Le Khoms A La Lumière De La Sunnah
Quelle est la position de la Sunnah sur cette législation (khoms) et sur ses différentes dimensions et quelle est sa position vis-à-vis des problèmes linguistiques soulevés à cet égard?
On sait que la Sunnah est de deux sortes. La première est celle adoptée par l'école jurisprudentielle d'Ahl-ul-Bayt (Chiite imâmite duodécimain), et la seconde, celle qui est accréditée par les autres Ecoles jurisprudentielles. Il convient donc, pour la clarté de l'exposé, d'étudier le Khoms à la lumière des deux versions de la Sunnah d'une façon séparée.
La Sunnah dans l'Ecole d'Ahl-ul-Bayt
Nous présentons ci-après les textes de la Sunnah ayant trait aux sujets suivants:
A- L'importance du Khoms
Les textes qui suivent affirment que le khoms est une législation islamique originelle et soulignent son importance et le fait qu'il est lié aux Gens de la Maison du Message (Ahl-ul-Bayt: La Famille et les descendants du Prophète):
1- Selon Abou Baçîr, l'Imam al-Sadeq 1 dit: "Allah - il n'y a de Dieu que Lui - lorsqu'IL nous a interdit ( à nous les Ahl-ul-Bayt) de bénéficier de l'aumône, IL nous a réservé le Khoms. Donc l'aumône nous étant interdit, le Khoms nous revient obligatoirement..."2
2- Zirârah, Mohammad Ibn Muslim et Abou Baçîr, rapportent que lorsqu'ils ont demandé à l'Imam al-Sadeq (Que la Paix soit sur lui ):
"Quel est le droit de l'Imam sur les biens des gens?", il a répondu: "Le fî' "3, les "anfâl"4 et le Khoms. Tout revenu constitué de fî', d'anfâl, de Khoms ou de ghanîmah, son cinquième revient à l'Imam, car Allah dit: " Sachez que de tout ce que vous acquérez, le cinquième appartient à Allah, à Son Prophète et à ses proches parents, aux orphelins et aux indigents". De plus, tout ce qu'il y a dans ce monde lui revient".5
3- Omrân ibn Mûsâ rapporte dans le hadith authentique suivant: "Lorsque je lus devant l'Imam Moussa al-Qazem6 le Verset du Khoms, il me dit: "Ce qui appartient à Allah revient à Son Messager, et ce qui appartient au Messager est à nous, et d'ajouter: "Par Allah, il n'est pas difficile pour les croyants de réserver à Allah un dirham sur chaque cinq dirhams Qu'IL leur accorde, et d'en dépenser légalement les quatre dirhams restant".7
4- Sidr rapporte le propos suivant de l'Imam Mohammad al-Bâqir (le 5ème Imam): "... Le Khoms nous est prescrit dans le Livre d'Allah. Qu'ils le nient en disant qu'Allah ne l'a pas prescrit (pour nous les Ahl-ul-Bayt) ou qu'ils omettent de s'y conformer, cela revient au même"8
B- Les champs d'application du Khoms
Ces textes confèrent au Khoms une portée très large comprenant tout ce qu'obtient l'homme en revenus et en profits. Mais on remarque que dans lesdits textes six domaines sont fréquemment cités, car ils constituaient les activités économiques principales et posaient des problèmes pratiques à l'époque de la Révélation. Le septième domaine couvre toutes les autres sortes de revenus. Les six domaines fréquemment cités sont: les butins de guerre, les minerais, les Trésors, les richesses retirées de la mer par les plongeurs, la terre transférée d'un Musulman vers un Protégé (thimmî)9, et le bien licite mélangé avec un bien illicite.
On peut classer les textes qui définissent les dimensions législatives des domaines précités dans plusieurs catégories. Les uns mentionnent chacun de ces domaines séparément, d'autres parlent de plusieurs domaines à la fois, et d'autres encore font ressortir que le Khoms englobe tous les revenus et profits en général.
Étant donné que ces textes sont trop nombreux pour être cités tous ici, nous nous contentons d'en exposer quelques-uns seulement comme exemples, et nous renvoyons le lecteur et le chercheur désireux de connaître l'ensemble de ces textes à "Al-Wasâ'il", Tome VI et "Jâmi` Ahâdîth al-Chî`ah", Tome VIII.
1-Somâ`ah rapporte dans le hadith (accrédité:"mowath-thaq") suivant: «J'ai demandé à Abou-l-Hassan (l'Imam Ali) ce qu'est le Khoms. Il m'a répondu: "Tout ce dont les gens tirent bénéfice, que ce soit peu ou beaucoup"»10.
2- Mohammad Ibn al-Hassan al-Acha`rî rapporte dans la correspondance suivante avec l'Imam al-Jawâd11: «L'un de nos adeptes avait écrit à Abî Ja`far al-Thânî: "Informe-moi à propos du Khoms: Est-ce qu'il est prélevé sur tout ce dont bénéfice l'homme - peu ou beaucoup -, sur toutes les sortes de bénéfice, y compris le bénéfice de l'artisan? De quelle façon le Khoms doit-il être prélevé?" Il lui a répondu (en écrivant la réponse de sa propre main): "On doit prélever le Khoms sur le bénéfice après déduction des dépenses"»12.
3- Abou Ali al-Hassan Ibn Râchid rapporte qu'il a écrit à l'Imam (Que la Paix soit sur lui): «Tu m'as ordonné de suivre tes instructions et de prélever ce qui te revient de droit. J'ai communiqué tes instructions à tes partisans dont certains m'ont demandé: "Et quel est son droit?", ce à quoi je ne savais pas répondre. Il m'a dit: "Ils doivent payer le Khoms". J'ai demandé: "Sur quoi?". Il a dit alors: "Sur leurs biens mobiliers et immobiliers". J'ai demandé encore: "Est-ce que le commerçant et l'artisan doivent payer eux aussi le Khoms?". "S'ils le peuvent, après avoir déduit les dépenses nécessaires"»13.
4- Ammâr Ibn Marwân rapporte: «J'ai entendu Abu Abdullâh (l'Imam al-Sadeq) dire: "Il faut prélever le Khoms sur ce qu'on extrait de la mer, sur les butins de guerre, sur le bien légal mélangé avec un bien illégal dont on ne connaît pas le propriétaire, et sur les trésors"»14.
C- La Définition de la "Ghanîmah"
Les textes suivants expliquent que le mot "ghanîmah" figurant dans le verset de Khoms désigne son sens linguistique général, et affirment que le sens linguistique englobe le concept légal de ce terme, lequel est employé comme synonyme de "profit"et "bénéfice". Ainsi:
1) Hakîm al-Mo'ath-thin rapporte que lorsqu'il eut demandé à l'Imam al-Sadeq ce que signifie la Parole d'Allah "Et sachez que de tout ce que vous gagnez...", l'Imam lui a répondu: "Par Allah, c'est ce qu'on gagne chaque jour"15.
2) Alî Ibn Mahziyâr rapporte qu'après un long exposé, l'Imam al-Jawâd (Que la Paix soit sur lui) a dit: «... Quant aux ghanîmah (gains) et bénéfices, le prélèvement de leur Khoms est obligatoire pour les Musulmans chaque année, car Allah le Très-Haut dit: "Sachez que de tout ce que vous obtenez, le Khoms en revient à Allah...". Ainsi, les ghanîmah et les bénéfices - Qu'Allah te couvre par Sa Miséricorde - sont ce qu'on gagne et ce qu'on obtient.»16
3) Selon `Abdullâh Ibn Sanân, l'Imam al-Sadeq dit: "Toute personne ayant réalisé un gain ou effectué un travail rémunéré doit en acquitter le Khoms"17.
D- La position des Imams d'Ahl-ul-Bayt vis-à-vis de celui qui omet d'acquitter le Khoms
Les textes exposés ci-après condamnent sévèrement et avec véhémence ceux qui transgressent les droits des Gens de la Maison du Message (Ahl-ul-Bayt) - dont le Khoms. Ils les maudissent et les considèrent comme maudits par tous les prophètes. Ils considèrent qu'une telle transgression constitue le chemin le plus court qui conduit à l'Enfer. Ils expliquent que quiconque refuse de s'acquitter de l'obligation du Khoms, se trouve dans une situation très difficile le Jour du Jugement. Ils montrent que lorsque d'aucuns demandaient à l'Imam de les exempter de cet impôt, il refusait catégoriquement d'accéder à leur requête et réitérait son refus. Il y a même un texte qui considère le non-acquittement du Khoms entraîne (comme "sanction divine") la propagation du phénomène de l'adultère. Voici quelques-uns de ces textes:
1- Iss'haq Ibn Yaaqoub a rapporté textuellement une lettre portant la signature de l'Imam al-Mahdi (Qu'Allah hâte son apparition) et précisant, entre-autre: "Quant à ceux qui adoptent une position équivoque vis-à-vis des biens qui nous reviennent, et qui s'en approprient une partie, ils agissent comme s'ils avalaient des flammes..."18.
2- Dans une lettre envoyée par l'Imam al-Mahdi, en réponse à des questions posées par Mohammad Ibn Jaafar al-Asadi, on peut lire ce qui suit: «Quant à ta question relative à une personne qui a entre ses mains des biens nous appartenant et qui en dispose sans notre permission à sa guise, comme si c'étaient ses biens, elle est maudite et nous sommes (nous les Ahl-ul-Bayt) ses adversaires, car le Saint Prophète a dit: "Quiconque s'approprie un bien de ma descendance qui lui est interdit par Allah, il est maudit par moi et par tout Prophète. Celui qui viole notre propriété sera au nombre de ceux qui se rendent injustes envers nous, et la malédiction d'Allah tombera sur lui, comme l'a annoncé le Très-Haut dans Son Livre: ﴾La malédiction d'Allah tombera sur les injustes﴿19
3- Selon Abou Ali al-Asadi, son père avait reçu la lettre suivante de l'Imam Mahdi (Qu'Allah hâte son apparition) avec sa signature: "Au Nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux: Que la malédiction d'Allah, des Anges et de tous les hommes tombe sur quiconque s'approprie illégalement un dirham de ce qui nous revient"20.
4- Abou Baçîr rapporte: "J'ai demandé à Abi Jaafar (Que la Paix soit sur lui) (l'Imam al-Bâqir, le 5ème Imam d'Ahl-ul-Bayt): Quel est le chemin le plus court qui mène à l'Enfer? Il répondit: C'est lorsqu'on mange même un seul dirham appartenant à l'orphelin. Or c'est nous (les Ahl-ul-Bayt) qui sommes désignés sous ce vocable (orphelin) employé dans le Noble Coran"21.
5- Mohammad Ibn Zayd rapporte le récit suivant: «Des gens étaient venus de Khorasan voir l'Imam al-Reda (le 8ème Imam). Ils lui demandèrent de les exonérer du Khoms. L'Imam répondit: Quelle fourberie! Vos langues ne cessent d'exprimer votre affection pour nous, alors que vous essayer de nous détourner un droit, le Khoms, qu'Allah nous a réservé et auquel IL nous a destiné. Non, non, non! Nous ne le légalisons à aucun d'entre vous"».22
6- Dharîs al-Kanâsî rapporte cet extrait de la discussion qu'il eut avec l'Imam al-Sadeq: «Abou Abdullâh al-Sadeq m'a interrogé: "sais-tu comment l'adultère a-t-elle frayé son chemin vers les gens?". J'ai répondu: "Non, je ne sais pas!". Il m'a dit: "C'est par le refus de nous payer notre Khoms, à nous les Ahl-ul-Bayt"»23 .
Il y a aussi des textes qui affirment qu'il est illégal de disposer d'un bien (personnel) imposable, avant d'en avoir payé le Khoms:
1- Selon Iss'haq Ibn Ammâr, il a entendu l'Imam al-Sadeq déclarer: «Un serviteur qui achète quelque chose avec un fonds dont il n'a pas encore prélevé le Khoms, ne sera pas pardonné lorsqu'il implora le pardon d'Allah: "O Seigneur, j'ai acheté avec mon bien personnel, avant d'avoir obtenu préalablement la permission des ayants-droit du Khoms".»24
2- Selon Abou Baçîr, l'Imam al-Sadeq a dit: "... Et personne n'a le droit d'acheter quelque chose avec l'argent qu'il a gagné avant de nous avoir fait parvenir notre droit (le Khoms)"25.
3- Toujours selon Abou Baçîr, il a entendu l'Imam al-Bâqir affirmer: "Quiconque fait un achat avec de l'argent dont le Khoms n'a pas été prélevé, aura acheté un bien qui lui est illicite"26.
* AL-QUAZOUINI, Sayed Hassan, La Législation du Khoms, Edition et traduction par : AL-BOSTANI, Abbas, Publication de la Cité du Savoir, Canada.
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1- L'Imam Ja'far Ibn Mohammad al-Câdiq (le Sixième Imam d'Ahl-ul-Bayt).
2- "Al-Wasâ'il" d'al-Hor al-`Âmilî 6/337.
3- Ce qui est pris sur les Infidèles après la fin de la guerre (ou sans combattre). Voir Sourate al-Hachr (59), versets 6-7: "Vous n'avez fourni ni chevaux, ni montures pour vous emparer du butin pris sur eux et qu'Allah destine à Son Prophète (...). Ce qu'Allah a octroyé à Son Prophète comme butin pris sur les habitants des cités appartient à Allah, à Son Prophète et à ses proches...".
4- Tout ce qui est pris sur l'ennemi sans combat et toute terre abandonnée par ses habitants sans combattre.
5- Al-Wasâ'l, 6/373.
6- Le septième Imam d'Ahl-ul-Bayt.
7- Id. Ibid, 6/338.
8- Al-Bihâr, 96/188.
9- Al-Wasâ'il.
10- "Al-Wasâ'il", 6/350
11- L'Imam Mohammad al-Jawâd (Abî Ja`far al-Thânî) est le 9ème Imam d'Ahl-lu-Bayt.
12- "Al-Wasâ'il" 6/348.
13- "Al-Wasâ'il", 6/348.
14- "Al-Wasâ'il", 6/344.
15- "Al-Wasâ'il", 6/350.
16- "Al-Wasâ'il", 6/350.
17- "Al-Wasâ'il", 6/351.
18- "Al-Wasâ'il", 6/383.
19- Sourate Hûd, 11:18; voir "Al-Wasâ'il", 6/376.
20- "Al-Wasâ'il", 6/377.
21- "Al-Wasâ'il", 6/337.
22- "Al-Wasâ'il", 6/376.
23- "Al-Wasâ'il", 6/379.
24- "Al-Wasâ'il", 6/378.
25- "Al-Wasâ'il", 6/339.
26- -Wasâ'il 6/339.