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Points de vue philosophiques au sujet de la prophétie (nubuwwat)

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Points de vue philosophiques au sujet de la prophétie (nubuwwat)
La plupart des gens considèrent que la prophétie et la divination sont une seule et même chose. Cela étant, si l’on veut comprendre les différents points de vue philosophiques existant au sujet de la prophétie, il est nécessaire que nous connaissions le spectre complet des actions qu’un prophète se trouve en mesure de mener : il transmet la révélation, assume le savoir divin, produit une critique morale et sociale, tient lieu d’enseignant, de chef politique, de juriste, tout en produisant des miracles.

L’un des sujets répétitifs et fondamentaux qui remontent aux temps anciens, consiste à se demander si la prophétie doit être élucidée de manière naturelle ou surnaturelle. Fârâbî, le philosophe musulman et Mûsâ ibn Maymûn, le philosophe juif, l’expliquent de manière naturelle. En effet, ils considèrent la prophétie comme « l’imitation » de l’imagination ou le transfert de réalités spéculatives et philosophiques. Leurs explications insistent non seulement sur l’effet qu’a la prophétie sur le savoir, mais également sur son action touchant la politique, la jurisprudence et l’éducation. Ghazâlî le musulman et Thomas d’Aquin le chrétien parlent de phénomène surnaturel, empruntant chacun des voies absolument différentes pour l’exprimer.

L’idée avancée que ce sont les expériences des prophètes (as) qui transmettent le Livre saint, la connaissance spéculative, et ce qui en découle naturellement, fait à l’époque actuelle l’objet d’une offensive de diverses provenances. Dans les traditions islamiques, les mystiques ou les livres et les exégèses tiennent lieu de sources de la connaissance à la place des prophètes (as). Cela dit, les points de vue concernant la prophétie se trouvent liés aux thèmes importants relatifs à la langue de la religion, aux miracles, à l’essence de Dieu, au terme de la vie et aux spécificités de la religion.

A) Les fonctions d’un prophète
Le terme « prophétie » fait aussitôt référence à la notion de divination, de prédiction. La plupart des interprétations philosophiques du sujet prophétique – en particulier au cours du Moyen âge –, présupposent une notion beaucoup plus étendue de la fonction de prophète. Le mot grec d’où provient le mot « prophète » en français, désigne celui qui « parle » de la part de Dieu, qui délivre les messages divins, et selon les traditions religieuses, ces messages comportent des types différents.

Alors que dans le Livre saint les prophètes (as) prédisent les événements à venir, les traditions religieuses disent qu’ils possèdent la connaissance des événements situés dans un passé lointain. Cette connaissance leur a été transmise par Dieu (par exemple, au sujet de l’histoire de la création, ou de l’histoire du peuple juif). De même, selon les philosophes des siècles intermédiaires, ils possèdent le savoir spécial relatif à la structure, au créateur et aux actions présidant à l’ordre de la création. En sus, les prophètes (as) apportent des messages moraux et réalisent des miracles. Finalement, ils ont bien entendu l’expérience de la présence divine lors de visions, ils en entendent les sons et vivent également cela en songe (voir par exemple Isaïe, 6).

Ces différents rôles et devoirs du prophète donnent lieu à des « données » qui fournissent aux points de vue philosophiques la matière permettant d’éclaircir la notion de prophétie.

B) Les anciens points de vue: prophétie et visions véritables
L’opinion forgée par la philosophie au sujet de la prophétie débute avec les anciens points de vue regardant la divination et les visions véritables. Démocrite explique que lors des visions, les « images / idoles » – résultant probablement des corps des dieux eux-mêmes – étendent leur influence sur l’esprit et divulguent les événements à venir. Au cours de sa première époque platonicienne, Aristote pense et a pour conviction que l’esprit a la capacité de la divination, en raison de la spécificité de sa nature d’appartenir au monde spirituel.

Par la suite, il dit au sujet de la divination intervenant durant le sommeil (ce qui fait l’objet de l’un de ses courts traités sur la nature), que la prophétie ne vient pas de Dieu, car celui qui fait l’expérience des visions véridiques n’est « ni le meilleur ni le plus sage », et se trouve au contraire en but à la mélancolie. Aristote étudie ces phénomènes au cours de différents exposés sur le naturalisme. Cette idée qu’Aristote expose lors de sa confirmation du naturalisme – que la prophétie n’advient pas nécessairement au meilleur ni au plus sage parmi les gens – va se trouver par la suite rattachée à ce point de vue surnaturel affirmant que Dieu a la capacité de faire un prophète de tout un chacun. En effet, il existe un texte arabe à propos des courts traités sur la nature qui en fait une description erronée ; d’après celui-ci, Aristote aurait cherché la source des visions véridiques dans une forme d’intelligence cosmique. Cette image faussée a influencé les évolutions postérieures intervenues parmi les philosophes musulmans et juifs.

C) Les points de vues datant du Moyen âge : les philosophes musulmans
Les philosophes du Moyen âge discutent à propos du cadre dans lequel Dieu agit directement sur le monde. La prophétie est contenue dans ce débat général : la prophétie est-elle un don divin ou constitue-t-elle une perception naturelle de l’être humain ? Le savoir de la prophétie correspond-il à la connaissance quotidienne, à n’importe quel autre savoir, ou est-ce une forme spéciale de connaissance ? Quelles capacités l’individu doit-il réunir afin d’accéder au degré de la prophétie ? Faut-il avoir une disposition particulière ? Quels sont le sens et l’importance de l’imagination prophétique ? Que désigne la notion de parole divine ? Les réponses que donnent les philosophes à ces questions sont exposées parmi leurs points de vue généraux portant sur le surnaturel et la connaissance de la connaissance ; la vision de la prophétie dessine une fenêtre ouverte sur les théories de la connaissance du Moyen âge, qui à leur tour sont à l’origine de la conception du surnaturel qui a cours au Moyen âge.

Al-Fârâbî, le philosophe musulman, est un personnage important au regard du développement des opinions qui au Moyen âge portent sur la prophétie. Il existe cependant des différences parmi ses œuvres variées et il est à noter qu’il n’a jamais employé le terme de « prophétie » là où l’on aurait pu s’y attendre. La compréhension générale qui est celle de Fârâbî, en tant que philosophe aristotélicien néo-platonicien, peut se résumer ainsi :

Les individus doués d’intelligence sont davantage disposés, par l’intermédiaire de la diffusion de l’intelligence active, à parvenir au degré de la prophétie. Cette diffusion est avant tout donnée à l’intelligence active de l’individu (la force intelligente) pour ensuite alimenter la puissance de l’imagination. La puissance de l’imagination est à la fois soumise à des influences matérielles, et est à la fois capable de les affecter elle-même. L’imagination accomplie du prophète change les réalités spéculatives et le surnaturel en images sensibles, leur donnant corps et s’y adaptant.

Ceci rend le prophète capable de transmettre les aspects de ces réalités aux peuples n’ayant pas encore été instruits. L’imagination – en accord avec l’intelligence pratique, qui a elle aussi bénéficié de la grâce divine – est également liée à la législation et à l’habilité politique.

L’opinion de Fârâbî dénote lorsqu’il dit que la religion consiste, d’une certaine manière, dans le transfert opéré par la puissance de l’imagination – ou de l’imitation – à partir de la réalité spéculative et du surnaturel. L’association de la philosophie, de la loi et de la politique dans la pensée de Fârâbî se fonde sur le modèle du philosophe et du juriste de La république de Platon (il est à remarquer qu’en certains endroits, Fârâbî nomme « révélation » ou « contemplation spirituelle » l’acceptation philosophique et non imaginative de la réalité, considérant cela comme de la « haute prophétie »). Les visions véridiques et la divination, en tant que produits de l’imagination sont, d’après lui, similaires à la prophétie.

Bien qu’Ibn Sînâ (1) soit en accord avec la théorie naturaliste de Fârâbî, il pense que l’intelligence active est capable de transmettre le savoir spéculatif réel, même dans les cas où l’individu ne l’a pas acquis au moyen de l’abstraction.

La prophétie de ce type supérieur résulte de l’intuition ou de la clairvoyance, et c’est pourquoi le point de vue d’Ibn Sînâ est parfois qualifié de mystique. Ibn Sînâ, comme Fârâbî, s’appuyant sur le rôle politique du prophète, pense que seuls les prophètes (as) sont en mesure d’instaurer un lien entre les gens. Pour lui, les prophètes législateurs (as) sont des intendants clairvoyants situés au suprême degré de la nature. De la même façon, il développe une explication naturaliste au sujet de la façon dont les prophètes (as) réalisent des miracles : l’esprit supérieur ou noble peut produire de l’effet sur la substance naturelle, comme l’esprit produit de l’effet sur le corps de l’être humain.

A l’opposé de Fârâbî et d’Ibn Sînâ, d’autres penseurs musulmans interprètent la prophétie comme une chose acquise et naturelle. Al-Ghazâlî pense que Dieu l’Unique est la cause réelle des événements. Par conséquent, Dieu transmet directement le savoir prophétique : Il le remet aux anges afin qu’ils le transmettent au prophète. Bien que Ghazâlî tombe dans le piège de contradictions multiples (il reconnaît par exemple que la puissance naturelle de l’âme joue un certain rôle dans la prophétie), il estime que les hypothèses philosophiques naturalistes sur la prophétie divergent de la pensée islamique. De même, en certains endroits, il désavoue les fonctions politiques du prophète.

Ghazâlî pense que les savoirs ne peuvent se manifester que par l’intermédiaire de l’assistance divine et par ce biais, les phénomènes prophétiques, conformément à leur caractère surnaturel et à leur causalité divine, prennent une ampleur impressionnante.

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La deuxième partie de l’article portant sur les points de vue philosophiques au sujet de la prophétie se consacre à exposer l’avis des philosophes juifs et chrétiens et à aborder le point de vue de la philosophie au cours des différentes époques au sujet de la prophétie, ainsi que la prophétie dans la philosophie religieuse contemporaine.

D) Les points de vues datant du Moyen âge : les philosophes juifs et chrétiens
1 - La relation entre l’intelligence et l’imagination du prophète selon Al-Fârâbî et Mûsâ ibn Maymûn (Maïmonide)
Le point de vue de Fârâbî au sujet de la prophétie avec les remplacements voire même, les connaissances intérieures spéciales d’Ibn Sînâ, se trouvent empruntés par le philosophe juif Mûsâ ibn Maymûn (Dalâlat al-Hâ’irîn, chap. 32 à 48).

Mûsâ ibn Maymûn pense que la prophétie est un processus naturel : une diffusion émanant de Dieu qui, par le biais de l’intelligence active, atteint la faculté intelligente et de là, la faculté d’imagination (il admet que l’on puisse réfuter l’aspect miraculeux de la prophétie concernant un individu compétent, mais dans ce cas, tout processus naturel est l’objet de miracles). Les prophètes (as) possédant la faculté d’imagination qui vient se greffer sur l’intelligence diffèrent des philosophes, alors que le fait de posséder le don de la philosophie en plus de l’imagination les différencie des géomanciens, occultistes et autres diseurs de bonne aventure. Selon Mûsâ ibn Maymûn, la prophétie de Mûsâ (as) fait exception au sein de son explication générale, cependant, les chercheurs présentent des controverses lorsqu’il s’agit de définir où cette différence se loge précisément.

Par conséquent, Mûsâ ibn Maymûn et Fârâbî considèrent que la question du savoir du prophète est une question englobant le savoir naturel et surnaturel. Bien qu’ils croient en l’existence de différents niveaux de prophétie, ils tiennent pour primordial que le prophète jouisse au préalable d’une certaine intelligence, ce qui comporte également des exigences en matière de moralité. Le savoir concernant l’avenir dépend d’une combinaison entre la connaissance spéculative et l’imagination. Fârâbî comme Mûsâ ibn Maymûn jugent que le développement graduel de l’intelligence, ou peut-être même la perfection en matière d’intelligence – ou intelligence achevée – représente le degré suprême de la vie humaine ; par conséquent, le type de prophète le plus élevé correspond pratiquement à l’individu le « plus parfait ».

2 – L’imagination du prophète selon Mûsâ ibn Maymûn
Mûsâ ibn Maymûn se saisit d’une méthode intéressante afin d’interpréter le Livre saint et de pratiquer l’ontologie, science distincte des formes d’imagination de la prophétie. La langue prophétique, en tant que langue créée par l’imagination, est une langue métaphorique dont le degré suprême incarne l’expression des revendications du savoir et de la religion. Elle est employée afin d’établir le contact avec les peuples.

Par conséquent, la description que fait Ezéquiel de la charrette tient du surnaturel aristotélicien néo-platonicien pour Mûsâ ibn Maymûn (Dalâlat al-Hâ’irîn, Vol. 3, chap. 1 à 8). La description de Dieu que font les prophètes, usant de l’anthropomorphisme, produit en sus de l’imagination (Mûsâ ibn Maymûn indique souvent que l’imagination est même nécessaire afin de faciliter la perception du prophète lui-même). Les sujets « sensibles » lors des visions et dans le monde rêvé du prophète sont des créations de l’imagination et non des créatures situées au-delà de l’imaginable.

Alexandre Altman (1978) exprime l’avis que puisque que les philosophes musulmans et juifs ont cette croyance que tout accident naturel, dont la connaissance spéculative et philosophique, provient de la diffusion de l’ordre cosmique qui en son extrémité revient vers Dieu, la théorie naturaliste au sujet de la prophétie et de la providence est donc ce qui leur convient le mieux d’un point de vue religieux. Cela leur convient davantage que ce que disent les penseurs qui font une nette distinction entre le surnaturel considéré comme une action divine et l’accident naturel.

Cela étant, les critiques de la période médiévale trouvent le naturalisme satisfaisant du point de vue religieux, mais considèrent que l’exégèse métaphorique de la langue des Evangiles, associée au naturalisme, est inadmissible du point de vue exégétique. De même, des questions se posent : comment, en l’absence d’aide directe de la part de Dieu, le prophète peut-il prédire en détail les événements dont les prophéties du Livre saint sont emplies ? En particulier dans les cas où les prédictions nécessitent la connaissance des événements à venir, comme par exemple les actes qu’un être humain accomplira librement dans l’avenir. En outre, si le savoir prophétique provient de la raison philosophique et spéculative, élucider les capacités qu’a un prophète pour percevoir des réalités que l’intelligence ne peut atteindre – comme par exemple, la croyance en la création ex nihilo (Dalâlat al-Hâ’irîn, Vol. 2, chap. 25) –, devient difficile. (Cela étant, le point de vue naturaliste peut comme Ibn Sînâ prendre en considération la connaissance directe, ou « pure présence »). On pense ordinairement qu’un certain nombre de philosophes juifs, avant et après Mûsâ ibn Maymûn, comme Yehûdâ Halevi et Hisda Qresqas, se sont prononcés pour le caractère surnaturel de la prophétie. En réalité, leurs points de vue ont deux faces. Il est probable que celui d’Isaac Abravanel soit un meilleur exemple des traditions ultra naturalistes juives au sujet de la prophétie.

3 – La philosophie chrétienne et la prophétie
Les débats philosophiques chrétiens au sujet de la prophétie concernent la signification littérale de la Genèse, l’œuvre d’Augustin (Le douzième voyage) et les questions relatives aux divergences au sujet de la vérité, ainsi que la douzième question de Thomas d’Aquin. Face aux philosophes naturalistes, Thomas d’Aquin de son côté pense que la prophétie est un don pur et simple émanant de Dieu. La prophétie résulte d’un don que l’être humain ne mérite pas, et il est même possible que Dieu l’offre à un individu qui pourrait être susceptible de ne pas pouvoir l’assumer. Cette interprétation surnaturelle est conditionnée de plusieurs manières.

Par exemple, Thomas d’Aquin accepte les exégèses naturalistes des visions sincères et des prédictions des idolâtres. De même, lorsque Dieu offre à bon compte la prophétie à un individu incompétent, ce dernier l’exerce accompagnée du déploiement de la puissance intelligente et imaginative propre à l’être, et là, la prophétie se produit naturellement (il semble que l’acte de Dieu soit plutôt mis en œuvre à travers l’activité des anges).

Thomas d’Aquin ignore la fonction politique de la prophétie, qui tient par ailleurs une place particulièrement importante dans les interprétations islamiques comme dans le point de vue de Mûsâ ibn Maymûn. Altman, ignorant le point de vue de Mûsâ ibn Maymûn, il relie le point de vue de Thomas d’Aquin à la plupart des avis métaphysiques d’Ibn Sînâ.

E) Les nouvelles thèses
1 – Le point de vue de Spinoza au sujet de la prophétie
A l’époque contemporaine, la valeur de la parole des devins, en tant que connaissance, est attaquée de toutes parts. A l’opposé de l’emphase que Mûsâ ibn Maymûn met sur l’imagination, Spinoza écrit : « Les prophètes jouissaient d’une imagination extraordinairement puissante et non d’une intelligence parfaite et inhabituelle. Leurs croyances spéculatives et philosophiques ne faisaient que réfléchir les penchants et les croyances de leurs prédécesseurs. Par conséquent, nous ne sommes pas obligés de leur faire confiance s’agissant des questions spéculatives. » Les prétentions de Spinoza annoncent le déclin de la position intellectuelle du Moyen âge qui tient la prophétie pour vérité, ainsi que celui des notions qui vont avec, désignant en cela l’exégèse philosophique du Livre saint (Traité dogmatique-politique, chap. 2).

2 – Le doute face aux preuves de la prophétie
La question épistémologique consistant à prouver que la prophétie était bien connue des philosophes du Moyen âge, avec par la suite un doute qui s’installe quant à une validation des prétentions de la révélation, prend un tour plus hostile, y compris de la part des croyants.

Thomas Hobbes critique les « révélations », n’y voyant là que de simples visions. Il exprime cette célèbre opinion basée sur le fait que si nous prétendons que Dieu dialogue avec un individu lors d’une vision, il n’y a là rien de plus que si nous affirmions que : « Cet individu a rêvé que Dieu s’adressait à lui. » Il dit qu’en l’absence de miracles, nous n’avons aucun moyen de connaître la révélation véritable. Bien que John Locke ait foi en la révélation divine, il pense que « la solidité de la foi ne prouve pas que chaque décret et chaque prédicat viennent de Dieu ». Il insiste sur le fait que l’individu doit jouir d’intelligence afin qu’elle « le rende capable de juger à propos de ses inspirations, de sorte à savoir si elles ont une origine divine ou pas ».

D’éminents penseurs, à l’instar d’Isaac Newton, reconnaissent la vérité des prédictions du Livre saint, et argumentent sur le fait que l’accomplissement de certains miracles constitue la preuve que d’autres miracles pourront être accomplis. Concernant ces prétentions sur l’accomplissement de ces prédictions, la plupart sont des prédictions issus du Livre saint et sont de fait inconnues ou trop vagues pour pouvoir être analysées et critiquées.

David Hume, proposant une critique plus générale du débat traditionnel, exprime ses doutes à propos de la reconnaissance des récits miraculeux. Il étend son scepticisme aux récits des prédictions portant sur le réel : « Toutes les prédictions (à savoir les prédictions réelles qui ne sont pas basées sur l’induction) sont des miracles réels. »

3 – Les justifications psychologiques et expérimentales de la prophétie
Avec le temps, les différents points de vue traitent de la prophétie à travers des thèmes comme l’extase mystique (une explication déjà proposée par les anciens), le trouble psychologique, l’inspiration poétique, l’illusion, le mensonge, la démagogie, le déclin, quand ils ne les confondent pas tout bonnement avec elle. Les anthropologues regardent la divination du Livre saint comme un phénomène comportant des exemples analogues dans la plupart des cultures. De là, ils comptent pour négligeable les prédictions propres aux prophètes (as) du Livre saint et du Coran, et ce y compris dans les assemblées théologiques. En fin de compte, on opère une distinction entre l’expérience de la présence (divine) et l’expérience du contenu.

Selon cet énoncé, le contenu d’une prédiction est montré comme la réaction du sujet qu’est l’âme à l’expérience de la présence, et la réponse qui lui est donnée, et qui prend en compte l’aspect culturel conditionné de l’être humain. Là où le point de vue du Moyen âge prêtait au prophète l’usage de l’imagination et faisait de l’aigle le symbole de l’imagination prophétique, la nouvelle thèse dénote le mépris et l’invalidité de la prétention du prophète regardant le caractère véridique objectif de ses prédictions. Elle insiste sur la répartie morale, qui remplace la répartie simplement issue de la connaissance.

Ces divers creusets dans l’opinion traditionnelle côtoient généralement une profonde glorification de la confiance morale en la religion prophétique. Aussi, le débat à propos des points de vue respectant la signification de la prophétie se prolonge-il au sein du cadre théologique.

Cela étant, la confrontation de tous les partis à l’époque du Moyen âge est impressionnante.

F) La prophétie dans la religion contemporaine et la philosophie de la religion
Il est dit parfois que la prophétie, lorsqu’elle insiste sur la parole de Dieu et sa transmission, diffère du mysticisme (‘irfân / عرفان). Imaginons que cette distinction existe, nous pouvons alors dire que dans les grandes religions, le rôle des prophètes (as) se trouve éclipsé par deux choses : le mysticisme d’une part, et les livres et les exégètes solvables d’autre part – comme Hobbes le reconnaît durant un certain temps.

De ce fait, le mysticisme et les textes mystiques deviennent les intermédiaires de la prime révélation.

De même, au cours du vingtième siècle, les débats portant sur la religion et comportant une tendance analytique exposent moins la question de la prophétie. Bien que le débat au sujet de la prophétie, mise en relation avec l’incompatibilité proclamée du savoir des anciens et du libre arbitre de l’être humain ait existé jusqu’à un certain point. Les significations relatives à la prophétie – la révélation, l’expérience mystique, les miracles, les phénomènes paranormaux – sont analysées en détail par les philosophes, mais sans que la prophétie ne soit évoquée en aucune façon, ou au maximum par une petite allusion. Ils sont tous étonnés lorsqu’ils constatent que les revendications théologiques traditionnelles conduisent à ce principe que Dieu communique avec Ses créatures humaines.

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