La personnalité de la femme et son rôle actif dans la vie
La question de "la femme en Islam" fait toujours l’objet de la réflexion des penseurs musulmans qui cherchent à comprendre la personnalité de la femme et son rôle du point de vue de la pensée et de la Loi islamiques.
Cette réflexion a pour but de mettre en lumière l’originale conception que l’Islam propose de et à la femme. Conception qui représente les valeurs spirituelles et humaines de l’Islam, dans ce bas-monde ainsi que dans l’autre monde.
Il est possible d’isoler, dans cette question principale, plusieurs questions de détail comme celles de la personnalité de la femme, de sa nature, de sa foi, de son rôle actif dans l’activité religieuse et dans la ligne de l’Appel, c’est-à-dire dans le mouvement de lutte, sur le terrain de la confrontation et dans les domaines scientifiques et culturels, etc…
On part normalement, lorsqu’on aborde ces questions, de certains textes traditionnels ainsi que des avis en vigueur chez les jurisconsultes.
LE MEILLEUR MOYEN POUR ABOUTIR À DES RÉSULTATS ÉQUILIBRÉS
Il est nécessaire, avant de commencer l’examen de la question de s’interroger sur la méthode à suivre dans l’approche de certains aspects du problème. La question est de savoir si la voie qui mène à la connaissance de la personnalité de la femme, de sa raison et de sa foi part des textes religieux ou de l’étude des éléments constitutifs de la personnalité de la femme telle qu’elle se présente dans le mouvement de son existence dans la réalité vivante et au niveau de son ouverture sur les perspectives ouvertes par la connaissance. Cette seconde alternative touche à des aspects du problème en rapport avec la profondeur et la fécondité de la pensée de la femme, avec la nature de sa vision des choses qui l’entourent, avec la bonne qualité de ses opinions, de son adhésion intérieure à la doctrine et à la ligne de l’attachement à la foi en Dieu, en Ses messagers et en Ses lois. Elle touche aussi à son adhésion extérieure à la ligne de l’action, celle de l’engagement direct et du retour permanent à Dieu, en tout ce qui concerne la piétée spirituelle et intellectuelle et la capacité de faire face aux défis, dans la cadre de la lutte intellectuelle qu’exige l’appel à la religion, ou dans celui de la lutte proprement dite (jihâd) contre les problèmes de nature plus concrète.
Nous pensons donc que l’étude qu’on mène au niveau de la réalité humaine de la femme, considérée parallèlement à la réalité humaine de l’homme, est le meilleur moyen susceptible de conduire à des résultats équilibrés. Nous allons donc nous pencher, tout d’abord, sur l’étude de cet aspect du problème et nous passerons, par la suite, à son étude tel qu’il se présente dans les textes. Il nous sera nécessaire de connaître, de près, la nature des conditions et des circonstances de l’émission des textes, car il est parfois possible de trouver des indices qui empêchent d’adopter le sens apparent du texte et de chercher, par la voie de l’interprétation un autre sens qui ne contredit pas la réalité extérieure. Il est aussi possible que des hadith (Traditions prophétiques ou imâmiques) s’avèrent être faux en raison d’une contradiction manifeste avec les fondements stables de la doctrine, ce qui les rend incompatibles avec la nécessité religieuse telle qu’elle est enseignée par le Livre (le Coran) et la Sunna (actes et paroles du Prophète et des Imâms).
EXEMPLES DE LA SUPÉRIORITÉ DE LA FEMME
A la lumière de ce que nous venons de dire, nous constatons lorsque nous établissons une comparaison entre un homme et une femme vivant dans des conditions socioculturelles et politiques identiques, nous constatons donc qu’il est difficile de les distinguer l’un de l’autre. Il n’est aucunement nécessaire qu’une telle comparaison nous conduise à trouver que la conscience qu’a l’homme de la question socioculturelle et politique est plus développée que celle de la femme. Au contraire, il est possible –en observant certains éléments internes ou externes distinctifs de le femme particulièrement- de trouver des exemples multiples de sa supériorité, par rapport à l’homme, en matière de la fécondité des pensées, de la profondeur des connaissances et de la clarté des vues. Cela est manifeste dans certaines expériences historiques où certaines femmes ont vécu dans des conditions semblables à celles des hommes et favorables aux exigences de leur développement mental et socioculturel. Ces femmes ont pu affirmer leurs rôles actifs et leurs attitudes stables et fondées sur les règles de la pensée et de la foi. Dieu nous a signalé des cas semblables en la personne de Maryam (Marie, la mère de Jésus) (que la paix soit sur eux) et de la femme de Pharaon, et l’Histoire nous a signalé d’autres en la personne de la Grande Khadîja, la Mère des Croyants (que Dieu soit satisfait d’elle), de Fâtima az-Zahrâ’ et de sayyida Zaynab Bint ’Alî (que la paix soit sur elles).
Les attitudes ayant caractérisé les vies de ces grandes femmes témoignent d’une conscience fertile et ouverte sur les grandes causes qui ont animé leurs existences et donné de la vigueur au mouvement de leur conscience, à leur sens de la responsabilité et à leurs confrontations avec les défis qui les entouraient dans le domaine public. Ainsi, il est peut-être impossible de trouver un fondement de nature rationnelle ou religieuse pour l’établissement, dans le domaine qui leur était encore ouvert, d’une distinction entre les femmes et les hommes ayant vécu à leurs époques.
Si certains parlent de particularités peu ordinaires dans la personnalité de ces femmes, nous ne trouvons autre particularité que les conditions normales de leur vie. Celles-ci leur ont assuré les moyens nécessaires pour un développement spirituel et mental et pour un engagement pratique où tous les éléments constitutifs de la personnalité se réunissent d’une manière normale et naturelle. On ne peut, non plus, faute de preuves péremptoires et reconnues par tous sur sa validité, évoquer l’explication de très grande valeur qui fait intervenir des facteurs d’origine surnaturelle qui élèvent ces femmes au-dessus du niveau ordinaire de la femme telle que nous la connaissons. On sait pourtant que Dieu –qu’Il soit exalté- nous a parlé de l’élection d’une femme, Marie –que la paix soit sur elle- en raison de sa grande spiritualité et de la droiture de sa soumission à Lui. Cela est clair dans le récit divin qui met ses qualités en évidence lorsqu’il parle de sa mise sous la tutelle de Zakariyâ2 et des difficultés qu’elle a dû confronter lors de la conception et de la naissance de Jésus – que la paix soit sur lui-.
Si Dieu l’avait dirigée et soutenue par l’Esprit qu’Il lui avait envoyée, cela ne constitue pas un cas surnaturel en soi, mais un don divin spécial (lutf) concrétisé au niveau de l’assistance pratique et l’affermissement spirituel et accordé en réponse à la mise en application, par Marie (p), des ses convictions dans ce domaine, à partir de ses seules ressources humaines dont la faiblesse est la caractéristique essentielle, exactement comme c’est le cas de l’homme lui-même, considéré dans des situations analogues… Cela veut dire que nous ne trouvons pas de différence entre l’homme et la femme lorsqu’ils sont soumis à une expérience difficile dans une situations où l’on se trouve face à l’opposition, sans raisons ou justifications valables, de l’institution sociale. Bien sûr, l’opposition sociale, n’est pas due dans ce cas précis, à une déviation morale de la personne concernée et qui serait considérée du point de vue de la valeur négative de ses actes.
LA REINE DE SABA’, CAS EXEMPLAIRE
DANS LE RÉCIT CORANIQUE
Lorsqu’on étudie l’Historie dans le récit coranique, sous un aspect autre que celui en rapport avec la foi, nous trouvons l’exemple de la Reine de Saba’ lorsqu’elle invita ses conseillers pour délibérer avec eux et demander leurs conseils au sujet de l’attitude à prendre face aux menaces que Sulaymân (Salomon) leur avait proférées, à son peuple et à elle, dans une lettre qu’il venait de lui envoyer. Ce recours à la consultation peut témoigner de la fécondité de sa pensée dans la mesure où elle ne prit une décision du genre qu’elle peut mettre à exécution à partir de son statut en tant que reine qu’après avoir consulté les gens d’esprit parmi ses sujets. Le Coran nous relate cet événement dans la Sourate "an-Naml" (les Fourmis) :
(Elle dit : "O vous, les chefs du peuple ! J’ai reçu une noble lettre. Elle vient de Sulaymân et il y est dit : ’Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux : ne soyez pas orgueilleux devant moi et venez vers moi tout en étant soumis"). Coran, les Fourmis (an-Naml), XXVII 29-32.
Ainsi, elle voulut que ses sujets lui donnent l’avis politique qui l’aiderait à prendre l’attitude convenable vis-à-vis de cette question de première importance. Mais, confiants en ses qualités en matière de réflexion, ils remirent la question entre ses mains, lui laissant ainsi le loisir de prendre, elle-même, la décision définitive. De la sorte, ils se contentèrent de lui obéir et d’exécuter ses ordres en déployant toute la force dont ils disposaient pour faire face aux défis des autres rois qui pourraient menacer le pouvoir de leur reine et les lieux de liberté dans leurs propres vies.
(Ils dirent : "Nous sommes forts et notre puissance est remarquable, mais c’est à toi de commander. Réfléchis donc au sujet de ce que tu dois nous ordonner". Elle dit : "Lorsque les rois pénètrent dans une cité, ils la corrompent et humilient les puissants parmi ses habitants ; c’est ainsi qu’ils agissent. Mais je vais leur envoyer un présent et je verrai ce que les émissaires apporteront". Coran : "an-Naml" (les Fourmis) XXVII, 33-35.
Sage et mesurée, sa décision était fondée sur des calculs rigoureux qui conduisent à la meilleure solution du problème mais qui ne résidait nécessairement pas dans la force. La reine pensa donc qu’il fallait étudier la personnalité de Sulaymân et répondre aux questions suivantes : Est-il un roi qui cherche à étendre son pouvoir par la violence aveugle qui supprime l’existence des autres et leur liberté de prendre les décisions qu’ils veulent et qui détruit leur vie en les humiliant comme le font les autres rois ayant ce genre de défauts ? Dans un tel cas, il serait nécessaire d’étudier la question du point de vue des possibilités d’une solution pacifique, ce qui permet d’évaluer sa force et de savoir si la confrontation avec Sulaymân est possible ou non. Il est bien sûr nécessaire de savoir s’il est un messager de vérité et de bonne direction et s’il est possible de discuter avec lui des questions qu’il cherche à faire prévaloir.
Elle finit donc par décider de lui envoyer un présent et de voir si sa réponse sera pacifique ou violente, forte ou faible. Pour un roi, le présent peut avoir de l’effet s’il est de grande valeur ; il peut même l’irriter si les objectifs qu’il cherche à atteindre sont d’un genre différent de ce qu’on lui propose. Mais s’il est un roi qui appelle à la vérité, il ne peut faire de concessions sous l’influence de toute chose matérielle quoi qu’elle puisse être.
Ce fut ainsi qu’elle se comporta en prenant sa décision définitive. Celle-ci témoigne de la sagesse et de la mesure émanant d’une personnalité qui fait des calculs rigoureux avant de prendre une décision. Elle agit à partir d’une réflexion rationnelle et non à partir de la passion et de l’affectivité, et ce malgré le fait qu’elle possède bien les moyens qui lui permettent de conférer même à ses fortes émotions –compréhensibles quand il s’agit d’affaires pouvant menacer son trône- une influence sûre dans la mesure où son peuple possédait une force et une puissance redoutables.
Le Coran nous présente la femme, à travers le modèle qu’est la reine de Saba’, comme une femme qui maîtrise sa raison, qui ne se soumet pas à son affectivité, car sa responsabilité a pu faire mûrir son expérience et rendre sa raison plus forte au point qu’elle a atteint un niveau lui permettant de gouverner les hommes qui ont trouvé en elle une personnalité assez forte et douée de sagesse pour diriger leurs affaires publiques.
L’analyse de ce modèle montre qu’il est possible, pour la femme, de vaincre les facteurs de la faiblesse féminine qui peuvent avoir une influence négative sur la manière avec laquelle elle pense et réfléchit. Elle montre aussi qu’elle peut prendre les décisions et diriger les affaires et cela veut dire que la faiblesse n’est pas une fatalité à laquelle la femme ne peut pas échapper.
En fin de compte, et assistant au miracle du transport de son trône, ou grâce à sa conversation avec lui, la reine fut convaincue et se convertit à l’Islam y rejoignant ainsi Sulaymân. Cela fournit une preuve supplémentaire de la validité de notre idée sur la femme capable de décider, de s’engager et de choisir son appartenance au moyen de la pensée régie par un calcul rigoureux qui peut manquer à beaucoup d’hommes.
LA FEMME DE PHARAON, UN AUTRE
EXEMPLE
Il est nécessaire, avant de passer à une question, et au lieu de nous contenter de passer en revue les exemples et les modèles, de s’arrêter devant la personnalité de la femme de Pharaon qui vivait au paroxysme de la grandeur de la félicité. Mais elle se révolta contre tout cela grâce à sa foi qui ne lui permettait pas de s’ouvrir à cette vie d’arrogance, de tyrannie et de distraction où l’égoïsme de ceux qui se divertissaient des souffrances de opprimés et de la faim des affamés cohabitait avec la révolte contre Dieu et le renoncement à toute action charitable dans la vie sociale…
La femme de Pharaon aimait vivre sa foi dans son humanité. Mais elle ne trouvait aucun moyen pour le faire, car son mari remplissait la vie qui l’entourait de tout ce qui n’était pas humain à travers ses mauvais agissements contre les opprimés… Ainsi, elle s’adressa à Dieu en lançant un cri exprimant son refus spirituel et intellectuel de tout ce qui l’entourait. Elle invoquait Dieu pour qu’Il lui accorde la force nécessaire pour continuer sa lutte dans l’exercice de son action et pour que le défi soit plus grand dans l’attitude qu’elle avait prise. Elle Lui demandait de lui construire une maison au Paradis afin qu’elle puisse y faire loger ses rêves de femme de foi, chaque fois où elle sentait la faiblesse envahir son être et menacer ses attitudes et ses options… Elle Lui demandait de la sauver de Pharaon et de ses agissements, car elle ne pouvait pas souffrir sa personnalité morbide et son action arrogante. Elle Lui demandait de la sauver des gens injustes qui entouraient Pharaon, qui le flattaient, qui le soutenaient dans ses injustices et qui tournaient dans son orbite, comme le font des petits injustes au service des grands injustes.
Ainsi, Dieu donna son histoire en exemple pour les Croyants et les Croyantes pour qu’elle leur serve de modèle et d’idéal de la puissance de la foi humaine révoltée contre le règne de l’injustice avec tout ce qu’il propose comme plaisirs et séductions. De même, Il donna Marie, après la femme de Pharaon, en exemple sur le plan des valeurs morales. Elle fut un modèle parfait qui croyait en la parole du Seigneur et en ses Livres. Elle fut un modèle dans l’humilité et la soumission à Dieu dans toute sa vie qui fut une prière continue… Dieu –qu’Il soit exalté- dit ce propos :
(Dieu donna la femme de Pharaon en exemple pour ceux qui ont cru. Elle dit : ’Seigneur ! Construis pour moi, auprès de Toi, une maison au Paradis et sauve-moi de Pharaon et de ses agissements. Sauve-moi aussi des gens injustes’. Et Marie, la Fille de ’Imrân, qui préserva sa chasteté et Nous lui insufflâmes de notre esprit. Elle prêta foi aux paroles de Dieu et ses Livres et elle fut parmi les humbles). (Coran, "at-Tahrîm" (L’Interdiction) LXVI, 11-12).
LA FEMME CROYANTE, L’IDÉAL DE LA PUISSANCE HUMAINE
Nous savons que la considération de la femme croyante et puissante comme idéal pour les hommes croyants et les femmes croyantes à la fois indique clairement que le Coran reconnaît la possibilité, pour la femme, d’avoir la force suffisante pour se mettre à l’abri de tout ce qui peut conduire vers la chute et pour se révolter contre tout ce qui incite à accepter la faiblesse… Cela prouve que la femme, qui atteint le niveau idéal, peut être l’idéal de l’homme tout comme elle peut l’être pour la femme. L’appartenance commune à l’espèce humaine lui permet d’être une source de générosité humaine et morale, de sorte que les différences de sexe disparaissent pour céder la place à l’unité de la raison, de la volonté, du mouvement et des positions et attitudes.
Si l’on jette un coup d’œil sur certains exemples coraniques ou sur certaines personnalités historiques islamiques représentatives de grands rôles héroïques joués par des femmes, nous trouvons, dans une telle lecture de l’histoire, des femmes qui ont concrétisé la supériorité à travers ce qu’elles possédaient comme capacités et dons, et à travers les attitudes et les positions qu’elles adoptaient prouvant qu’elles pouvaient surmonter leurs faiblesses et les transformer en force pour atteindre un haut niveau de supériorité.
Nous trouvons qu’à l’époque moderne et, de nos jours en particulier, que l’expérience humaine connaît, dans les différents domaines de la science et de la culture aussi bien que dans ceux du mouvement politique et social, beaucoup de femmes qui ont pu s’affirmer et affirmer leurs expériences de pionnieres. Celles-ci expriment la puissance humaine et montrent que la femme est à même de défier, de résister et d’inventer dans tous les domaines publics et privés, ce qui suggère l’existence d’une sorte d’équilibre des capacités humaines dans les conditions communes à l’homme et à la femme.
Il s’agit là d’une représentation de la réalité vivante vécue par chacun de l’homme et de la femme, dans la réalité humaine. Elle prouve que la différence biologique, au niveau de la nature humaine, n’a pas empêché l’unité et la communauté au niveau de la puissance intellectuelle, de la volonté ferme et de la souplesse pratique des hommes et des femmes lorsque les conditions sont réunies pour donner naissance à la force, à l’équilibre et à l’invention.