Ascetisme Et Monachisme
La relation qui lie la question du "couvrement" à la philosophie de l'ascétisme et du monachisme vient de ce que la femme étant le plus grand sujet de plaisir et de jouissance humains, homme et femme recherchent forcément plaisir et jouissance s'ils se fréquentent mutuellement. Pour accorder parfaitement l'environnement à la continence et à l'ascétisme, les partisans de la philosophie du monachisme et du renoncement au plaisir, agréant une limite entre homme et femme, ont institué le "couvrement", tout comme ils ont également combattu d'autres choses étant, comme la femme instigatrice de plaisir et de joie. Selon cette théorie, l'apparition du "couvrement" serait donc le prolongement et la conséquence de la conception du mariage comme une souillure et du célibat comme sacré.
De la même façon qu'elle a engendré, dans le domaine de la propriété, la philosophie de quête de la pauvreté et de renoncement à toutes les ressources matérielles, l'idée d'ascétisme et d'anachorétisme a suscité relativement à la femme la philosophie d'aspiration au célibat et d'hostilité à la beauté. Le port des cheveux longs, qui est d'usage chez les "Sikhs"*, les hindous et chez certains derviches, compte également parmi les symboles de l'hostilité à la beauté et de la lutte contre la sensualité, et parmi les fruits de la philosophie du rejet du plaisir et du penchant pour l'ascétisme.
Se couper et se raser les cheveux, disent-ils, fait accroître le désir sexuel, tandis que le fait de les laisser longs en cause la diminution.
Il n'est pas inopportun de citer là un passage de "Le mariage et la morale" de Bertrand Russell1 à ce sujet1:
"Au cours des premiers siècles du Christianisme en particulier, écrit-il, ce mode de pensée de Saint Paul fut entièrement divulgué par l'Eglise; le célibat contracta une odeur de sainteté, et innombrables furent ceux qui prirent le chemin du désert afin de terrasser le Diable, un diable qui peuplait à tout instant leur esprit d'imaginations érotiques. Simultanément, l'Eglise combattit le bain, sous prétexte que les courbes du corps conduisent l'homme vers le péché. L'Eglise ayant loué la crasse corporelle, l'odeur du corps revêtit un caractère de sainteté. Toujours selon Saint Paul, la propreté et la toilette du corps étaient incompatibles avec la pureté de l'esprit, aussi le pou fut-il reconnu comme la perle de Dieu..."
Ici se pose la question de savoir quelle est essentiellement la cause de la tendance humaine à l'ascétisme et au monachisme. Par nature, l'être humain doit rechercher le bonheur et le plaisir, et il doit donc y avoir une raison au fait d'y renoncer et de s'imposer la privation.
Comme nous le savons, le monachisme et l'hostilité au plaisir ont constitué un courant qui a existé en de nombreux endroits du monde. Parmi ses centres, il y eut l'Inde en Orient et la Grèce en Occident. L’école cynique, qui est une des écoles de la philosophie et avait cours en Grèce, a été adepte de la pauvreté et adversaire du plaisir matériel.
Une des causes de l'apparition de ce type de pensées et de croyances est la propension humaine à accéder à la Vérité. Cette disposition est chez certains individus d'une extraordinaire intensité, et si elle se joint à la conviction que c'est lorsque sont soumis le corps et les désirs physiques que la découverte de la vérité se produit pour l'esprit, elle aboutit naturellement à l'ascétisme et au monachisme.
En d'autres termes, l'idée selon laquelle l'accession à la Vérité n'est possible que par l'anéantissement et l'opposition au désir est la cause majeure de l'apparition de l'ascétisme et du monachisme.
Une autre cause du phénomène de l'ascétisme est le fait que soient mêlées aux plaisirs matériels certaines souffrances spirituelles. L'être humain a constaté qu'un certain nombre de souffrances morales côtoient toujours les plaisirs matériels.
Il a constaté par exemple que si la possession de richesse procure une série de plaisirs et de jouissances, son acquisition et sa garde comportent des milliers d'ennuis, d'inquiétudes et d'humiliations à subir. II a vu que ces plaisirs matériels lui font perdre sa liberté et sa magnanimité, et c'est ainsi que renonçant à tous ces plaisirs, il a pu faire profession de célibat et de grandeur d'âme. Il se peut que le premier facteur ait influé davantage sur l'ascétisme hindou, et le second facteur sur la quête de pauvreté du cynisme grec.
D'autres causes ont également été évoquées pour expliquer l'apparition de l'ascétisme et de la fuite du plaisir, parmi lesquelles le fait que la privation et l'échec dans les affaires séculières - en particulier l'échec en amour - entraînent l'intérêt pour l'ascétisme. A la suite de ce type d'échecs, l'esprit humain se venge des plaisirs matériels en les considérant comme impurs et en forgeant une philosophie pour justifier cette impureté. L'excès dans les plaisirs et les jouissances constitue un autre facteur de l'intérêt pour l'ascétisme.
La capacité physique de l'homme à jouir étant limitée, l'excès dans la quête de jouissance et le fait d'imposer au corps au-delà de sa capacité provoquent une réaction morale violente, en particulier à l'âge de la vieillesse, engendrant lassitude et désarroi.
S'il ne faut pas nier l'influence de ces deux dernières causes, elles ne constituent pourtant certainement pas la cause unique. Leur influence s'opère de la sorte: à la suite d'échecs, ou de fatigues et de lassitudes, s'éveille en l'esprit la pensée de quête de la Vérité.
L'intérêt pour les choses matérielle et le fait de s'absorber dans les pensées matérialistes constituent en soi un obstacle à ce que l'homme médite sur l'éternité, l'infinité et la Vérité perpétuelle, et réfléchisse à la question de savoir d'où il vient, où il est, où il va. Mais dés que l'échec ou la lassitude font apparaître en l'esprit un état de fuite et de détachement à l'égard des choses matérielles, se vivifie la pensée de l'Absolu, jusqu'alors entravée.
C'est toujours lorsqu'ils s'ajoutent au premier facteur que ces deux facteurs entraînent l'intérêt pour l'ascétisme. Et bien entendu, seuls certains des individus attirés vers l'ascétisme le sont sous l'influence de ces deux facteurs.
Voyons à présent si une telle argumentation et une telle justification pour le "couvrement" s'avèrent justes en ce qui concerne l'Islam et le mode de pensée qu'il a présenté au monde.
L'Islam a heureusement un mode de pensée et une vision du monde limpides; son opinion est claire au sujet de l'Homme, du monde, du plaisir, et il est aisé de savoir si une telle pensée existe ou non dans la vision islamique du monde.
Ainsi, nous ne nions pas que le monachisme et le renoncement au plaisir existent en certains endroits du monde, et que le "couvrement" de la femme puisse être éventuellement considéré comme Un de leurs fruits là où régna une telle pensée. Mais ni l'Islam n'a allégué nulle part une telle raison en assignant le "couvrement", ni une telle philosophie n'est conforme à l'esprit de l'Islam et à ses autres commandements.
L'Islam a sévèrement combattu dans le principe l'idée d'ascétisme et de monachisme, ce qu'admettent également les orientalistes européens. Au lieu de considérer le pou comme la perle de Dieu, l'Islam dit, encourageant la propreté: "La propreté relève de la foi."
Le Noble Prophète, voyant une personne aux cheveux hirsutes, aux vêtements souillés et qui semblait en fâcheux état, lui dit: "Jouir des bienfaits de Dieu relève de la Religion"2. Il dit aussi: "La pire des créatures est celle qui est sale et crasseuse"3, Amir al-Mo'menin*dit: "Dieu est Beau et Il aime la beauté"4.
Et l'Imam Sâdeq*: "Dieu est Beau et aime à ce que Sa créature s'embellisse, et Il est au contraire hostile a la pauvreté et à l'affectation de pauvreté. Si Dieu vous accorde quelque don, l'effet de ce don doit paraître dans votre existence." - "Comment doit paraître l'effet du don de Dieu?" lui demanda-t-on. "En ce que, répondit-il, nos vêtements soient propres, que l’on use de parfum, que l'on blanchisse sa maison de plâtre, qu'on en balaie l'extérieur..."5
Dans les plus anciens ouvrages dont nous disposons, comme le "Kafï" qui est un vestige de mille ans auparavant, on trouve un exposé sous le titre de "L'habillement et l'embellissement", dans lequel l'Islam fait des recommandations formelles quant à couper et à peigner les cheveux, à user de parfum, etc.
Pour s'adonner à leurs pratiques religieuses et jouir des plaisirs spirituels mieux et davantage, un certain nombre de compagnons du Prophète en vinrent à quitter femmes et enfants, jeûnant le jour et priant la nuit.
Dés que l'Envoyé de Dieu l'apprit, il le leur interdit en disant: "Moi qui suis votre guide et chef, je ne suis pas ainsi. Je jeûne certains jours, et certains jours je romps le jeûne; je passe une partie de la nuit en pratiques religieuses, et une autre partie auprès de mes épouses."
Ces mêmes compagnons demandèrent au Prophète la permission de se faire castrer afin d'extirper de leur être la racine des excitations sexuelles. Le Prophète la leur refusa, disant que l'Islam interdit ce genre de choses.
Un jour, trois femmes vinrent se plaindre de leurs époux respectifs auprès du Prophète. "Mon mari ne mange pas de viande", dit l'une. "Le mien s'interdit le parfum", dit une autre. "Mon époux évite la femme", dit la troisième.
Le Prophète, faisant traîner son manteau à terre en signe de colère, se rendit sur-le-champ à la Mosquée, et s'exclama du haut du minbar: "Qu'arrive-t-il à certains de mes compagnons qui ont renoncé à la viande, au parfum et à la femme?! En vérité, je mange moi-même de la viande, utilise du parfum et tire agrément de mes épouses, et quiconque conteste ma ligne de conduite ("sunnat") n'est pas des miens."6.
L'ordre de raccourcir les vêtements - contrairement à l'habitude des arabes dont les vêtements étaient si longs qu'ils balayaient le sol - a pour raison la propreté, comme l'énonce un des premiers versets révélés au Noble Prophète: "Purifie tes vêtements!"7.
De même, si le port de vêtements blancs est apprécié en Islam, c'est d'une part pour des raisons d'esthétique et d'autre part de propreté, car les vêtements blancs laissent mieux voir la saleté.
Il a été fait allusion à cette question dans les Traditions: "Vêtez-vous de blanc, car cela est plus propre et plus plaisant." Lorsqu'il voulait se rendre auprès de ses compagnons, le Prophète se regardait dans la glace, peignait et ordonnait ses cheveux, et disait: "Dieu aime celle de Ses créatures qui, lorsqu'elle veut se rendre auprès de ses amis, s'apprête et se fait belle"8
Le Coran a mentionné la création des moyens d'embellissement comme appartenant aux faveurs de Dieu à l'égard de Ses créatures, et a sévèrement critiqué le fait de s'interdire les parures de ce monde: "Dis: Qui donc a déclaré illicites la parure que Dieu a produite pour Ses serviteurs, et les excellentes nourritures?"9
Des hadiths rapportent que les Imams Immaculés controversèrent à maintes reprises avec les soufis, et qu'ils démontrèrent le caractère erroné de leur doctrine en s'appuyant sur ce même verset10.
L’Islam, non seulement n'a pas blâmé le plaisir et la jouissance que mari et femme tirent l'un de l'autre, mais y a également assigné des récompenses dans l'Au-delà.
Il peut être surprenant, pour un européen, d'entendre dire que l'Islam regarde comme méritoire le badinage et les jeux amoureux de deux époux, l'embellissement de la femme pour son mari, la toilette de l'homme pour son épouse; autrefois, au temps où, en obéissance à l'Eglise, étaient blâmées toutes les sortes de jouissances sexuelles, ces choses-là étaient dénigrées et considérées comme ridicules.
L'Islam a violemment interdit les jouissances sexuelles hors du mariage, et ceci renferme en soi une philosophie particulière que nous exposerons par la suite. Par contre, il a loué le plaisir sexuel dans le contexte de la loi au point de dire que "l'amour de la femme appartient aux attributs des prophétes"11.
L'Islam a blâmé la femme qui néglige de s'embellir et de se parer pour son époux, de même que l'homme qui fait preuve de négligence à satisfaire son épouse.
Hassan ibn Jahm raconte: ''Je me rendis auprès de l'Imam Mûssa* ibn Ja'far et vis qu'il s'était teint les cheveux. "Auriez-vous donc utilisé de la teinture noire?" demandai-je. - "Oui, dit-il. La teinture (des cheveux) et l'entretien de soi, de la part de l'homme, fait croître la chasteté de son épouse. Certaines femmes perdent leur chasteté pour cette raison que leurs époux ne se soignent pas dans leur toilette.""12
Un autre hadith rapporté du Prophète dit: "Soyez propres et non semblables aux juifs." Puis il dit: "Les femmes juives devenues adultères le furent pour cette raison que leurs maris étaient sales et suscitaient leur aversion. Veillez à votre propreté afin que vos épouses soient attirées vers vous."
Osman ibn Maz'oun était un des grands compagnons du Prophète. Voulant devenir anachorète à l'instar des moines, il délaissa femme et biens et s'interdit tout plaisir. Son épouse se rendit auprès du Prophète. "O Envoyé de Dieu! dit-elle. Osman jeûne le jour et passe la nuit à prier." Le Prophète, en colère, se rendit auprès de lui. Osman était en train de faire la prière.
Lorsqu'il l'eût achevée, le Prophète lui dit: "Eh Osman! Dieu ne nous a pas ordonné le monachisme. Ma religion est une ligne de conduite adaptée à la réalité, et en même temps simple et facile. Dieu Très-Haut ne m'a pas envoyé pour le monachisme et l'ascétisme. Il m'a délégué pour une Loi religieuse conforme à la nature originelle, aisée et indulgente13. Je prie et je jeûne, et je vais aussi à mes épouses. Quiconque aime ma religion, conforme à la nature originelle, doit me suivre, et le mariage est une de mes traditions."
*AYATOLLAH MOTAHHARY, Mortada, La Question du Hijab, Publication de La Cité du Savoir, Traduit de l'anglais et édité par AL-BOSTANI, Abbas, Canada.
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1- p. 30 (traduction persane).
2- Wassaïl, t. 1, p. 277.
3- Wassaïl, t. 1, p. 277.
4- Ibid.
5- Wassaïl, t. 1, p. 278.
6- Kâfi, vol. 5, p. 496; Wassaïl, vol. 3, p. 14.
7- Coran, 74: 4.
8- Wassaïl, t. 1, p. 278.
9- Coran, 7: 32.
10- Se référer à Wassaïl, t. 1, p. 279.
11- Wassaïl, t. 3, p. 3.
12- Kâfi, t. 5, p. 567.
13- Kâfi, t. 5, p. 494.
De la même façon qu'elle a engendré, dans le domaine de la propriété, la philosophie de quête de la pauvreté et de renoncement à toutes les ressources matérielles, l'idée d'ascétisme et d'anachorétisme a suscité relativement à la femme la philosophie d'aspiration au célibat et d'hostilité à la beauté. Le port des cheveux longs, qui est d'usage chez les "Sikhs"*, les hindous et chez certains derviches, compte également parmi les symboles de l'hostilité à la beauté et de la lutte contre la sensualité, et parmi les fruits de la philosophie du rejet du plaisir et du penchant pour l'ascétisme.
Se couper et se raser les cheveux, disent-ils, fait accroître le désir sexuel, tandis que le fait de les laisser longs en cause la diminution.
Il n'est pas inopportun de citer là un passage de "Le mariage et la morale" de Bertrand Russell1 à ce sujet1:
"Au cours des premiers siècles du Christianisme en particulier, écrit-il, ce mode de pensée de Saint Paul fut entièrement divulgué par l'Eglise; le célibat contracta une odeur de sainteté, et innombrables furent ceux qui prirent le chemin du désert afin de terrasser le Diable, un diable qui peuplait à tout instant leur esprit d'imaginations érotiques. Simultanément, l'Eglise combattit le bain, sous prétexte que les courbes du corps conduisent l'homme vers le péché. L'Eglise ayant loué la crasse corporelle, l'odeur du corps revêtit un caractère de sainteté. Toujours selon Saint Paul, la propreté et la toilette du corps étaient incompatibles avec la pureté de l'esprit, aussi le pou fut-il reconnu comme la perle de Dieu..."
Ici se pose la question de savoir quelle est essentiellement la cause de la tendance humaine à l'ascétisme et au monachisme. Par nature, l'être humain doit rechercher le bonheur et le plaisir, et il doit donc y avoir une raison au fait d'y renoncer et de s'imposer la privation.
Comme nous le savons, le monachisme et l'hostilité au plaisir ont constitué un courant qui a existé en de nombreux endroits du monde. Parmi ses centres, il y eut l'Inde en Orient et la Grèce en Occident. L’école cynique, qui est une des écoles de la philosophie et avait cours en Grèce, a été adepte de la pauvreté et adversaire du plaisir matériel.
Une des causes de l'apparition de ce type de pensées et de croyances est la propension humaine à accéder à la Vérité. Cette disposition est chez certains individus d'une extraordinaire intensité, et si elle se joint à la conviction que c'est lorsque sont soumis le corps et les désirs physiques que la découverte de la vérité se produit pour l'esprit, elle aboutit naturellement à l'ascétisme et au monachisme.
En d'autres termes, l'idée selon laquelle l'accession à la Vérité n'est possible que par l'anéantissement et l'opposition au désir est la cause majeure de l'apparition de l'ascétisme et du monachisme.
Une autre cause du phénomène de l'ascétisme est le fait que soient mêlées aux plaisirs matériels certaines souffrances spirituelles. L'être humain a constaté qu'un certain nombre de souffrances morales côtoient toujours les plaisirs matériels.
Il a constaté par exemple que si la possession de richesse procure une série de plaisirs et de jouissances, son acquisition et sa garde comportent des milliers d'ennuis, d'inquiétudes et d'humiliations à subir. II a vu que ces plaisirs matériels lui font perdre sa liberté et sa magnanimité, et c'est ainsi que renonçant à tous ces plaisirs, il a pu faire profession de célibat et de grandeur d'âme. Il se peut que le premier facteur ait influé davantage sur l'ascétisme hindou, et le second facteur sur la quête de pauvreté du cynisme grec.
D'autres causes ont également été évoquées pour expliquer l'apparition de l'ascétisme et de la fuite du plaisir, parmi lesquelles le fait que la privation et l'échec dans les affaires séculières - en particulier l'échec en amour - entraînent l'intérêt pour l'ascétisme. A la suite de ce type d'échecs, l'esprit humain se venge des plaisirs matériels en les considérant comme impurs et en forgeant une philosophie pour justifier cette impureté. L'excès dans les plaisirs et les jouissances constitue un autre facteur de l'intérêt pour l'ascétisme.
La capacité physique de l'homme à jouir étant limitée, l'excès dans la quête de jouissance et le fait d'imposer au corps au-delà de sa capacité provoquent une réaction morale violente, en particulier à l'âge de la vieillesse, engendrant lassitude et désarroi.
S'il ne faut pas nier l'influence de ces deux dernières causes, elles ne constituent pourtant certainement pas la cause unique. Leur influence s'opère de la sorte: à la suite d'échecs, ou de fatigues et de lassitudes, s'éveille en l'esprit la pensée de quête de la Vérité.
L'intérêt pour les choses matérielle et le fait de s'absorber dans les pensées matérialistes constituent en soi un obstacle à ce que l'homme médite sur l'éternité, l'infinité et la Vérité perpétuelle, et réfléchisse à la question de savoir d'où il vient, où il est, où il va. Mais dés que l'échec ou la lassitude font apparaître en l'esprit un état de fuite et de détachement à l'égard des choses matérielles, se vivifie la pensée de l'Absolu, jusqu'alors entravée.
C'est toujours lorsqu'ils s'ajoutent au premier facteur que ces deux facteurs entraînent l'intérêt pour l'ascétisme. Et bien entendu, seuls certains des individus attirés vers l'ascétisme le sont sous l'influence de ces deux facteurs.
Voyons à présent si une telle argumentation et une telle justification pour le "couvrement" s'avèrent justes en ce qui concerne l'Islam et le mode de pensée qu'il a présenté au monde.
L'Islam a heureusement un mode de pensée et une vision du monde limpides; son opinion est claire au sujet de l'Homme, du monde, du plaisir, et il est aisé de savoir si une telle pensée existe ou non dans la vision islamique du monde.
Ainsi, nous ne nions pas que le monachisme et le renoncement au plaisir existent en certains endroits du monde, et que le "couvrement" de la femme puisse être éventuellement considéré comme Un de leurs fruits là où régna une telle pensée. Mais ni l'Islam n'a allégué nulle part une telle raison en assignant le "couvrement", ni une telle philosophie n'est conforme à l'esprit de l'Islam et à ses autres commandements.
L'Islam a sévèrement combattu dans le principe l'idée d'ascétisme et de monachisme, ce qu'admettent également les orientalistes européens. Au lieu de considérer le pou comme la perle de Dieu, l'Islam dit, encourageant la propreté: "La propreté relève de la foi."
Le Noble Prophète, voyant une personne aux cheveux hirsutes, aux vêtements souillés et qui semblait en fâcheux état, lui dit: "Jouir des bienfaits de Dieu relève de la Religion"2. Il dit aussi: "La pire des créatures est celle qui est sale et crasseuse"3, Amir al-Mo'menin*dit: "Dieu est Beau et Il aime la beauté"4.
Et l'Imam Sâdeq*: "Dieu est Beau et aime à ce que Sa créature s'embellisse, et Il est au contraire hostile a la pauvreté et à l'affectation de pauvreté. Si Dieu vous accorde quelque don, l'effet de ce don doit paraître dans votre existence." - "Comment doit paraître l'effet du don de Dieu?" lui demanda-t-on. "En ce que, répondit-il, nos vêtements soient propres, que l’on use de parfum, que l'on blanchisse sa maison de plâtre, qu'on en balaie l'extérieur..."5
Dans les plus anciens ouvrages dont nous disposons, comme le "Kafï" qui est un vestige de mille ans auparavant, on trouve un exposé sous le titre de "L'habillement et l'embellissement", dans lequel l'Islam fait des recommandations formelles quant à couper et à peigner les cheveux, à user de parfum, etc.
Pour s'adonner à leurs pratiques religieuses et jouir des plaisirs spirituels mieux et davantage, un certain nombre de compagnons du Prophète en vinrent à quitter femmes et enfants, jeûnant le jour et priant la nuit.
Dés que l'Envoyé de Dieu l'apprit, il le leur interdit en disant: "Moi qui suis votre guide et chef, je ne suis pas ainsi. Je jeûne certains jours, et certains jours je romps le jeûne; je passe une partie de la nuit en pratiques religieuses, et une autre partie auprès de mes épouses."
Ces mêmes compagnons demandèrent au Prophète la permission de se faire castrer afin d'extirper de leur être la racine des excitations sexuelles. Le Prophète la leur refusa, disant que l'Islam interdit ce genre de choses.
Un jour, trois femmes vinrent se plaindre de leurs époux respectifs auprès du Prophète. "Mon mari ne mange pas de viande", dit l'une. "Le mien s'interdit le parfum", dit une autre. "Mon époux évite la femme", dit la troisième.
Le Prophète, faisant traîner son manteau à terre en signe de colère, se rendit sur-le-champ à la Mosquée, et s'exclama du haut du minbar: "Qu'arrive-t-il à certains de mes compagnons qui ont renoncé à la viande, au parfum et à la femme?! En vérité, je mange moi-même de la viande, utilise du parfum et tire agrément de mes épouses, et quiconque conteste ma ligne de conduite ("sunnat") n'est pas des miens."6.
L'ordre de raccourcir les vêtements - contrairement à l'habitude des arabes dont les vêtements étaient si longs qu'ils balayaient le sol - a pour raison la propreté, comme l'énonce un des premiers versets révélés au Noble Prophète: "Purifie tes vêtements!"7.
De même, si le port de vêtements blancs est apprécié en Islam, c'est d'une part pour des raisons d'esthétique et d'autre part de propreté, car les vêtements blancs laissent mieux voir la saleté.
Il a été fait allusion à cette question dans les Traditions: "Vêtez-vous de blanc, car cela est plus propre et plus plaisant." Lorsqu'il voulait se rendre auprès de ses compagnons, le Prophète se regardait dans la glace, peignait et ordonnait ses cheveux, et disait: "Dieu aime celle de Ses créatures qui, lorsqu'elle veut se rendre auprès de ses amis, s'apprête et se fait belle"8
Le Coran a mentionné la création des moyens d'embellissement comme appartenant aux faveurs de Dieu à l'égard de Ses créatures, et a sévèrement critiqué le fait de s'interdire les parures de ce monde: "Dis: Qui donc a déclaré illicites la parure que Dieu a produite pour Ses serviteurs, et les excellentes nourritures?"9
Des hadiths rapportent que les Imams Immaculés controversèrent à maintes reprises avec les soufis, et qu'ils démontrèrent le caractère erroné de leur doctrine en s'appuyant sur ce même verset10.
L’Islam, non seulement n'a pas blâmé le plaisir et la jouissance que mari et femme tirent l'un de l'autre, mais y a également assigné des récompenses dans l'Au-delà.
Il peut être surprenant, pour un européen, d'entendre dire que l'Islam regarde comme méritoire le badinage et les jeux amoureux de deux époux, l'embellissement de la femme pour son mari, la toilette de l'homme pour son épouse; autrefois, au temps où, en obéissance à l'Eglise, étaient blâmées toutes les sortes de jouissances sexuelles, ces choses-là étaient dénigrées et considérées comme ridicules.
L'Islam a violemment interdit les jouissances sexuelles hors du mariage, et ceci renferme en soi une philosophie particulière que nous exposerons par la suite. Par contre, il a loué le plaisir sexuel dans le contexte de la loi au point de dire que "l'amour de la femme appartient aux attributs des prophétes"11.
L'Islam a blâmé la femme qui néglige de s'embellir et de se parer pour son époux, de même que l'homme qui fait preuve de négligence à satisfaire son épouse.
Hassan ibn Jahm raconte: ''Je me rendis auprès de l'Imam Mûssa* ibn Ja'far et vis qu'il s'était teint les cheveux. "Auriez-vous donc utilisé de la teinture noire?" demandai-je. - "Oui, dit-il. La teinture (des cheveux) et l'entretien de soi, de la part de l'homme, fait croître la chasteté de son épouse. Certaines femmes perdent leur chasteté pour cette raison que leurs époux ne se soignent pas dans leur toilette.""12
Un autre hadith rapporté du Prophète dit: "Soyez propres et non semblables aux juifs." Puis il dit: "Les femmes juives devenues adultères le furent pour cette raison que leurs maris étaient sales et suscitaient leur aversion. Veillez à votre propreté afin que vos épouses soient attirées vers vous."
Osman ibn Maz'oun était un des grands compagnons du Prophète. Voulant devenir anachorète à l'instar des moines, il délaissa femme et biens et s'interdit tout plaisir. Son épouse se rendit auprès du Prophète. "O Envoyé de Dieu! dit-elle. Osman jeûne le jour et passe la nuit à prier." Le Prophète, en colère, se rendit auprès de lui. Osman était en train de faire la prière.
Lorsqu'il l'eût achevée, le Prophète lui dit: "Eh Osman! Dieu ne nous a pas ordonné le monachisme. Ma religion est une ligne de conduite adaptée à la réalité, et en même temps simple et facile. Dieu Très-Haut ne m'a pas envoyé pour le monachisme et l'ascétisme. Il m'a délégué pour une Loi religieuse conforme à la nature originelle, aisée et indulgente13. Je prie et je jeûne, et je vais aussi à mes épouses. Quiconque aime ma religion, conforme à la nature originelle, doit me suivre, et le mariage est une de mes traditions."
*AYATOLLAH MOTAHHARY, Mortada, La Question du Hijab, Publication de La Cité du Savoir, Traduit de l'anglais et édité par AL-BOSTANI, Abbas, Canada.
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1- p. 30 (traduction persane).
2- Wassaïl, t. 1, p. 277.
3- Wassaïl, t. 1, p. 277.
4- Ibid.
5- Wassaïl, t. 1, p. 278.
6- Kâfi, vol. 5, p. 496; Wassaïl, vol. 3, p. 14.
7- Coran, 74: 4.
8- Wassaïl, t. 1, p. 278.
9- Coran, 7: 32.
10- Se référer à Wassaïl, t. 1, p. 279.
11- Wassaïl, t. 3, p. 3.
12- Kâfi, t. 5, p. 567.
13- Kâfi, t. 5, p. 494.