ami généreux qu'il aimait à appeler son frère, son lieutenant et le fidèle Aaron d'un second Moïse".
Les mérites de Ali et les paroles prononcées par le Prophète de Dieu en sa faveur suscitèrent la jalousie des contemporains. L'ascendance familiale du jeune héros et, plus encore, les déclarations du Prophète le désignant comme étant son lieutenant, hissant sa position auprès de lui au niveau de celle d'Aaron par rapport à Moïse, déplaisaient à l'aristocratie aisée, désireuse de détenir elle-même le sceptre. La prééminence des Hâchimites, qui avait atteint son zénith avec l'avènement de Mohammad (Que la Paix soit sur lui), était trop incontestable pour être écrasée. La mort du Prophète permit à la longue à; l'aristocratie de s'exprimer, et de raviver par conséquent l'ancienne discorde tribale. Quelques jours plus tard, `Omar avoua que Quraych ne pourrait jamais se réconcilier avec la fière prééminence de la lignée hâchimite. Ainsi toute l'aristocratie cherchait à arracher à Ali l'occasion de succéder au Prophète de Dieu, et à détruire par là même la prééminence des Hâchimites. A peine le Prophète avait-il fermé les yeux que les adversaires des Hâchimites, sans même attendre son enterrement, se réunirent à Saqîfah Banî Sâ`îdah pour discuter de l'élection de quelqu'un qui assumerait l'autorité du Prophète, et priver ainsi Ali de son droit à la succession.
L'Election à Saqîfah
Alors que l'irréprochable lieutenant du Prophète d'Allah était occupé aux préparatifs de l'enterrement du défunt, les Muhâjirîn de la Mecque et les Ançâr de Médine faisaient parade de leurs mérites respectifs à Saqîfah. Les Muhâjirîn réclamaient pour eux la préférence en raison de leur antériorité dans l'Islam, leur parenté avec le Prophète et leur émigration avec lui au risque manifeste de leur vie et de leurs biens. Les Ançâr firent valoir (par la voix de leur porte-parole, Hobâb) qu'ils avaient autant de droit que qui que ce fût, vu qu'ils avaient accueilli le Prophète lorsqu'il avait fui ses ennemis mecquois, qu'ils l'avaient protégé au moment de l'adversité et qu'ils l'avaient aidé en tenant tête à ses puissants adversaires, ce qui lui avait permis en fin de compte d'établir sa force et son autorité éminentes. Ils alléguèrent même qu'ils craignaient qu'on se vengeât (La vengeance était presque un principe religieux parmi les Arabes. Venger un parent tué était un devoir pour sa famille, et ce devoir menait souvent l'honneur de sa tribu en jeu. Et ces dettes de sang demeuraient parfois impayées pendant des générations, provoquant des conflits meurtriers". Gibbon fait remarquer que les Arabes menaient une vie marquée par une intention criminelle et par le soupçon, parfois pendant cinquante ans avant que les comptes de la vengeance ne fussent réglés) d'eux si l'autorité tombait entre les mains de ceux dont ils avaient tué les pères et les frères en défendant le Prophète. (Il est à noter ici que c'est dans ce propos que réside le fond de la tragédie de Karbalâ' dont parlait Hobâb, un porte parole prudent et à l'esprit alerte, des Ançâr. Ses craintes s'avéreront justifiées lors du massacre vengeur de la descendance de Ali ou du Prophète - dont un bébé de six mois - à Karbala', et lors des crimes hideux perpétrés contre les Ançars à Harra). Lorsque Hobâb exprima cette opinion, `Omar répliqua avec indignation : "Vous devriez mourir si le Califat tombait entre les mains de telles gens que vous craignez".
Pour réfuter les revendications des Ançâr, `Omar dit: "J'ai désiré moi-même faire un discours que j'avais spécialement élaboré dans mon esprit - ayant présumé qu'Abû Bakr manquerait l'occasion - mais Abû Bakr m'a arrêté et j'ai pensé alors qu'il n'était pas convenable de désobéir au Calife deux fois en une seule journée. Toutefois, à mon grand soulagement, je l'ai trouvé à la hauteur de la tâche. Il argua que les Quraych ne niaient pas les services rendus par les Ançâr pour promouvoir la cause de l'Islam, mais malgré tous ces services méritoires, ils ne devaient pas croire avoir un titre quelconque pour aspirer à une entière autorité sur les Quraych. Concernant les appréhensions dont avait parlé Hobâb, ils ne devaient pas, dit-il, avoir de telles craintes, surtout en raison de la possibilité qui leur était offerte de participer au gouvernement, par le poste de Ministère. Les Ançâr dirent alors qu'il acceptaient qu'il y eût deux Califes, représentant les deux parties, pour exercer l'autorité conjointement, et ils nommère même Sa`d Ibn `Obâdah, leur dirigeant, pour être leur élu. Mais Abû Bakr et son parti ne pouvaient d'aucune façon approuver une telle proposition, et persistèrent à affirmer que le gouvernement devait rester entre les mains des Quraych, et que les Ançâr devaient se contenter du Ministère.
Abû Bakr "Elu" à la Succession du Prophète
Les Ançâr ayant refusé de céder,la tension monta tellement qu'ils faillirent en venir aux coups lorsqu'Abû Bakr intervint et leur demanda s'ils n'avaient pas entendu le Prophète dire que personne d'autre qu'un Quraychite n'est apte à exercer l'autorité sur les Quraych". Bachîr B. Sa`d, l'un des Ançâr qui partageait les vues des Muhâjirîn répondit sur le champ en faveur de ceux-ci. Encouragé par cette intervention Abû Bakr déclara avec détermination que jamais les Quraych n'accepteraient qu'un non-Quraychite les gouvernât, et il s'avança afin qu'ils choisissent l'un des deux comme Calife Là, les Ançâr commencèrent à dire qu'ils préféreraient prêter allégeance à Ali, le meilleur des Quraych. A ce moment critique `Omar, perdant patience, s'écria : "Tends ta main, ? Abû Bakr ! Je te prêterai sûrement serment d'allégeance". Abû Bakr répondit : "Tu es plus ferme que moi", en le répétant. `Omar, tenant alors la main d'Abû Bakr, dit: "'Il es plus convenable que moi, et tu as sûrement ma fermeté sans parler de tes autres mérites personnels. Je jure allégeance envers toi". Ainsi, `Omar déclara à haute voix qu'il reconnaissait Abû Bakr comme Chef, et lui fit serment de fidélité. Abû `Obaydah et quelques autres Muhâjirîn qui les avaient accompagnés à Saqîfah suivirent son exemple. Bachîr et un autre Ançârî de son parti prêtèrent serment d'allégeance à Abû Bakr et la confusion prit ainsi fin. Hobâb eut une altercation avec Bachir pour sa conduite traîtresse en préférant Abû Bakr à Sa`d B. `Obâdah, mais avec l'intercession de certains autres Ançâr, la tension fut apaisée.
Sa`d Ibn `Obadâh, le chef des Ançâr, fut profondément chagriné d'être évincé de la sorte. Aussi ne prêta-t-il pas serment d'allégeance à Abû Bakr. Il quitta par la suite Médine pour se retirer, écœuré, en Syrie où il sera assassiné abominablement, dit-on, à l'époque du Califat de `Omar, en l'an l5 A.H.
L'Installation d'Abû Bakr
Ayant obtenu la convention à Saqîfah, Abû Bakr s'assit le lendemain sur la chaire au Masjid où les gens avaient été rassemblés pour lui prêter un serment d'allégeance général et pour ratifier l'allégeance prêtée à Saqîfah afin de prévenir tout revirement. A la vue de l'assemblée `Omar était convaincu qu'Abû Bakr assurerait cette succession sur un pied solide. La deuxième chose était de prendre garde à une sérieuse rupture qu'il craignait de la part de Ali, si ce dernier obtenait le suffrage des siens de la même manière [("Les deux Cheikh (Bokhârî et Muslim) ont noté que Omar avait dit : "Que personne ne se trompe en disant que l'allégeance à Abû BalQ a été faite à la légère - bien qu'elle fût ainsi - le Seigneur en a prévenu les mauvaises conséquences. b -' L'urgence du moment et l'assentiment des gens purent excuser cette mesure illégale et précipitée, mais Omar lui-même avoua du haut de la chaire que si un Musulman sollicitait désormais le suffrage de son frère, tous deux, l'électeur et l'élu mériteraient la peine de mort." (Gibbon)] Dont avait procédé Abû Bakr à Saqîfah. C'est pourquoi, avant qu'Abû Bakr ne prenne la parole, `Omar s'était montré assez prudent pour prendre les mesures nécessaires pour mettre en échec toute éventuelle rupture en menaçant de la peine capitale quiconque ferait ce qu'avait fait Abû Bakr la veille à Saqîfah, c'est-à-dire obtenir un suffrage sans le consentement de tous les Musulmans. Debout à c6té de la chaire, `Omar fut le premier à s'adresser à l'assemblée.
"Bien que `Omar eût été le premier à proposer Abû Bakr à l'assemblée et à le reconnaître comme Calife, il n'approuva pas par la suite ce choix dont la nécessité avait été commandée par une conjoncture critique. Cela apparaît donc dans ce qu'il dit lui-même à ce propos : "Je prie Dieu pour qu'IL Prévienne les mauvaises conséquences à craindre d'un tel choix. Aussi quiconque ferait une chose pareille mériterait la peine de mort, et si jamais quelqu'un prêtait serment de fidélité à un autre sans le consentement du reste des Musulmans, tous deux ... devraient être mis à mort."
Selon Sir W. Muir, `Omar s'adressa à l'assemblée dans les termes suivants : "ô ens ! Ce que je vous ai dit hier n'était pas la vérité. En fait, je trouve qu'il n'est corroboré ni par le Livre que le Seigneur a révélé ni par la convention que nous avons faite avec Son Messager. En ce qui me concerne, j'ai souhaité vraiment que le Messager du Seigneur restât avec nous encore plus longtemps et qu'il nous ait dit à l'oreille un mot qui puisse lui sembler bon et nous être un perpétuel guide. Mais le Seigneur avait choisi pour Son Messager la portion qui est avec Lui-même de préférence à celle qui est avec nous. Et vraiment le mot inspiré qui a dirigé notre Prophète est toujours avec nous. Prenez-le donc pour votre guidance, et vous ne serez jamais égarés. Et maintenant, vraiment, puisque le Seigneur a placé l'administration de vos affaires entre les mains de celui qui est le meilleur d'entre nous, le Compagnon de Son Prophète, le seul compagnon, le second des deux qui se trouvaient seuls dans la grotte, levez-vous et prêtez-lui serment de fidélité" (W. Muir's Life of Mohammad). Les gens prêtèrent ainsi un serment d'allégeance général à Abû Bakr. Ceux qui avaient prêté serment d'allégeance à Saqifah ratifièrent leur allégeance.
Le Premier Discours Public d'Abû Bakr du Haut de la Chaire
"Citant al-Hassan al-Baçrî, Ibn Sa`d note que lorsqu'on prêta serment d'allégeance à Abû Bakr, il se leva et dit : "Et maintenant, je suis chargé de cette autorité, bien que j'aie une aversion pour elle, et par Allah ! J'aurais été heureux si quiconque parmi vous avait pu convenir à cette tâche à ma place; même si vous me chargiez d'agir envers vous comme l'a fait le Messager de Dieu, je ne pourrais pas l'entreprendre, car le Messager de Dieu était un serviteur que le Seigneur a honoré de Son Inspiration et préservé par là même de toute erreur, et je suis vraiment un mortel et je ne suis pas meilleur qu'aucun d'entre vous. Pour cela, surveillez-moi, et lorsque vous aurez constaté que je suis ferme, obéissez-moi alors, et lorsque vous aurez remarqué que je dévie du droit chemin, remettez-y moi. Et je sais qu'un diable m'accapare. Donc, lorsque vous me trouverez enragé, évitez-moi, car en ces moments-là je ne pourrais pas écouter vos conseils ou vos bonnes salutations".
L'Absence d'Abû Bakr et de `Omar aux Cérémonies Funéraires du Prophète
Depuis la mort du Prophète le lundi midi, jusqu'à la dernière partie de la nuit du mardi au mercredi, Abû Bakr et `Omar étaient occupés (Ayant encore le souvenir de l'expérience de Saqîfah, bien frais dans la mémoire, 'Omar, sur son lit d'agonie accordera un délai de trois jours pour l'élection de son successeur, bien qu'il ri y eût que six électeurs qu'il avait désignés lui-même. Il est donc évident que l'élection à Saqîfah, avec toutes les parties contestataires parmi les Ançâr et les Muhâjirîn qu'elle impliquait aurait dû occuper beaucoup plus longtemps sans les mesures prises par `Omar pour conclure l'affaire au plus vite) aux affaires de l'élection et ne purent donc [[[Note: l. Ibn Abîl-Hadîd dit : "Une grande partie de la Ummah soutient que toute la politique et toutes les mesures apparemment précipitées adoptées par Abû Bakr et `Omar pour s'emparer du Califat répondaient en fait à un plan prémédité et bien établi élaboré pendant la maladie du Prophète, lorsque son lit avait été assiégé par l'habile `aicha, fille d'Abû Bakr et ennemie de Ali (Gibbon). Abû Bakr était un homme bien âgé puisqu'il avait à peu près l'âge du Prophète. Il ri était donc pas probable qu'il puisse survivre longtemps après la disparition du Prophète. `Omar était beaucoup plus jeune qu'Abû Bakr, il avait donc confiance qu'il lui succéderait dans un délai pas trop éloigné. On peut donc supposer qu'ils s'étaient entendus sur l'ordre dans lequel ils accéderaient au pouvoir tous les deux, et c'est conformément à cet arrangement qu'Abû Bakr, lorsqu'il se trouva sur son lit d'agonie, ne se contenta pas de faire élire son successeur, mais nomma 'Omar franchement pour lui succéder afin d'éviter le risque de l'élection.
2. La réponse de `Omar à Hobâb, comme nous l'avons vu dans un paragraphe précédent, suggère aussi qu'il s'était déjà assuré de l'établissement du Califat avec ses partisans.
3. La déclaration de `Omar selon laquelle il pensait qu'il ne convenait pas de désobéir au Calife deux fois en un jour (voir plus haut) tend à montrer également qu'il avait préalablement choisi Abû Bakr comme Calife avant l'élection; autrement comment pouvait-il parler d'un Calife alors qu'il avait professé fermement que le Prophète n avait pas nommé son successeur, ce qui nécessitait une élection.]]] Assister aux cérémonies de funérailles du Prophète qui avait été enterré avant qu'ils ne se libèrent pour pouvoir rejoindre ces cérémonies. En réalité, ils voulurent éviter de rencontrer Ali jusqu'à ce qu'ils s'assurent complètement la mainmise sur le Califat. Après avoir réussi dans leur dessein, bien au-delà de leurs prévisions, ils se montrèrent, mais ils étaient bien entendu, trop tard, les cérémonies étaient déjà terminées.
Le Père Surpris par l'Election de son Fils
Dans son "Mustadrak" (Appendice), al-Hâkim, citant Abû Horayrah, écrit que lorsque le Messager de Dieu mourut, la Mecque fut ébranlée par un tremblement de terre qui suscita l'interrogation et la réaction suivante d'Abû Quhâfah (le père d'Abû Bakr) : "Que se passe-t-il?", demanda-t-il.
"Le messager de Dieu est mort", lui répondit-on. "C'est un événement monumental. Qui est chargé alors de l'autorité après lui ?" dit-il. "Ton fils" lui fit-on savoir. "Est-ce que les Banû Abd Manâf et les Banû al-Moghîrah ont consenti à ce choix ?" s'étonna-t-il. "Oui", lui assura-t-on.
"Personne ne démolit ce qui a été élevé, et personne n'exalte ce qui a été humilié"
L'attitude de Ali après l'Election d'Abû Bakr
Bien que le Califat fût effectivement détenu par Abû Bakr, il n'en restait pas moins un bon nombre de gens insatisfaits de cette élection. Ainsi, aucun Hâchimite n'avait été présent à Saqîah ni lors de la prestation du serment d'allégeance générale au Masjid. Zobayr, Miqdâd, Salmân, Abû Thar al-Ghifârî, Ammâr Ibn Yâcir, Barra B. Azhab, Khâlid Ibn Sa îd, Abû Ayyûb al-Ançârî, Khazimah B. Thâbit et bien d'autres, tout comme les Hâchimites, s'en tinrent à l'écart, car étant d'avis que le droit à la succession du Prophète revenait exclusivement à Ali, ils ne voulurent pas rendre hommage à Abû Bakr.
Ali était naturellement chagriné par le tournant qu'avaient pris les événements, mais il ne bougea pas. S'il avait eu recours aux armes pour s'opposer à ceux qui n'avaient jamais osé faire face aux héros des Infidèles, lesquels avaient été systématiquement vaincus par Ali, il les aurait certainement vaincus, comme en témoigne l'ensemble de sa vie de combattant mais une telle victoire aurait été obtenue au détriment de la Religion, laquelle n'aurait pas pu, dans ce stade précoce de sa vie, survivre à une guerre civile. C'est pourquoi il s'enferma, en s'armant de patience, chez lui, pour sauvegarder l'intérêt de l'Islam à l'établissement duquel il avait si longtemps contribué au risque de sa vie, et il concentra son attention sur la collection du Coran que d'aucuns pensent qu'il aurait écrit selon l'ordre de ses révélations. Mohammad Ibn Sîrîn dit : "Si on pouvait tomber sur ce Livre-là, il aurait été très instructif'
Le Nom et les Titres Originels d'Abû Bakr
A l'époque de son élection, Abû Bakr avait environ soixante ans. Il était le fils d'Abû Quhâfah un Quraychi éparé dans ses origines au niveau du septième aïeul de la lignée ou des ancêtres du Prophète. Abû Bakr était le septième dans la descendance de Taym, le fils de Morrah, le septième ancêtre du Prophète (voir plus loin : Tableau Généalogique). Le Clan auquel il appartenait se dénommait Banû Taym du nom de Taym Sa mère Salmâ était une fille de l'oncle de son père, Saqr. Bien qu'Abû Bakr fût reconnu comme étant l'un des premiers à se convertir à l'Islam, son père Abû Quhâfah n'embrassa cette religion que deux décennies après le début de la mission du Prophète. Le nom originel d'Abû Bakr avait été `Abdul Ka`bah. Il s'appelait également `Atîq. "Sa mère n'avait aucun fils survivant, et lorsqu'elle avait mis au monde Abû Bakr, elle l'amena au temple et s'exclama :
"? Déité ! Si celui-ci est immunisé contre la mort, alors donne-le moi". Par la suite il s'appellera `Atîq, c'est-à-dire "Libéré".
"Concernant son titre d'Aç-?iddîq, on dit qu'il avait été surnommé ainsi à l'Epoque de l'Ignorance, parce qu'il s'était distingué par son amour de la vérité".
Moç`ab B. al-Zabayr et d'autres ont dit que les gens s'accordaient à lui donner le nom d'Abû Bakr Aç-?iddîq (c'est-à-dire "témoin de la vérité"), parce qu'il s'était empressé de témoigner en faveur du Messager de Dieu, et qu'il avait adhéré fermement à la vérité..."
A sa conversion à l'Islam, à l'âge de trente-huit ans, Abû Bakr prit le nom d"Abd-Allâh. Après le mariage de sa fille vierge, `aicha avec le Prophète, il s'appela Abû Bakr (le père de la vierge), celle-ci étant la seule des femmes du Prophète à s'être mariée avec lui alors qu'elle était encore vierge tandis que les autres étaient des veuves.
Les Habitudes et la Profession d'Abû Bakr
Abû Bakr était un généalogiste versé dans la recherche de l'ascendance des Arabes, et plus particulièrement de celle des Quraych. "Ibn `Asâkir, citant Al-Miqdâd, note ... qu'Abû Bakr était connu aussi bien comme un grand insulteur que comme un grand généalogiste.
Abû Bakr avait pris goût au commerce des vêtements. Le lendemain matin de la prestation de serment d'allégeance qui lui avait été faite, il se leva et se dirigea vers le marché avec quelques manteaux sur le bras. `Omar lui demanda : "Où vas-tu?" "Au marché", répondit-il. `Omar dit : "Est-ce que tu fais cela même après avoir été chargé de gouverner les Musulmans ?" "Et comment donc ma famille sera-t-elle nourrie ?" répliqua-t-il. `Omar dit : "Viens ! Abû `Obaydah va t'approvisionner". Et ils allèrent chez Abû `Obaydah (le Trésorier du Bayt-al-Mâl ou Trésor Public). On lui y octroya deux mille dirhams, mais il dit : "Augmentez la somme, car j'ai une famille et vous m'avez employé dans un autre travail que le mien". On lui donna alors un supplément de cinq cents dirhams. Mais cette somme étant encore insuffisante pour ses dépenses personnelles et celles de sa famille, on lui accorda une allocation annuelle de six mille dirhams (ou de huit mille selon d'autres sources) pour les charges de la maison.
Ali soumis à l'Humiliation
"Abû Bakr envoya `Omar à la maison de Fatima où Ali et quelques-uns de ses amis s'étaient rassemblés, avec l'ordre de les obliger - par la force s'il le fallait - à venir lui prêter serment de fidélité. `Omar allait mettre le feu à la maison lorsque Fatima lui demanda ce que cela signifiait.
Il lui dit qu'il brûlerait certainement la maison s'ils n'acceptaient pas de faire ce que tout le monde avait fait". Connaissant le tempérament de `Omar, les hommes sortirent de la maison. Il y avait là, Ali, `Abbâs et Zubayr. S'adressant aux adversaires, Ali dit : "ô vous les Muhâjirîn! Vous avez revendiqué la succession du Prophète de Dieu en mettant en avant vos avantages sur les Ançâr, soit votre antériorité dans l'islam et votre lien de parenté avec le Messager de Dieu. Maintenant je mets en évidence les mêmes avantages que j'ai sur vous. Ne suis je pas le premier d avoir cru d la Mission du Prophète, et avant qu'aucun d'entre vous n'ait embrassé sa Religion ? Ne suis je pas plus proche parent du Prophète que vous tous ?
Craignez Dieu si vous êtes de vrais Croyants, et n'arrachez pas l'autorité du Prophète de sa maison pour la faire vôtre". Debout derrière la porte, Fatima s'adressa aux assaillants ainsi : "ô ens ! Vous avez laissé dernière vous et pour nous le corps du Prophète, et vous êtes partis pour extorquer le Califat à votre profit en abolissant nos droits". Puis elle éclata en sanglots et s'écria, plaintive: "ô père ! ô Prophète de Dieu !
Les ennuis s'abattent sur nous si vite après ta disparition, par la volonté du fils de Khattâb et du fils d'Abû Quhâfah ! Comment ont-ils oublié si vite tes paroles de Ghadîr Khum et ton affirmation que Ali était à toi ce que fut Aaron à Mûsâ !" Entendant les gémissements de Fatima, la plupart des gens du groupe de `Omar ne purent retenir leurs larmes et rebroussèrent chemin. Ali fut cependant conduit chez Abû Bakr, où on lui demanda de prêter serment d'allégeance à ce dernier. Il demanda : "Et si je ne lui rends pas hommage ?" On lui répondit : "Par Allah nous te tuerons si tu ne fais pas ce que les autres ont fait". Sur ce, Ali dit : "Comment ! Allez-vous tuer un homme qui est serviteur du Seigneur et le frère du Prophète du Seigneur ?" Entendant ces propos, `Omar s'exclama : "Nous n'admettons pas que tu sois un frère du Prophète du Seigneur", et s'adressant à Abû Bakr qui avait gardé le silence jusqu'alors, il lui demanda de se prononcer sur son sort (de Ali). Mais Abû Bakr dit que tant que Fatima serait vivante, il ne contraindrait d'aucune manière son mari. Ali put ainsi repartir et il se dirigea directement à la tombe du Prophète où il s'écria : "ô mon frère ! Tes gens me traitent maintenant avec mépris et ont tendance à vouloir me tuer". (Une grande partie des Musulmans soutiennent que `Omar avait obtenu la promesse, en accord avec Abû Bakr, de succéder à ce dernier après sa mort. Mais craignant naturellement une réaction de colère à tout moment de la part du prétendant légal, Ali réaction qui pourrait détruire ses rêves ambitieux, `Omar désirait avec angoisse se débarrasser de Ali n'importe comment. Mais Ali était suffisamment sage pour supporter patiemment toutes les graves insultes et provocations dont il faisait l'objet, et éviter tout faux pas qui pourrait mettre en danger la sécurité de l'Islam).
Fatima Réclame son Héritage
Fatima - la seule enfant survivante du Prophète, et sa fille très aimée - réclama son héritage de la propriété qui pouvait lui être lotie dans les terres de Médine et de Khaybar ainsi que de Fadak. Cette propriété faisant partie des terres acquises sans l`usage de la force, son père (le Prophète) la lui avait donnée pour en vivre, et ce conformément aux commandements de Dieu (Sourate Banî Isrâ'fi, verset 26). Mais Abû Bakr refusa d'admettre sa revendication, disant : "Mais le Prophète a dit : "Nous le groupe des Prophètes, n'héritons pas ni ne laissons d'héritage; ce que nous laissons est pour l'aum6ne". Entendant cette affirmation attribuée au Prophète et contraire à la version du Coran, Fatima fut chagrinée et si mécontente d'Abû Bakr qu'elle ne lui adressera plus la parole le restant de sa vie. Et lorsqu'elle mourut, six mois après la disparition de son père, Abû Bakr ne fut pas autorisé, conformément à sa volonté, à assister à ses funérailles. Il est significatif de noter qu'Abû Bakr était le seul narrateur de l'affirmation attribuée ci-dessus au Prophète.
"Abû Bakr était un homme de jugement et de sagesse dont la circonspection et l'adresse fleuraient parfois la ruse. Son dessein semble avoir été honnête et désintéressé, visant le bien de la cause, et guère son propre intérêt".
"Abû No`aym, citant Abû ?âleh, écrit dans son "Holyah" que lorsque les gens du Yémen étaient venus écouter le Coran à l'époque d'Abû Bakr, ils se mirent à pleurer, et Abû Bakr dit: "Ainsi nous étions, mais par la suite nos cœurs se sont endurcis"
Offre d'ouvrir les Hostilités, Rejetée par Ali
Abû Sufiyân B. Harb vint voir Ali et lui dit : "Comment se fait-il que le plus insignifiant des Quraych et le plus bas d'entre eux détienne l'autorité ? Par Allâh si tu voulais j'inonderais Abû Bakr de chevaux et d'hommes". Ali lui répondit : "? Abû Sufiyân, tu étais depuis longtemps hostile à l'Islam, mais cela ne le froissa guère". Selon le Dr. Weil, Abû Sufiyân et quelques parents de Ali avaient offert à ce dernier de recouvrer ses droits par l'épée, mais Ali, soucieux avant tout de la sauvegarde de l'Islam, rejeta fermement leurs offres. Quant à Abû Sufiyân étant un homme puissant, il fut alléché par des perspectives prometteuses pour ses fils, et son fils Yazîd étant promu plus tard Général d'une Division des forces armées d'Abû Bakr, il se transforma en un chaud partisan du Calife.
Abû Bakr prétend vouloir renoncer au Califat
Après la mort de Fatima, lorsqu'Abû Bakr vint voir Ali, celui-ci lui reprocha son manque de franchise et de bonne foi en ayant conduit les affaires de l'élection sans l'en avoir mis au courant. Abû Bakr, niant l'existence de toute intrigue, dit que la situation avait exigé qu'il fit rapidement ce qu'il avait fait, et que s'il avait tardé à le faire, le gouvernement lui aurait été arraché par les Ançâr. Toutefois, pour pacifier `All, il exprima son désir de se décharger du Califat en sa faveur. La date et le lieu de la déclaration publique de ce Renoncement furent fixés. Ils devraient avoir lieu au Masjid lors des prières de midi. Au moment de l'exécution, Abû Bakr monta sur la chaire, et demanda à l'assemblée la permission de se retirer et de transférer sa charge à une personne plus méritante. Et pour conclure, il dit: "Retirez de moi votre allégeance, car je ne suis pas le meilleur tant que Ali est parmi vous". Les gens n'étaient évidemment pas préparés à accepter une telle proposition, faite si brusquement. Ali n'était disposé à provoquer aucun trouble. Aussi se retira-t-il chez lui. Il est cependant certain qu'il n'avait pas prêté serment d'allégeance à Abû Bakr, au moins, comme certains l'affirment, jusqu'à la mort de Fatima.
L'Admonestation faite par al-Hassan
Selon une tradition, al-Hassan, le fils de Ali, était allé voir un jour Abû Bakr qui se trouvait alors assis sur la chaire du Messager de Dieu, et il lui dit : "Descends de ce siège de mon père". Abû Bakr lui répondit : "'Il dis vraiment la vérité car c'est bien le siège de ton père", et il le fit asseoir dans son giron et versa des larmes. Ali dit à ce propos à Abû Bakr : "Par Allâh, il (al-Hassan) n'a pas fait cela sur mon ordre". Abû Bakr répondit : "Ce que tu dis est vrai, par Allah, je ne t'ai pas soupçonné"
Quelques Récits du Califat d'Abû Bakr
N'étant ni l'héritier légal du Prophète, ni même considérer comme un membre de son clan (les Hâchimites), Abû Bakr n'était pas reconnu universellement comme le successeur légitime du Prophète. Par conséquent, beaucoup de tribus de la Péninsule Arabe cessèrent de régler la zakât payable au gouvernement. Les légats du Prophète, les collecteurs de zakat furent expulsés; De toutes parts, des nouvelles parvinrent, qui faisaient état de désaffection à l'égard du Califat. Il faudrait ajouter à ce motif d'inquiétude, l'attitude dangereuse des imposteurs Musaylamah et Tulayhah qui menaçaient la sécurité même de l'Islam au centre, au nord et à l'est de la Péninsule.
Faisant appel donc, à toutes les forces disponibles, Abû Bakr, les divisa en onze colonnes indépendantes, commandées chacune par un dirigeant distingué. Les commandements reçurent l'ordre de réclamer les provinces auxquelles ils avaient été assignés. On leur donna comme instructions de sommer, une fois arrivés à leur destination respective, les apostats de se repentir et de proclamer leur soumission au Califat. S'ils acceptaient ces conditions, ils devraient être pardonnés et réadmis en Islam. Et s'ils les refusaient, ils seraient attaqués, leurs combattants taillés en pièces, et leurs femmes et enfants pris comme prisonniers. On devrait faire les Athân (ou l'Appel à la prière) pour tester la foi des gens de ces provinces. Si ces gens écoutaient cet Appel et y répondaient, ils ne devraient pas être molestés; sinon, ils seraient traités en apostats, et attaqués en tant que tels. Avec ces instructions, Khâlid B. al-WAlid fut envoyé vers Tulayhah, alors que `Ikrimah et Charhabh furent désignés pour punir Musaylamah, Khâlid B. Sa`îd affecté à la frontière syrienne, Muhâjir au Yémen, `Alâ' à Bahrein, Hothayfah B. Mohsen et Arfajah à Mahra.
Tulayhah, l'Imposteur
Député par le Calife, Khalid marcha vers Tulayhah, l'imposteur. Sa colonne, de loin la plus importante des onze était composée d'un grand nombre de Compagnons du Prophète la fleur des Muhâjirîn. Par la suite, les Banî Tay, persuadés par Ali, se joignirent à Khâlid avec mille cavaliers. Ainsi renforcé, le contingent de Khâlid continua sa marche en avant. La rencontre entre les deux armées eut lieu à Bozakhah, où après une longue bataille, Tulayhah prit la fuite avec sa femme et se dirigea vers la Syrie. Khâlid resta près des Banî `?mir pendant un mois. Les Banû Hawâzin rentrèrent, offrirent leur soumission et payèrent la zakât.
Mâlik Ibn Nowayrah et son Sort Cruel
Ayant subjugué les tribus habitant les hauteurs et le désert du nord-ouest de Médine, Khâlid se dirigea vers le sud pour s'attaquer aux Banî Yerbi`.
Mêlik B. Nowayrah, leur chef, était un homme d allure noble, de grande valeur, un excellent cavalier, connu pour sa générosité et ses vertus princières ainsi que pour ses talents poétiques. Bref un homme dont toutes les qualités faisait l'admiration des Arabes. A tous ces atouts s'ajoutait l'enviable chance - qui lui sera fatale - d'avoir pour épouse la plus belle femme de toute l'Arabie célèbre pour sa grâce royale, appelée, Om Tamim ou Om Motamim ou Layla. Les hommes de Médine s'opposèrent d'abord au projet, alléguant que Khâlid n'avait pas autorité pour attaquer les Banî Yerbi`. Mais pour une raison quelconque, Khâlid y était résolu. Ainsi il leur répondit hautainement : "Je suis le Commandant, en l'absence des ordres, c'est à moi de décider. Je marcherai sur Mâlik Ibn Nowayrah avec les hommes de la Mecque et avec tous ceux qui choisiront de me suivre. Je n'y obligerai personne". Et il se mit en marche.
Ayant appris que Khâlid s'approchait à la tête d'une armée forte de quatre mille cinq cents hommes, Mâlik se résolut à une soumission immédiate. Il était au courant de l'ordre d'Abû Bakr, selon lequel quiconque répondait volontiers à l'Appel à la prière ou n'opposait pas de résistance ne devrait pas être molesté. Mais Khâlid traita la région directement en territoire ennemi et envoya des groupes un peu partout pour tuer et faire prisonniers tous ceux qui hésitaient à se soumettre.
Parmi bien d autres, Mâlik fut emmené, avec sa femme, comme captifs. La beauté de cette dernière éblouit les yeux du rude soldat et durcit son coeur contre son mari. "Refuses-tu de payer la zakât ?" demanda Khâlid sèchement à Mâlik : `Ne puis je pas prier sans toutes ces exactions ?" lui répondit celui-ci. "La prière sans aum6ne n'est pas valable" rétorqua Khâlid. "Est-ce l'ordre de ton maiître ?" dit Mâlik hautainement. "Oui, mon maître et le tien" hurla Khâlid, furieux. Et d'ajouter : "Par Allah, tu mérites la mort". "Est-ce là aussi l'ordre de ton maître ?" répliqua Mâlik avec un sourire de mépris. "Encore ! Coupez la tête de ce rebelle", s'écria Khâlid dédaigneusement. Ses officiers intervinrent. Abû Qatadah et `Abdullah B.
`Omar témoignèrent que Mâlik avait tout de suite répondu à l'Appel à la prière et qu'il était un Musulman. La femme, le visage dévoilé et les cheveux ébouriffés, se jeta aux pieds de Khâlid, implorant pitié pour son mari qui, remarquant le regard admiratif de Khâlid sur la beauté charmeuse de sa femme s'écria : "Hélas ! C'est là le secret de mon malheur ! Sa beauté est la cause de ma mort !" "Non ! C'est à cause de ton apostasie que Dieu te tue!" cria Khêlid. "Mais je ne suis pas un apostat ! Je professe la vraie foi", protesta Mâlik. Toutefois la rage feinte de Khâlid ne put être apaisée. Aussi donna-t-il le signal de la mort. A peine la profession de foi se dessina-t-elle sur les lèvres du malheureux, sa tête passa par le cimeterre de Dharar B. Azwar, un homme aussi brutal que Khâlid.
Khâlid, non content d'une telle brutalité, ordonna que les têtes des tués fussent jetées dans le feu brûlant sous les marmites. La tête de Mâlik avait une masse de cheveux avec des boucles flottantes, ce qui rendit le bn3lage du crâne très difficile. Dans la même nuit, alors que le sol était encore trempé de sang de Mâlik, sa femme fut jetée dans l'étreinte lascive de Khâlid. Elle lui fut remariée un jour ou deux plus tard, sur place, et ce malgré le délai fixé par le Prophète pour le remariage d'une veuve.
Plainte auprès du Calife contre Khâlid
Les gens de Médine qui s'étaient opposés une première fois à la marche de Khâlid vers Banî Yerbi`, et qui lui avaient fait des remontrances par la suite lors de l'exêcution de Mêlik étaient choqués par le sort cruel qui lui avait été réservé et éprouvaient du mépris pour sa conduite après ce meurtre. Abû Qatada jura qu'il ne servirait plus jamais sous sa bannière. Aussi quitta-t-il le camp et partit tout de suite à Médine en compagnie de Motammim, le frère de Mâlik, qui déposa une plainte formelle auprès du Calife. `Omar ayant entendu de Qatada et d'autres, tout sur cette affaire, défendit la cause du chef assassiné. Il demanda à Abû Bakr de faire lapider Khâlid jusqu'à la mort pour adultère ou de le faire exécuter pour l'assassinat d'un Musulman . Mais Abû Bakr n'ayant pas accepté ces propositions, `Omar lui suggéra alors que l'offenseur fût dégradé et enchaîné, faisant valoir qu'une épée trempée dans la violence et l'outrage doit être rengainée. Mais Abû Bakr fit remarquer que Khâlid avait péché plus par erreur qu'intentionnellement. Il observa également que Wahchî, qui avait tué Hamzah, l'oncle du Prophète, fut pardonné par celui-ci. Néanmoins, il somma Khâlid de justifier les charges qui pesaient sur lui.
Le Jugement d'Abû Bakr
Khâlid revint à Médine et, alors qu'il se rendait chez le Calife dans son habit de champ de bataille, le turban enroulé grossièrement autour de la tête et orné d'une flèche représentant son grade de général, il rencontra `Omar qui le réprimanda, le traita de meurtrier, d'adultère, et arrachant la flèche de son turban, la brisa sur ses genoux. Khâlid ne sachant pas s'il allait être reçu par le Calife de la même façon, garda son calme et poursuivit son chemin vers Abû Bakr. Il glissa deux dinars au portier et lui demanda de l'introduire chez le Calife lorsqu'il serait seul et de bonne humeur. Une fois chez le Calife, il lui fit son récit des événements, qui fut accepté par Abû Bakr. Il le blâma seulement pour avoir épousé la veuve de sa victime sur le champ de bataille et dans des circonstances que répugnaient aux coutumes et aux sentiments des Arabes. Lorsqu'il sortit de chez le Calife, il montra à `Omar par son attitude qu'il avait été disculpé. `Omar garda le silence, mais sans croire à son innocence. Il n'oubliera ni ne pardonnera son atrocité. Lorsqu'il accédera au pouvoir, la révocation de Khâlid de son poste sera le premier ordre qu'il donnera.
Le Jugement d'Abû Bakr
Fujâ'ah al-Salznî, un chef des Banî Solaym (et selon Ariza-i-Khawar et Tahthib-al-Matn, un Compagnon du Prophète qui avait participé à la Bataille de Badr) se présenta devant Abû Bakr et lui offrit ses services pour soumettre les tribus avoisinantes déloyales. Il demanda pour ce faire qu'on lui fournisse les armes et les équipements nécessaires à ses partisans. Une fois équipé par le Calife, il abusa, dit-on, de la confiance qui avait été mise en lui, en organisant des expéditions de pillage contre quiconque présentait pour lui une chance de pouvoir être pillé, sans chercher à savoir s'il s'agissait de tribus loyales ou déloyales. Le Calife ayant appris ce qui se passait, envoya Târiqah B. Hâjiz pour le ramener à la raison.
Fujâ'ah défia son adversaire d'engager des pourparlers, et affirma qu'il avait lui-même reçu du Calife une mission similaire à la sienne. Ils finirent par se mettre d'accord pour comparaître devant le Calife pour s'expliquer.
Ainsi, mettant de c6té ses armes, Fujâ'ah partit pour Médine avec Târiqah.Mais à peine s'était-il présenté devant le Calife, qu'il fut arrêté pour être brûlé vif. Il fut conduit immédiatement à Baqî` où on alluma un grand feu et on l'y jeta. Abû Bakr, dont on dit qu'il avait un cœur tendre, et qu'il était modéré dans ses jugements et généreux avec un ennemi désarmé, regrettera par la suite cet acte de sauvagerie qu'il avait commis. C'était là l'une des trois choses qui le hantèrent le plus vers la fin de sa vie et dont il disait souvent : "J'aurais voulu ne l'avoir pas fait".
La Rébellion à Hadhramawt, Conduite par Ach`ath B. Qays
Ziyâd B. Labîd, le Gouverneur de Hadhramawt, suscita la haine des Banî Kinda par son âpreté dans le recouvrement de la Zakât. Un jour il mit la main sur un chameau appartenant à un certain Yazîd B. Mu`âwiyeh al-Qorê, et refusa de le rendre en échange d'un meilleur chameau que Yazîd avait offert.
Ce dernier fit alors appel à Hârith B. Sorâqah, un notable puissant de la région. Celui-ci prit parti pour Yâzid et demanda à Ziyâd de restituer le chameau en échange d'un autre. Ziyâd persista toutefois dans son refus, ce qui exaspéra Hârith et le poussa à le retirer lui-même du hangar où les chameaux étaient gardés, et à déclarer sans détours : "Tant que le Prophète vivait, nous lui avons obéi.
Maintenant qu'il est mort, nous ne sommes enclins à obéir qu'à son successeur, issu de sa propre famille. Le fils d'Abû Qohâfah n'a pas le droit de nous gouverner. Nous n'avons rien à faire avec lui". Il composa un poème dans lequel il louait la famille du Prophète et critiquait Abû Bakr, et il l'envoya à Ziyâd. Ayant remarqué le mépris qu'éprouvaient les gens à son égard, Ziyâd fuit pour sauver sa vie et chercha refuge chez les Banî Zobayd, une tribu voisine. Mais ceux-ci le reçurent froidement et exprimèrent leur sympathie pour les vues de Hârith. Ils dirent que les Muhâjirîn et les Ançâr avaient privé l'héritier légal du Prophète de ses droits parce qu'ils étaient jaloux de la supériorité des Hâchimites, et qu'il était improbable que le Prophète n'est pas désigné un successeur parmi sa propre famille. Estimant qu'il n'était pas en sécurité avec de telles gens, Ziyâd fuit à nouveau pour chercher refuge chez d'autres tribus, mais partout il eut droit au même traitement. A la fin, il prit le chemin de Médine où il fit un rapport détaillé au Calife sur ce qui se passait. Abû Bakr, alarmé par ce rapport, mit à sa disposition quatre mille combattants pour subjuguer les tribus révoltées.
Ziyâd retourna ainsi à Hadhramawt et essaya pendant longtemps, mais en vain, de récupérer les gens et le pays. Ach`ath Ibn Qays, le Chef des Banî Kindah, lui opposa une résistance acharnée. Il est à noter que ce même Ach`ath avait embrassé l'Islam et prêté allégeance au Prophète en l'an l0 A.H et qu'en outre il était fiancé avec la soeur d'Abû Bakr, Om Farwah. Ayant été mis au courant des difficultés dans lesquelles se trouvait Ziyâd, Abû Bakr ordonna à Mohâjir B. Abî Omayyah et à `lkrimah B. Abû Jahl de partir tout de suite respectivement de ?an`â' et d'Aden pour porter secours à Ziyâd.
Entouré par l'ennemi, Ziyâd envoya un appel urgent à Mohâjir pour venir le délivrer. Entre-temps Mohâjir et `Ikrimah, partant respectivement de ?an`â' et d'Aden, firent leur jonction à Marab, et étaient en train de traverser le désert sablonneux de Sayhad qui les séparait de Hadhramawt.
Prévenu de la situation critique de Ziyâd, Mohâjir se mit en route précipitamment à la tête d'un escadron mobile; et ayant rejoint Ziyâd, il se trouva nez à nez avec Ach` ath qui se réfugia dans le fort de Nojayr que Mohâjir investit immédiatement. `Ikrimah le rejoignit rapidement avec le corps principal de l'armée. Les deux forces constituèrent une armée suffisamment puissante dans la région avoisinante. Piquée au vif par la crainte d'être témoin de la ruine des proches, et préférant la mort au déshonneur, la garnison se mit en route et combattit chaque jour autour de la forteresse. Après une lutte désespérée dans laquelle toutes les voies d'accès à la ville furent jonchées de morts, la garnison fut refoulée.
Entre-temps, Abû Bakr ayant reçu les nouvelles de la résistance obstinée des rebelles, donna l'ordre de leur infliger une punition exemplaire et de ne pas faire de quartier. La malheureuse garnison, se trouvant face à un ennemi dont le nombre ne cessait de s'accroître, et alors qu'elle ne voyait aucune perspective de secours pour elle, fut prise de désespoir. Le rusé Ach`ath, ayant constaté la situation désespérée, prit contact avec `Ikrimah et proposa perfidement de lui livrer la forteresse s'il acceptait d'épargner la vie de neuf personnes. Les soldats du Calife entrèrent ainsi dans la ville assiégée, tuèrent les combattants, et prirent les femmes comme captives. Ach`ath présenta la liste des neuf personnes à épargner : "Ton nom n'y figure pas !" dit Mohâjir à Ach`ath, qui avait oublié, dans sa précipitation, d'inscrire son propre nom sur la liste". "Dieu soit loué, Qui t'a fait condamner par ta propre bouche", lui dit Mohâjir. Aprs l'avoir enchaîné et alors qu'il (Mohâjir) était sur le point de donner l'ordre de son exécution, `Ikrimah s'interposa et le persuada, à contrecœur, de soumettre son cas à Abû Bakr. Les pleurs des femmes captives voyant le massacre de leurs fils et de leurs maris accablèrent le traître, qui passait par là, de malédictions. (Un millier de femmes furent capturées dans la forteresse.
Elles criaient au visage de Ach`ath, à son passage : "Il sent le feu", c'est-à-dire, c'est un traître).
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Abû Bakr juge Ach`ath Abou Bakr, le premier calife Abû Bakr juge Ach`ath
"Une fois Ach`ath conduit à Médine, Abû Bakr le traita de pauvre pusillanime qui n'avait ni la force de diriger, ni même le courage de défendre son peuple et le menaça de mort. Mais finalement, tenant compte des accords conclus avec `Ikrimah, et touché par ses serments que désormais il défendrait courageusement sa Religion, Abû Bakr non seulement lui pardonna, mais l'autorisa à se marier avec sa sœur (Om Farwah). Ach`ath resta pendant un certain temps désœuvré à Médine. On entendit un jour Abû Bakr dire que l'une des trois choses qu'il regrettait d'avoir faites pendant son Califat, c'était d'avoir épargné la vie de ce rebelle".
"Om Farwah donna à Ach`ath une fille et trois fils. La fille (Jo`dah) empoisonnera al-Hassan fils de Ali, qui mourra des suites de cet empoisonnement. Deux de ses fils, Mohammad et Is-Hâq figureront contre al-Hussayn Ibn Ali et ses compagnons à Karbala'. Mohammad sera tué par la suite lors de la bataille opposant l'armée de Moç`ab à celle d'al-Mukhtâr qui voulait venger l'assassinat d'al-Hussayn".
Expéditions vers des Pays Etrangers
Les apostats ayant été soumis et récupérés, et les révoltes écrasées, on put songer à la conquête de pays étrangers et des expéditions furent ainsi organisées contre la Syrie et l'Irak. Les Romains furent défaits à la bataille de Yarmûk, au terme de laquelle une grande partie de la Syrie fut mise sous domination musulmane, pendant les années 12-13 A.H. A la même période une grande progression fut réalisée vers les frontières de la Perse.
La Nomination de Yazîd
Vers la fin de l'année 12 A.H. (printemps de 634 A.J.C.), Yazîd, fils du tristement célèbre chef des Omayyades, Abû Sufiyân, fut envoyé en Syrie, à la t6te d'un bataillon constitué après une grande levée à la Mecque, dans laquelle furent enr6lés beaucoup d'Omayyades et de célèbres notables de Quraych. Son frère Mu`âwiyeh, le rejoignit peu après avec son père Abû Sufiyân et sa sœur Howayriyyah ainsi que d'autres membres de la famille.
Il ne serait pas déplacé de noter ici que la suprématie sur les Hâchimites, tant désirée par les Omayyades durant des générations et déjà presque réalisée après la mort d'Abû Tâlib avait été enrayée par le Prophète après la conquête de la Mecque. A présent, Abû Bakr, retournant la situation, offrit aux Omayyades une chance de regagner leurs positions en nommant Yazîd fils de Abû Sufiyân, Général de Division de ses forces armées, ce qui donna aux Omayyades une excellente occasion de rétablir leur pouvoir, une occasion trop belle pour ne pas être avidement saisie par eux, et un pouvoir trop longtemps désiré pour être relâché une fois qu'ils l'auront détenu.
Ainsi, très vite, Yazîd s'assurera la haute position du Gouverneur de Damas (l4 A.H., soit l'été de 634 A.J.C.), sous le Califat de `Omar. Quelques quatre ans plus tard (18 A.H., automne 639 A.J.C.) lorsque Yazîd ainsi que le Commandant en chef de Syrie, Abû `Obaydah, périront par la peste, "`Omar nommera Mu`âwiyeh, fils d'Abû Sufiyân et frère de Yazîd, le Chef Commandant de la Syrie, et posera ainsi les fondations de la dynastie Omayyade". Abû Bakr, ne voyant que ses propres intérêts immédiats dans cette nomination, ne tint aucun compte de ses conséquences déterminantes en défaveur des Hâchimites, les descendants du Prophète, et Omar, en encourageant la cause des Omayyades, négligea la rivalité traditionnelle et ignora délibérément la haine profonde ressentie par les Omayyades envers les Hâchimites après la bataille de Badr dans laquelle `Otbah, Chaybah et WAlid, les grands-pères de Yazîd et Mu`âwiyeh, ainsi que les éminents dirigeants de Quraych tombèrent sous les coups de sabres des Hâchimites. Le résultat de l'ascension des Omayyades sera, très évidemment, comme l'avait prévu et souligné Hobâb lors de l'élection de Saqîfah, la destruction de ceux qui avaient tué les Quraychites. Mu`âwiyeh établira très habilement son autorité, grâce à des manœuvres à long terme, sur toute l'Arabie. Après sa mort, son fils Yazîd vengera ses proches tués, et collectera les dettes de sang - qui seront restées impayées pendant deux générations - chez les descendants du Prophète à Karbalâ'.
La Connaissance du Coran par Abû Bakr
Abû `Obaydah, citant Ibrâhîm al-Taymî relate qu'Abû Bakr avait été questionné à propos de la Parole du Très-Haut : "Des vignes et des légumes" (Sourate `Abasa, verset 28), et qu'il répondit : "Quel ciel me couvrirait de ses ombres, et quelle terre me nourrirait, si je disais ce que je ne sais pas du Livre de Dieu.
"Al-Bayhaqî et d'autres, citant Abû Bakr, relatent qu'on l'avait interrogé un jour sur le sens d'al-Kalâlah (Sourate al-Nisâ', verset 175), et qu'il répondit : "Je vais vous donner une opinion concernant ce mot. Si elle est juste, elle est de Dieu, mais si elle est erronée, elle est de moi et de l'Esprit malin. Je pense que ce mot signifie "manque de parent et de descendant". Lorsque `Omar fut devenu Calife, il dit : "Je me garde de rejeter ce qu'Abû Bakr a dit". Al-Zamakh-charî donne à ce mot trois sens dans son grand Commentaire :
l. Quelqu'un qui n'a ni fils ni père vivant;
2. Quelqu'un qui n'a ni père vivant ni aucun descendant;
3. Quelqu'un qui n'a aucun proche vivant de ligne parentale directe, ni à travers ses proches enfants.
Al-Lalakai (Abul-Qâcim Hibat-IJllâh B. Hassan B. Manthur al-Radhî) relate dans sa "Sunnah", en citant Ibn `Omar, qu'un homme était venu voir un jour Abû Bakr et lui dit : "Ne penses-tu pas que la formication est prédestinée chez l'homme ?" "Si", répondit-il. L'homme dit alors : "Donc, si Dieu l'a prédestinée chez moi, va-t-il m'en punir cependant ?" "Oui, tu es fils d'une femme incirconcise, et par Allah, s'il y avait un homme à c6té de moi, je lui commanderais de te ramener à la raison."
Mâlik et al-Dâr Qutnî, citant al-Qâcim B. Mohammad, relatent que deux grand-mères, la mère d'une mère et la mère d'un père, étaient allées voir Abû Bakr pour réclamer leur héritage, et qu'Abû Bakr accorda l'héritage à la mère du père. Sur ce, Abdul-Rahmân B. Sahel, un Ançârî qui avait combattu à Badr et qui était un associé des Banî Hârith, lui dit : "? Calife du Prophète de Dieu ! Ne l'accordes-tu pas à celle dont on ne pourra hériter lorsqu'elle mourra ?" (Selon la Loi musulmane un petit-fils n'hérite pas de sa grand-mère maternelle). Ainsi, il divisa l'héritage entre les deux grand-mères."
Quelques Récits Concernant Abû Bakr
Al-Bazzâr (As-Sirar) relate la tradition suivante : "Lorsque ce verset : "N'élevez pas la voix au-dessus de celle du Prophète" (Sourate al-Hujurât, 2) fut révélé, Abû Bakr dit : "ô Messager de Dieu ! Je ne m'adressai à toi qu'avec une voix de décrépit". (Ce verset a été révélé après qu'Abû Bakr et `Omar avaient élevé la voix si haut en parlant au Prophète à propos de la nomination d'un gouverneur, que leur attitude nécessita qu'elle fût dorénavant déclarée inadmissible - Sale).
Al-Dâr Qutnî relate qu'Abû Bakr embrassa une fois la Pierre Noire et dit : "Si je n'avais pas vu le Messager de Dieu t'embrasser, je ne t'aurais pas embrassée".
Ahmad, dans le Zohd, citant Abû Imrân al-Juni, rapporte qu'Abû Bakr al-?iddîq dit : "J'aurais voulu être un cheveu dans le corps d'un serviteur, d'un vrai Croyant".
Le Prophète dit à Abû Bakr : "Le scepticisme (Chirk) s'émeut plus furtivement parmi vous que le grimpement d'une fourmi".
La Maladie d'Abû Bakr. La Nomination de son Successeur
Au mois de Jamâdî II de l'an l3 A.H. (634 A.J.C.), Abû Bakr, ayant pris imprudemment un bain alors qu'il faisait très froid, attrapa la fièvre.
Après une maladie d'une quinzaine de jours, lorsqu'il se sentit trop faible et épuisé, il perdit tout espoir de se rétablir, et exprima sa volonté de nommer `Omar comme successeur pour lui éviter tout risque de perdre l'élection. Pour ne pas brusquer les gens avec cette décision, il la divulgua d'abord au cours d'une sorte de consultation avec `Abdul-Rahmân qui, en apprenant la nouvelle, fit l'éloge de Omar pour ajouter tout de suite que celui-ci était trop dur. Puis il consulta `Othmân qui dit: " `Omar a un fond meilleur que ses apparences". Sur ce, Abû Bakr dit : "Que Dieu te bénisse, ? `Othmân ! Si je n'avais pas choisi `Omar, je ne t'aurais pas enjambé". Mis au courant de cette décision, Talhah et beaucoup d'autres Compagnons du Prophète abordèrent Abû Bakr et protestèrent contre cette nomination. Talhah le blâma dans ces termes : "Comment répondras-tu à ton Seigneur pour avoir laissé Son peuple à la merci d'un maître aussi sévère que `Omar". Abû Bakr fut excédé par ces propos et s'écria : "Relevez-moi !" Et appelant `Othmân, il lui dicta sur-le-champ une ordonnance comme suit : "Moi, Abû Bakr, fils d'Abû Qohâfah, à la veille de l'approche de ma fin, fais la déclaration suivante de ma volonté aux Musulmans.
Je nomme comme successeur..." Avant de pouvoir terminer la phrase, Abû Bakr s'évanouit. `Othmân qui connaissait le nom qu'Abû Bakr prononcerait, ajouta à la phrasé le nom de " `Omar B. Al-Khattâb". Lorsque Abû Bakr reprit conscience, il demanda à `Othmân le nom du successeur qu'il avait écrit dans l'ordonnance, et dit : "Allâh-u-Akbar ! Que Dieu te bénisse pour ta prévenance. Si j'étais mort dans mon évanouissement, les gens auraient été laissés dans le noir sans le rajout que tu as fait". Puis il continua à dicter: "Ecoutez-le et obéissez-lui : car il gouvernera avec justice, sinon, Dieu qui connal"t tous les secrets, le traitera de la même façon. Je veux dire que tour ira bien, mais que je ne connais pas les secrets cachés dans les cœurs. Adieu". L'ordonnance ayant été scellée avec son cachet, le Calife demanda qu'elle fût lue aux gens dans la mosquée. `Omar lui-même fut présent lors de la lecture. Il faisait taire les bruits et réduisait les gens au silence afin qu'ils puissent entendre l'ordonnance.
Ibn Qotaybay écrit dans son livre, "Imâmat": "Quand l'ordonnance eut été prise par Chahîd, un serviteur d'Abû Bakr, pour être lue aux gens, quelqu'un demanda à `Omar qui accompagnait le porteur : "De quoi s'agit-il ?" `Omar répondit qu'il n'en savait rien, mais qu'elle (l'ordonnance) le concernait plus que tout autre. L'homme lui dit : "Si tu ne le sais pas, je sais qu'auparavant tu as fait Abû Bakr Calife, et maintenant, à son tour, il te fait Calife à sa place". "On dit à Abû Bakr pendant sa maladie : "Que diras-tu à ton Seigneur, maintenant que tu as désigné `Omar pour gouverner ?" Il répondit : "Je LUI dirai que j'ai nommé le meilleur d'entre eux pour gouverner sur eux". Abû Bakr al-?iddîq dit un jour : "Il n'y a pas à la surface de la terre un homme qui ait, plus de valeur que `Omar".
Le Lit de Mort d'Abû Bakr
Pendant sa maladie Abû Bakr exprima avec amertume son regret pour trois de ses actes : "J'aurais aimé ne les avoir pas faits". Ce sont :
l. La rafle dans la maison de Fatima malgré les conspirations dont il dit avoir été l'objet;
2. Le fait d'avoir fait brûler vivant Fujaïrah al-Salmî. Il dit à ce propos que cet homme aurait dû être soit relâché soit passé par le sabre, mais non pas brûlé;
3. Le fait d'avoir épargné le rebelle Ach`ath à qui il maria par la suite sa sœur Om Farwah. Cet homme, dit-il, avançait toujours dans la bassesse".
"Al-Nasâ'î, citant Aslam, écrit que `Omar entendit Abû Bakr lâcher ces mots : "C'est cela qui m'avait amené à ce à quoi je suis arrivé".
Quelque temps avant sa mort, Abû Bakr avait demandé: "Quel jour le Prophète est-il mort ?", et on lui avait répondu qu'il était mort un lundi.
La Mort d'Abû Bakr
Abû Bakr mourut à l'âge de 63 ans, le mardi 22 Jamâdî II, de l an 13 A.H., soit le 22 août 634 A.J.C après avoir gouverné pendant deux ans, trois mois et dix jours. Sa femme Asmâ' Bint `Omays, aidée de son fils `Abdul-Rahmân, lui fit son dernier bain. `Omar lut les prières en récitant le Tabkîr quatre fois. Une tombe fut creusée pour lui à côté de celle du Prophète, et la niche de sa tombe touchait celle du Messager de Dieu. II fut enterré en ayant la tête posée au niveau de l'épaule du Prophète.
Abû Bakr et les Rapports de sa Famille avec Celle du Prophète
Abû Bakr avait quatre femmes, dont une était morte de son vivant. Les descendants de chacune de ses femmes figurent dans le tableau suivant :
Les femmes mariées avec Abû Bakr avant sa conversion à l'Islam
l. Qutaylah, fille de `Abdul-`Uzza:
- Asmâ' (morte 76 A.H.), femme de Zobayr B. al-`Awwâm (mort 36 A.H.)
- `Abdullah (mort 64 A.H.)
- `Abdul-Rahmân (mort 53 A.H.)
Son nom d'origine était `Abd-al-`Uzza. Il embrassa l'Islam après le Traité de Hudaybiyyah
2. Om Roman, fille de Hârith (morte 7 A.H.)
" `Ayechah (morte 58 A.H.)
Les femmes mariées avec lui après sa conversion à l'Islam
3. Habîbah, fille de Kharj a Ançar
- Om KulthOm, femme de Talhah (mort 36 A.H.) (Cousin d'Abû Bakr et fils de `Obaydullâh)
- Muhammad (mort 36 A.H.)
4. Asmâ', fille de `Omays
- Mohammad (né l0 A.H., mort 38 A.H.)
Après la mort d'Abû Bakr, Ali épousa Asmâ', donc Mohammad fut élevé par Ali.
L'histoire montre qu'Abû Bakr lui-même ainsi que toute sa famille (sauf Asmâ' et son fils Mohammad) étaient hostiles à la famille du Prophète, en totale désobéissance avec ce que le Coran avait ordonné et avec ce que le Prophète avait dit concernant le respect et l'amour dus à sa famille.
Ci-après la liste de ceux d'entre la famille de Abû Bakr, dont l'hostilité envers celle du Prophète fut particulièrement évidente:
l. Lors de son accession au Califat, Abû Bakr envoya `Omar à la maison de Fatima pour obliger Ali à venir lui prêter serment d'allégeance par force.
`Omar menaça de brûler la maison avec Fatima à l'intérieur, et emmena Ali sous escorte chez Abû Bakr, où il fut si humilié et insulté qu'il pleura amèrement sur la tombe du Prophète pour se plaindre du mauvais traitement qu'il avait reçu. Par la suite Fatima fut tellement attristée par l'attitude d'Abû Bakr qu'aussi longtemps qu'elle survécut à son père, elle ne lui adressa plus jamais la parole, et que de son lit de mort, elle interdit qu'il assistât à ses funérailles.
2. La fille d'Abû Bakr, `aicha, se révoltera contre Ali, le Calife en titre, et elle le combattra, à la tête de trente mille soldats, dans la bataille d'al-Jamal. Mais elle fut défaite après avoir subi de lourdes pertes.
3. Le fils d'Abû Bakr, `Abdul-Rahmân, combattra pour la cause de sa sœur dans la même bataille.
4. Le gendre d'Abû Bakr, Zobayr B. Al-`Awwâm, le mari de Asmâ', la fille la plus âgée d'Abû Bakr, fut le commandant des armées de `aicha. En pleine mêlée, il se retira et prit le chemin de la Mecque, mais il fut tué à une courte distance du champ de bataille.
5. Le petit-fils d'Abû Bakr, `Abdullah, le fils de Zobayr et de Asmâ', fut le commandant de l'infanterie de `aicha. Il était le fils adoptif de `aicha. Après la bataille, il fut retiré d'un amas de tués jonchant le champ de bataille.
6. Le cousin d'Abû Bakr et mari de sa fille Om Kalthûm, Talhah, était le commandant des troupes de `aicha. Au plus chaud de la bataille, Marwân (le Secrétaire et le génie malfaisant du Calife `Othmân), officier dans la même armée, voyant Talhah engagé avec trop de zèle, dit à son serviteur : "Il y a seulement quelques jours que Talhah incitait avec tant de zèle à l'assassinat de `Othmân, et le voilà maintenant qui se montre si zélé de demander de venger son sang. Quelle hypocrisie pour gagner de la grandeur dans ce monde !" Ce disant, il tira une flèche qui perça la jambe de Talhah et effraya son cheval qui s'enfuit sauvagement et fit tomber Talhah par terre. Celui-ci fut tout de suite emmené à Bassorah où il mourut peu de temps après.
7. Le cousin d'Abû Bakr, `Abdul-Rahmân, frère de Talhan tomba lui aussi en combattant dans cette bataille.
8. Mohammad, fils de Talhah, tomba lui également dans cette bataille.
9. Jo`dah Bint Ach`ath, fille de la sœur d'Abû Bakr, Om Farwah, empoisonna al-Hassan, fils de Ali (Ibn Abî Tâlib). Elle avait été subornée, pour commettre cette bassesse, par Yazîd, fils de Mu`âwiyeh, ou par celui-ci lui-même.
l0. Is-hâ le fils de la soeur d Abd Bakr, Om Farwah, et de Ach` ath, ainsi que son frère, figurèrent dans l'armée de Yazîd combattant contre al-Hussayn, fils de Ali, lors de la tragédie de Karbalâ'.
Plus tard, le premier sera tué en combattant al-Mukhtâr dans la bataille qu'il engagera pour venger l'assassinat d'al-Hussayn, le second, qui avait arraché du cadavre d'al-Hussayn quelques vêtements, fut déchiqueté jusqu'à la mort par des morsures de chiens.
11. Moç`ab, fils de Zubayr, le fils adoptif d'Abû Bakr, combattit contre al-Mukhtâr, qui fut tué alors qu'il se battait pour venger le meurtre d'al-Hussayn.
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