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La Sunnah du Compagnon et la Sunnah des Ahl-ul-Bayt

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Les Musulmans croient unanimement que le Livre d’Allah et la Sunnah du Prophète constituent les deux sources de la pensée, de la législation et du savoir islamiques.

Cette croyance est l’une des évidences de la Doctrine islamique et la seule législation adoptée à l’époque du Saint prophète.

Après le décès du Messager d’Allah, lorsque des événements et des faits nouveaux surgirent alors qu’il n’existait pas de textes législatifs explicites les concernant, les Musulmans éprouvèrent le besoin de connaître les règles qui régissent lesdits événements et faits et qui déterminent leur position légale vis-à-vis de ces nouveautés.

Aussi, les gens recouraient-ils aux érudits parmi les Compagnons pour demander leur opinion à ce propos, et ces derniers émettaient des avis parfois concordants et parfois divergents. On appelait alors ces avis la doctrine ou le décret du Compagnon.

De même les Compagnons accomplissaient des actes cultuels, politiques ou fiscaux etc. et on appelait ces actes propres au Compagnon, “la Sunnah du Compagnon”.

Plus tard les Musulmans divergèrent sur la valeur légale de la sunnah du Compagnon : peut-on la considérer comme une preuve législative ou non ? Les fondements de cette divergence se résument comme suit :

a- La définition du Compagnon (qui peut être considéré comme Compagnon ?)

b- Dans quelle mesure peut-on considérer la sunnah du Compagnon comme un argument légal et comme une source de la Loi ?

c- Et étant donné que la validité de la Sunnah du Compagnon, en tant que source de la Loi, dépend du savoir et de l’intégrité de ce dernier, une polémique véhémente éclate propos de ces deux axes.

Cette polémique et le débat sur cette question législative conduisirent à l’apparition de deux écoles principales. L’une considérait la Sunnah du Compagnon comme une source valable de la Loi, l’autre affirmait que l’acte du Compagnon ne saurait constituer une source législative, tout en pouvant être un indice de la Sunnah du Prophète, étant donné que cet acte est le fait d’un Compagnon qui est censé agir selon la Loi islamique.

Si l’on se réfère à la définition linguistique du mot compagnon "çâhib", on constate que le Compagnon est celui qui était fréquemment en compagnie du Prophète.

Cette définition a été adoptée par l’École d’Ahl-ul-Bayt, alors que Ibn Hajar al-`Asqalânî al-Châfi`î a défini le Compagnon comme étant : « Celui qui a rencontré le Prophète en croyant en sa mission prophétique et qui est mort musulman. L’expression “celui qui a rencontré le Prophète” comprend aussi bien quelqu’un qui avait fréquenté le Prophète pendant longtemps, que celui qui ne l’avait rencontré qu’un court instant, aussi bien celui qui a rapporté des faits et dires de lui que celui qui n’en a rien rapporté, aussi bien celui qui avait participé à ses batailles que celui qui y était absent, aussi bien celui qui l’avait simplement vu sans s’asseoir avec lui que celui qui n’avait pas pu le voir à cause d’une cécité, par exemple ».

Toutefois, Ibn Hajar a cité une définition d’al-Mazarî, qui diffère de la sienne : "Lorsque nous disons que tous les Compagnons sont justes nous ne désignons pas par cet énoncé toute personne ayant vu le Prophète un jour, ou lui ayant rendu visite occasionnellement, ou s’étant réuni avec lui ponctuellement pour une affaire sans que cette réunion ait une suite. Nous visons par notre énoncé : ceux qui l’ont fréquenté, ceux qui l’ont soutenu, ceux qui l’ont secouru et ceux qui ont suivi la lumière descendue avec lui : voilà ceux qui ont été heureux."

Cette définition du Compagnon proposée par al-Mazarî s’accorde avec celle de l’École d’Ahl-ul-Bayt en ceci que l’une et l’autre n’attribuent pas le titre de Compagnon à quiconque ayant tout simplement aperçu le Saint Prophète, lui ayant rendu visite dans une séance ou l’ayant à peine rencontré. Elles en réservent l’honneur (de ce titre) à quelqu’un qui a accompagné fréquemment le Saint Prophète, qui l’a soutenu et qui est resté avec lui pendant si longtemps que l’on peut dire selon la norme qu’il était de sa compagnie. En un mot, le Compagnon est celui qui a pu, grâce à sa longue présence aux côtés du Saint Prophète, assimiler sa tradition, participer à son cheminement et suivre son exemple.

De même que les uléma des différentes écoles juridiques ont divergé sur la définition du Compagnon, ils ont divergé également sur la valeur juridique de la Sunnah du Compagnon. En effet, l’École d’Ahl-ul-Bayt a récusé la validité juridique de cette sunnah du Compagnon.

La raison en est que les Compagnons eux-mêmes ont montré les contradictions qui existaient entre leurs conduites, leurs coutumes et leurs doctrines. Chacun d’eux avait une conduite, des actes et une doctrine propres à lui, et chacun d’eux ne se considérait pas comme ayant l’obligation de suivre la sunnah d’un autre Compagnon.

Rappelons à cet égard le refus de l’Imam `Ali de s’engager à respecter la Sunnah de ses deux prédécesseurs, Abû Bakr et `Omar. En effet, selon les historiens, Abdul-Rahmân Ibn `Awf s’est réuni seul à seul avec `Ali Ibn Abî Tâlib après la mort de `Omar Ibn al-Khattâb et dit : « Tu dois t’engager devant Allah à nous gouverner suivant le Livre d’Allah, la Sunnah du Prophète et la conduite d’Abî Bakr et de `Omar, si tu étais choisi comme Calife ». L’Imam `Ali se contenta de répondre : « Je vous accorde mon engagement à vous gouverner autant que possible selon le Livre d’Allah et la Sunnah de Son Prophète ».

Puis Abdul-Rahmân se réunit de nouveau avec l’Imam `Ali et lui répéta la même proposition, et l’Imam `Ali donna la même réponse.

Et lorsque Abdul-Rahmân Ibn `Awf revint à l’Imam `Ali pour lui répéter sa proposition pour la troisième fois, ce dernier lui dit : « Le Livre d’Allah et la Sunnah de Son Prophète suffisent. Tu peux donc en tant que mujtahid, me dispenser de cette affaire...”

Mais `Othmân Ibn `Affân contrairement à l’Imam `Ali accepta la condition de Abdul-Rahmân pour accéder au califat, sans pour autant respecter la sunnah de `Omar dans de nombreuses occasions, durant son califat.

D’autre part, l’Imam `Ali, lorsqu’il accéda, enfin, au califat, opéra beaucoup de changements dans ce qui avait été adopté par son prédécesseur `Othmân.
Il est donc évident, si l’on s’en tient à ces exemples illustres et révélateurs, que la Sunnah du Compagnon n’a pas une valeur d’obligation et ne constitue pas une source de la Loi et de la législation. La raison en est simple. La compagnie du Prophète ne confère pas au Compagnon l’infaillibilité et sa conduite reste exposée à l’erreur.

L’histoire nous porte le meilleur témoignage à cet égard à travers les conflits sanglants et les guerres horribles qui opposèrent les Compagnons les uns aux autres et les erreurs que les uns relevèrent chez les autres.

De même que les Musulmans divergèrent sur "l’argumentalité" de la Sunnah du Compagnon de même ils divergèrent sur la valeur d’argument de sa doctrine, à savoir ses décrets religieux et ses actes dont on ignore la référence ou le fondement. Certains uléma et imams d’écoles juridiques la considérèrent comme un argument juridique, d’autres refusèrent de lui conférer cette légalité.

Parmi ceux qui ont refusé d’accorder un caractère d’argument à la doctrine du Compagnon, figure le philosophe al-Ghazâlî qui a dit à ce propos : « Quiconque est à même de commettre une faute ou une erreur, et dont on n’a pas établi l’infaillibilité, sa parole ne saurait servir d’argument légal. Comment dès lors pourrait-on considérer leur parole (la parole des Compagnons) comme une preuve légale, alors qu’ils peuvent se tromper ? Comment pourrait-on prétendre qu’ils sont infaillibles sans qu’il y ait une preuve admise unanimement de leur infaillibilité ? Comment pourrait-on concevoir l’infaillibilité d’individus dont les opinions respectives (sur un même sujet) sont différentes ? Et comment, enfin, des gens prétendument infaillibles pourraient-ils émettre des jugements divergents sur un même sujet ? Ceci ne saurait se concevoir lorsqu’on sait que les Compagnons eux-mêmes étaient tombés d’accord pour dire que chacun d’eux puisse avoir une opinion différente des autres sur un même sujet. La preuve en est le fait qu’Abû Bakr et `Omar Ibn al-Khattâb, n’aient pas renié à d’autres Compagnons d’avoir une opinion différente de la leur sur un même sujet. Bien au contraire, ils ont imposé à chaque mujtahid (Compagnon capable d’émettre une opinion personnelle) de suivre sa propre opinion relativement aux questions susceptibles de faire l’objet de divergence d’opinions. En bref, l’absence de preuve de l’infaillibilité (des Compagnons), le fait de l’existence de divergence entre les Compagnons, et le fait qu’ils aient admis officiellement que chacun d’eux puisse avoir une opinion différente des autres, sont les trois preuves incontestables de la "non-argumentalité" de la doctrine du Compagnon. »

D’autres savants ont émis le même jugement qu’al-Ghazâlî à ce sujet. Contentons-nous de citer ce qu’a dit à ce propos le savant hanbalite Al-Âmedî en s’appuyant sur les opinions semblables exprimées par d’autres imams d’écoles juridiques :

« Tous sont tombés d’accord que la doctrine (l’opinion) du Compagnon sur les questions de l’ijtihâd ne saurait servir de preuve irréfutable pour un autre Compagnon capable d’exprimer une opinion personnelle (mujtahid), peu importe qu’il soit imam, gouvernant ou juge légal. Mais ils ont divergé quant à savoir si la doctrine du Compagnon constitue ou non un argument légal aux compagnons des Compagnons (Compagnons de 2ème génération = “tâbi`în”) et aux mujtahid qui leur ont succédé : les Ach`arites et les mu`tazalites, al-Karkhî, al-Châfi`î (selon l’une des deux opinions qu’il a exprimées à ce sujet), Ahmad Ibn Hanbal (selon l’un des deux récits qu’on lui impute relativement au même sujet) ont répondu par la négative. J’affirme donc qu’elle ne constitue absolument pas un argument obligatoire... »

« Il s’agit de savoir maintenant s’il est permis de suivre la doctrine d’un Compagnon, lorsqu’il est établi qu’elle ne constitue pas un argument obligatoire ? Je réponds à ceci qu’il est absolument interdit de le faire »

La Sunnah des Ahl-ul-Bayt

S’appuyant sur des Textes (du Coran et de la Sunnah du Prophète) qui font autorité, les adeptes d’Ahl-ul-Bayt, quant à eux, considérèrent la Sunnah de l’Imam `Ali Ibn Abî Tâlib, de ses deux fils al-Hassan et al-Hussayn, et des Imams descendant de ce dernier, comme étant le prolongement de la Sunnah du Saint prophète, et l’expression de cette celle-ci. C’est pourquoi ils l’ont adoptée comme une source de Loi après le Livre d’Allah et la Sunnah du Messager d’Allah.

Les uléma de l’École d’Ahl-ul-Bayt fondèrent ce principe sur l’infaillibilité des Imams d’Ahl-ul-Bayt et leur dépouillement de tous péchés, ainsi que sur le fait qu’ils avaient été associés au Livre d’Allah et à la Sunnah du Prophète, et que ce dernier avait demandé à la Ummah (la Communauté musulmane) de se rattacher à eux et de suivre leurs instructions après sa dis. L’un des arguments sur lesquels les uléma de l’École d’Ahl-ul-Bayt fondèrent leur croyance à l’obligation de suivre la Sunnah des Imams d’Ahl-ul-Bayt est le verset coranique suivant (dit le Verset de Tat-hîr ou de Purification) qui décrète la pureté de ces Imams :

« O vous les Ahl-ul-Bayt (Les Gens de la Maison du Prophète) ! Allah veut seulement éloigner de vous la souillure et vous purifier totalement » (Sourate al-Ahzâb, 33 : 33).

Les différents livres de Tafsîr (exégèse) et les différents hadith s’accordent pour souligner que les personnes visées dans ce verset sont les membres de la famille du Saint Prophète, en l’occurrence : `Ali Ibn Abî Tâlib (cousin et “frère” du Messager d’Allah), Fâtimah al-Zahrâ’, la fille chérie du Prophète et l’épouse de l’Imam `Ali, ainsi que leurs deux fils, al-Hassan et al-Hussayn.

En effet, selon al-Suyûtî al-Châfi`î, dans al-Durr al-Manthûr :

Et selon al-Tirmithî : « Le Verset d’al-Tat-hîr (33 : 33) a été révélé dans la maison d’Om Salamah. Le Prophète appela alors Fâtimah, al-Hassan, al-Hussayn et `Ali. Il les plaça derrière son dos, les couvrit d’un manteau et dit : “O Allah ! Ce sont les Gens de ma Maison (Ahl-u Baytî), éloigne d’eux donc la souillure et purifie-les totalement”. Om Salamah demanda alors : « Et moi, suis-je avec eux, O Prophète d’Allah ? ». Le Prophète répondit : “Tu restes à ta place et tu es bien là” ».

Quant au Prophète lui-même, il laissa beaucoup de traces incitant les Musulmans à suivre la Sunnah des Ahl-ul-Bayt. Ainsi, selon Ahmad Ibn Hanbal et Abû Ya`lâ, citant Abî Sa`ïd al-Khidrî, le Prophète a dit lors du Pèlerinage d’Adieu (Hajjat al-Wadâ`), s’adressant aux foules des Musulmans : « Je suis sur le point d’être appelé (par Allah) et de répondre (à cet appel). Je vous laisse les Deux Poids : Le Livre d’Allah, et ma progéniture, les Gens de Ma Maison. (Allah) le Subtil et le Bien-Informé m’a appris qu’ils ne se sépareront pas jusqu’à ce qu’ils me rencontrent auprès du Bassin (au Paradis). Regardez donc comment vous les traiterez après ma disparition ».

L’Imam Ja`far al-Çâdiq a expliqué pour sa part quel est le fondement légal des décrets religieux chez les Imams d’Ahl-ul-Bayt. Sourah Ibn Kulayb rapporte : « J’ai demandé à Abî `Abdullâh (l’Imam al-Çâdiq) : « Quelle est la source du décret émis par l’Imam ? ». Il m’a répondu : « Le Livre Saint" ». Je lui ai dit : « Et lorsqu’il s’agit de quelque chose qui ne figure pas dans le Livre ! ». Il a répondu : « La Sunnah ». Je lui ai demandé encore : « Et lorsqu’il s’agit de quelque chose qui ne figure ni dans le Livre ni dans la Sunnah ! ». « Il n’existe pas une chose qui ne figure ni dans le Livre ni dans la Sunnah » m’a-t-il répondu ».

L’Imam Mohammad al-Bâqer, quant à lui, a expliqué clairement que la source des décrets des Imams d’Ahl-ul-Bayt remonte obligatoirement à leur grand-père, le Saint Prophète. Ainsi, s’adressant à l’un de ses compagnons, Jâbir, il lui dit : « O Jâbir ! Si les décrets que nous émettons à l’adresse des gens exprimaient nos opinions personnelles, nous aurions péri. Mais nous fondons nos décrets sur le patrimoine que le Prophète nous avait laissé et sur les fondements d’une science que nous héritons de père en fils et que nous préservons (thésaurisons) précieusement, tout comme thésaurisent ces gens-là leur or et leur argent ».

Il ressort de ce qui précède que tout ce qui a été fait, dit et émis par les Imams d’Ahl-ul-Bayt ne s’écartait point du Saint Coran et exprimait le contenu du Livre d’Allah et de la Sunnah du Prophète. C’est pourquoi leur tradition est devenue l’un des fondements de la Loi et l’une des sources de la législation.

 

Extrait de : " Eléments de Science du Hadith "

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