Les Bases De La Comprehension Et Du Tafsir Du Saint Coran
Les Bases De La Comprehension Et Du Tafsir Du Saint Coran
Traduit de l'arabe et édité par Abbas AHMAD al-Bostani
L'un des exemples de cette déviation dans le ta'wîl est le sens que certains "philosophes" et "théologiens" ont attribué aux Versets coraniques en soumettant ceux-ci à des pensées et des doctrines philosophiques et théologiques auxquelles ils croyaient...
Nous avons déjà expliqué comment l'Ecole des Ahl-ul-Bayt a démontré que le Livre d'Allah est éternel, qu'il est le Registre de la Loi Divine immuable, la Source de la Législation, le Critère et l'Arbitre de la véracité des "récits" et des hadith, et la Référence permettant de distinguer le faux du Vrai. En effet, selon le Prophète :
«Si on m'attribue devant vous un hadith, comparez-le au Livre d'Allah. Acceptez-en ce qui s'y conforme, et rejetez-en ce qui s'y oppose.»(155)
Ceci étant établi, et les fausses allégations et assertions concernant son intégrité étant dénoncées comme telles, l'Ecole des Ahl-ul-Bayt a proposé une méthode originale qui détermine la manière dont on doit comprendre et traiter le Texte coranique. Ce problème de la compréhension du Saint Coran, de son explication et de son interprétation constitue un point essentiel dont dépend l'exactitude de la pensée et la justesse de la Croyance, de la Législation et du Savoir islamiques.
La raison en est que toute déviation, toute erreur dans la compréhension du Coran, dans la découverte de son contenu législatif et doctrinal et dans la déduction de ses Jugements, de ses concepts et de ses Lois sociales, politiques, économiques, éducatives et juridiques, conduit à la déviation et à la division des Musulmans, à la perte de l'authenticité et de la pureté islamiques.
Commençons notre étude de ce sujet fondamental par l'indispensable distinction qu'il faut faire entre le "tafsîr" et le "ta'wîl".
Le "tafsîr" est, selon les linguistes, "le dévoilement et la mise en évidence du sens des termes"(156), alors que le "ta'wîl" est défini comme "le renvoi de l'une des deux possibilités [du sens d'un terme] à ce qui se conforme à l'apparence."(157)
Ahmad Redhâ, définissant le tafsîr, écrit :
«Le tafsîr vient du mot "fassar", lequel est dérivé, par la grande dérivation, du mot "fasr", lequel signifie "le dévoilement et apparition".
Ainsi, lorsque le matin apparaît, on dit : "asfara al-çubh", c'est-à-dire : "le matin se dévoile". Et on dit aussi : "asfarat al-mar'ah 'an wajhihâ", c'est-à-dire : "la femme dévoile son visage", lorsqu'elle le découvre. Ou bien, il vient du verbe "fassara, yofassiro" (cf.dharaba, yadhribo, ou naçara, yançoro), et "fasran" ; "al-fasr" étant le fait de montrer et de découvrir ce qui est couvert. Ainsi, vous dites : "fassarto al-chay'a" : "j'ai expliqué cette chose", si vous l'expliquez.»(158)
Le Chaykh al-Tabarsî a ainsi défini le mot "tafsîr" dans son "Majma' al-Bayân fî Tafsîr al-Qur'ân" :
«"Al-tafsîr" est le dévoilement de la signification du terme équivoque, tandis que "al-ta'wîl" c'est renvoyer l'un des deux sens possibles à ce qui correspond à l'apparence. Al-tafsîr, c'est l'explication.»
Selon Abû-l-'Abbâs al-Mobarrid :
«Le ta'wîl, le tafsîr et les "ma'nâ" [sens] sont une même chose. On dit que "fasr" est la découverte de ce qui est couvert, et que ta'wîl est la fin et l'aboutissement d'une chose, ce sur quoi elle débouche... Quant au "ma'nâ", il vient de cet énoncé : "'anayto fulânan" : "j'ai entendu par là Untel", qui signifie "qaçadtahu" : "mon intention visait Untel", comme ce que vise l'énoncé : "'aniya bihi kathâ" : "il a entendu par là telle chose..." ; "qaçada bil-kalâm kathâ" : "par sa parole, il entendait telle chose...".
Et on dit aussi que l'énoncé "'anayto bi-hathâ-l-amr" : "j'ai pris la charge de cette question", c'est-à-dire : "takallaftuhu": "j'en ai pris la charge"»(159)
La Méthode du Tafsîr du Saint Coran
Si le tafsîr est l'explication des sens des mots et des phrases du Saint Coran et leur dévoilement, et étant donné que les mots et les phrases du Saint Coran supportent plus d'une intention visée (signification), le ta'wîl est une opération de dévoilement de la signification visée au moyen du renvoi du sens contenu dans le Verset -après hésitation entre deux possibilités(160), ou davantage- à ce sur quoi il débouche, et le résultat auquel nous parvenons est que le ta'wîl ne doit pas contredire le tafsîr apparent, et de ce fait les deux -tafsîr et ta'wîl-s'égalent dans le résultat final, à savoir : l'éclaircissement des sens du Saint Coran et l'explication de ce qu'Allah a voulu montrer à Ses serviteurs.
Or, lorsqu'on lit attentivement les livres de tafsîr et les méthodes des mufassir, on trouve des lacunes évidentes et des erreurs graves dans lesquelles sont tombés certains mufassir, qui ont dévié ainsi le but du tafsîr à cause des méthodes de tafsîr qu'ils ont suivies et de leur façon de traiter les Versets coraniques en adoptant tantôt des récits (hadith) faibles ou intrus, et tantôt les sentiments personnels, soumettant ainsi le Saint Coran à leurs préjugés et à leurs caprices propres, et appliquant le sens des Versets à des événements, des personnages et des faits que le Noble Coran ne visait pas, application qui avait pour but de corroborer leurs opinions et tendances personnelles.
L'un des exemples de cette déviation dans le ta'wîl est le sens que certains "philosophes" et "théologiens" ont attribué aux Versets coraniques en soumettant ceux-ci à des pensées et des doctrines philosophiques et théologiques auxquelles ils croyaient.
Un autre exemple en est la tendance de certains écrivains et mufassir à expliquer les Versets coraniques en se conformant aux théories scientifiques et aux idées économiques, sociales et politiques qu'ils trouvent chez les penseurs et les tenants des théories courantes de leur époque, et ce uniquement en se fiant à leur opinion personnelle, et sans qu'il y ait un vrai rapport et une application juste entre ces Versets et ces théories et idées.
Ainsi, il n'est pas rare de voir de nombreux cas, dans le passé et à l'époque contemporaine, dans lesquels les mufassir plient les Versets au gré de leurs désirs ou, acceptant des vérités préconçues, tentent d'expliquer le Saint Coran à leur lumière.
Un grand nombre de mufassir de toutes les Ecoles juridiques musulmanes, Sunnites et Chi'ites, ont commis cette erreur et échafaudé des arguments et des justifications fallacieux pour tenter de montrer le bien-fondé de leurs méthodes.
Or, lorsqu'on se réfère à la méthode islamique originale de tafsîr, on remarque qu'elle récuse cette tendance et fixe les bases correctes du tafsîr.
En effet, le tafsîr, tel que l'a défini le Prophète et que l'a expliqué la méthode des Ahl-ul-Bayt qu'ont suivie les mufassir engagés, a des règles et des bases qui conduisent l'exégète et le chercheur en Sciences coraniques à tirer des conclusions correctes et des résultats fertiles.
Passons donc en revue ce que le Prophète, les Imams d'Ahl-ul-Bayt et les uléma ont dit à propos des règles justes du tafsîr et des moyens de dégager objectivement les Jugements coraniques.
Al-Tabarsî rapporte ce hadith du Prophète, transmis par la chaîne d'Ahl-ul-Bayt, et dont il dit qu'il est sain :
«Le tafsîr du Coran ne peut être fait que d'après le hadith sain et le Texte clair.»(161)
Il affirme que les Ahl-ul-Bayt suivaient ces directives et refusaient le tafsîr du Coran autrement que sur les deux bases suivantes :
1- Le tafsîr du Coran par le Coran, c'est-à-dire que les Versets s'expliquent les uns par les autres.
2- Le tafsîr du Coran par les récits et les hadith sains.
Donc, il est clair que le tafsîr doit observer scrupuleusement ces deux règles.
Toutefois, il ne faut pas oublier que la raison a un rôle essentiel et d'avant-garde dans la compréhension du Saint Coran, dans l'explication de ses significations et dans la direction de ses phénomènes, mais à condition qu'elle s'en tienne aux limites du Livre et de la Sunnah, et qu'elle ne s'écarte pas des aspects de leur ligne générale. Rappelons à cet égard que c'est le Prophète qui a assigné à la raison un rôle crucial dans le tafsîr du Coran :
«Le Coran est accessible et comporte plusieurs facettes; apprenez-le donc selon ses meilleures facettes.»(162)
Selon un autre hadith, le Prophète a dit :
«Analysez le Coran, et informez-vous sur ses équivoques.»(163)
Le Saint Coran lui-même a expliqué le rôle de la raison dans le tafsîr et a loué les esprits capables de raisonner :
«... l'auraient su ceux qui savent raisonner.» (Sourate al-Nisâ', 4 : 83)
Et il a blâmé ceux qui manquent de réfléchir et de méditer sur les Versets du Noble Coran en vue de découvrir ses significations et son contenu :
«Ne vont-ils pas méditer le Coran ? Ou bien les coeurs de certains d'entre eux sont-ils verrouillés?» (Sourate Muhammad, 47 : 24)
Donc, selon la méthode des Ahl-ul-Bayt, le tafsîr se fonde sur trois règles :
1- Le tafsîr du Coran par le Coran.
2- Le tafsîr du Coran par la Sunnah.
3- Le tafsîr du Coran par la raison respectueuse du Livre et de la Sunnah.
Ainsi, à part cette méthode précise de tafsîr, fondée sur des règles incontestables et immuables, tous autres tafâsîr (pluriel de tafsîr) imprégnés d'opinions personnelles, de traces de théories scientifiques contemporaines du mufassir, ou d'idées philosophiques et théologiques, ou bien encore fondés sur des récits peu accrédités ou sans chaîne de transmetteurs bien établie, ou fondés sur des hadith qui contredisent ce qui est évident dans le Saint Coran et incontestable dans la Sunnah, ou que le mufassir applique d'une façon inadéquate et subjective sur les Versets, tous ces genres de tafsîr sont rejetés par la méthode des Ahl-ul-Bayt et des Savants et des mufassir qui ont marché sur leurs traces.
Il est donc nécessaire d'éviter de tels tafsîr, qui sont courants aussi bien chez les Sunnites que chez les Chi'ites, et qui s'écartent de la ligne islamique que nous venons de définir, et qui ne traduisent généralement pas l'esprit du Saint Coran.
En tout cas, quelle que soit la crédibilitéde ces mufassir, nous ne sommes pas tenus de suivre leur avis, car le mufassir ne constitue jamais un argument face au Coran, alors que le Saint Coran l'est face à lui. Donc, il ne pourrait constituer un argument pour les Musulmans que dans la mesure où il atteint la Vérité. Or, selon les Saints Imams des Ahl-ul-Bayt, il est interdit d'affirmer quelque chose sans connaissance de cause et sans preuve. Ainsi, l'Imam al-Bâqir a dit :
«Ce que vous savez, vous pouvez le dire. Mais lorsque vous ne savez pas avec certitude, dites : "Allah est Celui Qui sait le mieux"»(164)
Et l'Imam al-Çâdiq a dit :
«Toute chose doit être renvoyée au Coran et à la Sunnah.»(165)
Notes:
155. Al-Tabarsî, "Muqaddamat [Introduction à] Majma' al-Bayân", tome I, p. 13.
156. Al-Tirayhî, "Majmâ' al-Bahrayn", article : "Fassâra".
157. Al-Tabarsî, "Muqaddamat Majma' al-Bayân", tome I, p. 13.
158. Ahmad Redhâ, dans l'Introduction de "Majma' al-Bayân fî Tafsîr al-Qur'ân" d'al-Chaykh al-Tabarsî, tome I, p. 1.
159. Al-Tabarsî, "Muqaddamat Majma' al-Bayân", tome I, p. 13.
160. Parmi les exemples de ta'wîl, prenons le ta'wîl fait de ce Verset coranique : «wasa'a Kursîyyoho al-Samawât wal-Ardh...» (Son Trône [Kursî] s'étend sur les cieux et sur la terre). Dans ce Verset, on interprète (yo'awwal) "Kursî" par "Science", "Trône", "Domination", etc... (sens figurés), et non pas par "une chaise" matérielle (sens propre).
161. Al-Tabarsî, "Muqaddamat Majma' al-Bayân", tome I, p. 13. 138. ibid.
162. Ibid.
163. Ibid.
164. Al-Bahbûdî, "Çahîh al-Kâfî", tome I, p. 5.
165. Ibid., p. 11.
Traduit de l'arabe et édité par Abbas AHMAD al-Bostani
L'un des exemples de cette déviation dans le ta'wîl est le sens que certains "philosophes" et "théologiens" ont attribué aux Versets coraniques en soumettant ceux-ci à des pensées et des doctrines philosophiques et théologiques auxquelles ils croyaient...
Nous avons déjà expliqué comment l'Ecole des Ahl-ul-Bayt a démontré que le Livre d'Allah est éternel, qu'il est le Registre de la Loi Divine immuable, la Source de la Législation, le Critère et l'Arbitre de la véracité des "récits" et des hadith, et la Référence permettant de distinguer le faux du Vrai. En effet, selon le Prophète :
«Si on m'attribue devant vous un hadith, comparez-le au Livre d'Allah. Acceptez-en ce qui s'y conforme, et rejetez-en ce qui s'y oppose.»(155)
Ceci étant établi, et les fausses allégations et assertions concernant son intégrité étant dénoncées comme telles, l'Ecole des Ahl-ul-Bayt a proposé une méthode originale qui détermine la manière dont on doit comprendre et traiter le Texte coranique. Ce problème de la compréhension du Saint Coran, de son explication et de son interprétation constitue un point essentiel dont dépend l'exactitude de la pensée et la justesse de la Croyance, de la Législation et du Savoir islamiques.
La raison en est que toute déviation, toute erreur dans la compréhension du Coran, dans la découverte de son contenu législatif et doctrinal et dans la déduction de ses Jugements, de ses concepts et de ses Lois sociales, politiques, économiques, éducatives et juridiques, conduit à la déviation et à la division des Musulmans, à la perte de l'authenticité et de la pureté islamiques.
Commençons notre étude de ce sujet fondamental par l'indispensable distinction qu'il faut faire entre le "tafsîr" et le "ta'wîl".
Le "tafsîr" est, selon les linguistes, "le dévoilement et la mise en évidence du sens des termes"(156), alors que le "ta'wîl" est défini comme "le renvoi de l'une des deux possibilités [du sens d'un terme] à ce qui se conforme à l'apparence."(157)
Ahmad Redhâ, définissant le tafsîr, écrit :
«Le tafsîr vient du mot "fassar", lequel est dérivé, par la grande dérivation, du mot "fasr", lequel signifie "le dévoilement et apparition".
Ainsi, lorsque le matin apparaît, on dit : "asfara al-çubh", c'est-à-dire : "le matin se dévoile". Et on dit aussi : "asfarat al-mar'ah 'an wajhihâ", c'est-à-dire : "la femme dévoile son visage", lorsqu'elle le découvre. Ou bien, il vient du verbe "fassara, yofassiro" (cf.dharaba, yadhribo, ou naçara, yançoro), et "fasran" ; "al-fasr" étant le fait de montrer et de découvrir ce qui est couvert. Ainsi, vous dites : "fassarto al-chay'a" : "j'ai expliqué cette chose", si vous l'expliquez.»(158)
Le Chaykh al-Tabarsî a ainsi défini le mot "tafsîr" dans son "Majma' al-Bayân fî Tafsîr al-Qur'ân" :
«"Al-tafsîr" est le dévoilement de la signification du terme équivoque, tandis que "al-ta'wîl" c'est renvoyer l'un des deux sens possibles à ce qui correspond à l'apparence. Al-tafsîr, c'est l'explication.»
Selon Abû-l-'Abbâs al-Mobarrid :
«Le ta'wîl, le tafsîr et les "ma'nâ" [sens] sont une même chose. On dit que "fasr" est la découverte de ce qui est couvert, et que ta'wîl est la fin et l'aboutissement d'une chose, ce sur quoi elle débouche... Quant au "ma'nâ", il vient de cet énoncé : "'anayto fulânan" : "j'ai entendu par là Untel", qui signifie "qaçadtahu" : "mon intention visait Untel", comme ce que vise l'énoncé : "'aniya bihi kathâ" : "il a entendu par là telle chose..." ; "qaçada bil-kalâm kathâ" : "par sa parole, il entendait telle chose...".
Et on dit aussi que l'énoncé "'anayto bi-hathâ-l-amr" : "j'ai pris la charge de cette question", c'est-à-dire : "takallaftuhu": "j'en ai pris la charge"»(159)
La Méthode du Tafsîr du Saint Coran
Si le tafsîr est l'explication des sens des mots et des phrases du Saint Coran et leur dévoilement, et étant donné que les mots et les phrases du Saint Coran supportent plus d'une intention visée (signification), le ta'wîl est une opération de dévoilement de la signification visée au moyen du renvoi du sens contenu dans le Verset -après hésitation entre deux possibilités(160), ou davantage- à ce sur quoi il débouche, et le résultat auquel nous parvenons est que le ta'wîl ne doit pas contredire le tafsîr apparent, et de ce fait les deux -tafsîr et ta'wîl-s'égalent dans le résultat final, à savoir : l'éclaircissement des sens du Saint Coran et l'explication de ce qu'Allah a voulu montrer à Ses serviteurs.
Or, lorsqu'on lit attentivement les livres de tafsîr et les méthodes des mufassir, on trouve des lacunes évidentes et des erreurs graves dans lesquelles sont tombés certains mufassir, qui ont dévié ainsi le but du tafsîr à cause des méthodes de tafsîr qu'ils ont suivies et de leur façon de traiter les Versets coraniques en adoptant tantôt des récits (hadith) faibles ou intrus, et tantôt les sentiments personnels, soumettant ainsi le Saint Coran à leurs préjugés et à leurs caprices propres, et appliquant le sens des Versets à des événements, des personnages et des faits que le Noble Coran ne visait pas, application qui avait pour but de corroborer leurs opinions et tendances personnelles.
L'un des exemples de cette déviation dans le ta'wîl est le sens que certains "philosophes" et "théologiens" ont attribué aux Versets coraniques en soumettant ceux-ci à des pensées et des doctrines philosophiques et théologiques auxquelles ils croyaient.
Un autre exemple en est la tendance de certains écrivains et mufassir à expliquer les Versets coraniques en se conformant aux théories scientifiques et aux idées économiques, sociales et politiques qu'ils trouvent chez les penseurs et les tenants des théories courantes de leur époque, et ce uniquement en se fiant à leur opinion personnelle, et sans qu'il y ait un vrai rapport et une application juste entre ces Versets et ces théories et idées.
Ainsi, il n'est pas rare de voir de nombreux cas, dans le passé et à l'époque contemporaine, dans lesquels les mufassir plient les Versets au gré de leurs désirs ou, acceptant des vérités préconçues, tentent d'expliquer le Saint Coran à leur lumière.
Un grand nombre de mufassir de toutes les Ecoles juridiques musulmanes, Sunnites et Chi'ites, ont commis cette erreur et échafaudé des arguments et des justifications fallacieux pour tenter de montrer le bien-fondé de leurs méthodes.
Or, lorsqu'on se réfère à la méthode islamique originale de tafsîr, on remarque qu'elle récuse cette tendance et fixe les bases correctes du tafsîr.
En effet, le tafsîr, tel que l'a défini le Prophète et que l'a expliqué la méthode des Ahl-ul-Bayt qu'ont suivie les mufassir engagés, a des règles et des bases qui conduisent l'exégète et le chercheur en Sciences coraniques à tirer des conclusions correctes et des résultats fertiles.
Passons donc en revue ce que le Prophète, les Imams d'Ahl-ul-Bayt et les uléma ont dit à propos des règles justes du tafsîr et des moyens de dégager objectivement les Jugements coraniques.
Al-Tabarsî rapporte ce hadith du Prophète, transmis par la chaîne d'Ahl-ul-Bayt, et dont il dit qu'il est sain :
«Le tafsîr du Coran ne peut être fait que d'après le hadith sain et le Texte clair.»(161)
Il affirme que les Ahl-ul-Bayt suivaient ces directives et refusaient le tafsîr du Coran autrement que sur les deux bases suivantes :
1- Le tafsîr du Coran par le Coran, c'est-à-dire que les Versets s'expliquent les uns par les autres.
2- Le tafsîr du Coran par les récits et les hadith sains.
Donc, il est clair que le tafsîr doit observer scrupuleusement ces deux règles.
Toutefois, il ne faut pas oublier que la raison a un rôle essentiel et d'avant-garde dans la compréhension du Saint Coran, dans l'explication de ses significations et dans la direction de ses phénomènes, mais à condition qu'elle s'en tienne aux limites du Livre et de la Sunnah, et qu'elle ne s'écarte pas des aspects de leur ligne générale. Rappelons à cet égard que c'est le Prophète qui a assigné à la raison un rôle crucial dans le tafsîr du Coran :
«Le Coran est accessible et comporte plusieurs facettes; apprenez-le donc selon ses meilleures facettes.»(162)
Selon un autre hadith, le Prophète a dit :
«Analysez le Coran, et informez-vous sur ses équivoques.»(163)
Le Saint Coran lui-même a expliqué le rôle de la raison dans le tafsîr et a loué les esprits capables de raisonner :
«... l'auraient su ceux qui savent raisonner.» (Sourate al-Nisâ', 4 : 83)
Et il a blâmé ceux qui manquent de réfléchir et de méditer sur les Versets du Noble Coran en vue de découvrir ses significations et son contenu :
«Ne vont-ils pas méditer le Coran ? Ou bien les coeurs de certains d'entre eux sont-ils verrouillés?» (Sourate Muhammad, 47 : 24)
Donc, selon la méthode des Ahl-ul-Bayt, le tafsîr se fonde sur trois règles :
1- Le tafsîr du Coran par le Coran.
2- Le tafsîr du Coran par la Sunnah.
3- Le tafsîr du Coran par la raison respectueuse du Livre et de la Sunnah.
Ainsi, à part cette méthode précise de tafsîr, fondée sur des règles incontestables et immuables, tous autres tafâsîr (pluriel de tafsîr) imprégnés d'opinions personnelles, de traces de théories scientifiques contemporaines du mufassir, ou d'idées philosophiques et théologiques, ou bien encore fondés sur des récits peu accrédités ou sans chaîne de transmetteurs bien établie, ou fondés sur des hadith qui contredisent ce qui est évident dans le Saint Coran et incontestable dans la Sunnah, ou que le mufassir applique d'une façon inadéquate et subjective sur les Versets, tous ces genres de tafsîr sont rejetés par la méthode des Ahl-ul-Bayt et des Savants et des mufassir qui ont marché sur leurs traces.
Il est donc nécessaire d'éviter de tels tafsîr, qui sont courants aussi bien chez les Sunnites que chez les Chi'ites, et qui s'écartent de la ligne islamique que nous venons de définir, et qui ne traduisent généralement pas l'esprit du Saint Coran.
En tout cas, quelle que soit la crédibilitéde ces mufassir, nous ne sommes pas tenus de suivre leur avis, car le mufassir ne constitue jamais un argument face au Coran, alors que le Saint Coran l'est face à lui. Donc, il ne pourrait constituer un argument pour les Musulmans que dans la mesure où il atteint la Vérité. Or, selon les Saints Imams des Ahl-ul-Bayt, il est interdit d'affirmer quelque chose sans connaissance de cause et sans preuve. Ainsi, l'Imam al-Bâqir a dit :
«Ce que vous savez, vous pouvez le dire. Mais lorsque vous ne savez pas avec certitude, dites : "Allah est Celui Qui sait le mieux"»(164)
Et l'Imam al-Çâdiq a dit :
«Toute chose doit être renvoyée au Coran et à la Sunnah.»(165)
Notes:
155. Al-Tabarsî, "Muqaddamat [Introduction à] Majma' al-Bayân", tome I, p. 13.
156. Al-Tirayhî, "Majmâ' al-Bahrayn", article : "Fassâra".
157. Al-Tabarsî, "Muqaddamat Majma' al-Bayân", tome I, p. 13.
158. Ahmad Redhâ, dans l'Introduction de "Majma' al-Bayân fî Tafsîr al-Qur'ân" d'al-Chaykh al-Tabarsî, tome I, p. 1.
159. Al-Tabarsî, "Muqaddamat Majma' al-Bayân", tome I, p. 13.
160. Parmi les exemples de ta'wîl, prenons le ta'wîl fait de ce Verset coranique : «wasa'a Kursîyyoho al-Samawât wal-Ardh...» (Son Trône [Kursî] s'étend sur les cieux et sur la terre). Dans ce Verset, on interprète (yo'awwal) "Kursî" par "Science", "Trône", "Domination", etc... (sens figurés), et non pas par "une chaise" matérielle (sens propre).
161. Al-Tabarsî, "Muqaddamat Majma' al-Bayân", tome I, p. 13. 138. ibid.
162. Ibid.
163. Ibid.
164. Al-Bahbûdî, "Çahîh al-Kâfî", tome I, p. 5.
165. Ibid., p. 11.