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Les Expériences Spirituelles des autres

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Les Expériences Spirituelles des autres

Amma, la "mater amorosa"

Mata Amritananda Mayi, dite "Amma", femme indienne célibataire, née le 27 septembre 1953, dispense un message de paix et d'amour en cajolant ceux qui le souhaitent.

Maître spirituel « à l’américaine », à la tête d'une multinationale de la charité, la « Mère universelle » étreint la terre entière (plus de 24 millions de personnes).... en diffusant des "darshans", des bénédictions.

Fille d’humbles pêcheurs habitant une misérable cabane dans un village du sud de Kerala, elle manifeste très jeune de grandes capacités de compassion à l’écoute des gens. A 5ans, elle commence la méditation et des chants dévotionnels à Krishna*. A l’âge de 9 ans, sa mère tombe malade et elle doit se charger de toutes les corvées de la maison.

Cela ne l’empêche pas de passer ses nuits à méditer, à chanter, à se rouler par terre, ivre des visions de Krishna qu’elle perçoit partout.  Tout cela ne fait pas plaisir à sa famille qui tente de la marier, et qui, devant son refus, la met dehors.

Chassée de sa maison, elle trouve refuge dans la forêt, méditant des heures entières, avec pour seule compagnie des animaux qui lui apportent de la nourriture...

Sa légende est née, des disciples affluent de toute l’Inde..

Celle qui fut privée d’amour,

se met à étreindre la terre entière.

Celle qui fut privée d’amour, se met à étreindre la terre entière, à partir de 1975, voyageant dans les quatre coins du monde, organisant des grand-messes en Inde, dans les gymnases d'Europe, des USA ou d'Australie..

Dans une ambiance chaude parfumée d’encens, au rythme lancinant des satsangs, les chants dévotionnels à Krishna, des tablas et des cithares, elle accueille les gens, un par un, les love dans ses bras, la tête plaquée contre son épaule, sa poitrine, leur caresse le dos, la nuque, tout en chuchotant quelques mots incompréhensibles, débordante d’amour. Puis elle se dégage, donne à chacun un bonbon et un pétale de rose, avant d’accueillir le suivant… Certains ressortent de cette étreinte en pleurs, d’autres apaisés, tous paraissent transportés.. sans toutefois changer leur mode de vie.

« Ecrivez le mot miel puis léchez le papier, ça ne sera pas sucré.

En 1981, elle fonde son ashram à Amritapuri  et développe une multinationale de la charité basée sur le travail de bénévoles (près de 3000), la vente de livres, cassettes, autres et des dons.

Son enseignement est basé sur la voie dévotionnelle du bhakti yoga et la philosophie doctrinale de l’advaïta vedanta. Elle récuse les méthodes des intellectuels dont « le rationalisme étouffe les qualités de cœur » (selon ses propos) et prône l'expérience du divin en toute chose : « Ecrivez le mot miel puis léchez le papier, ça ne sera pas sucré. Il faut vivre l'expérience de sa vie. » Elle ne parle que sous forme d'images.

Sa mission ? « Je souhaite être un bâton d'encens qui se consume et offre son parfum au monde. »

Sa particularité ? Surnommée la « Mère de la béatitude immortelle », Amma prétend incarner la  maternité de manière extrême, se présentant comme la mère idéale, faisant des câlins, donnant des bonbons et parlant en mots simples.

*Une des grandes divinités de l’Inde brahmanique, considérée comme étant la 8ème incarnation de la divinité Vishnou (le « berger d’amour »).

Chandra Swami,

un « yogi* » de la lignée brahmatique des Udasins**

Chandra Swami est un ascète qui a choisi de vivre une vie de renoncement total, passant de nombreuses années en retraite solitaire, ne parlant à personne, dans un silence total. Encore actuellement, il pratique le « mauna » le silence des lèvres, ne répondant aux questions que par écrit.

Chandra Swami (de son vrai nom Suraj Prakash) naquit le 5 mars 1930 dans le village de Bhuman Shah au Pakistan. Très tôt, il fut bercé par la lecture de la Bhagavad Gita et du Gurubani et grandit au sein de la ferveur spirituelle de ses parents, passant de longues heures sur la tombe d’un mystique très vénéré à son époque, Baba Bhuman Shah (1687-1747). Ce dernier  apparut  en songe au père du jeune Suraj  et  lui ordonna d'accompagner son fils auprès du maître Shri Girdhari Dass Ji, afin de l'initier au mantra (formule sacrée du brahmanisme). C’était en 1947.

Suraj Prakash poursuivit cependant des études d’ingénieur en langue anglaise mais il y renonça peu à peu afin de se consacrer à sa Sadhana (sa recherche spirituelle de Dieu) sous la direction d’un maître. Il se fit consacrer moine par un Udasin du Cachemire, Swami Krishna Dass, et prit le nom de Chandra Swami. Revêtu de la robe orange immortalisant les sadhus***, il passa huit ans en pratiquant une discipline intensive au cœur des Himalayas.

À 29 ans, il reprend son bâton de pèlerin et choisit d'aller vivre dans une île boisée sur le Gange, à proximité de la ville sainte d'Hardwar (nord de Delhi) où il passe des années en retraite solitaire dans un silence total. Il dit avoir atteint sa réalisation ultime à l’âge de 35 ans par sa connaissance de lui-même. Des gens commencèrent à se grouper autour de lui.

Durant la mousson de 1970, des changements dans le cours du Gange rendirent inaccessible la hotte où vivait Chandra Swami. Ses disciples le supplièrent de s'installer sur l'autre rive où ils lui construisirent un petit ashram « Sewak Nivas » (la demeure des serviteurs) devenu en 1975 « Seekers Trust » (Compagnie des chercheurs). Cet endroit étant devenu trop peuplé et trop commercialisé, il se déplaça en 1990 dans un nouvel ashram dans le district de Derha Dun (Uttar Pradesh), à l’endroit où la Yamuna sort de l’Himalaya, au nord de l’Inde. Là, il passe la moitié de l’année dans l’isolement et un silence total et l’autre moitié à organiser des séances de méditation, à répondre aux questions par écrit, à écrire des ouvrages, notamment sur le silence et « l’art de la réalisation ».

Pourquoi son choix du silence ?  Au début parce qu’il voulait « entendre la Voix de Dieu ».. Ensuite, il dit avoir « été pris lentement et progressivement par le silence »…

Sa Philosophie ?  « Vivre pour Dieu et pour Dieu seulement. « Celui pour qui est pleinement véridique l'affirmation  ‘Dieu est’, qui croit en l'existence du Seigneur, à celui-là uniquement échoit la « réalisation de Dieu ». La Vérité traite grand et petit sur un pied d'égalité. (…) Si un homme peut se procurer une chose, un autre peut tout aussi bien se la procurer, pourvu seulement qu'il y mette le juste prix. »               

Sa méthode ? Pour cela « Toutes les parties de la personnalité doivent être purifiées et éclairées »par le renoncement. Ce qui nécessite « une approche intégrale qui inclut méditation, dévotion, prière, réflexion, désintéressement et certains exercices de respiration. » Même,  « il est préférable de tuer le désir dans l’œuf par la réflexion ou par l’amour divin. »

(*) ascète hindou pratiquant le yoga

(**) Les Udasins sont des ascètes brahmanes d’origine Sikh

(***) Le sâdhu veut dire en sanskrit (langue sacrée des Brahmanes) « saint homme » qui choisit de vivre une vie de renoncement total, coupé de tout lien de famille, pour accélérer le processus de la libération de l'illusion, l'arrêt du cycle des renaissances et la dissolution dans le divin, la fusion avec la conscience cosmique.

Le Père Marie Eugène

Le père Marie Eugène, Henri Grialou de son vrai nom (1894-1967), fut un maître spirituel chrétien (catholique), contemporain des grandes transformations que connut le monde du XXe siècle. Il entra jeune au séminaire et fut vite fasciné par l’Esprit Divin, l’Esprit d’Amour (« flamme amie qui consume »), auquel il se livra sans réserve, alliant don de soi et réalisation de la pensée. Aussi ce fut vers l’ordre du Carmel Thérésien(1) qu’il se tourna pour prononcer ses vœux et prendre le nom de « père Marie Eugène ».

Il passa sa vie entre le sud de la France et l’Italie, observant l’évolution du monde qui l’entourait. Il fut très vite préoccupé par le salut de ces nombreuses âmes perdues dans ce monde tourné vers le matérialisme, qui étaient à la recherche de Dieu : comment les atteindre, leur parler de l’Amour infini et les conduire à Lui ?

Il ne se lassait pas d’enseigner dans la direction spirituelle, parlant de Dieu, la « Grande Réalité », dans les basiliques, chapelles, églises paroissiales, de Son Amour, de Son Action dans les âmes. Il se référait à la Parole de Dieu (les Evangiles) au-delà des textes théologiques, pour mieux aimer, connaître, s’unir à Dieu et vivifier le rapport aux Ecritures. Il écoutait sans interrompre et aidait l’âme à se comprendre et à s’exprimer pour la ramener ensuite à Dieu.

Il enseignait aussi par la prière (qui permettait le recueillement et la relation avec le monde invisible où il avait été emmené par l’Esprit) et par les oraisons notamment communautaires.

Son désir était d’ouvrir à tous les chrétiens, en plein monde et dans la vie ordinaire, les chemins de la contemplation, de la sainteté et de l’expérience de Dieu, car pour lui, la foi contemplative c’était trouver Dieu, « Le regarder », « puiser de la Lumière en Dieu », non pas des « extases » réservées à des privilégiés.

Il fonda en 1932 l’Institut séculier Notre Dame de Vie, comprenant des laïcs et des prêtres (qui sera reconnu par l’Eglise de Rome en 1962), et publia, en 1949, son œuvre majeure « Je veux voir Dieu ».

Dans ce volumineux ouvrage, le Père Marie-Eugène partit des enseignements des fondateurs de la spiritualité du Carmel et créa une théologie spirituelle adaptée à son époque, approfondissant le rôle de l’Esprit-Saint dans la vie spirituelle et mettant en relation la place de la Vierge Marie (considérée comme la plus belle créature pour sa pureté et sa soumission à Dieu, pour être parfaitement Mère, la mère d’un fils divinisé) dans l’œuvre du Salut avec l’expérience spirituelle de celle-ci (résumée par ces deux mots : le « mystère de sa maternité »), explicitant les rapports entre foi, intelligence et contemplation.

Puis, il y développa la dimension pratique de la contemplation en prenant l’âme aux débuts de sa vie spirituelle, quand elle  se met en route vers Dieu et renonce au péché. Il la suivit à travers les différentes étapes – les Demeures – jusqu’aux sommets où l’âme transformée par l’Esprit, est devenue l’instrument privilégié de Dieu au service de l’Eglise, la conseillant pour lui éviter les impasses, lui apprenant comment l’Amour prend possession des âmes pour y établir Son Règne. Car, selon son avis, l’être humain est fait pour l’amour ; il lui faut seulement libérer ces forces infinies de l’amour présentes en lui, pour être « saisies par Dieu », « placées sous la seule mouvance de l’Esprit » – loi éternelle qui transcende les civilisations et les évolutions.

Le père Marie Eugène se présentait comme une « âme saisie par Dieu, souple sous l’action de l’Esprit d’Amour », ayant reçu la mission de transmettre aux âmes affamées ce message d’Amour de/pour Dieu. Il fut considéré comme un précurseur de Vatican II(2) et un promoteur de la vie chrétienne séculière. Il fut en tout cas un témoin vivant de Dieu dans un monde alors résolument tourné vers le matérialisme, le laïcisme et l’athéisme.

(1)Ordre religieux catholique à la discipline stricte connu pour sa spiritualité contemplative avec une riche tradition mystique, fondé d’abord en Espagne par Thérèse de Jésus ou d’Avila, (1515-1591) et Jean de la Croix (1542-1591), puis en France par Thérèse de l’Enfant Jésus (1873-1897).

 (2)22ème concile du Vatican (1962-1965) qui permit entre autres l’accès direct de tous les fidèles au texte même de la Bible (l’ancien et le nouveau Testaments), considérée comme la « Parole divine et humaine ».

Nicolas Berdiaev (1874-1948)

Nicolas Berdiaev est plus un « pneumatologue » (selon le sens étymologique du mot grec pneumat : souffle) ou un « mystique » (dans le sens d’une conception mystique à l’origine, la religion venant après) qu’un philosophe ou un religieux orthodoxe. Connu pour son existentialisme chrétien et ses positions personnalistes, il croit en une mystique universelle.

Nicolas Berdiaev naquit dans une famille de la haute aristocratie russe le 19 mars 1874, à Kiev (Ukraine). Il y suivit des études jusqu’à l'université d’où il fut expulsé en 1898 pour ses activités marxistes. Il fut, par la suite arrêté, emprisonné pendant deux ans puis banni et déporté en Russie septentrionale.

De retour à Kiev, il se tourna vers la religion orthodoxe et se rendit à Saint-Pétersbourg en 1904 puis à Moscou. En 1907, survint un évènement singulier : « Je me rappelle un moment - c’était en été, à la campagne, - je me trouvais dans le jardin, à l’heure du crépuscule et j’avais le cœur lourd… Sous les  nuages, la nuit s’épaississait, mais subitement une lumière intérieure surgit », une invitation à « se mettre en route », vers/dans Sa Direction.

Après la victoire de la révolution bolchévique en 1917, il devint professeur de philosophie à l'université d'État de Moscou un laps de temps. Mais devenant de plus en plus critique à l'égard du marxisme – idéologie matérialiste par excellence – il dut quitter la Russie en 1922.

 Il se rendit d’abord à Berlin où il fonda l'Académie de Philosophie et de Religion puis à Paris en 1924 où il s’installa jusqu’à sa mort en 1948. Il y transféra l'Académie et édita un journal Put (le Chemin, 1925-1940) où il put exposer sa conception du monde fondée sur le concept cher à Maître Eckhart et Jacob Boehme d’«Urgrund »,  potentialité incréée, à partir de laquelle Dieu crée les hommes, êtres spirituels. C’est  la précellence de l’esprit sur l’être : « L’esprit est l’acte créateur ; l’esprit crée un être nouveau. L’activité créatrice, la liberté créatrice du sujet est primitive. Le principe de causalité ne s’applique ni à l’esprit ni à la vie spirituelle. L’esprit est de Dieu, et l’esprit mène à Dieu. L’homme reçoit tout de Dieu par l’esprit et c’est par l’esprit que l’homme donne tout à Dieu, qu’il multiplie les dons qu’il a reçus, qu’il crée ce qui n’existait pas auparavant. L’esprit vient de Dieu. L’esprit n’est pas créé par Dieu comme l’est la nature, il émane de Dieu, il est versé, insufflé par Dieu à l’homme ».

Il considérait l’homme comme une personne, catégorie éthique et spirituelle, (qu’il opposait à l’individu, catégorie de l’espèce et de la société), qui devrait chercher à se libérer de toutes les formes de contraintes dont celles de la matière. Aussi, Berdiaev se dressa-t-il contre toutes les formes d’oppression (sociale, politique, religieuse), dépersonnalisantes et déshumanisantes, et visions « totalitaristes » et chercha-t-il à mettre en avant les vrais besoins de l’homme et sa vraie destination, surnaturelle liberté issue du mystère divin, dans l’avènement du Royaume de Dieu que l’homme devrait d’ores et déjà préparer dans l’amour, la liberté, la connaissance et la contemplation. En fait, il prônait une forme de messianisme purifié et éclairé par la critique radicale des forces qui s'y opposent, dont l’Église, qu'il considérait comme une source majeure d'aliénation spirituelle. Il ne cachait pas sa préférence pour l’Église de Jean, dont les « saints et les mystiques sont les vivants dépositaires », «Église de l’Amour, Église éternelle recelant en elle la plénitude à la fois sur le Christ et sur l’homme.  »  

Selon sa propre appréciation, ses plus importants ouvrages sont la Signification de l'acte créateur (1916), la Destinée de l'Homme (1931), Solitude et Société (1934), Esprit et Réalité (1937) et Esclavage et Liberté (1939).

Chögyal Namkhaï Norbu  

Chögyal Namkhaï Norbu, maître de la tradition bouddhiste tibétaine, sillonne la planète pour transmettre les enseignements du dzogchen, la voie de la « grande perfection ». Il fait découvrir les trésors cachés des Anciens (« termas ») qu’il dit avoir reçus par inspiration en rêve.

Né à Derghe (Tibet oriental) en 1938, il fut reconnu à sa naissance comme la réincarnation d’Adzom Droukpa, maître réputé des nyingmapas, l’une des quatre écoles du bouddhisme tibétain, bien que lui-même ne se réclame d'aucune de ces quatre écoles. A quatorze ans, il rencontra Ayou Khandro, une grande pratiquante, détentrice des enseignements sur les dakinis (êtres éveillés féminins) et sur les retraites dzogchen dans l’obscurité, qui le marquera durablement.

Après l’instauration de la République Populaire de Chine sur la partie orientale du Tibet, il fut envoyé quelques temps en Chine pour enseigner à l’université des minorités. A son retour à Derghe en 1956, il rencontra celui qui allait devenir son maître principal, Nyak la Changchoub Dordjé qui lui fit découvrir la profonde simplicité de la nature de l’esprit.

En 1958, il dut fuir la répression chinoise et se réfugia au Sikkim, en Inde, où il se mit à écrire  et éditer des textes tibétains.

Le dzogchen ou « grande perfection » est l’enseignement et la pratique qui dévoilent la perfection naturelle de notre véritable nature, la Présence éveillée (rigpa) ou Nature de Bouddha. Cette voie directe enseignée dans les écoles tibétaines Nyingmapa et Bönpo repose sur la transmission du maître qui « présente » à ses disciples la nature de leur esprit. Une fois celle-ci reconnue, le pratiquant doit stabiliser cet état par la méditation et libérer progressivement toutes les passions qui le conditionnent. Il pourra alors intégrer tous les aspects de son existence à cette dimension non-duelle de l’Eveil.

Selon le Dzogchen, la nature de l’esprit est comparable à un miroir poli avec la plus haute finition, les pensées, les émotions.. ne sont que des reflets qui apparaissent dans ce miroir.

Puis, dans les années 1960, il fut invité en Italie pour donner des conférences sur la culture du Tibet et il y resta. Il contribua ainsi (activement) à la naissance des études tibétaines en Occident. Au milieu des années 1970, Chögyal Namkhaï Norbu commença à enseigner le yoga et la méditation Dzogchen à quelques élèves italiens, pour fonder, un peu plus tard, son premier centre à Arcidosso en Toscane Mérigar (« le camp du volcan ») où il mit au point une pratique intégrant le corps (yantra-yoga, danse du vajra),  la parole (chant du vajra, mantras) et l’esprit (contemplation). Depuis, d’autres centres furent créés en Europe, en Russie, aux Etats-Unis, en Amérique du Sud et en Australie.

En 1986, il créa un programme complet de pratique et d'étude approfondie et forma nombre de traducteurs de textes tibétains pour préserver la culture de son pays. En même temps, il créa une organisation humanitaire et culturelle l’A.S.I.A. dont les réalisations (écoles, hôpitaux, programmes éducatifs, restaurations de monuments et de monastères au Tibet et en Mongolie intérieure), sont financées aussi bien par des fonds privés que par les ministères des Affaires étrangères italiens et français et l'Union européenne.

 Selon Namkhai Norbu, le Dzogchen qu'il représente n'a que peu de choses à voir avec le bouddhisme, même si la communauté mère est toujours basée au Tibet, et il est le plus éloigné de toute idée de « religion ».

Maître Eckhart (~1260 - ~1327)

A la fin du XIIIème siècle marqué par un essor général de la spiritualité, Maître Eckhart, philosophe et théologien dominicain allemand, devint l'instigateur d'un grand mouvement mystique rhénan véhiculant notamment l'idée d'une approche intuitive du Divin.

Johannes Eckhart est né à Thüringen, en Thuringe (Allemagne), vers 1260 et sans doute c’est vers 1275 qu’il entra chez les Dominicains d’Erfurt où il étudia la théologie puis continua ses études à Cologne et à Paris où il devint magister theologiae. Il enseigna à Cologne et à Strasbourg et par deux fois à Paris (1302-1303/1311-1313). Il occupa diverses hautes fonctions dans l'ordre des dominicains à Erfurt et à Thuringe puis dans les provinces de Teutonie et de Saxonne.

Sa nomination dans la province de Bohême lui donna l’occasion d’inaugurer une prédication en langue allemande comprise de tous, à l’adresse des dominicains, de simples religieux(ses), de croyants et même de laïcs. Elle connut un retentissement considérable et ouvrit de nouvelles perspectives pour tous les amants de Dieu.

Son œuvre se composa essentiellement de sermons et de traités en latin et en allemand, dans la continuité des penseurs dominicains du XIIIe siècle avec cependant des solutions originales, mélangeant une dialectique à la fois scolastique, philosophique, religieuse, et la « simplicité » de sa quête qui est de retrouver la véritable identité de l'homme et, par là, sa liberté originelle –réalisée dans « le total engloutissement dans la très chère Volonté de Dieu » –.  Ses nombreux traités, sermons et « Instructions spirituelles », laissent apparaître les louanges d'un grand mystique épris d'Amour pour le Divin et désireux de s'unir à Lui.

Son programme de prédication, tel qu’il l’exposa au Sermon 53, se composait de quatre étapes :  en premier lieu, le détachement, la sortie de soi-même et de son ego comme moyen pour laisser « Dieu être Dieu en lui ». Puis la réforme dans le Bien simple qu’est Dieu et en troisième lieu, la pensée en la grande noblesse que Dieu a déposée dans l’âme et par laquelle l’homme vient à Dieu d’une manière merveilleuse, la reconnaissance de la présence divine en nous dans le but de Lui donner toujours plus de place en nous. Enfin la proclamation de « la pureté de la nature de Dieu, inexprimable ». Ce qui conduit à l’« apophatisme » vis-à-vis de la Nature divine (c’est-à-dire la connaissance de Dieu à partir de ce qu’Il n’est pas plutôt qu’à partir de ce qu’Il est). L’expérience mystique est vue comme le retour à la Divinité manifestée dans le Christ vivant en l'âme du croyant.

A la différence de la tendance générale à l’abandon du monde, Eckhart proclamait et justifiait théologiquement la possibilité de « l'enfantement de Dieu dans l'âme, fruit de la « divinisation » reçue de et par l'union à  Dieu », tout en restant dans le monde.

A la fin, ce prédicateur éloquent, aux discours des plus pertinents, contemporain de Dante, inquiéta les autorités religieuses dont l'archevêque de Cologne et le pape Jean XXII qui condamnèrent certaines de ses formules jugées ambiguës et frisant le panthéisme, espérant arrêter ainsi son influence sur le peuple. Eckhart mourut en 1327-1328, avant de voir sa condamnation par une bulle  en 1329. Sa parole audacieuse continuera d’influencer de nombreuses générations chrétiennes à la recherche de Dieu.

Sri Aurobindo  un « yogi » visionnaire indien (1872-1950)

Sri Aurobindo était un yogi indien et un poète visionnaire de la première moitié du XXe siècle, qui mena une vie retirée dans le sud de l’Inde (à Pondichéry, alors française), pour se consacrer à la méditation et à la  contemplation, malgré la partition du Bengale en 1905, la division des Hindous et des Musulmans, puis la séparation du Pakistan de l’Inde au moment de son indépendance en 1947.

Sri Aurobindo naquit en 1872 au Bengale au Nord-Est de l’Inde, dans une région où le « culte de la Mère, le tantrisme et le « Bhakti-Yoga » étaient pratiqués. Il reçut cependant une  éducation anglaise, d’abord dans un couvent anglais en Inde puis en Angleterre où il fit ses études jusqu’à obtenir un diplôme de Cambridge, 14 ans plus tard. Il devint un homme de lettre en anglais et en français avant de connaître sa langue maternelle.

A son retour en Inde, il mit sa plume au service de la politique, dans le cadre des mouvements nationalistes indiens anti-britanniques prônant la non-coopération avec les forces occupantes et la résistance passive. En même temps, il commença à s’intéresser à la recherche intérieure et au yoga. Son arrestation en 1908 suivie de son incarcération pendant un an, pour accusation d’avoir participé à la fabrication de bombes à Mâniktalâ, fut un tournant décisif dans sa vie.

Car à sa sortie, il abandonna la politique au profit de la méditation et du yoga, la question de la libération de l’Inde de l’occupation britannique laissant la place à la préoccupation de la « transformation de la nature de l’homme » par la voie de la réflexion et de la méditation. Il privilégia ainsi la réalisation de « l’expérience du silence absolu et du calme infini du Brahman Suprême au-delà du temps et de l’espace » à la participation à toute activité politique, même au côté de Gandhi.

Il se retira à Pondichéry, alors sous occupation française, pour mener une vie d’ermite, vouée entièrement à la pratique du yoga, à la « réalisation » de « Pouroushottama » (Dieu Transcendant et Imminent). Il justifia son retrait politique en déclarant que « le parti nationaliste, gardien de l’avenir, devait attendre celui qui devait venir » (c’est-à-dire « le chef envoyé par la Divinité et dépositaire de Sa Puissance »).

A partir de 1910 (ou 1914) il publia une revue de synthèse philosophique en langue anglaise « Arya » dans laquelle il exprimait ses idées au service d’un idéal pour lequel il consacra sa vie : la « formation d’une vaste synthèse de connaissances qui harmoniserait les diverses traditions religieuses de l’humanité, celles de l’Occident aussi bien que celles de l’Orient. »

Après l’indépendance de l’Inde en 1947, il ajouta que son dernier rêve était « celui d’un échelon de l’évolution qui élèverait l’homme à un niveau de conscience plus haut, plus large », cherchant « l’expérience de l’Etre, excluant la partie du Devenir, de la Réalité qui est être-devenir en un tout indissoluble. » Il croyait en « un nouvel esprit d’union saisissant l’humanité » dont « l’Inde pourrait en être le centre, malgré l’universalité de cette transformation ».

En 1926, il fonda son Ashram et en confia la direction à sa femme Mirra Alfassa, surnommée « La Mère ». Il ne communiqua plus avec l’extérieur que par l’intermédiaire de ses écrits.

Ses contemplations l’avaient amené à la certitude de la venue d’un « Surhomme ». L’homme serait alors transformé, agissant en pleine connaissance, dans la lumière, l’amour, l’harmonie, la béatitude. Sa mission en attendant sa venue ?  « accélérer le processus en lui-même et en ses disciples les plus fervents » .

Homme de lettre et poète, il laissa derrière lui de nombreux commentaires des Véda des Oupanishad et de la Guitâ. Ses idées trouvèrent un écho dans certains milieux intellectuels occidentaux (en Grande-Bretagne, Etats-Unis, France, Chili..) et orientaux (comme auprès du savant chinois Tan).

Vladimir Lossky (1903-1958)

Vladimir Nikolayevich Lossky, important théologien orthodoxe russe,  naquit le 8 juin 1903 à Göttingen en Allemagne où sa famille d’une vieille et noble lignée, d’origine russe, séjournait momentanément et vécut jusqu’en 1922 à Saint Petersbourg, date où toute sa famille s’exila hors de Russie. Il poursuivit ses études à Prague (1922-1924) puis, à la Sorbonne avec Etienne Gilson, à Paris où il demeura jusqu’à sa mort en 1958. Vladimir Lossky est certainement un des " pères " de la théologie orthodoxe en Occident.

Son grand classique, Essai sur la théologie mystique de l’Eglise d’Orient paru en 1944, est la première œuvre significative d’un théologien orthodoxe éditée en Europe occidentale et accessible au grand public. Il est avant tout une invitation et une ouverture à la contemplation des mystères de la Révélation, à l’émerveillement devant le Dieu Transcendant qui se manifeste dans Sa création et qui descend jusqu’à nous dans un élan d’amour infini pour Sa propre création.

Après son entrée dans la « Confrérie de saint Photius » (rattachée à l’Eglise russe), apparaît sa vocation d’être un témoignage en France d’une Orthodoxie résolument universelle, capable de revivifier, dans la perspective d’un « unionisme » orthodoxe opposé à 1’« unionisme » catholique d’alors, les traditions propres du christianisme français. Il avait comme objectif de faire de la Confrérie une sorte de « chevalerie chrétienne » pour répondre à la quête occidentale de la Vérité chrétienne (à la recherche du « Graal »).

Son étude des œuvres de Maître Eckhart (dominicain et théologien mystique allemand du XIVe siècle)  l’amènera à découvrir saint Thomas d’Aquin et surtout saint Denys l’Aréopagite dont il dégage l’authenticité chrétienne dans le devenir global de la théologie orthodoxe.

En 1941-1942, il prononce une série de conférences sur la théologie mystique orthodoxe. Il les rédige et les publie en 1944 sous le titre : Essai sur la Théologie mystique de l’Eglise d’Orient.

En 1945, il fonde l’Institut Saint-Denis, qui dispense, en langue française, un enseignement théologique orthodoxe. Après en avoir été le premier doyen, il quitte l’Institut à cause de sa  rupture avec le Patriarcat de Moscou. A partir de ce moment, le savant et le spirituel l’emportent d’une manière définitive sur le " militant ". C’est au cœur  de la science et de la pensée occidentales qu’il va s’établir comme témoin.

Pour Vladimir Lossky, la véritable démarche théologique constitue l'expression symbolique de l'expérience chrétienne, qui est « mort » et « résurrection » en Christ et « transfiguration » dans l'Esprit. La théologie est donc nécessairement mystique, mais d'une mystique ecclésiale (qui concerne l’Eglise orthodoxe), celle de l'homme en libre communion, en tradition vivante et créatrice, qui découvre dans les dogmes « les principes d'une connaissance nouvelle s'ouvrant en nous et adaptant notre nature à la contemplation des réalités qui surpassent tout entendement humain ».

Parmi ses grands thèmes : la personne en tant qu’image de Dieu, le sens de la vocation de l’homme, appelé à la " ressemblance " et la « vision » de Dieu, l’insondable mystère de Dieu reflété dans la tradition de la théologie apophatique (qui consiste à chercher à connaître Dieu en partant de ce qu’Il n’est pas plutôt que de ce qu’Il est).

Zhang Daoling

Zhang Daoling ou Chang Tao-ling, est considéré par la tradition taoïste chinoise,  comme le fondateur de la lignée des « Maîtres célestes »,  les chefs héréditaires de l’Eglise taoïste orthodoxe (Zhengyi).

Le taoïsme, contrairement aux autres religions qui commencent avec une révélation ou la prédication d'un maître, plus ou moins connu historiquement, ne renvoie pas à une personne mais à un principe, le Tao (aussi transcrit Dao), « réalité ultime et principe de l'univers ». Aussi, la révélation y est-elle continue, de nouveaux textes sacrés continuant sans cesse d'y apparaître, complétant les précédents.

Lao Tseu (Laozi) serait le premier maître du Taoïsme, que la tradition fait vivre de 570 à 490 avant JC. Considéré comme une émanation du Tao, il vient régulièrement parmi les hommes pour les guider vers le bien.   

Zhang Daoling, lettré, né sous les Hans postérieurs en 34 apJC, était un fonctionnaire dans le Sichuan à Jiangzhou. Après avoir refusé à deux reprises l’invitation impériale de venir à la cour, il se rendit ensuite au mont Heming. C’est là que Lao Tseu se serait manifesté à lui en 142 apJC pour établir avec lui une nouvelle alliance, visant à sauver l'humanité dont les mœurs se dévoyaient toujours davantage. Les pratiques religieuses, en effet, étaient devenues immorales : les humains sacrifiaient et rendaient des cultes à divers défunts, devenus en réalité des démons, qui au lieu de leur accorder des grâces, les ruinaient et ne conféraient que maladies et morts.

Il fut donc chargé en tant que vicaire de Lao Tseu sur terre, avec le titre de « Maître céleste », de bannir toutes ces pratiques et de fonder le  « royaume de la Grande Perfection » une communauté de purs  qui ne rendraient de culte qu'au « Tao », confesseraient régulièrement leurs fautes et suivraient un ensemble de préceptes comprenant notamment le respect de la vie et de la nature et la frugalité.

Il ne s’agissait pas de fonder une nouvelle religion mais de continuer la tradition taoïste chinoise à la lumière des nouvelles orientations que Lao Tseu  lui aurait remises  – ou plutôt lui aurait inspirées – et qu’il aurait rassemblées dans plusieurs ouvrages tels que «  Le Talisman de la puissante alliance ».

Il mourut – ou plutôt devint en quelque sorte « immortel » – en 156 apJC, à 123 ans, sur le mont Qingcheng. Selon certains il se serait envolé accompagné de sa famille et de quelques disciples.

Même si aucun renseignement historique précis n'existe sur Zhang Daoling, en dehors des hagiographies taoïstes, l'Église taoïste des Maîtres Célestes fut cependant une organisation bien réelle, qui s'érigea même pendant quelques décennies en État autonome dans l'ouest de la Chine. Elle était constituée en paroisses, dont les sièges étaient situés dans les montagnes, lieux sacrés et aussi refuges et sanctuaires lors des troubles politiques et des famines, et tournait autour de trois assemblées annuelles durant lesquelles les fidèles se réunissaient aux sièges des paroisses, confessaient leurs fautes, mettaient à jour leur état-civil et versaient à l'Église une contribution en riz.

 Leur salut, exprimé en terme d’immortalité, est lié à leur croyance en une cosmologie où il n’existe pas de coupure entre esprit et matière, l’univers étant formé d’une seule substance dont certaines formes sont plus éthérées, spirituelles et d’autres, plus grossières et sensibles (concrètes). Il se réalise en pratiquant des techniques dites « d’immortalité » comme la diététique, en se nourrissant de produits purs et sans déchets, la gymnastique, les techniques du souffle, et enfin l'alchimie (apparue plus tard entre les Xe et XIVe siècles), qu'elle soit faite de manipulations concrètes ou de spéculations symboliques, sans prôner l’abstinence sexuelle.

Thich Nhat Hanh

Thich Nhât Hanh est un maître (« thây ») bouddhiste zen vietnamien, pacifiste et un des promoteurs les plus connus du bouddhisme en Occident.

Né en 1926 au Vietnam central, Thich Nhât Hanh devint moine à l'âge de 16 ans dans la tradition Zen. Quelques années plus tard, ses tentatives pour rénover le bouddhisme se heurtèrent à la hiérarchie conservatrice et il quitta son monastère pour s’installer avec quelques amis dans un temple abandonné de Saigon.

En 1950, Thich Nhât Hanh fonda l’Institut des Hautes Etudes du Bouddhisme An Quang, qui devint le berceau de la lutte non-violente des bouddhistes contre la guerre du Vietnam entre 1963 et 1975, malgré les bombardements américains.

De 1960 à 1963, il étudia les religions comparées à l’Université de Princeton (Etats-Unis) et après la  présentation d’un rapport sur sa vision du Christianisme, du Judaïsme et de l’Islam, enseigna les études comparatives des religions à Columbia de New York.

De retour au sud-Vietnam en 1963-1964, il fonda l’Université bouddhique "Van Hanh", l’Ordre de « l’Inter-être » et l’Eglise bouddhique unifiée puis en 1965, l’Ecole de la Jeunesse au Service Social (EJSS).

En juin 1966, il fut invité aux Etats-Unis et en Europe pour lancer un appel contre la guerre du Vietnam et à la cessation des combats. Contraint à l’exil pour ses idées et ses activités, il obtint le droit d’asile en France à partir de 1969-1970 où il enseigna à la Sorbonne tout en dirigeant la Délégation de la Paix de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam jusqu’à la fin de la guerre (1975). Il dirigea une branche du bouddhisme zen qui prônait la « pleine conscience » de l'être. Dans les années 1976 à 1978, il apporta de l'aide aux boat people. Thich Nhât Hanh vit actuellement dans le sud-ouest de la France au sein d’une communauté bouddhique, le "Village des Pruniers", qu’il a créée en 1982.

Sa particularité est d’inviter à une pratique de la non-violence, par la transformation des souffrances et violences intérieures (des oppresseurs aussi bien que des opprimés) pour aboutir à la paix et au bonheur. Il offre pour cela une méthodologie – une autre manière de canaliser les émotions et les énergies, une autre forme d'universalisme – passant par la « pleine conscience de l’être » et par le fait de vivre « au présent ». Il propose des exemples de pratique simples comme la respiration et la marche consciente.

Parmi ses principes :

«Si vous parvenez à identifier les causes de votre souffrance, alors vous êtes déjà sur la Voie. »

« [L’homme] ne peut vivre en dehors des autres. »

« Je ne transforme pas le monde si je ne me transforme pas moi-même. »

« Notre vraie demeure se trouve ici et maintenant. Vivre dans l'instant présent est un miracle. La paix est autour de nous - dans le monde, dans la nature - et en nous - dans notre corps, notre esprit. Dès que l'on touche cette paix, guérison et transformation se réalisent en nous. Ce n'est pas une question de foi mais une question de pratique. »

« Notre vie quotidienne, dit-il, notre manière de manger, de boire, de marcher, tout est en relation avec la situation mondiale. La méditation, c'est voir profondément dans les choses, voir comment nous pouvons changer et transformer la situation. »

Jacob Boehme (~1575 - ~1624)

Jacob Boehme fut un théosophe illuminé luthérien allemand, présenté comme un des plus grands gnostiques chrétiens, prônant une sagesse basée sur une révélation directe et exprimée par des mythes et symboles plutôt que par des concepts, contemplative plutôt que discursive.

Jacob Boehme naquit en 1575 à Alt-Seidenberg (à la frontière actuelle de la Pologne et de l’Allemagne). Il reçut quelques leçons à l’école du village puis fut mis en apprentissage chez un cordonnier. De bonne heure, il eut des expériences mystiques illuminatrices. Une des  premières, la plus marquante, date de 1600, après sa rencontre avec le pasteur luthérien Martin Moller qui voulait renouveler le luthérianisme de l’époque. C’est alors qu’il rédigea son premier ouvrage « Aurora ». Mais devant l’opposition des  représentants de l’Orthodoxie Luthérienne qui le lui confisquèrent et leur interdiction de publier de nouveaux écrits, il s’arrêta. Cependant après sa seconde illumination en janvier 1619, il se remit à écrire et continua sans interruption de 1619 à 1623 jusqu’à sa mort en 1624.

La théosophie de Jakob Böhme est d'abord et avant toute une théosophie chrétienne. A côté de la voie de « Dieu dans l’Unité pure », selon Maître Eckhart, et de la tradition hermétique et alchimique, Jacob Boehme développe une troisième voie qui est celle de la Sagesse divine, ou encore de « la chaste vierge de la Sagesse divine ou Sophie ».

Parmi les thèmes abordés, la doctrine de l’« Urgrund » (le « sans-fond ») qui « serait un néant inconscient et ténébreux, donc manquant de tout. Une racine de désir germe au fond de ce néant, racine qui aspire à être. Il y a donc une racine de désir qui s'allume comme une étincelle et fait jaillir l'être du non-être, et la lumière des ténèbres. »

Autre thème, la création de l’univers selon la description du Prologue de l’Evangile de Jean, à partir de la Parole de Dieu. L’univers est triple dès l’origine et révèle progressivement sept caractéristiques (la dureté, l’attraction, la crainte, l’allumage du feu qui  émet la lumière-amour, le pouvoir divin de la parole, la parole elle-même) qui sont présentes dans chaque créature et réfléchissent son opération, de toute éternité.

Toutes les créatures, sans aucune exception, retournent dans l'unité de Dieu, le paradis étant justement pour Boehme cette unité originale de la création, et qui est aussi le lieu de retour dans l'unité primordiale des âmes après leur mariage mystique avec la Sagesse Divine (ou Theosophia) voire aussi le Retour du Christ.

Ainsi, le thème fondamental développé par Boehme est celui de la « Sophia » céleste. La « Sophia » représenterait, pour Böhme, l'homme dans sa pureté, sa virginité et sa chasteté antérieure au pêché originel. Elle serait incréée et représenterait la sagesse divine en l'homme. La Vierge Marie représente particulièrement la Sophia qui s’incarne en elle et de laquelle va naître le Christ. Et cette naissance de Jésus d'une Vierge transfigure la nature féminine en la libérant de la féminité négative. En cela, Jacob Boehme se distingua de ses origines protestantes tout en évitant les tentations ascétiques présentes dans le christianisme, notamment catholique, en présentant un certain affranchissement de la sexualité terrestre.

Hehaka Sapa (Elan Noir) (1863-1950)

Chef spirituel des Indiens Oglalas de la tribu Lakota

(une des tribus sioux des Grandes Plaines d’Amérique du Nord avant la conquête européenne) et « Saint Homme », pour ses pouvoirs d’« homme-médecine », son savoir et ses pouvoirs spirituels.

Né en 1863, il eut à 10 ans une « Grande Vision » au cours de laquelle il se vit désigné comme le « représentant spirituel du monde », ayant la charge de répandre le message de sa vision pour apporter harmonie et sérénité à son peuple. « J'ai vu plus que je n'en puis dire, et j'ai compris plus que je n'ai vu, car je voyais les formes de toutes choses en esprit, d'une manière sacrée, et la forme de toutes les formes telles qu'elles doivent vivre ensemble comme étant un seul Être. »

En 1881, il fut désigné par sa tribu comme  un « Oukcha » (un « Saint Homme ») pour ses pouvoirs d’« homme-médecine » qui soigne et guérit les gens en exerçant ses dons en communion avec l’univers minéral (première mémoire du monde), avec le monde végétal dont il connaît toutes les plantes médicinales et en utilisant son pouvoir d’interprétation des rêves pour effectuer des diagnostics, faire intervenir des forces spirituelles et répondre aux questions cruciales pour le devenir du peuple.

Il devenait ainsi le guide spirituel et rituel de sa tribu, le médiateur en cas de conflits.

Malgré ses visions (« Quand nous serons brisés et que nous n’aurons plus de centre, l’Arbre sacré sera mort »), il ne put empêcher le massacre de Wounded Knee en 1890 par les hommes blancs (appelés «Wasichu ») qui marquera la défaite définitive des Indiens d’Amérique du nord et leur parcage dans des réserves de plus en plus petites.

Reprenant les croyances de sa tribu, il avait une vision circulaire du monde : le « Pouvoir de l’Univers » opére toujours en cercles et toute chose tend à être ronde (le ciel, la terre, les étoiles et leurs déplacements en rond, le tourbillon du vent, jusqu’au nid des oiseaux, les saisons, la vie des hommes..).

Aussi, les notions d’unité, d’harmonie étaient-elles fondamentales pour lui : unité et harmonie avec la « Nature » au point de savoir communiquer avec les plantes, les arbres, les animaux et de former un seul et même esprit, en une seule prière. « Nous autres, Indiens, vivons dans un monde de symboles et d'images où le spirituel et l'ordinaire des jours ne font qu'un. » Avec leur corollaire, celle de la paix avec soi-même, avec les autres et entre les nations. Il disait : « Nous devons savoir qu'Il (Wakan Tank,  le Grand Esprit ou Dieu des Sioux Lakotas) est en toute chose : dans les arbres, les herbes, les rivières, les montagnes et tous les quadrupèdes et les peuples ailés ; et, ce qui est encore plus important, nous devons comprendre qu'Il est aussi au-delà de tous ces êtres. »

Il se disait un « passeur » plutôt qu’un guérisseur : « J’ai guéri avec le Pouvoir qui passait à travers moi. Ce n’était pas moi qui guérissais. Les visions avaient fait de moi un « trou » à travers lequel le Pouvoir avait la possibilité de parvenir aux « deux-jambes » (les hommes) ».

Il encourageait les jeunes à la pratique de la purification du corps et de l’esprit par le jeûne, la sudation dans le noir complet, autour de pierres aspergées d’eau bouillante (permettant ainsi d’entrer en contact avec les quatre éléments, l’eau, le feu, le minéral et l’air) pour se préparer aux visions. De même, chaque année,  à la fin du printemps ou au début de l’été, il organisait une sorte de danse initiatique (la « danse du soleil »),  pour permettre le « don de soi » à la rencontre de son identité spirituelle et à la communion avec l’Etre Suprême.

Dans le but de maintenir vivantes les croyances et traditions de son peuple et éviter l’« extinction de sa race », il écrivit, en 1930, ses mémoires  avec l’aide de John G. Neihardt : « Elan noir parle » (qui laisseront une forte impression sur les intellectuels européens en quête de spiritualité, des années plus tard). Puis, en 1947, il délivra durant huit mois, ses enseignements à un autre jeune ethnologue américain Joseph Epes Brown qui les publia sous le titre de « Rites secrets des Indiens sioux ».

Les Védas

Les Védas sont des textes religieux très anciens, écrits en sanscrit, dont les noms des « transmetteurs » sont inconnus. Veda signifie simultanément connaissance intuitive des puissances agissantes numineuses cachées qui se manifestent (les « devas » ou sorte de « divinités ») et qui régissent l'existence de la société des « aryas », et pratique des méthodes aptes à les influencer dans le sens souhaité par le pouvoir de la parole.     

Les Vedas seraient des révélations de la Puissance divine (Brahmâ)),   « entendues » et transmises par des savants mystiques, les Sages (Rishis ou Rsis). Les idées exprimées dans les Vedas se seraient ensuite transmises oralement de père en fils puis de professeur à disciple. Ils auraient ensuite été rédigés par la communauté indo-aryenne formée à partir de la descente du peuple arya des plateaux de l’Iran et de son installation en Inde antique, vers -1700.

Les Védas, constituant la Çruti (« Révélation ») par la suite, sont composés de 4 textes sacrés :

-On trouve donc le Rig-Veda (« Sagesse des versets » en langue Sanskri) qui est le texte le plus ancien et le plus important. D’après le Rig-Veda, le monde n'est originairement ni l'« existant » (sat), ni le « non-existant » (asat), mais l'« Un » (Eka), l'Entité Absolue, invisible et éternelle (au-dessus des « devas »). L'Un se manifeste grâce à l'énergie produite par les pratiques ascétiques (tapas, littéralement : « chaleur » ou « ardeur »), engendrant des désirs qui constituent l'ébauche de la conscience. À ce stade, l'Absolu Transcendant se sépare de l'Être, qui n'est rien d'autre que sa manifestation. Il est défini dans le Rig-Veda comme un être « androgyne » ayant en lui-même le principe masculin et le principe féminin, dont l'union engendre l'Homme, le Mâle par excellence, le Purusha. Le mythe de Purusha joue un rôle fondamental dans les Vedas : c'est lui qui révèle que la réalité originelle est l'Un, et que la réalité empirique dans sa multiplicité n'est que le produit du démembrement du principe originel. Le but ultime du processus évolutif du monde est donc la réunification de ses différentes parties et le retour du multiple à l’Un.

La société y est divisée en « castes » sociales distinctes et hiérarchisées – celle des prêtres (brâhmana), celle des guerriers (kshatriya), celle des producteurs, éleveurs, commerçants, cultivateurs (vaiçya) – qui dominent et excluent les populations indigènes vaincues regroupées dans la classe des serviteurs, artisans et ouvriers (çûdra).

-Ensuite vient le Yajur-Veda (« Sagesse des Sacrifices ») qui est le livre des formules rituelles.

-Puis vient le Sama-Veda (« Sagesse du Chant ») qui est le livre des chants.

-Enfin vient l’Atharva-Veda (« Sagesse des prêtres Arthavan ») qui est un ensemble de 20 livres de formules magiques qui traitent de questions à caractère populaire telles que les envoûtements, les formules magiques et les exorcismes.

Chaque Veda est divisé en quatre parties.

-Les Samhitâs généralement écrits en vers, sont les recueils de base dont découlent les autres.

-Les Brahmanâs qui sont des textes liturgiques et de rituels. Ils mettent en lumière les liens existants entre les rituels et la mythologie en s’appuyant sur la symbolique, mettant le sacrifice au centre du fonctionnement de l’univers.

-Les Aranyakas ne concernent que les initiés et présentent des réflexions plus théologiques portées sur le rôle de la religion, en mettant en perspective les relations entre le sacrifice, le cosmos et l’homme.

-Enfin, les Upanishads sont des traités d’inspiration philosophique qui s’adressent également aux initiés et qui s’attardent sur une vision plus théorique que pratique.

Ce sont à ces textes que renvoient le Védisme, religion mère de l’hindouisme ainsi que la philosophie Vedanta et constituent un corpus de référence pour tous les hindous. Ils sont considérés comme les témoins de la fondation et de l’évolution spirituelle du monde.

Siddhârtha Gautama - Bouddha  (-624/-544)

Siddhārtha Gautama ou le Bouddha, fondateur historique d'une communauté de moines errants, qui devint par la suite le bouddhisme est un chef spirituel qui vécut au VIe siècle avant l'ère chrétienne.

Il serait né à Kapilavastu dans le Teraï népalais, sur les contreforts de l’Himalaya, de la reine Mâyâdevî qui mourut une semaine après sa naissance et du roi Suddhadana, dans une famille de « guerriers-aristocrates ». Il passa toute son enfance protégé dans l'enceinte du palais familial, dans le respect de l’hindouisme et élevé en guerrier, selon sa caste.

À 29 ans, alors qu'il se promenait hors de l'enceinte du palais, il découvrit la souffrance (dukkha) endémique de son peuple qui lui avait été cachée jusqu'alors et le fossé qui le séparait du luxe de sa vie aristocratique. La légende rapporte que ce sont quatre rencontres qui changèrent sa vie : un vieillard qui lui fit prendre conscience de la souffrance du temps qui passe et de la déchéance du corps vieillissant ; un malade qui lui apprit la souffrance du corps et un cadavre que l'on emmenait au bûcher qui lui révéla la mort. Enfin, un ermite qui lui montra ce que pouvait être la sagesse : le renoncement total de ce monde et la domination de son esprit par la force et l'exercice de la foi présentés comme le seul moyen de se soustraire à ces malheurs.

Il rejeta alors titre et palais et commença une vie d’ascèse, suivant les enseignements de plusieurs ermites renonçants  (« samnyâsin » ou « sâdhu »), et entreprit des pratiques méditatives austères, avec cinq autres ascètes méditants, pendant six ans. Il faillit mourir d'abstinence et décida de trouver une autre voie. Acceptant de manger un bol de riz au lait, il mit fin à ses mortifications et se concentra sur la méditation et la voie moyenne (qui consiste à nier les excès). Les cinq disciples qui le suivaient l'abandonnèrent, jugeant cet acte comme une trahison de sa part.

Siddhārtha Gautama s'assit alors sous un arbre (Ficus religiosa), dans une posture demeurée célèbre dans l'iconographie bouddhiste, et fit le vœu de ne pas bouger de cette place avant d'avoir atteint la Vérité. Ignorant les vaines tentations du démon sous la forme de hordes de démons effrayants et de filles séductrices, Siddhārtha, prenant la terre à témoin de ses mérites passés, accéda à l'éveil ou « la compréhension totale de la nature et des causes de la souffrance humaine et des étapes nécessaires à son élimination ». C’est de cette illumination appelée « bodhi » que vient son nom « Bouddha ».

Les principaux concepts de son enseignement qu’il adaptait à la capacité réceptive de son public, sont : l’impersonnalité, l’impermanence et l’insatisfaction de toute chose, devant conduire au renoncement face au désir, distinguant une réalité conventionnelle d’une réalité ultime, cette dernière ne pouvant être découverte que par l'accomplissement personnel, l’illumination.

Aussi son message est-il simple : l'homme est identifié aux pensées et aux émotions qui l'empêchent de vivre dans le présent et dans la clarté. Il doit s’en débarrasser par la méditation et le renoncement.

Pendant les quarante-cinq années restantes de sa vie, il voyage dans la plaine gangétique du centre de l’Inde (la région du Gange et de ses affluents), enseignant sa pratique en matière de méditation à une grande variété de personnes, allant des nobles aux balayeurs des rues, et sans oublier les disciples des philosophies et religions. Il fonde la communauté des moines et des nonnes bouddhistes (le sangha) pour perpétuer ses enseignements après sa disparition (considéré comme le « parinirvāṇa »  ou « nirvâna complet »). Le Bouddha mourut, selon la tradition bouddhiste, en 544 avant notre ère, près de la localité de Kushinagara à l’âge de quatre-vingt ans.

Selon la tradition indo-tibétaine, la vie de Bouddha en douze actes : 1-La descente des cieux Tusita, 2-L'entrée dans la matrice, 3-La naissance dans ce monde, 4-L'accomplissement dans les arts mondains, 5-La jouissance d'une vie de plaisir, 6-Le départ du palais et le renoncement, 7-Les exercices ascétiques, 8-La méditation sous l'arbre de la Bodhi, 9-La défaite des hordes de Mâra, 10-L'atteinte de l'éveil parfait et ultime, 11-La mise en mouvement de la roue de la loi, 12-L'entrée au parinirvana.

La méditation Vipassana consiste à s’asseoir, à fermer les yeux et à rester attentif au mouvement de la respiration et à observer le mental, ce processus de pensées et d’émotions qui ne s’arrêtent jamais. Cette technique amène détachement, sérénité et bien-être intérieur.

St Thomas d’Aquin  (1225-1274)

Surnommé parfois le “docteur angélique” et parfois le “prince de la scolastique”, St Thomas d’Aquin est un philosophe  et théologien italien du Moyen-âge qui, par ses œuvres, est devenu la figure majeure de la philosophie scolastique, l'un des principaux théologiens catholiques et une référence jusque dans la vie spirituelle chrétienne.

Thomas naquit vers 1225 dans une famille noble à Roccasecca, près d'Aquino et étudia au monas-tère bénédictin du Mont-Cassin, puis à l'université de Naples. Il aurait sans doute pu faire une belle carrière ecclésiastique s'il n'avait décidé, vers l'âge de dix-huit ans, à la mort de son père, d'entrer chez les Frères prêcheurs, ordre récemment fondé par saint Dominique. C'était choisir la pauvreté, une vie consacrée à la prière, à l'étude, à la méditation, à la contemplation et à la prédication. Il fut  l'élève du philosophe scolastique allemand Albert le Grand, qu'il suivit à Cologne en 1248. Ordonné prêtre vers 1250, il commença à enseigner à l'université de Paris en 1252. En 1256, saint Thomas obtint son doctorat en théologie et fut nommé professeur de philosophie à l'université de Paris.

Thomas d'Aquin  proposa, au XIIIe siècle, un essai de synthèse de la raison et de la foi, en distinguant les vérités accessibles à la seule raison, de celles de la foi relevant de la Parole de Dieu, et en montrant leur complémentarité, la philosophie étant au service de la théologie et les deux disciplines collaborant en vue d'une même fin.

Il quitta Paris en 1272 pour Naples pour s'occuper d'une nouvelle école dominicaine. Là, il eut une expérience spirituelle pendant la messe, qui lui fit remettre en question tout ce qu’il avait écrit. Il cessa d’écrire. Peu de temps après, il tomba malade et mourut le 7 mars 1274. Il fut canonisé par le pape Jean XXII en 1323 et proclamé docteur de l'Eglise par le pape Pie V en 1567.

Il écrivit de nombreuses œuvres dont les deux plus importantes sont Summa contra gentiles (Somme contre les gentils, 1261-1264), virulent traité destiné à convaincre les intellectuels musulmans de la vérité du christianisme et Summa theologica (Somme théologique, 1265-1273), composé de trois parties (« Dieu », « La vie morale de l'homme » et « Le Christ ») dont la dernière demeura inachevée.

Ses principales idées :

-Il est tout à fait possible d'accéder à une connaissance de Dieu sans la Révélation, en observant le monde, cette connaissance restant dans les limites de la raison. Mais elle ne pourra jamais remplacer la connaissance de Dieu par la Révélation que l’âme connait spirituellement.

-Dieu est absolument Simple, Ses Attributs ne se distinguant que par la raison.

-Dieu est le Créateur de l’Univers sans matériau préexistant. Le principe de la Création, fondamental chez Thomas d’Aquin implique que, sur le plan philosophique, l'existence est un acte qui a sa source ultime dans la volonté amoureuse de Dieu et que, sur le plan spirituel, la charité (amitié de l'homme pour Dieu) se fonde sur la considération de l'amour que Dieu a pour nous et dont notre existence est le témoignage constant et qu’elle forme l’ensemble des vertus.

L'homme doit s'insérer dans l'ordre de l'Univers voulu par Dieu, c'est-à-dire faire ce pour quoi il a été créé : connaître et aimer Dieu. Dans ce cadre, la morale, parce qu'elle porte sur l'être humain en tant qu'être composé d'âme et de corps, doit intégrer dans son chemin toutes les inclinations sensibles, toutes les passions, tous les amours, afin que l'homme arrive à sa fin dans toute son intégrité : cette fin est le bonheur dans l'ordre naturel et la Béatitude dans l'ordre surnaturel. La vie morale consiste donc, pour chaque homme, à développer au plus haut point ses capacités et ses possibilités naturelles sous la conduite de la raison, et de s'ouvrir à la vie surnaturelle offerte par Dieu.

Confucius  (-551/-479)

Confucius (Kǒng Fūzǐ, « Maître Kong ») est le personnage historique ayant le plus marqué la civilisation chinoise. Considéré comme le premier « éducateur » de la Chine, son enseignement a donné naissance au confucianisme, une doctrine politique et sociale qui a été érigée en "religion d'État" dès la dynastie Han  et qui ne fut officiellement bannie qu'au début du XXe siècle. Nous en faisons une présentation rapide.

Né en -551 av. J.-C. à Qufu, dans l’actuelle province du Shandong, Confucius devint précepteur dès l’âge de dix-sept ans, grâce à un goût précoce pour les livres et les rites, et en -527, se mit à enseigner sa connaissance des textes anciens à un petit groupe de disciples qui le suivait. La légende dit qu’il aurait rencontré Lao Zi (Lao-tseu) et aurait été fortement impressionné. Après quelques emplois subalternes à la cour du prince Lu, il devint son Grand Ministre de la Justice. En raison d’un incident (dit des « danseuses »), il quitta son poste et partit en -496 pour quatorze années d’errance, à la recherche du souverain idéal qui lui permettrait d’appliquer ses idées. Il rentra définitivement à Lou pour se consacrer jusqu’à sa mort, à l’enseignement et à la compilation de textes anciens.

Après plus de deux millénaires de scolastique, il est difficile de se faire une idée juste de l’enseignement originel de Confucius. Il vivait à une époque où le pouvoir centralisé des Zhou entrait en déclin, laissant place aux conflits entre petits Etats rivaux. Contre le désordre ambiant, Confucius se tourna vers la tradition en voulant restaurer le « mandat du Ciel » qui conférait pouvoir et efficacité à l’empereur vertueux tout en  interprétant les anciennes institutions selon ses aspirations.

Ainsi, d’un côté, il prônait la reconnaissance d’un ordre cosmique supérieur porteur de préceptes universels, et de l’autre celle d’un ordre intime propre à la nature humaine, l’homme se sentant porteur de la plus grande Vertu et se découvrant uni à l’Infini ainsi qu’aux autres êtres. L’homme prend alors conscience que l’ordre social ne peut émaner que de sa volonté de développer la perfection qui est en lui.

Plaçant l’homme au centre de ses préoccupations, Confucius chercha à fonder une morale positive, structurée par les « rites » et vivifiée par la « sincérité », en insistant sur l’étude et la rectitude, l’esprit critique et la réflexion personnelle (« Je ne peux rien pour qui ne se pose pas de questions. ») et en tissant un réseau de valeurs dont le but est l’harmonie des relations humaines. Il préconisa de forger le comportement des hommes, par amour pour autrui comme pour eux-mêmes, selon cinq principes de base, cinq facettes de l'univers parfait dont ils sont issus : la bonté, la droiture, la bienséance, la sagesse et la loyauté.

C’est dans ce cadre que Confucius prôna la soumission au père et au prince qui garantit la cohésion des familles et du pays, (accompagnée d’un devoir de (respectueuses) remontrances si le père ou le prince vont dans la mauvaise direction) et la reconnaissance  et le respect du guide qui donne un sens spirituel indispensable à l’évolution.

Sans pour autant évoquer le nom de Dieu, Confucius s'est fait l'ambassadeur d’un ordre cosmique qu'il propageait par sa quête d'idéal et son souci de l'évolution personnelle dans le respect et l'Amour des autres. Sa sagesse se voulait pragmatique, axée tout d'abord sur les vertus morales et civiques, proposant plus une discipline de conduite pratique qu’une méthode de contemplation.

L’enseignement de la pensée confucéenne est contenu dans Quatre Livres (qui sont : Entretiens ((Lun Yu) qui regroupent propos familiers, allusions historiques, citations et aphorismes, sous forme de réponses aux questions que lui posaient ses disciples – seul ouvrage qui rapporte directement les propos de Confucius), Grande Étude, Invariable Milieu, Mencius (Livre)) et Cinq Classiques (qui sont : Canon des Poèmes, Canon de l’Histoire, Livre des Mutations, Livre des Rites, Annales des Printemps et des Automnes (l'histoire de son pays, du pays de Lou, de 722 à 481 av. J.-C). Un sixième a été perdu : Canon de la Musique.)

Ignace de Loyola  (1491-1556)

Avec son ouvrage « Exercices spirituels », Ignace de Loyola donna naissance à la spiritualité ignacienne qui fut l'une des principales sources d'introspection religieuse dans la religion catholique. Avec sa Compagnie de Jésus qu’il fonda, il devint le fer de lance de la lutte contre le protestantisme et un ardent promoteur de la Réforme catholique, aussi appelée Contre-Réforme.

Ignace de Loyola est né en 1491 en Espagne, dans une famille de la petite noblesse basque, un an avant la découverte de l’Amérique. Jusqu'à l'âge de trente ans, il mène une vie de Cour, s’adonnant aux « vanités du monde » et pratiquant l’exercice des armes. En 1521, lors du siège de Pampelune (Pays Basque) contre les troupes franco-navarraises, il est blessé et se met à lire des livres religieux, notamment une « Vie de Jésus » et la « Légende dorée » qui raconte les faits et gestes de saints. Il a alors des visions. A l’instar de ces saints, il décide de se mettre au service de Dieu, de Jésus, de l’Eglise (par l’intermédiaire du pape) et de ses contemporains.

À partir de 1522, pendant 13 ans, dès que sa santé le lui permet, il va parcourir le monde comme « pèlerin de Dieu », vers Jérusalem, en signe d’expiation. Il mène d’abord une vie d'ermite pendant plusieurs mois dans une grotte à Manrèse (en Catalogne) où il pratique le plus rigoureux ascétisme et suit les préceptes de St François d’Assise. Il dit avoir eu une « expérience de Dieu originale ». C’est alors qu’il commence à rédiger « Les Exercices Spirituels », recueil qui va devenir une des principales sources d’introspection religieuse dans la religion catholique.

En 1523, il se rend à Jérusalem, sur les traces de Jésus qu’il veut « mieux connaître, imiter et suivre ». Il n’y reste que trois semaines. A son retour, il fréquente les Universités en Espagne puis à Paris où il entame des études de théologie et où il se fait remarquer par sa capacité de « discernement ». Il se trouve au cœur de la polémique entre ceux qui, comme Luther et Calvin, ont choisi de réformer l’Eglise en se séparant du pape, et ceux qui sont conscients de la nécessité de redonner le souffle évangélique à l’intérieur de l’église catholique. Il participe ainsi à la Contre-Réforme catholique.

Des étudiants de qualité se regroupent autour de lui. Certains d’entre eux font le vœu de pauvreté et de chasteté avec lui à l’église de Montmartre le 15 août 1534, et s’engagent à se rendre à Jérusalem pour y convertir les « infidèles », et à se mettre à la disposition du pape.

Ignace de Loyola est ordonné prêtre à Venise en 1537 et dès l’année suivante, il rédige une ébauche de constitution de la « Compagnie de Jésus » (ou « l’Ordre des Jésuites »), dont la création sera acceptée par le pape Paul III en septembre 1540. Il choisit Thomas d’Aquin comme docteur officiel de son ordre et ordonne son enseignement à tous les niveaux.

Cette nouvelle société de prêtres savants, rigoureux, intègres et déterminer à réformer l’église de l’intérieur qu’il forme, deviendra un outil efficace entre les mains du pape qui veut des théologiens pour le Concile de Trente, des hommes efficaces pour promouvoir la Réforme catholique, combattre le protestantisme et répandre le christianisme catholique dans le monde. Les jésuites se retrouvent « enseignants » (s’occupant de l’éducation des enfants et des jeunes, de la formation spirituelle) et « missionnaires » partout dans le monde, en Asie, en Afrique, Amérique (jouant un rôle prépondérant dans l’expansion coloniale occidentale).

A sa mort, en 1556, la Compagnie de Jésus comptera plus de mille membres, soixante-douze résidences et soixante-dix-neuf maisons et collèges. Il sera canonisé par le pape Grégoire XV en 1622.

Le livre Les Exercices Spirituels fait environ de 200 pages ; il est un livre de méditations, de contemplations et de prières, organisées en quatre semaines, permettant un progrès dans la compréhension de soi-même et des mystères de la vie de Jésus pour se les assimiler, selon la spiritualité catholique. Pour chaque méditation, seuls quelques « points » sont donnés, avec sobriété. L’accent est mis sur la rencontre personnelle entre le « retraitant » et Dieu, à travers la pratique du « discernement », sous le regard bienveillant mais indispensable d’un guide.

Lao Tseu ou Laozi

Lao Tseu ou Laozi serait un sage chinois, contemporain de Confucius (milieu du VIe siècle av. J.-C. – milieu du Ve siècle av. J.-C., fin de la période des Printemps et des Automnes), appartenant à la lignée des philosophes de l’ époque des Chou, d’une grande sagesse, selon la tradition, considéré a postériori comme l’ancêtre du taoïsme dont les origines sont difficiles à saisir (Le nom même de taoïsme renvoie non à une personne mais à un principe, le Tao (aussi transcrit Dao), réalité ultime et principe de l'univers).

Lao Tseu surnommé Laozi (« vieux maître » ou « vénérable sage ») serait né dans l’actuelle ville de Lou-Yi, dans la province de Ho-nan. Archiviste et astronome à la cour des Zhou – il y aurait rencontré Confucius qui aurait fortement été impressionné par lui –, il finit par quitter le pays âgé d’au moins 120 ans, lassé des dissensions politiques. Il partit vers l’ouest monté sur un buffle ; arrivé à la passe de Hien-Kou qui marquait la frontière, il dicta au gardien Yin Xi, le Livre de la Voie et de la Vertu (Tao Të King) (un court recueil de poèmes se prêtant à des interprétations très variées, allant de la politique à la philosophie en passant par les techniques de recueillement) puis continua son voyage vers l’Ouest. Personne ne sut ce qu’il devint. Certains dirent qu’il serait mort vers -490, à l’âge de 120 ans voire 200 ans, d’autres pensèrent qu’il ne mourut pas, qu’il se réincarna, reparaissant sous différentes formes pour transmettre le Dao (ou Tao). Pour certains, il serait aussi l’auteur du manuel de divination, le « Yi King » (le classique des mutations).

On trouve des témoignages de sa divinisation dès le règne de l’empereur Huandi, qui lui rend un culte. Encore appelé Suprême seigneur Lao ou Empereur de l'origine mystérieuse, il apparait sous des formes diverses au fil des siècles pour guider les fidèles. Dans les temples, son effigie est à la droite du trio des Trois Purs ; il a la barbe et les cheveux blancs et tient en main un éventail et il est parfois présenté monté sur un buffle.

Son recueil, le « Tao Të King » (le Livre de la Voie et de la Vertu), est présenté comme le texte fondateur du taoïsme. Il est un guide de sagesse qui se présente sous la forme d'une série d'aphorismes ou de métaphores, ou d’un long poème philosophique, presque entièrement rimé.

Il définit les fondements du taoïsme philosophique (Daojia), selon lequel l’opposition universelle et complémentaire du yin (principe féminin) et du yang (principe masculin) est régie par un principe suprême, le Tao, le perpétuel mouvement de cette opposition étant à l'origine de la principale caractéristique du monde matériel : l'impermanence.

Quant au Tao, il est le « Principe d'Ordre » et aussi la réalité qui est à l'origine de l'Univers. Il est le « Principe Suprême », encore que celui-ci ne puisse être nommé. Il est inconnaissable dans sa totalité mais est accessible à l’intuition de l’homme selon le niveau de sa sagesse. Il est tout à la fois le Principe sans forme et sans nom de l'Univers et la Voie, l'art de vie qui consiste à laisser faire la nature, à ne pas intervenir dans le cours naturel des choses. C'est un art philosophique qui a son application dans la vie personnelle ainsi que dans la vie politique.

Dans la vie personnelle, le Tao s'exprime selon deux modes : le Wou (Wu) et le Yeou (You). Le Wou c'est l'état de non-désir, que l'on traduit soit par « non-être » ou « ne pas avoir », ou encore « ne pas y avoir ». C'est le vide ; c'est l'état du Tao en repos et indifférencié. Le Yeou (You) est le contraire du Wou. C'est l'état de désir, l'"être" ou l'"avoir", l'existence d'êtres différenciés accessibles aux sens. L'Homme qui vit dans le monde du Yeou (You), le monde des sens, est excité par ceux-ci, par son imagination, sa volonté de puissance, qui le poussent à agir, à dépenser ses forces vitales, à oublier le « Principe suprême ».

Au niveau politique, Lao Tseu aborde notamment  le thème du gouvernement politique et présente une éthique et des modes de comportement qui sont susceptibles d'incarner le Dao, le tout accompagné d’une « histoire » de la civilisation, inaugurée par un âge d'or, proche de l'origine et de l'unité du Dao, monde de simplicité et d'harmonie.

Charles de Foucault

(1858-1916)

Né le 15 septembre 1858 dans une famille noble du Périgord, orphelin à l’âge de 6ans, élevé par son grand-père, il termina ses études chez les Jésuites où il perdit la foi. A 18 ans, il entra à l’école militaire de Saint Cyr où il se fit remarquer pour son excentricité, son indiscipline, son manque de morale. Seul subsistait encore un « vague sentiment d’inquiétude » disait-il.

En 1880-1881, son régiment fut envoyé en Algérie puis en Tunisie pour combattre l’insurrection du marabout de Bou Amama contre l’occupation française puis ramené en Algérie. En cette période d’expansion coloniale, il découvrit l’Islam : « L'Islam produit en moi un profond bouleversement...  La vue de cette foi, de ces âmes vivant dans la continuelle présence de Dieu, m' a fait entrevoir quelque chose de plus grand et de plus vrai que les occupations mondaines.  Je me suis mis à étudier l'Islam. (…) L'islamisme me plaisait beaucoup avec sa simplicité, simplicité de dogme, simplicité de hiérarchie, simplicité de morale. »

Avec l’aide d’un rabbin, lui-même déguisé en rabbin, il explora le Maroc (pays encore très mal connu) et y récolta une masse de renseignements (qu’il réunit dans un ouvrage « Reconnaissance au Maroc » publié en 1888). En même temps, sa soif de l’absolu, son attraction pour le désert et la contemplation de Dieu se confirmèrent.

De retour en France en 1886, il demanda à Dieu : « Mon Dieu, si vous existez, faites que je vous con-naisse ». C’est alors qu’eut lieu la rencontre avec l’abbé Huvelin (qui resta son guide spirituel jusqu'à sa mort en 1910) qui lui proposa de se confesser.  « Aussitôt que je crus qu'il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour Lui : ma vocation religieuse date de la même heure que ma foi : Dieu est si grand. Il y a une telle différence entre Dieu et tout ce qui n'est pas Lui....»

Il entra en religion et deux ans plus tard, alla en pèlerinage en Palestine où il fut saisi par le visage de Jésus. Il se sentit appelé à vivre « la vie cachée de l'humble et pauvre ouvrier de Nazareth », à l’imiter à la lettre et à se donner totalement à Dieu dans une prière continuelle.

Aussi, à son retour en France, quitta-t- il tout et rejoignit- il l’ordre monacal de La Trappe, en France puis en Syrie, à Akbès où  il fit ses vœux monastiques et reçut la tonsure deux ans plus tard. Il rédigea alors un projet de congrégation monastique d'un type nouveau qu'il appela Les Petits Frères de Jésus, qui devint Les Ermites du Sacré-Cœur puis Petits Frères du Sacré-Cœur.

Mais sa vie monacale, son ascétisme, ses pénitences corporelles ne lui suffirent plus. Il aspirait à souffrir le martyre de Jésus sur la croix tel décrit dans les Evangiles,  en même temps que ses méditations le poussèrent à l’apostolat. En 1901, il retourna en France, se fit ordonner prêtre et repartit seul pour le Sahara. Il s’installa à Béni-Abbas (sud-Oran) comme aumônier militaire, puis dans le désert de Hoggar auprès des Touaregs. Il apprit leur langue (il travailla même à un dictionnaire), étudia leur coutume. Mais ses intentions étaient claires, une évangélisation à peine voilée : « J’offre ma vie pour la conversion des Touaregs, du Maroc, des peuples du Sahara, de tous les infidèles. Il s’agit d’imiter Jésus dans sa vie cachée (…) en étant moine, non missionnaire, par le silence, non par la parole (…) en me faisant aimer pour mieux amener à la religion.»

Mais aucun religieux ne le rejoignit et personne ne se convertit. Il connut la détresse totale et  la maladie. Seuls les Touaregs s’occupèrent de lui. Il découvrit le véritable sens de la pauvreté vis-à-vis de Dieu et de Son infinie Bonté, de  « l’anéantissement comme moyen le plus puissant pour s’unir à Jésus et faire du bien aux âmes ». Il y trouva une « nouvelle fécondité » sans arriver cependant à se démarquer de la mentalité coloniale de son époque. Il rédigea un nouveau projet d’« Union des frères et sœurs du Sacré-cœur de Jésus » en vue de la conversion des infidèles.

Quand la 1ère guerre mondiale éclata, il décida de rester à Tamanrasset avec ce même esprit et fut tué le 1/12/1916 dans cette région en pleine ébullition contre l’occupation française.

Aujourd'hui, 19 groupes différents, de laïcs, prêtres, religieux ou religieuses vivent l'Evangile à travers le monde, suivant les intuitions de Charles de Foucauld (de « Faire voir l’Evangile dans leur vie »).  Sa béatification ordonnée par l’actuel pape Benoît XVI en 2005 n’est peut-être pas anodine.

Kûkai Kôbô-Daïshi (774-835apJC)

Issu d’une famille prospère de l’île japonaise de Shikoku, le moine Kûkai Kôbô-Daïshi introduisit, au IXe siècle, le bouddhisme ésotérique au Japon et fonda l’école bouddhiste Shingon qui mêle plusieurs doctrines, philosophies, divinités, rituels religieux et techniques de méditations venant de sources très variées.

Kûkai Kôbô-Daïshi, naquit en 774apJC et se rendit à la capitale Kyoto, auprès de son oncle (un savant renommé, précepteur à la cour), à l'âge de 15 ans, pour étudier les belles lettres chinoises et les textes du Confucianisme. Mais tôt, il s'intéressa au Bouddhisme (il étudia les textes anciens de Nara) et quitta tout pour mener une vivre d’ascète aux sommets des montagnes ou dans des grottes au bord de l'océan et approfondir sa foi par la pratique religieuse.

Il devint disciple du maître Gonzō qui l'initia au rituel de Gōmonji jusqu’au jour où il vit l'étoile de Vénus de l'aube descendre sur lui et entrer dans sa bouche, lui apportant l' « Illumination ». C’est alors (en 797) qu’il écrivit le « Sangō Shiiki », où il compare les mérites respectifs du Confucius, du Taoïsme et du Bouddhisme, tout en marquant une préférence pour ce dernier, étant plus apte à résoudre les problèmes de fond de la vie humaine et à faciliter l’accès à la Vérité éternelle par sa doctrine du karma et de la réincarnation.

Un jour, il fit un rêve l'invitant à se rendre au temple de Kumedera. Il y découvrit un texte (le Dainichi-kyô) qu’il n’arriva pas à comprendre. Aussi, après avoir été officiellement ordonné moine et pris le nom de « Kukaî » (« Océan de vacuité »), décida-t-il, en 804, d'aller en Chine, à Chang’an, ville réputée pour ses grands maîtres spirituels venus de tous les horizons. Il y apprit le sanscrit, se fit remarquer pour la beauté de ses calligraphies. En mai 805, il rencontra, Keika-Ajari (Huiguo), le disciple de Fūkū-Sanzō (Amoghavajra), le plus grand maître de l'ésotérisme chinois, qui l'initia aux cérémonies de consécration « Kanjō », lui donna en quelques mois tous ses enseignements et lui fournit les mandalas et les objets nécessaires à la pratique des rituels avant de mourir. Kûkai reçut le titre de Henjō-Kongō (« le diamant qui illumine tout »).

En août 806, il retourna au Japon et quatre ans plus tard, sur ordre de l'empereur, il commença à diffuser son enseignement au temple de Takaosanji au Nord de Kyoto, fondant ainsi l’école Shingon qui a pour objectif d’« assurer la paix du pays par la prière, sauver tous les êtres en chassant les malheurs et en apportant les bonheurs, devenir Bouddha, dans cette vie, avec ce corps, ce qui signifie vivre dans la vérité ».

En 816, il put construire un monastère sur le mont Kôyasan, situé à 850 m d'altitude, entouré de huit montagnes, (évoquant pour lui le Royaume de la Matrice, le lotus à huit pétales où siège le Bouddha) pour les prières (Shingon)(1) et la méditation(2). En même temps, il ouvrit une école d'enseignement populaire en 828 près d’un des deux grands temples de la capitale Tōji, dont il reçut la charge 4 ans plus tard. Il fit de ce temple le siège du Shingon et le consacra à la protection spirituelle du pays.

Il mourut le le 21 Mars 835, à l’âge de soixante deux ans et reçut, en 921, le titre de Kōbō-Daishi, (« le Grand Instructeur qui a répandu la loi »). Son tombeau ainsi que son île natale sont jusqu’à maintenant des lieux de pèlerinage favoris des Japonais.

On lui attribue une activité sociale intense, des exploits vertueux (voire même des miracles) et une littérature considérable qui inspira toute la civilisation japonaise. Parmi ses œuvres :

1)Benkenmitsunikyo-ron (en (816) où il démontre la supériorité du  Bouddhisme ésotérique sur l’exotérique, par l'expérience de la méditation qu’il prône.

2)Sanbu sho « Les trois livres » qui comprend  le Sokushinjō- butsu-gui (« Enseignement pour devenir Bouddha dans cette vie avec ce corps », impliquant l'intégration et non le rejet des différents aspects de l'existence mondaine ; le Shoji Jisso Gi (« La signification du mot, du son et de la réalité ») ; le Unji Gi (« La signification ésotérique de la syllabe (Bija) « OM », la dernière lettre de l’alphabet sanscrit ») (819)

3)Joujoushin-ron ou Himitsu Mandala Jugu Shinron : « Les dix niveaux de développement de l’esprit », ou      « Les dix stades de la prise de conscience du mandala secret » ou « Révélations avec étonnement étape par étape » en 830. Dans cet ouvrage, Kûkai élargit sa compréhension des autres écoles et religions, considérant que toutes les philosophies spirituelles de l'Asie (du confucianisme à l' hindouisme) sont l'expression d'une prise de conscience religieuse de la réalité que symbolise le mandala, le rôle du bouddhisme ésotérisme (en tant que philosophie universelle), étant de révéler le fondement commun de l'expérience religieuse de toutes les écoles.

(1)« les prières (ou shingon) symbolisent l’illumination intérieure des Bouddhas et dépassent la compréhension des hommes. Méditer profondément sur eux et les répéter sincèrement aident à dissiper l’ignorance en nous. Chaque mot d’un shingon contient une multitude de vérités grâce auxquelles nous pouvons devenir Bouddha dans cette vie avec ce corps ».

(2)Selon Kukai, la méditation est l'unification du corps méditant avec le mouvement de l'univers, avec les mains, la bouche et l'esprit.

 

Rabbin Israël ben Eliezer  

(25/8/1698-22/5/1760)

Rabbin Israël ben Eliezer (appelé Baal Shem Tov ou le Besht par acronyme), est un rabbin juif mystique qui fonda le hassidisme au 18e siècle. Il naquit le 25 août 1698  à Okopie (en Ukraine près de la Pologne) dans une famille pieuse, modeste et hospitalière qu’il perdit tôt. Pris en charge par la communauté, il étudia la Tora et la Talmud (et secrètement le Zohar et la Kabale) et travailla comme assistant d’enseignant et gardien de la synagogue. A l’âge de 18 ans, il s’installa comme enseignant à Tluzt et ses qualités de médiateur au sein de la communauté juive furent tôt remarquées. Il se maria avec la fille et sœur d’un rabbin avec qui il eut deux enfants, Adèle et  Tzvi-Hirsh. Refusant le judaïsme « académique », aimant l’isolement, il alla habiter dans une petite maison dans les Carpates au contact de gens simples. Il apprit à utiliser des plantes à des fins médicales et apparut comme un simple guérisseur. Puis sa réputation de « faiseur de miracles » commença à se répandre.

A partir de 1734, il sortit du secret et commença à enseigner. Vers l’an 1740, il s’installa à Medzhiboz en Pologne et propagea sa science. Même l'élite spirituelle vint l’écouter. Il établit les normes de la Hassidout (« piété ») exprimant une nouvelle manière de servir Dieu, dans la communion joyeuse avec Lui. Medzhiboz devint le centre du mouvement hassidique. En 1746, le Besht révéla à ses disciples que, lors d’une élévation spirituelle, le Mashiah (Messie) lui garantit son dévoilement à l’humanité quand « les sources de ton enseignement (Hassidout) se répandront à l’extérieur » insistant sur l’importance de rester lié aux « Sources ». Plus tard, de grandes autorités rabbiniques, universellement reconnues, devinrent ses disciples et attestèrent de son érudition. Il mourut le 22/5/1760.

Dix thèmes principaux, empruntés à la Kabbale, forment la base de son enseignement et le fondement du Hassidisme : 1-la foi, 2-la confiance en Dieu, 3-la reconnaissance de Dieu en toute circonstance, 4-la prière, 5-l'étude sincère de la Torah, 6-l'amour du peuple juif (Israël), 7-la confiance aux Justes, 8-l'unité du peuple (juif), 9-la bonté, 10-la joie.

Tout en insistant sur la nécessité d'étudier la Tora, il privilégia la prière (faite avec enthousiasme et grande concentration d'esprit) à l'étude talmudique (la norme dans la communauté juive). Par elle, disait-il, « l'homme atteint un degré où il n'y a plus de séparation entre Dieu et lui, où ses pensées profanes sont sanctifiées. » Il recommandait la joie (Simha),  l'humilité (shiflout), l’embrasement de l'amour (hitlaavout) avec Dieu et aussi  entre les fidèles. Il mettait l'accent sur le salut individuel obtenu par la Dvekout, (l'union directe avec Dieu par la méditation mystique), réalisée uniquement quand le cerveau domine le cœur, quand la réflexion se reflète dans l'émotion,  quand l'homme a conscience que toute activité est acte de foi, qu’il agit avec la crainte de Dieu (sorte de scrupule mystique porté à chaque geste de sa vie quotidienne). Les Justes (Tsadik), cachés ou apparents, à qui Dieu donnait le pouvoir de changer le cours de la nature et faire des prodiges, pouvaient aider le simple fidèle à atteindre cette élévation spirituelle de l’âme, par leur exemple, leur parole et leur intercession. Elle n’est pas réservée, selon lui, à la seule élite intellectuelle.

Ses enseignements furent repris dans les écrits de ses disciples annotés de leurs propres interprétations, comme ceux de « Toldot Yaacov Yossef » et de « Shevah Habaal Shem Tov » et de « Shivchei-HaBesht ». Très vite, les cercle kabbalistiques d'Europe de l’Est se rattachèrent à la doctrine du Besht. Son principal disciple, Dov Baer de Mezeritch, le Grand Maguid, envoya ses disciples à travers l'Ukraine propager cet enseignement et transforma le modeste mouvement en un mouvement de masse. Au début du 19esiècle, la moitié des juifs d’Europe orientale appartenait au mouvement hassidique, malgré l'opposition radicale des  Talmudistes, attachés à la Tradition. La force du mouvement hassidique fut d’avoir popularisé le savoir de la Kabbale, des textes mystiques qui étaient jusqu’au XVIIIe siècle, réservés à un cercle d’initiés. On l’appela « Le juste qui modifia la conception de la Torah ».

Convaincus que les Juifs devaient attendre la venue du Messie pour retrouver la Terre sainte (la Palestine) et certainement ne pas la conquérir par la force, les Hassidim sont restés longtemps très antisionistes. Actuellement, sur les 1,8 million de Juifs ultra-orthodoxes, toutes tendances confondues, seuls 150 000 d’entre eux (notamment les Hassidim Satmar) s’élèvent encore ouvertement contre l’existence même d’un Etat juif et appellent à la destruction de l’« Etat d’Israël ».

Le Pardon des Sept Saints Dormants d’Éphèse,

le 4e dimanche de juillet au hameau des Sept Saints  en Bretagne

Cette année comme chaque année, le 4e dimanche du mois de juillet, s’est déroulé au hameau des « Sept-Saints » dans la commune de Vieux-Marché, dans les Côtes d’Armor, le Pardon(1) des Sept Saints Dormants.

Alors que le culte des Sept Dormants(2), attesté à Ephèse (Selçuk en Turquie aujourd'hui) dès 450, s’est éteint vers le 17e siècle et est tombé dans l’oubli, ce petit village Breton en a gardé vivant le souvenir, par sa  célébration du « Pardon des 7 Saints » dans les limites de la paroisse et de ses environs. Sans doute, ce culte a pu parvenir en Bretagne par l'intermédiaire de commerçants orientaux, qui suivaient la route maritime de l'étain, et de missionnaires grecs. Ayant un jour accosté en baie de Lannion, ils auraient transformé le village de Stivel et son dolmen en un lieu de culte des Sept Dormants martyrs. Des moines de l’église celte, alors indépendante de Rome, auraient pris le relais. Entre 1703 et 1714 ils construisirent l’église des Sept Saints sur le dolmen resté intact ?

Durant la procession du Pardon des Sept Saints à Vieux Marché, un chant est psalmodié en breton, la « Gwerz des sept saints » qui conte l’histoire de 7 frères chrétiens sous l’empereur Dèce en 250, qui s’étaient réfugiés dans une grotte pour fuir la persécution romaine. Ils y furent emmurés, puis réveillés deux siècles plus tard par un berger, et enfin rendormis pour l’éternité. Ce chant évoque ces martyrs de la foi, ces témoins de la résurrection promise aux serviteurs de Dieu ainsi que les miracles qui ont eu lieu par leur intercession à la fontaine des 7 sources proche. Il faudra attendre la fin du 19e siècle pour que le lien soit fait entre ce chant et les "Gens de la caverne" évoqués dans la 18e sourate du Coran.

Et ce fut sous l'impulsion de Louis Massignon, célèbre orientaliste français, frappé par la similitude entre les paroles de cette vieille Gwerz  et les versets de la sourate La Caverne, qu’un pèlerinage islamo-chrétien fut greffé sur ce pardon traditionnel, en 1954. Initiative chrétienne d’un amoureux de l’Islam qui voyait dans le pardon des Sept Saints une occasion de rencontre scientifique et spirituelle entre Chrétiens et Musulmans dans la perspective d’une foi commune en un Dieu Unique et Tout-Miséricordieux et en la Résurrection du  corps et de l’esprit après la mort et d’un héritage commun du refus du culte rendu à de fausses divinités et aux tyrans ainsi que de la préfiguration de la résurrection annoncée par tous les Prophètes(p).

Beaucoup de monde vint en ce jour, certains de loin, comme l’archevêque de Rabat au Maroc et d’autres gens d’Istanbul, pour commémorer cet évènement, avec une volonté affichée de partager avec les Musulmans, de se comprendre, de se soutenir...

Au programme de la rencontre de cette année, un colloque sur le thème : « Les sept dormants parlent arabe, breton, français...Traduire pour faire vivre? » où furent abordés les problèmes de traduction de textes fondateurs, le Coran et la Bible, qui précéda la cérémonie proprement dite : la messe au hameau des Sept Saints à 21h suivie d’une procession nocturne avec la récitation de ce fameux chant (la Gwerz des 7 Saints) en breton et l’allumage d’un grand feu (le Tantad).

Le lendemain, dimanche, après la grand messe de 11h à la chapelle, tout le monde se rendit en procession à la Source des Sept Saints, située à 250 mètres de là. La fontaine est située à l'écart du village, dans les bois. Un imam (officiant en prison) lut la sourate La Caverne, en arabe et en français devant une assemblée recueillie. (La sourate est aussi affichée dans l'église avec une miniature persane représentant les Gens de la Caverne.) Des gens pleurèrent d’émotion devant ces déclarations d'amitié interreligieuses...On pouvait remarquer une douzaine de soutanes mais pas d’enturbannés. Puis tout le monde partagea du lait et des dattes. La fontaine est un lieu étonnant, très beau et très fort, invitant à la prière sans craindre une quelconque réprobation. La journée se termina par un repas collectif sur une grande pelouse et des animations (danses bretonnes, poneys et ânes pour les enfants..).

Lieu et moment uniques en France !               

Mustafa de Paris

(1)Le pardon breton est une des manifestations les plus traditionnelles de la foi populaire bretonne. Probablement lié à l’évangélisation du pays par les moines celtes, dès le Ve siècle, il débute par une messe solennelle, généralement en plein air, se poursuit par une procession chantée dans laquelle se mêlent bannières éclatantes de couleurs, croix et statues de saints portées par des hommes et femmes en costume traditionnel, demandant l’intercession du saint ou des saints visités pour obtenir le pardon de Dieu et leur pardon mutuel.

(2)cf. l’histoire des Gens de la Caverne évoquée dans la 18e sourate al-Kahef (la Caverne). Voir à ce propos le très bon film iranien.

Augustin d’Hippone

(354-430)

Augustin d’Hippone, un philosophe et théologien chrétien de l’Antiquité tardive, évêque d’Hippone (actuelle Annaba, Algérie), est considéré comme le personnage le plus important dans l’établissement et le développement du christianisme occidental (après saint Paul) et le penseur le plus lu en Occident.

Augustin naquit le 13 novembre 354 d'un père citoyen romain et d'une mère chrétienne berbère, Monique, à Thagaste, (ville d'Afrique du Nord de l’ancien royaume de Numidie, appartenant à l’empire romain, actuelle Souk-Ahras, Algérie), et décéda le 28 août 430 à Hippone. Son tombeau se trouve à l’heure actuelle à Pavie.

A 16 ans, il partit étudier à Carthage, où il fut un temps attiré par le manichéisme puis par l’astrologie, en quête du Sens et de la Vérité. Se rendant à Rome puis à Milan, il rencontra l’évêque Ambroise qui lui fit découvrir la pensée de Saint Paul et il se convertit au christianisme selon Paul en avril 387 à l’âge de 33 ans, tournant définitivement le dos à sa jeunesse mouvementée. L’année suivante, il rentra à Thagaste où il devint le défenseur de l’orthodoxie chrétienne, écrivant d’innombrables lettres et sermons contre les manichéens et autres « hérétiques » de son temps, et de nombreux traités de philosophie et de métaphysique.

En 395, Augustin fut consacré évêque d’Hippone (Annaba en Algérie), où il passa le reste de sa vie, et établit un règlement ecclésiastique qui régit encore actuellement de nombreux Ordres ou congrégations religieuses. Il installa dans sa propre maison une petite communauté fraternelle (qui donna l’ordre des chanoines de Saint Augustin).

Il profita de la fermeture des temples païens en 399 pour rédiger la Catéchèse des Débutants, et de la chute de l’Empire de Rome par les Goths en 410, pour expliquer la signification du christianisme dans l’histoire et celle de l’histoire pour le christianisme « afin de justifier les voies de la Providence, en ce qui concerne la destruction de la grandeur romaine », le tout devant s’achever « par la perfection, la glorification et l’apothéose de la cité de Dieu ». Son œuvre « La Cité de Dieu » fera de lui  le théoricien de l’histoire du christianisme.

Il laissa une œuvre immense, des lettres, traités et sermons pour défendre sa conception du christianisme.

- Les Confessions qui racontent sa jeunesse et sa conversion.

- La Cité de Dieu (De Doctrina christiana) citée plus haut.

- Dialogues sur la philosophie de Platon, contre les Académiciens et le scepticisme dogmatique, présentant une

synthèse du platonisme, du néoplatonisme (Plotin) et du christianisme.

- 113 traités sur tous les domaines dont le « Fond secret de l’âme »,  la « Théorie de la Trinité », la « Vie bienheureuse » où il explique que la béatitude ici-bas consiste dans la parfaite connaissance de Dieu. Il y fait l’éloge de la raison tout en notant son impuissance à comprendre la nature des réalités divines. Aussi, a-t-on besoin de l’autorité de la Parole de Dieu, de l’Ancien et du Nouveau Testament et de la foi (qui est selon lui croyance en quelque chose d’invisible).

- Quelque 218 lettres (correspondances avec des évêques, laïcs, ministres, empereurs).

- Près de 500 sermons et petits traités de théologie morale (sur le mensonge, le jeûne, le culte des morts, etc).

- D’innombrables commentaires des Écritures (notamment sur la 1e Epitre de St Jean).

Découvrant, au cours de sa vie, l'infini de l'Amour de Dieu (qu’il distingue de l’amour de soi, en tant qu’il renvoie au mouvement naturel de l’âme vers Dieu, « plus intime à moi-même que moi-même ») et de Sa Miséricorde, Augustin est revenu très souvent sur la question de la "Grâce", de la "gratuité" de l'Amour de Dieu qui ne doit rien à nos mérites. Ce qui lui a valu le surnom de "le Père de la Grâce".

*Cependant, ce fut lui qui introduit la notion de péché originel (« la désobéissance d'Adam imputée à tous les hommes ») dans son traité consacré au Libre arbitre, pour expliquer la mort des enfants par exemple. Ainsi, chaque être humain est foncièrement pécheur à l'état de nature. Seul le baptême peut l’en sauver, reprenant là les idées de St Paul.

Son œuvre laissa sa marque dans la spiritualité chrétienne notamment auprès d’Anselme, Bonaventure, Thomas d’Aquin, Maître Eckhart, en donnant les bases théoriques sur lesquelles elle va se développer.

John Wesley (1703-1791)

John Wesley est un prédicateur anglais, à l’origine du courant protestant du « Méthodisme » en donnant, avant la lettre, les caractéristiques principales du christianisme évangélique : l’importance de la conversion personnelle, du témoignage de foi, de l’étude de la Bible, de la musique pour la louange et l’adoration et de l’engagement social d'inspiration « christique », et surtout de l’évangélisation (appelée l’« annonciation »).

John Wesley, né le 17 juin 1703, est le quinzième enfant du révérend  Samuel Wesley, recteur (vicar) de la paroisse anglicane d'Epworth (Lincolnshire), et Suzanna Wesley, une mère pieuse mais exigeante. Ses deux parents venaient de familles ayant rompu avec l'Eglise d’Angleterre. En 1720, il alla étudier à l'Université d’Oxford et découvrit : « que le cœur est la source de la vraie religion ». Il forma le « Club des Saints » (Holy Club) avec d'autres étudiants, dont son frère Charles et George Whitefield, pour organiser leurs prières et leurs  exercices spirituels, ce qui leur a valu le qualificatif de « méthodistes ».

C'est de cette période que date la prédication de John Wesley « The Circumcision of the Heart » (La Circoncision du Cœur), dans laquelle il définit la vie du chrétien comme une acceptation profonde et personnelle de la Révélation de Dieu, de son Amour et de sa Grâce, menée dans l’humilité, l’obéissance à Dieu, la foi, l’espoir et, dans la pratique quotidienne, la charité et l’amour du prochain. Diplômé en 1724, il fut ordonné prêtre anglican en 1728. Il commençait ses journées à quatre heures du matin, passait au moins deux heures par jour en prière.

Vers les années 1738, il fut envoyé en Géorgie, dans les colonies américaines, par la Société pour la Propagation de l'Evangile, avec son frère Charles pour deux ans, afin de veiller sur la vie spirituelle des colons américains et de convertir les Indiens au christianisme. Bien que son influence fût très grande, il s’interrogea : « Je suis allé en Amérique pour convertir les Indiens, écrit-il. Mais moi je ne me suis jamais converti à Dieu !? ». En route, la rencontre du groupe des Frères Moraves changea le cours de sa vie : il fut impressionné par leur foi en Dieu éprouvée par une grave tempête. Sous leur influence et celle de leur Mouvement « le Réveil », Wesley fit une expérience de « conversion » (il sentit « une chaleur étrange dans son cœur. Dieu y a allumé un feu qui ne s'éteindra plus jamais. »). Il était parvenu à un contact direct avec Dieu grâce à une expérience personnelle avec Dieu qu’il va préconiser aux autres.

Il se sentit appelé à répandre la bonne nouvelle (« la grâce divine accessible à tous, même aux pauvres et aux exclus ») et se mit à sillonner l'Angleterre à la rencontre de ceux et de celles que l'époque avait  repoussés aux marges de la société (comme les mineurs de charbon). Il contribua à la création d'écoles et d'organismes sociaux pour lutter contre l'ignorance et la pauvreté et encouragea à la lecture de la Bible. Il fut l'un des premiers à s'élever contre l'esclavage.

Il rencontra bientôt une vive opposition de la part de l’Eglise établie et se vit interdire l'accès à la chaire dans les églises, traité de « faux prophète », de « charlatan », de « fanatique ».  Il s’adressa alors directement aux gens, là où ils se trouvaient, dans les champs, sur les places, les foirails et les marchés, dans les quartiers pauvres et les auberges, répondant de façon simple à leurs questions. En 1784, Wesley rompit « de facto » avec l'Eglise anglicane et s'entoura de prédicateurs laïcs.

Une cinquantaine d’ouvrages sur la philosophie naturelle, l’histoire de l’Eglise, celle de Rome, de l’Angleterre, sur la médecine, la musique pour les cultes lui sont attribués. Ses « Sermons », regroupés et publiés de son vivant, quelques années avant sa mort en 1791, se diffusèrent dans la nation toute entière et même au-delà, en Amérique. On le dit précurseur du deuxième courant protestant aux Etats-Unis après les Baptistes.

Padmasambhava  (VIIIe siècle)

Padmasambhava  ou Guru Rinpoché (le « précieux maître ») fut un maître tantrique de la vallée de Swat au Pakistan, réputé pour son aptitude à subjuguer les forces négatives. Il introduisit au VIIIe siècle le tantra bouddhique au Tibet et y fonda la 1ère école du bouddhisme tibétain « Nyingmapa » (« les Anciens ») ou « l’ancienne Tradition ».

Bien qu’on considère généralement que Padmasambhava arriva au Tibet en 770, la vie qu’il mena antérieurement et postérieurement à cette date n’a pu être établie avec précision, ni historiquement, ni géographiquement.

Selon la tradition, Padmasambhava serait apparu sur terre incarné en un enfant de 8 ans dans une fleur de lotus  (d’où son nom en sanskrit « né du lotus »), flottant sur le lac Dhanakosha, situé dans le Gandhara, près de la frontière actuelle entre l’Afghanistan et le Pakistan. La pluie déferla en cascade, mettant fin à la sécheresse et à la famine qui sévissaient au pays.

Le roi d'Oddiyana en aurait fait son héritier. Accusé de meurtre par un ministre malfaisant, Padmasambhava fut banni de la cour et choisit de vivre dans les cimetières et de s'astreindre à l’ascèse et à la pratique du yoga. Il étudia tous les arts et les sciences de son temps, la philosophie, l’astrologie, la médecine.. Il obtint une parfaite maîtrise des textes bouddhiques canoniques et s’initia aux doctrines secrètes des tantras. Sa capacité à mémoriser et à comprendre les textes ésotériques après une seule écoute établit sa réputation comme maître parmi les maîtres.

Sa renommée atteignit le Tibet où il fut appelé, sur le conseil du moine bouddhiste Shantarakshita, par le 38e souverain du Tibet, Trisong Detsen, qui voulait ériger un monastère bouddhiste à Samyé près de Lhassa, et devait faire face aux assauts d’esprits (« déités ») malfaisants de la montagne, en même temps qu’à la résistance des prêtres et des chamans de la religion autochtone, le Bön.

Il dompta les démons qui s'opposaient à l'implantation du bouddhisme – chaque rencontre étant décrite comme une bataille magique contre des êtres démoniaques qui émergent des glaciers, des montagnes et des vallées, pour être finalement apprivoisés par Padmasambhava – et triompha des Bön-po dans des joutes oratoires et des concours de magie.

Une fois le monastère terminé, en 779, Padmasambhava entreprit avec Shantarakshita de superviser les débuts de l’immense travail de traduction de l’intégralité du canon bouddhique du sanskrit et du chinois en tibétain, et le roi proclama le bouddhisme religion officielle.

Se rendant compte que les gens n’étaient pas prêts pour les doctrines et pratiques les plus avancées, il aurait codé des textes dans un langage lapidaire qu’il aurait ensuite cachés dans des temples, des grottes, des crevasses de montagne. Ces enseignements secrets furent appelés terma (trésors) et ceux qui devaient en révéler le sens des « tertôn » (révélateurs de trésors).

La tradition raconte que, le jour où Padmasambha devait retourner à son pays,  « un cheval ailé surgit du ciel. Il l’enfourcha et il  s’envola dans un nuage rayonnant de toutes les couleurs de l’arc en ciel. Il disparut sur les rayons du soleil ». Un écrit, Khandro Nyingtig, lui est attribué.

Nyingmapa, (« ancienne tradition ») est la plus ancienne des écoles bouddhistes établie au Tibet au  VIIIe siècle.

Il existe, selon elle, deux voies de transmission :

-la « transmission des trésors spirituels » (terma), dite courte car elle saute les générations ;

-la transmission orale longue (kama) remontant au Bouddha selon une filiation continue de maître à disciple.

Les Nyingmapa ne connaissent pas d’organisation centralisée mais se rassemblent autour de maîtres ayant souvent une réputation de sainteté. Nombre de ces maîtres sont mariés. Les enseignements se fondent sur une progression en neuf véhicules – les plus élevés, qui sont les plus secrets, sont en quelque sorte les antichambres de l’Eveil. Au sommet se trouve la pratique du « dzogchen », la Grande Perfection qui mène au « corps de lumière ».

La communauté des Nyingmapa ne s’est jamais impliquée dans le pouvoir politique au Tibet.

Yajnavalkya (-630 – -585)

Yajnavalkya était un sage hindou et l’un des maîtres de l’école védique du sixième siècle avant JC. La tradition brahmanique le plaça parmi ses « prophètes » (« rishi »)  les plus importants.

Peu de choses sont connues sur la vie de Yajnavalkya. Il semble qu'il fut un réformateur (~ vie s. env.) opposé au ritualisme, qui tendait à prévaloir à cette époque. On le voit discuter des matières théologiques aussi bien avec des femmes qu’avec des guerriers. Il apparaît dans les textes de la tradition, notamment dans le « Śata-patha-Brāhmaṇa » et la « ḄṛhadĀraṆyaka-upaniṣad ». Il est dit qu’il aurait « vu » la Samhitā (collection d'hymnes liturgiques) du Yajur Veda Blanc (Vājasaneyī-Samhitā).

Ses préceptes, contenus dans ses ouvrages « Brihadâranyaka-Upanishad », « Shatapatha-Brâhmana » et « yājñavalkyasmṛti.», révèlent la richesse et la profondeur de ses connaissances. Il rédigea aussi l’ouvrage Krishna Yajur Veda et fut le promoteur, à la suite de son maître Uddālaka, de la théorie selon laquelle le « Brahman » (l'« Absolu ») est au cœur de la nature humaine, sous la forme de l'« âtman » (l'« âme »). Yajnavalkya passa pour l'un des maîtres du Vedānta non dualiste (advaita-vedānta).

Ce serait lui qui aurait introduit l’idée de la « réincarnation » – qui n’existait pas à l’âge védique – dans  l’hindouisme du VIe siècle av. J.C. et il serait le premier à l’avoir théorisée, d’une façon discrète au début si l’on en croit le dialogue qui est rapporté entre lui et un certain Artabhaga  dans l’ouvrage Brihadâranyaka-Upanishad, III.2.13.

Des anecdotes relatives à sa vie sont rapportées.

Notamment celle avec ses deux femmes au moment où il voulait se retirer du monde pour accomplir la quatrième étape de sa vie.

Vers la fin de sa vie, il décida d’entrer dans ce qui constitue le quatrième ashrama ou quatrième étape de l’existence spirituelle, c’est-à-dire le Sannyasa (la vie de renonçant). Il informa ses deux épouses, Maitreyi et Katyayani, de son projet d’austérité ou de renoncement dans les Himalayas, puis il leur demanda de partager entre elles tous ses biens et de vivre heureuses dans l’ashram.

Katyayani, qui était d’une intelligence commune, n’y vit pas d’inconvénients et accepta, mais Maitreyi, qui possédait une grande faculté de discernement, fit part à son mari de ses doutes sur la valeur des biens matériels et leur capacité à lui apporter le vrai bonheur.

Yājnavalkya approuva en disant : « Ceux-ci peuvent te procurer une vie matérielle confortable, mais ne peuvent te donner la connaissance du Soi. » Maitreyi, dont la quête spirituelle était sincère, demanda à son mari quelle était la source du véritable bonheur et comment on pouvait acquérir la connaissance du Soi.

Il est rapporté ailleurs, dans le Brihadāranyaka Upanishad, un dialogue où Yajnavalkya expose à sa femme Maitreyî la nature du « Soi » et celle des relations mondaines.

« Ô Maitreyī, tu étais déjà chère à mon cœur auparavant, mais la recherche que

tu entreprends te rend encore plus chère. Écoute ce que j’ai à te dire :

Ce n’est pas le mari que la femme aime, mais le Soi qui est en lui ;

Ce n’est pas la femme que le mari aime, mais le Soi qui est en elle ;

Ce n’est pas l’ami que l’on aime, mais le Soi qui est en lui ;

Ce ne sont pas les divinités que l’on aime, mais le Soi qui est en elles ;

Ce n’est pas la chose que l’on aime, mais le Soi qui est en elle ;

Seul le Soi existe partout. Il ne peut être connu, car il est lui-même Celui qui connaît. »

Tchouang-tseu ou Zhuangzi (-IVe siècle)

Tchouang-tseu ou Zhuangzi  (« Maître Zhuang »), est un penseur chinois du IVe siècle av. J.-C. à qui l'on attribue la paternité d'un texte essentiel du taoïsme appelé de son nom, le « Zhuangzi » ou encore le « Nanhuazhenjing » (« Vrai classique de Nanhua »).

Très peu de choses  sont connues sur Zhuangzi. Originaire du district de Meng (au sud du fleuve jaune) à proximité de la capitale de l’Etat de Song près de l’actuelle Shangqiu au Henan, il aurait vécu à l’époque des Royaumes des combattants, des rois Hui de Wei (389-319 avJC) et Xuan de Qi (350-301 avJC), ce qui en ferait un contemporain de Mencius. Zhuang Zhou aurait occupé une charge administrative subalterne[* et refusé un poste de Premier ministre offert par le roi Wei de Chu. Il aurait terminé sa vie complètement retiré du monde, menant une vie nomade et proche du peuple. Il est encore appelé « Zhuang de Meng » (« le fonctionnaire » ou « le vieillard » de Meng).

Sa pensée nous est parvenue grâce à son ouvrage Zhuangzi, un texte écrit en prose d'une grande qualité littéraire, contenant de nombreuses paraboles souvent teintées d’humour (comme celle du « Rêve du papillon »). Le livre est aussi connu sous le nom de Nanhua zhênjîng (« Vrai Classique de Nanhua » ). Le Zhuangzi a été classé sous les Han dans le même courant que celui de Lao Tseu et y a rapidement pris une place déterminante, notamment contre les confucéens. Il est cependant plus mystique, individualiste et anarchiste. Il verra son influence croître avec la désagrégation de l’empire.

Son concept central est le « Dao » (la « Réalité ultime et Principe de l’Univers ») qu’il présente comme  étant « le cours naturel et spontané des choses ». Zhuangzi se moque de l'homme, seul être à tenter de se détacher du « Dao » en imposant son action et son discours. Or, toutes les tentatives pour discourir sur la réalité visant à acquérir les bases de la connaissance fondatrice de l'action sont vaines étant donné que le discours ne fait qu'opérer des découpages partisans de cette réalité.

Alors que doit faire l’homme ? Il propose le « non-agir » (« wuwei », « wu » indiquant le dépouillement), non pas l’indolence, la passivité ou le repli, mais agir selon la nature des choses et des êtres. Ainsi pour se débarrasser de son égocentrisme et de sa volonté de plier la réalité à ses fantasmes pour retourner à l'origine et puiser directement sa force et sa vitalité dans le « Dao ». Épousant les métamorphoses des dix mille êtres, il est libéré de toute contrainte et n'est plus soumis qu'aux nécessités. C’est une démarche strictement individuelle, sans prétention politique, (à la différence de la conception de Laozi, pour qui le politique est le lieu emblématique où devrait s'exercer toute l'efficacité du non-agir).

Tchouang tseu ou Zhuangzi est parfois présenté comme condamnant toute autorité, toute hiérarchie, toute vie en société, alors qu’il ne cesse, tout au long de son œuvre, d’offrir une critique d’une vision du monde centrée sur l’homme et basée sur l’ignorance.

Le Rêve du papillon

Zhuangzi rêve qu'il est un papillon, et quand il se réveille, il se demande s’il n'est pas plutôt un papillon qui rêve qu'il est Zhuangzi.

A travers cette anecdote, est posée la question de la nature profonde de la Réalité et des prétentions de l’homme enfermé dans son ego. Un exemple de raffinement de la pensée chinoise, en même temps du goût âcre de l’esprit critique et de la saveur du scepticisme.

Un autre exemple de ses paraboles :

« La vie humaine est limitée ; le savoir est illimité. Qui subordonne sa vie limitée à la poursuite du savoir illimité va à l'épuisement ; épuisé, il veut savoir encore et meurt ainsi d'épuisement.

Qui fait le bien s'attire le renom ; qui fait le mal se voue au châtiment. Seul celui qui prend pour règle la modération peut conserver son corps et sa vie, remplir ses devoirs envers ses parents et atteindre la limite naturelle de son existence. » Œuvre complète, p.46

Joachim de Flore

(1130-1202)

Joachim de Flore, moine cistercien et ascète réputé est un théologien catholique connu pour ses exégèses de la Bible, sa conception particulière de l’histoire de l’humanité et sa réflexion sur l’apocalypse.

Né en Calabre en 1132 ou 1135, Joachim fut d'abord page à la cour de Roger de Sicile avant de partir en pèlerinage en Terre Sainte où il décida de vivre radicalement en fonction de la sanctification de son âme par sa « conversion ». Il se fit prédicateur ambulant et entra dans l’ordre des cisterciens à Sambucina, puis à Corazzo où il devint l’abbé du monastère en 1177. Peu de temps après, il quitta sa charge pour vivre solitaire non loin de l'abbaye. En 1183, il s'installa à Flore avec quelques compagnons pour suivre une règle de vie plus rigoureuse que celle des cisterciens. Comme cela ne lui suffisait pas,  il quitta cet ordre en 1194 pour créer dans  l'abbaye de Saint-Jean-des-Fleurs (d'où il tira son nom), l'ordre des Floriens, branche encore plus austère qui reçut l’approbation du pape Célestin en 1196. Il mourut en 1202 et fut déclaré « Bienheureux » (titre religieux posthume) malgré sa condamnation comme « hérétique » (décrétée au IVe concile du Latran (novembre 1215) et approuvée par le pape Innocent III), pour sa conception de la Trinité, présentée comme une collection de trois « Personnes », fondée sur une vision analogique à la façon dont beaucoup d’humains forment une seule foule.

Joachim de Flore passa sa vie dans la prière, le jeûne et la méditation. Il entreprit une exégèse de la bible, l’étudiant et cherchant des correspondances entre l’« Ancien » et le « Nouveau Testament ». Privilégiant l’illumination de l’intellect par la grâce de Dieu, dans un esprit d’obéissance aux dogmes (à l’instar des théologiens monastiques, en opposition aux théologiens scolastiques), Joachim de Flore rédigea une Concordance de l'Ancien et du Nouveau Testament et un Commentaire sur l'Apocalypse (de l’évangéliste Jean) qui marquèrent le courant spirituel catholique.

Il développa une théorie particulière de l’histoire divisée en trois grandes époques et rattachée à sa conception de la Trinité et de l’Apocalypse. Selon lui, l'histoire est une énigme qu'il s'agit de déchiffrer à l'aide de clefs qui ne peuvent être trouvées que dans les textes sacrés. Les textes sacrés sont répartis, selon la tradition chrétienne, en deux grandes composantes qui correspondent à deux grandes époques : l'Ancien Testament dominé par les interventions d'un Dieu représenté sous la figure du « Père Éternel » et le Nouveau Testament qui correspond essentiellement à la période chrétienne dominée par la figure du Christ, le « Fils du Père ».

Aussi va-t-il prendre en considération ces deux époques pour caractériser la première grande étape de l’humanité comme étant placée sous l’égide de Dieu « le Père », (évoquée dans l’Ancien Testament) et la seconde comme étant placée sous l’égide de Dieu « le Fils » (évoquée dans le Nouveau Testament). La troisième grande étape, placée sous l’égide de Dieu « l’Esprit-Saint », serait la dernière étape de l’Humanité et aurait à charge d’exploiter les pers-pectives spirituelles inépuisables offertes par l’Esprit-Saint sous le patronage des moines (l’ordre monastique représentant pour lui la véritable vie de perfection). Elle aboutirait au Paradis, non plus hors du temps, dans une autre dimension mais au terme de cet avenir. Cette approche lui permettait de « dépasser spirituellement » le message chrétien sans le renier pour autant.

Fervent lecteur de l’Apocalypse (de Saint Jean), Joachim croyait que l’humanité était déjà entrée dans le troisième stade. La corruption présente au sein de l’Eglise lui faisait craindre une fin du monde proche. Aussi prenait-il au pied de la lettre les signes des temps mentionnés dans l'Apocalypse.

Ainsi, quand il est question, au douzième chapitre de la Révélation, d'un dragon à sept têtes, chacune de ces têtes représente pour lui, non pas un vague symbole du mal, mais un personnage historique persécuteur de l'Église. Quand Saladin prit Jérusalem des Croisés en 1187, Joachim vit en lui la sixième tête du dragon, la septième étant réservé à l'antéchrist, le dernier persécuteur du deuxième âge de l'Église, celui du « Fils ».

Qui étaient ces « incroyants avant eux » dont ils imitaient les paroles  ?

Dieu dit dans Son noble Livre : {Et les juifs dirent : « Uzayr est le fils de Dieu », et les chrétiens dirent : « le Messie est le fils de Dieu » ; ce sont les mots de leurs bouches. Ils imitent (en contradiction avec leur opposition aux incroyants à propos de l’Unicité de Dieu) les paroles des incroyants avant eux. Que Dieu les combatte ! Comme ils forment des mensonges (loin de la Vérité) ! Ils ont pris leurs docteurs en loi et leurs moines pour des seigneurs en dehors de Dieu, ainsi que le Messie fils de Mariam. Alors qu’ils n’ont reçu l’ordre que d’adorer un Dieu Unique, Point de dieu autre que Lui. Qu’Il soit Glorifié loin de ce qu'ils [Lui] associent.}(30-31/9 Le repentir)

Comme en témoigne ce verset, le Coran nie que ce soit le Messie (’Issa Jésus)(p) qui ait été à l’origine de ce que disent et croient les Chrétiens à son propos. Il y est dit que les Chrétiens ont suivi aveuglément leurs chefs qui ont transplanté les mythes des anciens idolâtres dans le christianisme.

Qui sont ces incroyants à qui Dieu fait allusion quand Il dit: {Ils imitent les paroles de ceux qui étaient incroyants avant eux.} ?

-Ce ne sont sûrement pas les Arabes d’avant l’Islam quand ils disent dans leur idolâtrie que les anges sont les filles de Dieu, parce que leur parole (de dire que Dieu a un fils) est plus ancienne historiquement que leur contact et leur mélange avec les Arabes, et plus particulièrement les Juifs. C’est ce qu’indique apparemment le verset  {les paroles des incroyants avant eux}. Ces « incroyants » étaient avant les Juifs et les Chrétiens. Et les Arabes d’avant l’Islam ont adoré les statues en tant que cela leur avait été rapporté d’ailleurs ; ils n’en étaient pas à l’origine.

-Du reste, les idolâtres de Rome, de Grèce, d'Egypte, de Syrie et d'Inde étaient plus proches des gens du Livre qui vivaient alors en Palestine et dans son voisinage. Le transfert des croyances et des assertions religieuses des premiers était plus facile vers ces derniers, les facteurs étaient plus favorables.

-Ainsi, ceux qui sont évoqués dans {les incroyants avant eux}, ce sont les anciens idolâtres d'Inde et de Chine, ainsi que ceux d’Occident, de Rome, de Grèce et d'Afrique du Nord.

D’ailleurs, l'histoire parle, à leurs propos, d’assertions semblables à celles présentes chez les gens du Livre des Juifs et des Chrétiens comme l'affiliation, la paternité, la trinité, aussi bien que les histoires de crucifixion, le sacrifice etc. Cela fait partie des vérités historiques vers lesquelles le Coran a attiré l’attention.

Le verset suivant va dans le même sens : {Dis : « Ô gens du livre ! Ne soyez pas excessifs dans votre religion contrairement à la vérité, et ne suivez pas les passions de gens qui se sont égarés avant, qui en ont égaré beaucoup et qui se sont égarés du droit chemin »}.(77/5 La Table Servie) Ce verset montre que leur excès dans la religion contraire à la vérité leur est venu de l’imitation et du suivi des passions de gens égarés avant eux.

Il n’est pas question ici de leurs docteurs en loi ni de leurs moines, parce que le propos est absolu, sans restriction ni condition. Il ne dit pas : « des gens de parmi vous » ni « ils ont égaré beaucoup de gens de parmi vous ». Il n’est pas non plus question ici des Arabes d’avant l’Islam, comme vu précédemment.

Ce propos décrit ces gens comme ayant égaré beaucoup de gens. C’est-à-dire ils étaient les « guides » de l’égarement de ceux qui les ont imités et suivis. Les Arabes étaient alors juste un petit groupe de gens persécutés, illettrés et non pas des gens savants, cultivés, avancés pour être suivis. Au contraire des peuples d'Iran (de Perse), de Rome et d'Inde...

Ainsi, les gens évoqués par le verset ne sont autres que les idolâtres de Chine, d'Inde et d’Occident comme nous l'avons vu.

Sayyed Mohammed Hussein Tabatabaï, in Tafsîr al-Mîzân, vol.3 pp351-353 §6

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