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DISCUSSIONS CORANIQUES

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DISCUSSIONS CORANIQUES


ESSAI POUR UNE COMREHENSION MODERNE DU CORAN PAR LE CORAN, COMPRENANT DES APPROCHES SOCIALES ET SCIENTIFIQUES AINSI QUE DES ETUDES DE RELIGIONS COMPAREES

 

PRESENTE PAR LE DR. ABOLFAZL KHOSHMANESH DR. ES SCIENCES CORANIQUES ET TRADITIONS                                                              ISLAMIQUES

 


INTRODUCTION

 

يا  أيّها الناس قد جاءتكم موعظة من ربّكم و شفاء لما في الصدور و هدىً و رحمة للمؤمنين قل بفضل الله و برحمته فبذلك فليفرحوا هو خير ممّا يجمعون (يونس/57-58)

 

Louange à Allâh qui fit descendre le Saint Coran sur nous et les meilleures salutations sur le dernier et le sceau des messagers d’Allâh, Mohammad ibn Abdullâh (pslf), par qui le Saint Coran a été mis à notre disposition. Salutations sur les gens de sa Famille dont l’amour et l’obéissance ont été déclarés comme étant la seule récompense demandée pour la mission prophétique, selon les propos précis du Saint Coran.

Depuis les premiers jours de sa descente jusqu’à aujourd’hui, le Coran fut l’objet d’une grande attention ainsi que de divers débats et discussions.

Ces discussions ne peuvent pas prendre fin car chaque époque a ses propres caractéristiques ainsi que sa propre vision portée sur le Coran. Il appartient à chaque génération d’en tirer l’assignation appropriée.

Il est évident que nous ne sommes pas autorisés à prononcer des propos banals à l’endroit d’une source aussi fondamentale que l’est le Saint Coran. Les instructions nécessaires à la compréhension d’une source comme le Coran lui sont intrinsèques et en constituent l’unique chemin qui nous est montré par le coran lui-même afin d’arriver à cette compréhension appelée : at-tadabbur, comme nous le pouvons le voir dans cette interrogation coranique frappante qui blâme :

 

 أفلا يتدبّرون القرأن أم على قلوبٍ أقفالها (محمّد/24 )

(« Ne méditent-ils pas le coran ? Ou bien y a-t-il des verrous sur leurs cœurs ? »)

Dans ce verset le Coran nous enjoint de chercher à comprendre le coran par le Coran même.

Quant aux hadiths qui nous sont parvenus sous forme de récit oral ou écrit et qui sont les propos prononcés directement par l’un des Imams infaillibles (pse), successeurs légitimes du sceau des prophètes (pslf), nous avons le devoir de les confronter à « la source fondamentale », c'est-à-dire au Saint Coran, de façon à accepter tout ce qui convient au Saint Coran et à rejeter tout ce qui n’est pas en plein accord et en totale harmonie avec lui. Ceci selon un ordre venant de l’un des « deux poids » c'est-à-dire d’Ahl ul-Bayt ; la Sainte Famille du Noble Prophète (pslf), que celui-ci a présentée comme étant l’égale du Coran, dans le hadith de Thaqalayn, un hadith réputé et repris dans les sources les plus anciennes et les plus fondamentales du chiisme aussi bien que du sunnisme :

 

 إنّي تارك فيكم الثقلين كتاب الله و عترتي ما إن تمسّكتم بهما لن تضلوا بعدي أبداً

(« Je laisse parmi vous deux poids ; le livre de Dieu et ma famille : tant que vous vous y accrocherez vous ne vous égarerez jamais après moi »).

Il est à noter que le Coran reste l’unique document islamique officiel dont l’authenticité est irrécusable. Il est la preuve confirmant la prophétie de Mohammad (pslf) et constitue son défi (التحدّي) lancé officiellement au monde et à toutes les générations. Quant au hadith, celui-ci est subordonné au Coran qui le valide et l’authentifie. Le hadith est donc au service du Coran sans prévaloir sur lui. En procédant de cette manière, le hadith validé et authentifié trouve sa noble place dans la foi islamique.

Le hadith intervient dans de nombreux cas tels que le commentaire des versets coraniques, afin d’en élucider le sens ambiguë, d’en fixer les implications sur les décrets de la Charia (furū’ul ahkām), d’informer sur le passé et le futur, etc.

 

La langue du Coran

Pour être à mesure de bien exploiter le Saint Coran, nous avons besoin de connaître les caractéristiques de la langue par laquelle il fut révélé.

Le terme القرآن signifie la lecture par excellence. La majeure partie des aspects et des fonctions du Saint Coran reposent sur cette base : la lecture.

L’un de célèbres commandements coraniques inaugurant l’appel islamique universel est اقرأ (Lis). Et l’un des trois devoirs constituant la mission du dernier Messager d’Allâh (pslf) est de lire le Coran :

 

هو الذي بعث في الأمّيّين رسولا منهم يتلو عليهم آياته و يزكّيهم و يعلمهم الكتاب و الحكمة وان كانوا من قبل لفي ضلال مبين(جمعه/2)

(« C’est Lui qui a envoyé parmi ceux qui ne savaient ni lire ni écrire un prophète de parmi eux, leur réciter Ses versets, les purifier et leur enseigner le Livre et la sagesse, bien qu’auparavant ils étaient dans un égarement flagrant »).                                                                 

 

Le dernier messager a résumé ces devoirs en deux éléments fondateurs : soit la lecture du Coran et l’adoration d’Allâh.

 

انّما أمرت أن أعبد ربّ هذه البلدة الذي حرمها و له كلّ شئ و أمرت أن أكون من المسلمين و أن أتلوا القرآن(نمل/ 91 و 92).

(« J’ai reçu l’ordre d’adorer le Seigneur de cette ville qu’Il a sanctifiée, et tout Lui appartient. J’ai reçu l’ordre de faire partie des musulmans. Et de réciter le Coran… »).                                                                                           

 

Mis à part le devoir de lire le Coran en public, il fut également chargé de le lire en privé, lorsqu’il se trouvait seul afin de mieux s’apprêter à recevoir « la parole pesante » de la révélation coranique, et ainsi à mieux pouvoir  accomplir sa mission prophétique :

 

يا أيّها المزّمّل قم اليل إلّا قليلا نصفه أو انقص منه قليلاًً أو  زد عليه و رتّل القرآن ترتيلا إنّا سنلقي عليك قولا ثـقيلا (مزّمّل/ 1-5).

(« Ô toi, qui es enveloppé d’un manteau ! Tiens-toi débout, la nuit, en prière. La moitié de la nuit, ou un peu moins ou davantage, et récite continuellement le Coran, Nous allons te lancer une parole de grand poids… »).             
C’est grâce à cette parole et à cette lecture que la foi augmente :

 

انّماالمؤمنون الذين اذا ذكر الله وجلت قلوبهم و اذا تليت عليهم آياته زادتهم ايمانا و على ربّهم يتوكلون ... اولئك هم المؤمنون حقا لهم درجات عند ربّهم و مغفرة و رزق كريم (انفال/2 و4).

(« Les croyants sont ceux dont les cœurs sont remplis de crainte à la mention d’Allâh et dont la croyance augmente à la récitation de Ses versets. Ils s’en remettent à leur Seigneur… Voilà les croyants véritables. Des degrés leurs sont réservés auprès de leur Seigneur, un pardon et un généreux don »).

 

L’essentiel de la lecture du Coran

La lecture du Coran est faite dans la langue originale de la révélation. Allâh appela cette langue mubine, c'est-à-dire la langue « qui exprime » toutes les langues, tandis qu’elle n’est exprimée par aucune langue, selon le hadith parvenu de l’Imam Sâdeq (psl) يُبينُ الألسنَ و لا تُبينُهُ الألسنُ[1] :

Dès lors, une question principale se pose :

Pourquoi la langue originale du Coran possède cette capacité  alors que les autres langues en sont dépourvues ?

La réponse est claire : le Coran est l’expression directe de Celui qui a fait parler toute chose :

 الذي أنطق كلّ شئ (فصّلت/21)

 

Mais aussi de Celui qui a créé l’homme, lui a enseigné le Coran et l’art de s’exprimer :                                     

 ألرحمن علًًم القرآن خلق الإنسان علمهًَُُ البيان(الرحمن/1-4)

(« Le Miséricordieux. Il a enseigné le Coran. Il a crée l’homme. Il lui a appris à s’exprimer »).

                         

                     La langue du Coran et la nature humaine

Ce n’est pas par hasard si l’on trouve ainsi enchaînée dans le verset susmentionné la succession des trois actions que sont l’enseignement du Coran, la création de l’homme et son apprentissage : ces trois actions suivent un seul plan. Le Coran, dans sa langue originale, est en pleine harmonie avec la nature et les caractéristiques humaines. La langue, ce système complexe, comme le linguiste Noam Chomsky l’a bien expliqué dans ses recherches[2], est constituée de plusieurs éléments tant phoniques que sémantiques et a toutes ses racines dans la nature humaine. Le Saint Coran est une « langue » directement révélée par Celui qui a crée l’homme, lui a appris à parler et à s’exprimer. C’est une langue complète et pure qui s’adresse directement aux natures pures. Cette langue est le moule, le récipient ainsi que l’habit de l’expression d’Allâh, elle est la langue du dernier Messager d’Allâh (pslf) et de son peuple ; car les messagers ne sont envoyés qu’avec la langue de leur peuple afin de leur exposer aisément le message d’Allâh. Le Coran précise que tous les hommes constituent la communauté de Mohammad. On trouve ces deux points clairement exposés dans les deux versets suivants :

 

و ما أرسلنا من رسوُل الا بلسان قومه ليبيّن لهم (ابراهيم/4)

(« Nous n’avons envoyé de prophète qu’avec la langue de son peuple afin qu’il leur explique d’une façon claire… »).

 

قل يا أيّها الناس انّي رسول الله اليكم جميعا الذي له ملك السموات والأرض لا اله الّا هو يحيي و يميت فآمنوا بالله و رسوله النبيّ الأمّيّ الذي يؤمن بالله و كلماته واتبعوه لعلكم تهتدون(اعراف/158)

(« Dis : « Hommes, je suis pour vous tous le prophète de Dieu. A Lui est le règne des cieux et de la terre. Nul n’est dieu que Lui. Il fait vivre et Il fait mourir. Croyez en Dieu et en Son envoyé, le Prophète qui ne savait ni lire ni écrire, qui croit en Dieu et en Ses paroles. Suivez-le, peut-être serez-vous guidés »).

D’autre part, le Saint Coran est une « langue » :

 

 و هذا لسان عربي مبين (نحل 103)

(« …celle-ci est la langue arabe claire »).

Dépouiller le Coran de sa langue, c’est le dépouiller de son essence et de son constituant essentiel.

Un point important à ne pas négliger est qu’en parlant de la langue du saint Coran, on ne doit pas faire allusion à la langue arabe. La langue originale du Coran est celle qui a « arabisé l’arabe ». L’arabe contemporain doit son existence au Saint Coran et non l’inverse. C’est le Coran, cette base solide, ce texte riche, qui a enrichi cette langue de règles précises, d’une grammaire stable à travers l’histoire qui et empêché sa division et sa transformation progressive en des dizaines de dialectes, chacun étant soumis aux différentes   évolutions et aux multiples évènements humains, sociaux, historiques, linguistiques, etc. C’est le cas aujourd’hui de certains dialectes arabes qui ne sont pas ou très peu compris par les arabophones n’ayant pas vécu dans leurs aires géographiques respectives.

Pour mieux éclaircir ce problème nous donnons un exemple :

On peut trouver aujourd’hui des immigrants arabes provenant de divers pays arabes cohabitant dans un pays d’accueil. Un bon nombre d’entre eux sont incapables de communiquer avec les arabes originaires des pays autres que les leurs et ils sont parfois obligés d’utiliser la langue nationale du pays d’accueil tel que le français, l’anglais ou autre afin de mieux communiquer.                                         

 

Qu’est-ce que c’est que la langue du Coran ?

Lorsque nous parlons de la langue du Coran, nous envisageons l’ensemble de ses 6236 versets, liés les uns aux autres par l’unité du Livre divin qui les englobe, cette unité étant le portail qui s’ouvre sur eux et ce qui porte les effets et les fonctions du Coran. La Sourate Al-Nisā‘ mentionne cette unité englobante de la langue du Coran :

 

افلا يتدبّرون القرآن و لو كان من عند غيرالله لوجدوا فيه اختلافا كثيرا – (نساء/82 )

En bref, nous parlons d’une langue qui a toutes les qualités et capacités lui permettant d’ « exprimer toutes choses » :

 

و نزّلنا عليك الكتاب تبيانا لكلّ شيء و هدىً و رحمة و بشرى للمسلمين- (نحل/ 89)
L’étude des effets, des fonctions ainsi que des caractéristiques de la langue du Coran ne peut pas se réaliser dans le cadre d’une introduction aussi sommaire que celle-ci. Cela exige sans aucun doute la rédaction d’un livre indépendant dont nous ne négligerons pas l’opportunité si elle se présente.
Notre méthode

Le saint Coran étant un exposé clair venant de la part du Créateur des langues et de l’expression, de l’Instructeur des êtres - dont l’homme ; il n’a point besoin d’un « commentaire » ou d’une « exégèse ». Il suffit de montrer les modes de relations existant entre les différentes parties du Coran (sourates, versets, mots) afin que chaque croyant puisse disposer de la capacité de découvrir les relations interdépendantes qui existent entre ces fragments et ainsi être amené à l’art du tadabbur, tel que nous l’avons indiqué. Cela est la méthode la plus correcte en même temps que la plus ancienne et la plus enracinée, car c’est la méthode adoptée par le prophète Mohammad (pslf) et suivie par les Imams successeurs (pse).

Nous ne voyons pas dans la traduction du Saint Coran un moyen adéquat et efficient permettant d’exprimer et de transmettre le contenu du message du Saint Coran. De ce fait, les phrases qui suivent normalement les versets coraniques ne constituent pas un équivalent en tant que tel. Celles-ci ne sont qu’une initiation au contenu ou un exposé libre des notions résidant au sein des versets. Lorsque nous donnons une citation en langue française avant un verset, ce verset ne sera alors pas suivi de l’exposé mentionné plus haut. Après chaque groupe de versets à étudier, on trouvera une « notion sommaire » se rapportant au contenu des versets. Enfin, celle-ci sera suivie par « l’exposé ». Nous prêterons aussi attention à la musique de la langue coranique elle-même et à la concordance existante entre le son et le sens, en tant que l’une des spécificités de la langue du Coran.

Le Saint Coran étant la dernière version de la Religion, envoyée de la part du Maître et Expéditeur de toutes les versions précédentes de la Religion, il est naturellement en étroite relation avec les Ecritures passées, par plusieurs de ses notions, surtout avec les Deux Testaments. Bien que les Deux Testaments aient été écrits après Moïse et Jésus (pse), nous croyons qu’une grande partie des notions qu’ils contiennent ont une origine prophétique tandis qu’une autre partie ne peut point être attribuée à Allâh ou un Prophète quel qu’il soit. Dans le but de mieux percevoir l’aspect mondial du message coranique, mais aussi en tenant compte de la présence éventuelle de chrétiens ou de musulmans ex-chrétiens parmi nos lecteurs, nous citerons dans nos débats certains versets bibliques qui sont en relations avec les versets coraniques dont nous aborderons l’étude.
Bien que tous les versets et sourates coraniques aient une seule source, chaque sourate a des spécificités qui lui sont propres et qui la distinguent des autres sourates. C’est bien sûr sur cet aspect que nous allons nous pencher avant d’aborder l’étude de chaque sourate. Il est évident que ces spécificités ne signifient pas qu’il existe une divergence ou une contradiction entre les versets ou les sourates. Nous pouvons par exemple assimiler le Coran à un jardin de fleurs : chaque fleur, malgré sa structure commune à toutes les autres fleurs, présente également des spécificités de couleur et de parfum qui lui sont propres et qui la différencie des autres fleurs.

 
بسم الله الرحمن الرحيم

قلْ أَعُوذ بِرَبِّ النَّاسِ (1) مَلِكِ النَّاس (2) اِلهِ  النَّاسِ(3)   مِن شَرِّ الوَسْوَاسِ الخَنَّاس(4) الذِي يُوَسْوسُ فِي صُدُورِ النَّاس (5) منَ الجِنَّّّة وَ النَّاس (6)

 

Spécificités

      Il s’agit de l’une de cinq sourates qui commencent par le terme: « قل » ; l’ordre d’Allâh adressé à Mohammad (pslf)[3]: « Dis ! ». La sourate est située juste après une autre sourate ayant le même commencement. Ces deux sourates forment un ensemble et sont nommées : / معوّذتين) Les deux qui font chercher refuge auprès d’Allâh).

      Elle est la seule sourate coranique dont tous les versets se terminent par un même mot : ناس . Ce dernier produit en fin de chaque verset le son « s » qui est l’une des lettres de chuchotement (من حروف الهمس) qui signalent et rappellent le silence ainsi que l’avertissement dans diverses langues. Ce son est en plus répété quelques fois dans le texte des versets mêmes ; il est employé 10 fois en tout dans cette sourate de 6 versets.

 

Notion Sommaire

    La sourate contient l’ordre d’Allâh donné à son dernier Messager Mohammad (pslf) de dire : Je cherche refuge auprès du Seigneur des hommes, le Roi des hommes, le Dieu des hommes, contre le mal du tentateur furtif, qui souffle dans les poitrines des hommes, que ce tentateur soit du nombre des djinns ou des humains.

 

Exposé

   Voici une préoccupation humaine de toujours : « Le refuge » ; un soucis né avec lui et qui l’accompagne le long de toute son histoire.

   L’homme a très bien senti dès son apparition sur la terre qu’il lui fallait un « refuge » ; un refuge contre les maux et répondant à ses besoins.

   L’homme a goûté l’amertume de ces deux facteurs irritants et effrayants : « le mal et le besoin », il a commencé sa vie sur la terre avec une descente forcée et par l’oubli de l’avertissement qui l’avait frappé, après avoir joui de toutes sortes de bienfaits. C’est l’histoire qui nous est donnée dans quelques sourates coraniques dont la sourate Tāhā :

 

فقلنا يا آدم إن هذا عدو لك و لزوجك فلا يخرجنكما من الجنة فتشقى انّ لك ألا تجوع فيها و لا تعرى و انك لاتظمؤا فيها و لا تضحى (طه/119-117)

« Alors Nous dîmes : Ô Adam !

Celui-ci (le Satan) est un ennemi pour toi et pour ton épouse.

Qu’il ne vous fasse pas sortir du jardin sinon tu seras malheureux.

Tu y jouis de la grâce de ne pas avoir faim.

Tu n’y aura pas non plus soif, ni ne souffriras des rayons du soleil montant ».

 

    Mais la tentation du Satan met fin à ces jouissances et voici une nouvelle ère qui commence sur la terre, dans la poussière, en attendant l’arrivée de la « guidance promise » :

 

قلنا اهبطوا منها جميعا فإما يأتينكم مني هدىً فمن تبع هداي فلا خوف عليهم و لا هم يحزنون (بقره/38)

« Nous dîmes : « Descendez d’ici, vous tous ! Toutes les fois que Je vous enverrai une guidance, ceux qui le suivront n’auront rien à craindre et ne seront point affligés ».

 

   L’homme connaît alors la descente et par conséquent les malheurs et les menaces.

   Au sein de la nature, il est touché par les besoins et environné par les dangers naturels, sans compter celui qui deviendra son ennemi de toujours ; un ennemi jurant par l’invincibilité grandiose et majestueuse (point crucial de sa querelle avec Allâh) de l’égarer !

 

قال فبعزّتك لأغوينّهم أجمعين(ص/82)

قال فبما أغويتني لأقعدنّ لهم صراطك المستقيم ثمّ لآتينّهم من بين أيديهم و عن خلفهم وعن أيمانهم و عن شمائلهم...(الأعراف/16-17).

   Ainsi, le sentiment du besoin d’un refuge, d’un appui ou d’un abri solide s’enracine dans le cœur de l’homme ; ce sentiment l’accompagne tout au long de son histoire et à chaque instant l’homme a cherché et choisi un refuge.

Plus cette vie devient complexe, plus ces menaces et ces dangers varient et apparaissent comme étant inconnus.

 C’est alors que le besoin d’un refuge qui soit solide et sûr se fait d’avantage sentir.

   Si il suit la guidance promise, l’homme s’oriente vers le vrai refuge, sinon il n’y aura pour lui que l’égarement et les malheurs - qu’il a d’ores et déjà goûtés au commencement. Il se tournera alors vers les faux refuges, les fausses réponses qui feront face à un vrai besoin. Comme par exemple ce fait qui était bien connu des les arabes de l’époque et que le Coran indique :

 

و أنّه كان رجال من الإنس يعوذون برجال من الجنّ فزادوهم رهقا(جن/6)

« Et il y avait parmi les humains des hommes qui cherchaient refuge auprès des djinns mâles, mais ceux-ci ne firent que les égarer encore plus ! ».

 

Ce fait persiste toujours en ces temps modernes et même sous des formes modernes ! On peut voir aujourd’hui des gens dépenser jusqu’à de grosses sommes d’argent pour avoir accès à des objets ou à des phénomènes illusoires qui entretiennent le leurre de permettre un accès au monde surnaturel, croyant ainsi trouver un refuge. L’homme est à la recherche ne fut-ce que d’une fuite minime hors de ce monde de la matière, fait de poussière, dont il sent très bien les défauts de par sa propre nature, comme il sent très bien qu’il ne peut constituer un domicile éternel. L’homme est en quête d’une fuite vers un monde invisible dont le besoin jaillit à chaque instant depuis son propre intérieur et jamais il ne pourra se débarrasser de la soif qu’il a de ce nouveau monde.
 La présente sourate parle à l’homme de ce souci majeur et ancien. Elle lui apprend à chercher refuge auprès de l’Être Suprême, qui est le Maître, le Roi et le Dieu des hommes.
  Il s’agit du refuge contre le mal auprès d’un Être rassemblant en Lui trois qualités, trois noms.

Mais pourquoi citer ces trois noms ?

L’homme dès sa naissance a tout d’abord besoin d’un رب /Maître qui se charge de tout ses besoins. Plus il croît, plus il connaît des besoins qui se rapportent aux notions de puissance et de souveraineté et enfin de sainteté et de divinité, sans que l’on puisse considérer pour autant l’existence d’une véritable séparation. Nous ne voulons pas dire ici qu’il s’agit pour l’homme de trois étapes distinctes et consécutives : de celle comportant le besoin d’un maître à celle du besoin d’une divinité.

   D’un autre point de vue on peut remarquer l’existence d’une division entre les humains : il s’agit du fait que certains hommes s’adressent à Allâh du fait de leurs propres besoins tandis que d’autres l’adorent à cause de Sa puissance et de Sa grandeur, ou plus précisément par crainte, et enfin d’autres qui Le cherchent pour Sa sainteté, Sa perfection et toutes Ses qualités.

    Allâh est Celui que l’on atteint en même temps par chacune de ces voies.

On peut également analyser le souci ancestral de l’humain qu’est « le refuge » à l’aide d’une autre façon de voir qui est très proche de cette dernière :

   L’homme, de nature, lorsqu’il est confronté à un mal ou un danger effrayant, cherche un refuge auprès d’une force capable d’éliminer le danger en question. Celui que l’homme juge apte à le protéger, sera soit un maître qui veille à ses affaires, auquel l’homme se réfère pour ses besoins, et qui constitue une source parfaite et indépendante à laquelle il peut recourir, soit un être puissant et fort qui peut le protéger et le défendre, et qui constitue également une source parfaite et indépendante à laquelle il peut recourir, soit un être suprême, une divinité auprès de laquelle il se réfugie corps et âme, constituant toujours une source parfaite et indépendante à laquelle il peut recourir.  Allâh est le Seigneur des hommes, le Roi des hommes ainsi que le Dieu des hommes. De même qu’Il a réuni ses trois noms dans le verset :

 

ذلكم الله ربكم له الملك لا إله إلا هو فأنّى تصرفون (زمر/6)

« Tel est Allâh, votre Seigneur ! A Lui appartient toute la Royauté. Point de divinité à part Lui. Comment pouvez-vous vous détourner de son culte ? ».

 

Nous remarquons qu’Allâh a révélé dans cette sourate les trois noms de : Seigneur, Roi et Dieu.

Dans l’ordre, on peut observer que le Seigneur est celui qui est le plus proche de l’homme, partageant avec lui une amitié et une intimité particulières. Le Roi est pour sa part moins accessible mais doué d’une domination plus efficace, effective et manifeste. Dieu enfin est Celui que l’homme cherche, dans un élan de pureté, et avec une intention pure, et non pas du fait son caractère matérialiste !

On peut remarquer certaines répétitions dans les phrases de cette sourate :

Le terme   ناسest répété à cinq reprises avec les trois termes de : رب, ملك, إله, constituant les compléments de noms : رَبِّ النَّاسِ  مَلِكِ النَّاسِ  إِلَهِ النَّاسِ

En principe dans de pareils cas, le pronom remplace le nom, de plus, dans l’expression ordinaire, on utilise une conjonction copulative qui lie les groupes de compléments. De cette manière, les trois compléments coraniques se diraient ainsi :

  « Seigneur des hommes, leur Roi et leur Dieu ».

 

Or nous trouvons :

 

رَبّّّ النَّاس  مَلِكِ النَّاس  إِلهِ النَّاس

 « Seigneur des hommes, Roi des hommes, Dieu des hommes ».

La cause d’un tel fait est que chacun des trois noms d’Allâh révélé dans cette sourate est cité indépendamment et exprime un caractère, une impression, un degré mais aussi une fonction indépendante[4].

 

 Les trois noms

Les trois noms d’Allâh que nous trouvons dans le Coran, surtout dans « la première sourate didactique du Coran - An-nās » ne figurent pas uniquement dans le Coran et leur citation et ne se limite pas à ce Livre.

Ces termes ou plutôt ces notions ont bien été cités dans d’autres livres célestes dont « les Deux Testaments ». Ainsi, nous trouvons le passage suivant - qui n’est pas le seul dans ce cas - dans les Psaumes :

« Que tes œuvres Te louent, Seigneur, et que Tes fidèles Te bénissent.

Qu’ils proclament la gloire de Ton règne et nous redisent Tes exploits.

Qu’ils fassent connaître aux hommes Ta vaillance, Ta gloire, et l’honneur de Ton règne. Si Tu règnes, Tu règnes pour tous les siècles. Ta souveraineté s’impose d’âge en âge :

Le Seigneur est fidèle en toutes Ses paroles. Il montre sa bonté en toutes Ses œuvres. Le Seigneur retient celui qui tombe, et redresse celui qu’on a courbé »[5].

Nous trouvons aussi dans le psaume 9, chapoté par la locution de « Dieu refuge des opprimés » ce qui suit :

« Voici que le Seigneur règne et c’est pour toujours, Son trône est là. Il va juger. Que le Seigneur soit à l’opprimé son refuge, son lieu fort dans les temps de détresse »[6].

 

Le mal dans la créature

 

Le refuge recherché l’est contre le mal du tentateur furtif, celui qui souffle dans les poitrines des hommes, qu’il soit du nombre des djinns ou des hommes.

Voici un rappel au sujet de ces maux incessants et de ces pollutions qui résonnent continuellement dans la poitrine de l’homme, la résidence de son cœur.

Les versets 5 et 6 expliquent et commentent le verset 4[7] :

 

من شرّ الوسواس الخنّاس الذي يوسوس في صدور النّاس من الجنّة والنّاس

Le mal n’est point créé par Allâh. Il est le bien absolu et de Lui ne vient que le bien. Dans Sa Création, à partir des relations entres les éléments qui la constituent, le bien et le mal apparaissent d’une manière relative. Certains faits et événements peuvent être bons pour certains et mauvais pour d’autres, en fonction de l’intention, du comportement et de la position que chacun aura vis à vis du fait ou l’événement en question. L’existence du tentateur et de ses tentations ne constituent pas un mal absolu. Si l’homme obéit au tentateur, il sera perdu et le mal pourra même découler de ses propres actes. S’il ne lui obéit pas, il aura gagné son combat, la tentation aura causé son gain et sa promotion, autrement dit : sa perfection.

Dieu n’a point créé le mal, et le mal ne vient jamais de Lui. La question de l’existence du bien et du mal ainsi que celle de leur source, constitue depuis des siècles d’ardents débats entre les philosophes qui, pour expliquer ces points ont mené de nombreuses et très longues discussions. La réponse préférable est que le monde de la matière est un lieu de frottements et de heurts mutuels. Par exemple, le vent souffle et la fleur qui s’y expose se brise et perd la vie. On ne peut ni séparer la fleur de sa nature    douce et délicate, ni le vent de sa nature mouvementée et offensive. La fleur peut être créée ou imaginée avec la solidité du bois de chauffage afin d’être d’une bonne résistance face au vent, mais elle ne sera alors plus fleur.

Voici le cas dominant dans la nature, mais dans la vie humaine, à laquelle cette sourate s’adresse, ce problème présente un aspect légèrement différent. Le problème du bien et du mal dans la vie humaine ainsi que de leur source ne s’explique pas aussi simplement que celui du frottement entre le vent et la fleur. Du point de vue coranique, cela est lié à la volonté de l’homme, à ses choix et à ses actes. Tel que nous pouvons le voir dans la sourate An nisā’ :

 

ما اصابك من حسنة فمن الله و ما أصابك من سيّئة فمن نفسك (النساء/79)

« Tout bien qui t’atteint vient d’Allâh et tout mal qui t’atteint vient de toi-même ».

 

و ما أصابكم من مصيبة فبما كسبت أيديكم و يعفوا عن كثير (الشورى /30)

« Tout malheur qui vous atteint est dû à ce que vos mains ont acquis. Et Allâh pardonne cependant beaucoup de vos péchés ».

 

Tous les bienfaits viennent de la part d’Allâh. C’est l’homme qui par ses propres choix les gaspille ou les transforme en mal et en malheur. Par exemple, si un père envoie son enfant dans un autre pays en lui fournissant tous les moyens nécessaires à ses études et au lieu de cela ce dernier consacre tous les moyens qui sont mis à sa disposition à ses débauches et à ses caprices ; ce ne sera certainement pas la faute du père. Pour mieux saisir ce point, nous verrons que trois « maux » ont été cités dans la sourate suivante Al falaq. Nous remarquerons comment ces faits et ces phénomènes sont par principe des bienfaits.

 

Généralité des notions coraniques

Dans les trois derniers versets de cette sourate et dans la notion de mal, il y a une grande généralité :

Allâh parle d’un tentateur qui souffle dans les poitrines des hommes, sans le déterminer ou le dénommer par des termes tels que « Diable », « Satan » ou « Démon », etc…

Puis à la fin, Allâh présente une autre généralité qui englobe davantage la question :

 

مِنَ الجنّة ِ وَ النَّاس

Il s’agit donc d’un tentateur qui peut être du nombre des djinns autant que de celui des hommes.

Donner une « généralité exhaustive » est l’une des grandes spécificités de l’énonciation coranique tant sur le plan de la méthode que de celui du genre.

Un connaisseur de cette énonciation spéciale sait bien la nécessité d’éviter de limiter cette exhaustivité apparente. Ainsi, ce que nous trouvons dans certains commentaires et/ou dictionnaires qui citent des termes comme : Diable, Satan, Démon en tant qu’équivalents au terme coranique qui nous intéresse, n’est pas pour autant conforme à l’intention du Coran. Il y a une sorte de double relation de généralité et de particularité entre le terme arabe et les équivalences proposées, comme nous le voyons maintenant :

  Le Diable, le Satan, le Démon peuvent être خنّاس mais pas l’inverse.

Le terme خنّاس vient de la racine خًُنس qui veut dire : disparaître.

خنّاس est un appel interne, une voix qui s’entend au fond de la poitrine, qui invite vers le mal, vers la pollution, mais dès qu’il y a un rappel et une prise de conscience de la négligence qui rend le cœur vulnérable : cette voix se tait et l’appel disparaît.

Dès lors que la négligence reprend le dessus, la tentation recommence.  Le verbe يوسوس est au présent, indiquant la permanence de cet affrontement, de cette bataille entre les forces du bien et celles du mal.

Par là, le devoir du fidèle qui perçoit ce souffle est de chasser la tentation en se rappelant Allâh. Comme Il nous l’ordonne :

 

 فَاذكُرُونِي أَذكُركُمْ(البقره/152)

« Souvenez-vous de Moi, afin que Je Me souvienne de vous ».

 

De plus, Allâh nous dote encore d’une autre arme pour ce combat perpétuel :

 

إنّ الذِينَ اتقَوا إِذَا مَسَّهُمْ طائِفٌ منَ الشَّيْطانِ تَذَكَّّرُوا فَإِذَا هُم مُبْصِرُون (الاعراف/201)

« Ceux qui ont pratiqué « taqu’a » lorsqu’une illusion du Satan tournant autour d’eux les touche, ils se souviennent d’Allâh et les voilà devenus clairvoyants ! ».[8]

 

   A partir de la fin du Coran, la première sourate qui contient la notion de التقوي est la sourate « Iqra’ ». C’est au chapitre de cette sourate que nous détaillerons le commentaire de التقوي .

 

La poitrine de l’homme

La poitrine est le siège du cœur, le centre de la conscience humaine, qui fait que l’homme est Homme. Ce centre est un objet auquel Allâh accorde une grande importance dans le Coran.

 

Nous trouvons la poitrine comme siège du cœur dans certains versets dont le verset suivant :

 

أفلم يسيروا في الأرض فتكون لهم قلوبٌ يعقلون بها أو آذان يسمعون بها فإنّها لا تعمى الأبصار و لكن تعمى القلوب التي في الصدور (الحج/46)

« N’ont-ils pas parcouru la terre afin d’avoir des cœurs pour comprendre, ou des oreilles pour entendre. Ce ne sont pas les yeux qui deviennent aveugles mais les cœurs qui sont dans les poitrines ».

Le cœur physique n’est pas le siège physique ou charnel de l’âme humaine, mais il a un lien significatif avec l’âme et la conscience humaine selon plusieurs versets coraniques tel que celui cité ci-dessus. Nous reportons les détails de ce point à plus tard, lors de l’étude des versets concernés.

 

La valeur de «قل »

Ce que l’on constate avant tout avec le terme «قل», c’est le fait qu’il atteste de la haute position et du rang élevé du Prophète (pslf) qui mérite en premier lieu d’être l’interlocuteur de la révélation d’Allâh. C’est grâce à ce Prophète que le Coran est descendu et qu’il est devenu disponible pour l’humanité.

De la même façon, la révélation entière débute par un verbe impératif, adressé à Mohammad seul (pslf) et à nulle autre : اقرأ.

Comme nous l’avons dit, la sourate An-nās fait partie de la catégorie des sourates débutant par le verbe «قل».

Etant un verbe à l’impératif, «قل » marque l’ordre divin adressé au  messager pour accomplir une mission claire. C’est donc une déclaration adressée au monde qui nous enjoint de chercher refuge et protection en Allâh. Il s’agit d’une pratique réelle et efficiente qui marque autant l’individu que la société. Il ne s’agit donc pas d’une simple intention du fond du cœur, d’un chuchotement ou même d’un appel clandestin !

 

 


1- Kulaïni Mohammad ibn i Ya’ghoube, Al Osūl min al Kāfi, tome 1, p.

[2] Voir : Centre Royaumont pour Une science de l’Homme ; Théories de langage, Théories de l’apprentissage, Le débat entre  Jean Piaget et Noam Chomsky, Organisé et recueilli par Piatelli-Palmarini ; p. 47, 199 , 209.

[3] Que les bénédictions d’Allâh soit sur lui ainsi que sur sa Famille.

4. Voir Tabātbāï, Al mizan, tome 20, pp. 396-397.

5. Médiaspaul, La Bible des communautés chrétiennes, Kinshasa-R.D.Congo,  1995, p. 1121 Psaume 145.

[6] Ibid. p. 1017

[7] Méthodologiquement, cela est un cas qui figure à de nombreuses reprises dans les versets du Saint Coran ; ainsi, lorsque l’on cherche la signification exacte d’un verset, il faut parfois bien lire les versets qui le commentent et qui le suivent ou se trouvent dans son voisinage.

[8] Le terme التقوي est l’un des mots-clés du Saint Coran. La plupart des traducteurs et des commentateurs du Coran ont traduit ce terme par des notions telles que craindre ou avoir de la piété. Or pour ces dernières notions il y a des équivalents précis dans le Coran et il n’est pas nécessaire qu’Allâh y consacre en plus le terme de التقوي.

Nous dirons en bref que ce terme vient de la racine de الو قايه dont l’infinitif signifie : préservation, sauvegarde.  On emploie parfois ce terme comme équivalent du bouclier qui accomplit la tâche de préserver, de protéger ou de sauvegarder.

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