La démonstration philosophique de l'existence d'Allah
Avant d'aborder la démonstration philosophique de l'existence d'Allah, nous devons nous demander ce qu'est cette démonstration. Quelles sont ses divisions et quelle est la différence entre elle, et la démonstration scientifique?
Il y a généralement trois sortes de démonstration: la démonstration mathématique, la démonstration scientifique, la démonstration philosophique.
- La démonstration mathématique: c'est la démonstration utilisée dans le domaine des mathématiques pures et dans la logique formelle. Elle est toujours basée sur un principe fondamental, celui de non-contradiction selon lequel A est A et n'est pas autre chose que A . Toute démonstration basée sur ce principe (ainsi que les résultats qui s'en ramifient) est appelée démonstration mathématique, laquelle bénéficie de la confiance de tous.
- La démonstration scientifique: c'est la démonstration utilisée dans le domaine des sciences naturelles. Elle est basée sur les connaissances qu'on peut prouver par la sensation ou par le raisonnement inductif scientifique, outre les principes de la démonstration mathématique.
- La démonstration philosophique: c'est démonstration qui se base sur des connaissances rationnelles (celles qui ne nécessitent ni sensation ni expérience), outre les principes de la démonstration mathématique, en vue de prouver une réalité objective du monde extérieur.
Cela ne signifie pas nécessairement que la démonstration philosophique ne se base pas sur des connaissances perceptibles ou inductives, mais qu'elle ne s'en contente pas; c'est-à-dire qu'en plus de ces connaissances ou indépendamment d'elles, elle repose sur d'autres connaissances rationnelles dans le cadre de la démonstration du sujet qu'on veut prouver.
Ainsi, la démonstration philosophique diffère de la démonstration scientifique en ceci que la première traite des connaissances rationnelles qui n'entrent pas dans le cadre des principes de la seconde.
Ayant présenté la conception de la démonstration philosophique, nous envisagerions dans ce même cadre la question suivante: peut-on compter sur les connaissances rationnelles, c'est-à-dire celles que la raison nous fournit, sans avoir besoin de la sensation ni de l'expérience ni de l'induction scientifique?
La réponse est positive. Car, il y a des connaissances qui sont dignes de la confiance de tous, telles le principe de non-contradiction sur lequel sont fondées toutes les mathématiques pures et auquel nous croyons rationnellement sans avoir besoin de recourir à l'observation ni à l'expérience, lesquelles constituent la base de l'induction.
La preuve en est que le degré de notre croyance en ce principe ne varie pas selon le nombre d'expériences et d'observations qui correspondent à ce degré. Prenons, à titre d'exemple, une application mathématique évidente de ce principe: 2 + 2 = 4. Notre croyance à la justesse de cette équation mathématique simple est très profonde et n'augmente pas avec les multiplications des exemples. Mieux, nous ne sommes pas disposés à prêter attention à un exemple qui le contredirait ; et si l'on nous disait que 2 + 2 = 5 ou 3 dans un cas exceptionnel, nous ne le croirions guère. Cela signifie que notre croyance en cette vérité n'est liée ni à la sensation ni à l'expérience, sinon elle serait affectée par elles positivement ou négativement
Et puisque nous croyons entièrement à cette vérité sans que notre croyance soit liée à la sensation ni à l'expérience, il est tout naturel que nous puissions nous fier parfois aux connaissances rationnelles sur lesquelles est basée la démonstration philosophique.
En d'autres termes, refuser la démonstration philosophique tout simplement parce qu'elle est fondée sur des connaissances qui ne sont pas liées à l'expérience et à l'induction, signifie qu'on doit refuser également la démonstration mathématique, laquelle est fondée sur le principe de non-contradiction auquel nous croyons sans nous référer à l'expérience ni à l'induction.1
Un Modèle de Démonstration Philosophique de L'Existence d'Allah
Cette démonstration est fondée sur trois postulats que voici:
1. L'axiome selon lequel chaque événement à une cause à laquelle il doit son existence . Cette axiome est perçu par l'homme d'une façon innée et il est confirmé constamment par le raisonnement inductif scientifique.
2. L'axiome selon lequel lorsqu'une chose a des degrés différents dont les uns sont plus forts et plus perfectionnés que les autres, il n'est pas possible que le degré inférieur de perfectionnement et de contenu soit la cause de l'existence du degré supérieur. Ainsi, la chaleur, le savoir, la lumière... etc ont des degrés dont les uns sont supérieurs en perfectionnement ou en solidité aux autres. Un haut degré de chaleur ne peut être le résultat d'un degré inférieur, de même qu'un homme connaissant parfaitement l'anglais ne peut acquérir une connaissance plus perfectionnée de cette langue, d'un autre individu qui n'en a que des connaissances rudimentaires, ou pis, qui l'ignore complètement. De même, un degré de lumière faible ne peut réaliser un degré plus fort de lumière; car chaque degré supérieur comporte un surplus qualitatif et quantitatif par rapport au degré inférieur. Et ce surplus qualitatif ne peut-être fourni par une source qui ne le possède pas. Lorsque vous voulez financer un projet avec votre argent, vous ne pouvez pas fournir plus d'argent que vous n'en possédez.
3. La matière prend, tout au long de son évolution continuelle, des formes diverses quant à son degré d'évolution et de concentration. La particule de l'eau dépourvue de vie et de sensibilité représente l'une des formes de l'existence de la matière. Le protoplasma qui entre dans la composition de la substance du végétal et de l'animal, représente une forme plus développée de la matière. L'amibe, cet animalcule unicellulaire incarne une autre forme de la matière, encore plus évoluée. L'Homme, cet être vivant, sensible et pensant est la forme supérieure de l'existence dans cet univers.
A propos de ces différentes formes de l'existence, une question se pose: leur différence est-elle une simple différence quantitative du nombre de molécules et d'éléments, et des relations mécaniques entre eux? Ou bien, s'agit-il d'une différence qualitative et modale, traduisant des degrés différents de l'existence et des étapes de l'évolution et du perfectionnement? En d'autres termes, la différence entre la Terre et l'Homme qui en est issu, est-elle numérique seulement, ou bien une différence entre deux degrés de l'existence, deux étapes de l'évolution et du perfectionnement, comme la différence entre une lumière faible et une lumière intense?
L'Homme a cru d'une manière infuse, depuis qu'il s'est posé cette question, que ces formes représentent des degrés de l'existence et des étapes du perfectionnement. La vie est un degré supérieur de l'existence par rapport à la matière et le degré lui-même, n'est pas absolu; il est subdivisé lui aussi en sous-degrés. Plus la vie acquiert un nouveau contenu, plus elle exprime un degré supérieur. C'est pourquoi, la vie de l'être sensible et pensant exprime un degré supérieur à la vie du végétal et ainsi de suite.
Mais la pensée matérialiste s'est opposée à cette vérité depuis deux siècles parce qu'elle croyait à la conception mécanique de l'interprétation de l'univers, selon laquelle le monde extérieur se compose de corpuscules identiques qui sont affectés, dans le cadre de lois générales, par des forces simples, attractives et répulsives, dont la fonction se borne au rôle de catalyseur, permettant aux corpuscules de se mouvoir et de se déplacer. Par cette action d'attraction et de répulsions mutuelles, des particules se rassemblent. D'autres se dispersent, permettant ainsi, à la matière de se diversifier. C'est pourquoi le matérialisme mécanique réduit l'évolution et le mouvement à un simple déplacement de corps et de corpuscules dans l'espace. Il a expliqué la diversité des formes de la matière par les différentes façons de rassemblement et de répartition de ces corpuscules, et a exclu de ces transformations la création de tout élément nouveau, affirmant que la matière ne croit pas dans son existence, ni ne se développe dans son évolution, mais qu'elle se rassemble et se disperse comme un pâté que la main façonne en différentes formes, sans qu'il acquière rien de nouveau.
Cette hypothèse a été inspirée de la science mécanique, -première des sciences à être libérale dans ses méthodes de recherche- et encouragée par les succès que cette science a réalisés dans les découvertes des lois du mouvement dynamique et dans l'interprétation sur la base de ces lois -des mouvements habituels des corps ordinaires- y compris les mouvements des astres dans l'espace.
Mais la continuation de l'évolution de la science et l'extension des méthodes de la recherche scientifique vers d'autres domaines divers ont démontré la fausseté de cette hypothèse et son incapacité d'expliquer mécaniquement tous les mouvements mécaniques, et de contenir, d'autre part, toutes les formes de la matière dans le cadre du mouvement mécanique des corps et des corpuscules d'un endroit à l'autre. Quant à la science, elle a confirmé ce que l'Homme a perçu naturellement, à savoir que la diversité des formes de la matière ne s'explique pas par le simple déplacement de ces corpuscules, d'un point à l'autre, mais par une variété d'évolutions qualitatives et modales. Les expériences scientifiques ont démontré qu'une combinaison numérique de corpuscules ne représente ni une vie, ni une sensibilité, ni une pensée; ce qui nous met devant une conception totalement différente de celle que le matérialisme mécanique nous présente. Car aussi bien dans la vie que dans la sensation ou la pensée, nous assistons à un processus de véritable développement de la matière et à une évolution qualitative dans ses degrés d'existence, et ce, quel que soit le contenu de cette évolution qualitative: matériel (exprimé par le passage d'un degré à un autre plus élevé) ou immatériel.
Récapitulons pour résumer les trois postulats que nous venons d'énumérer. Ce sont:
1. Chaque événement a une cause.
2. "l'inférieur" ne peut être la cause du "supérieur".
3. La diversité des degrés de l'existence et la variété modale dans notre univers.
A la lumière de ces trois postulats, nous savons que nous rencontrons dans les formes qualitatives évoluées un véritable développement, c'est-à-dire un perfectionnement dans l'existence de la matière ainsi qu'une croissance qualitative. Nous sommes en droit, dès lors, de nous interroger sur l'origine de cette croissance et de nous demander comment ce supplément nouveau est apparu alors que chaque événement a une cause, comme nous venons de le souligner?
Il y a deux réponses à cette interrogation:
1. Ce supplément proviendrait de la matière elle-même, laquelle était, à l'origine, dépourvue de vie, de sensibilité et de pensée, mais qui les aurait créées a travers son évolution; autrement dit, la forme inférieure de l'existence serait la cause de l'existence de la forme supérieure en degré et la plus riche en contenu.
Mais cette réponse est en contradiction avec le deuxième postulat précité et selon lequel la forme au degré inférieur ne peut être la cause d'une forme d'existence supérieure en degré et plus riche en contenu. Car la supposition selon laquelle la matière morte et dépourvue de vie peut donner à elle-même ou à une autre matière, la vie, la sensibilité et la pensée, ressemble à la supposition selon laquelle un individu qui ignore la langue anglaise peut l'enseigner; ou à celle selon laquelle une lumière faible peut nous fournir une lumière plus forte, telle la lumière du Soleil par exemple; ou encore à celle selon laquelle un pauvre désargenté peut financer des projets capitalistes.
2. Ce surplus résultant de l'évolution de la matière provient d'une source dotée de toute la vie, de toute la sensibilité et de toute la pensée dont il est lui-même pourvu; et cette source, c'est Allah. Seigneur des Mondes. Dans ce cas, la croissance de la matière (le surplus) n'est qu'un développement et une éducation accomplis par la Sagesse, la conduite et la Maîtrise du Seigneur:
﴾Et très certainement, nous avons créé l'homme d'un choix d'argile, puis nous l'avons consigné, goutte de sperme dans un reposoir sûr, puis nous avons fait du sperme un caillot, puis du caillot nous avons créé un morceau de chair, puis du morceau de chair nous avons créé des os, puis nous avons revêtu de chair les os. Ensuite, nous en avons produit une tout autre créature. Béni soit Allah, donc le meilleur des créateurs﴿ Sourate les Croyants (al-mu'minun)[23:12,13,14]
C'est la seule réponse qui concorde avec les trois postulats en question. Elle peut fournir une interprétation raisonnable du processus de la croissance et du perfectionnement intervenus dans les formes de l'existence sur ce vaste univers.
Cette démonstration que le Coran fait allusion à travers plusieurs versets, en s'adressant à la nature saine de l'homme et à sa raison normale:
﴾Voyez-vous donc cela que vous éjaculez: est-ce vous qui le créez? ou si c'est nous le créateur﴿ Sourate l’évènement (al-Waqiha)[56:58,59]
﴾Voyez-vous donc cela que vous cultivez; est-ce vous qui le cultivez? ou si c'est Nous le cultivateur﴿ Sourate l’évènement (al-Waqiha)[56:63,64]
﴾Voyez-vous donc le feu que vous obtenez en frottant: est-ce vous qui en produisez le bois? ou si c'est Nous le producteur﴿ Sourate l’évènement (al-Waqiha)[56:71,72]
﴾Il est de Ses signes de vous avoir créés de poussière; puis vous voilà des hommes qui se dispersent﴿ Sourate les Romains (al-Roum)[56:20]
* AL-SADR, Mohamad Baqer, Science et Croyance, Publication de la Cité du Savoir. Traduit et édité par AL-BOSTANI, Abbas.