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La Société Et Ses Composants Dans Le Saint Coran (Partie I)

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Dans notre précédente étude, nous avions établi que le saint Coran présentait la religion non pas en tant que décision législative, mais en tant que loi historique et élément essentiel de la création divine. Cette loi admet d’être défiée à court terme, mais tous ceux qui la défient seront châtiés par les lois même de l’histoire. Pour comprendre cette loi historique stipulée par le Coran, nous devons analyser les composantes de la société. Comment se présentent-elles pour le saint Coran ?


« Lorsque Dieu dit aux anges : Je vais instituer un vicaire sur terre. Et ceux-ci de répartir : Y placeras-Tu quelqu’un qui y sèmera le désordre et y versera le sang, alors que par nos louages, nous publions Ta gloire et magnifions [par nos prières] Ta sainteté ? – En vérité, [rappela Dieu], Je sais ce que vous ne savez pas » (Al-Baqarah, 30).


Ce verset nous rappelle qu’Allah, Gloire à Lui, annonce aux anges qu’il a décidé de fonder une société sur terre. Que pouvons-nous en dégager ?

 

La Notion D’Istikhlaf

 

Trois éléments constitutifs de la société apparaissent : l’homme, la terre ou la nature de façon générale et la relation abstraite qui lie d’une part l’homme à la terre et à la nature et d’autre part, à son frère l’homme. C’est cette relation abstraite que le Coran a définie par istkhlaf. Ce sont les composantes de la société.


Nous remarquons que toutes les sociétés humaines possèdent, en commun, ces éléments. Cependant, les relations homme nature et homme prennent des formes différentes.


Le troisième élément est l’élément souple, mobile, de la société humaine, il varie en faction des sociétés et prend soit une forme quadripartite soit tripartie. La forme quadripartite de la relation entre les constituants de la société humaine suppose un autre élément constitutif, qui ajoute une dimension supplémentaire à la relation sociale.


Bien qu’il ne fasse pas partie du cadre de la société mais se situe au-delà, la forme quadripartite de la relation sociale le considère comme un élément essentiel. C’est cette forme quadripartite de la relation sociale que le Coran a présentée sous le terme d’istikhlaf.


  L’istikhlaf : une représentation de l’Univers


Après analyse de ce terme, nous découvrons qu’il recède quatre données : l’istikhlaf suppose un mustakhlif mais aussi un mustakhlaf et un mustakhlaf’ alyhi. En d’autre termes, outre l’être humain, son frère et la nature, existe un quatrième élément dans la formation même de la relation de l’istikhlaf, qui est le mustakhlif qui est Allah Gloire soit-Il, le mustakhlaf étant l’homme et son frère, c’est- à dire l’humanité entière, et le mustakhlif’alayhi représentant la terre et ce qui s’y trouve.

 

Par conséquent, la relation sociale, dans la forme de l’istikhlaf, est qua tripartite, elle est rattachée à une vision précise de la vie et de l’univers, consistant à affirmer qu’il y a nul maître ni détenteur, ni dieu dans l’univers et la vie autre qu’Allah le Très-Haut, et que le rôle de l’être humain, en menant sa vie, consiste à assumer l’istikhlaf et l’istiman. Il en résulte que toute relation d’un possédant avec sa possession est une relation d’un protecteur avec un dépôt confié, et que toute relation nouée entre l’homme et son frère l’homme, quelles que soient leurs conditions sociales respectives, est une relation réciproque d’istikhlaf pour autant que cet homme ou cet autre remplissent leur rôle ; elle n’est nullement une relation de domination, de déification ni de possession. Cette forme sociale quadripartite conçue par le Saint Coran sous le terme d’istikhlaf représente une vision précise de la vie et de l’univers.


Par contre, la relation sociale tripartite relie trois éléments entre eux, l’homme, l’homme et la nature. Le lien avec le quatrième élément est coupé, la relation est alors dépourvue de cette dimension divine. Ainsi, la vision de chaque élément constitutif demeure à l’intérieur même de cette forme.


Il y eut de nombreuses façons d’appropriation et de domination, celle de l’homme sur son frère a pris des voies différentes tout au long de l’histoire lorsque la quatrième dimension a été abrogée et qu’il fut supposé que l’homme est le commencement. Dès lors, la forme tripartite a engendré toutes les formules possibles d’appropriation et de domination.


En comparant les deux formes, la quadripartite et la tripartite, nous nous apercevons que l’adjonction numérique, il ne s’agit pas d’un simple élément rajouté aux autres éléments. Il ne s’agit pas de la formule 3 +1 car l’élément ajouté donne une signification différente aux trois autres et introduit un changement essentiel dans la structure de cette relation quadripartite : l’homme et son frère deviennent associés pour préserver le dépôt et assurer l’istikhlaf, et la nature, la terre avec tout ce qui s’y trouve, n’est plus qu’un dépôt dont il faut protéger le droit et auquel il faut remettre son dû.


L’isthikhlaf représente donc la forme quadripartite de la relation sociale et elle est, pour le Saint Coran, une loi historique.


Le livre divin a exposé cette forme de deux façons : l’une en la qualifiant d’acte divin en tant que don d’Allah, Exalté soit-Il, c’est ce que nous comprenons dans : « Je vais instituer un vicaire sur terre ». La relation d’istikhlaf est donc un don de Dieu, représentant le rôle positif et généreux du Maître du Monde envers l’humanité.


L’autre façon concerne l’homme, qui reçoit la khilafa, tel que nous pouvons le comprendre dans ce verset :


« En vérité, Nous avons proposé le dépôt aux cieux, à la terre, aux montagnes, mais ils refusèrent de s’en charger et en furent effrayés. L’homme [par contre] a accepté de s’en charger, car il est injuste et ignorant à l’extrême » (Al-Ahzab, 72).


Le dépôt confié (amana) est la face réceptive de la khilaf, cette dernière est la face active et donatrice du dépôt, al-amana et al-khilafa sont l’expression de l’istikhlaf et de l’isti’man, d’une responsabilité à assumer.


Elles sont la traduction de cette forme quadripartite qui est exprimée soit à travers l’Acteur, Allah le Tout-puissant : « Je vais instituer un vicaire sur terre », soit à travers l’acquéreur ou le rôle de l’humain acceptant la khilafa et la responsabilité du dépôt. Il, glorifié soit-Il, dit « Nous avons proposé le dépôt aux cieux, à la terre, aux montagnes ». Le dépôt proposé à l’être humain et qui fut accepté par lui ne le fut pas en tant que charge imposée (taklif) ou une exigence. De même, l’acception de ce dépôt ne se situe pas au niveau de l’obéissance ou de la conformité car cette proposition fut avancée aux montagnes et cela n’a aucun sens d’obliger les cieux, les montagnes ou la terre. Cette proposition est de nature originelle et non législative, elle signifie que ce présent divin était à la recherche d’un lieu capable de le recevoir de façon naturelle, originelle, avec sa constitution historique. Ni les montagnes, ni les cieux ni la terre ne peuvent assumer harmonieusement le don de la khilafa. Le seul être qui fut, de par sa constitution et nature, en harmonie avec cette relation sociale quadripartite correspondant au dépôt et à la khilafa, fut l’être humain.


L’acception est donc originelle et prend le sens d’une loi historique, la relation sociale quadripartite fait partie de la constitution humaine et de son parcours naturel et historique.


Ce saint verset indique de plus que cette loi historique est de la troisième forme, une loi qui admet le défi et la désobéissance, comme le confirme l’expression « il (l’homme) est injuste et ignorant à l’extrême ». Bien qu’elle soit une loi historique, elle que l’homme la contrecarre et prenne une attitude négative vis-à-vis d’elle, cette expression est à rapprocher de celle du verset cité précédemment « mais la plupart des gens se savent pas ».

 

En réalité, les deux versets désignent la même vérité. Dans « Lève la tête en monothéiste sincère pour [ professer], selon la nature que Dieu a originellement donnée aux hommes- pas de modification dans la création de Dieu ; voilà la religion dans sa rectitude, mais la plupart des hommes ne savent pas » ( ar-Rum, 30), l’expression ‘’rectitude de la religion ‘’ indique que la nature, la constitution première de l’être humain et son parcours historique forment la religion droite ou en d’autres termes, que la religion dirige la vie, aiguille son parcours. Ce rôle dirigeant de la religion exprime, d’une manière totalisante, la religion sociale quadripartite contenue dans les deux versets « Je vais instituer un vicaire sur terre » et « Nous avons proposé le dépôt aux cieux, à la terre, aux, montagnes », la religion est une loi de la vie, une loi historique, la religion est la religion correcte, c’est la relation sociale quadripartite où Allah fait intervenir une quatrième dimension, provoquant un bouleversement total de ses composantes.


Il nous faut comprendre comment ce quatrième élément est devenu une loi de l’histoire, quel rôle joue-t-il en tant que loi historique, comment peut-il diriger et orienter le parcours de l’être humain sur la scène historique ? Pour cela, il nous faut connaître les deux principales bases de la relation sociale que sont l’homme -l’homme et l’homme – la nature, l’univers, la terre. Etant donné que ces deux bases font partie de la forme aussi bien tripartite que quadripartite, nous les désignerons par les bases fixes de la relation sociale.


Pour connaître le rôle d’Allah, Exalté soit-Il, dans l’agencement de la relation sociale, nous devons tenter une approche des deux bases fixes et comprendre le rôle respectif de l’homme et de la nature afin de réaliser ce qui distingue la forme tripartie de celle quadripartite et en quoi le quatrième élément devient essentiel.

 

Le rôle de l’être humain dans le mouvement historique


Il est clair que, pour le Saint Coran, l’homme ou le contenu interne de l’homme, représente le moteur de l’histoire, Nous avons déjà rappelé que le mouvement historique se distingue des autres mouvements du fait qu’il est régi par le but et non par la cause uniquement, il n’est pas rattaché au passé mais en tant que mouvement régi par un but, une motivation, il est tourné vers l’avenir qui devient le moteur de toute activité historique. Bien que la nation d’avenir soit abstraite, elle demeure, cependant, le moteur à cause de sa présence mentale.


Cette présence mentale de l’avenir est donc le catalyseur, le moteur et le mobile du mouvement du but à atteindre, et de l’autre, l’énergie et la volonté qui permet à l’homme de se lancer en direction de son but. Il s’agit, en d’autres termes, de la pensée et de la volonté qui, par leur alliance, concrétise l’avenir et le mouvement de l’activité historique sur la scène sociale.


Ces deux termes, la pensée et la volonté, sont en effet le contenu interne de l’être humain ; elles matérialisent les motivations et les buts.
C’est en ce sens que le contenu interne de l’être humain représente le fondement du mouvement historique et de la superstructure sociale, avec tout ce qu’elle représente comme relations, organisations et idées. Les détails de cette superstructure sont en réalité reliés à cette base, leur changement et leur évolution dépendent de son changement et de son évolution.


La relation établie entre le contenu interne de l’être humain et la superstructure historique de la société est une relation de cause à effet, elle représente une loi historique qu’Allah, Gloire à Lui, a exprimé ainsi :


« Dieu en vérité ne modifie nullement l’état d’un peuple tant que les individus [qui le composent] ne modifient pas ce qui eux-mêmes » (ar-Ra’d, 11)


Ce verset montre clairement que le contenu interne de l’homme est la base et le fondement de la superstructure, du mouvement historique car le verset signale deux changements : le changement de la communauté « Dieu en vérité ne modifie nullement l’état d’un peuple », incluant sa situation, ses affaires, ses manifestations, tout ceci ne peut changer sans que le contenu interne de la communauté, en tant que communauté, nation et arbre béni, qui est un changement car le changement d’un individu ou de quelques-uns ne peut prétendre à l’essentiel.


Le contenu mental et interne d’une nation, et non de tel ou tel individu, est le facteur essentiel et la base des changements dans la superstructure de mouvement de l’histoire.


L’Islam et le Saint Coran stipulent que les deux processus sont parallèles, celui où l’homme bâtit son propre contenu interne, ses idées, sa volonté et ses ambitions et celui de la construction externe. Supposer que la construction externe soit détachée du contenu interne est absurde à moins qu’il ne s’agisse d’une construction ébranlée et prétentieuse.


C’est la raison pour laquelle l’islam désigna la construction du contenu interne, lorsqu’elle poursuit un chemin juste par « Al-jihad al-A-AKBAR » est la construction externe, lorsqu’elle est justement menée par « Al-jihad al-asghar » reliant les deux et considérant que lorsque al-jihad al-asghar rompt ses liens avec al-jihad al-akbar, il perd son sens, son contenu et sa capacité au changement réel sur la scène historique et sociale.


Le Saint Coran expose un cas de rupture entre la construction externe et celle interne. Allah, Gloire à Lui, dit :


« Tel homme te plaira par les propos qu’il tient sur ce bas monde, en prenant Dieu à témoin de ce que son cœur recède, alors [qu’en réalité] c’est un disputeur retors qui, dès qu’il te tourne le dos, saccage sur son passage récolte et bétail, et Dieu n’aime pas le sabotage » (al-Baqara, 204-205)


Si l’homme n’intègre pas le processus de changement dans son cœur, dans les tréfonds de son âme, s’il ne s’édifie pas lui-même de façon juste, il ne peut exposer les termes justes car les mots justes ne peuvent se transformer en construction juste dans la société que si elles jaillissent d’un cœur imbibé de ces valeurs exprimées par ces mots, sinon, les mots demeurent des expressions creuses, sans contenu.


C’est le cœur qui donne aux mots leurs sens, aux mots d’ordre leur dimension et au processus de construction externe son but et son orientation.


Sachant que l’essentiel du mouvement historique réside dans le contenu interne de l’homme, nous pouvons nous interroger sur l’essence de ce dernier. Quel en est le point de départ ? Quel est le point qui polarise le processus de l’édification du contenu interne de l’humanité ? Il s’agit, bien évidemment de l’idéal.

 

Le Rôle Essentiel De L’Idéal


Les objectifs qui font avancer l’histoire sont définis par l’idéal. Ils sont tous issus d’une représentation principale d’un idéal que l’homme se donne, que la communauté humaine se fixe. C’est à partir de cet idéal que les objectifs partiels sont définis, ils sont à la fois le moteur de l’histoire et l’émanation de cette base plus profonde que représente l’idéal.


Lorsque cet idéal est correct, élevé et large, les objectifs le sont aussi, et ces derniers sont limités et bas à la mesure de l’étroitesse et de la platitude de l’idéal.


L’idéal est donc le point de départ de l’édification du contenu interne de la communauté humaine, il est rattaché, en réalité, à une vision globale de la vie et de l’univers et est défini par une communauté à partir de cette vision.


L’énergie spirituelle correspondante à cet idéal et la vision qu’elle se donne de la vie et de l’univers assure à la communauté la volonté de se diriger vers cet idéal.


Celui-ci se matérialise donc dans une énergie spirituelle qui entraîne l’individu sue son chemin. Tout groupe humain, ayant choisi son idéal, a déterminé le chemin et les détours qui y mènent.


Ayant constaté que le mouvement historique se distingue des autres mouvements car il est tourné vers un but, nous constatons que les mouvements historiques se différencient entre eux en fonction de leur idéal respectif, qui détermine les buts et les objectifs qui, à leur tour, fixent les activités et les actes devant y mener.


Le Saint Coran et l’expression religieuse donnent à l’idéal, dans de nombreuses cas, le non de divinité étant donné qu’il dirige, ordonne et oriente et il représente celui auquel on obéit. Ces traits, pour le Coran, appartiennent à la divinité qui fait l’histoire. Nous lisons même, dans la Parole divine :


« As-tu vu celui qui fait de sa passion une divinité ? » (Al-Furqan 43) où la passion est une divinité car, prenant une place démesurée, elle devient un idéal et un but en soi pour tel ou tel individu.


L’idéal est, selon l’expression du Coran, une divinité car elle est effectivement adorée, elle ordonne et interdit et est le moteur de toute activité.
Les idéaux adoptés par les groupes humains sont de trois sortes :


L’idéal qui tire sa représentation de la réalité elle-même.


La représentation de l’avenir qui en découle ne peut dépasser les limites.


Les chaînes et les affaires de la réalité.


Lorsque l’idéal tire se représentation de la réalité vécue, il ne peut que se trouver dans un état répétitif ou, en d’autres termes, il fige la réalité pour la réfléchir sur l’avenir, et de l’état relatif et limité, il en fait un état absolu car lorsque la réalité passe d’un état limité à un but et à une vérité absolue, l’être humain ne peut rien recevoir au-delà de cette réalité, faisant du mouvement historique un mouvement répétitif, l’avenir devenant une répétition de la réalité qui, elle-même, est une répétition d’un état antérieur.


Cette sorte de divinité s’appuie sur l’immobilisation de la réalité transformant sa condition relative en condition absolue afin que le groupe humain ne puisse dépasser et s’élever, par ses ambitions, au-delà de la réalité.


Cette sorte d’idéal est adoptée par deux raisons :


1) La familiarité, l’habitude, l’inertie et la décadence. Il s’agit d’une cause mentale. Lorsque cet état mental se développe dans une société ou une nation, elles se figent car elles se fabriquent une divinité de leur propre réalité et leur réalité relative et limitée se transforme en vérité absolue, en un idéal au-delà duquel elles ne voient rien. C’est ce que le Coran a exposé dans des nombreux versets, parlant des sociétés qui s’opposèrent aux prophètes venus proposer des idéaux réels, situés au-delà de la réalité vécue.


Ces sociétés vivaient dans l’habitude et l’inertie, elles répondirent qu’elles voulaient demeurer dans le chemin tracé par leurs ancêtres. La réalité a dominé leur esprit, les choses sensibles se sont tellement infiltrées dans leurs ambitions que l’homme qui en est issu est devenu un être sensitif ; incapable de réfléchir, il est devenu le fils et non le père de la réalité.


Ecoutons le Coran : « Ils rétorquent : Non, nous nous conformons aux traditions de nos pères ! » (AL-Baqara, 170)


« Ils disent : Nous avons trouvé nos ancêtres formant une communauté religieuse et nous nous dirigeons sur leurs traces » (Az-Zukhruf, 22)
« [La religion] que nous avons vu nos pères pratiquer nous suffit » (Al-Ma’ida, 104) et d’autres encore


Dans ces versets, le Saint Coran expose pourquoi une société adopte un idéal médiocre.


2) L’adoption d’un idéal plat s’explique aussi par la tyrannie pharaonique qui s’est exercée à travers l’histoire. Lorsqu’ils s’emparent du pouvoir, les pharaons considèrent que tout regard jeté vers l’avenir, que tout dépassement de la réalité qu’ils dominent, sont une menace à leur existence et leur pouvoir. L’intérêt du Pharaon fut, tout long de l’histoire, de maintenir les gens dans l’ignorance de leur réalité, de faire de leur réalité un état absolu, une divinité, un idéal insurmontable. Il s’agit d’une case sociale, extérieure. C’est également ce qu’a exposé le vénérable Coran « Pharaon dit : Conseiller ! Je ne vous connais aucune divinité en dehors de moi ! » (Al-Qasas, 38) « Je ne vous montre, répliqua Pharaon, que ce que je vois et ne vous guide que dans le chemin de la droiture » (Al-Ghafir, 29)


Pharaon déclare ne vouloir leur montrer que ce qu’il veut, plaçant tous ses adorateurs dans le cadre de sa vision propre, il fait la vérité un état absolu.


Allah, Exalté soit-Il, dit :


« Nous envoyâmes ensuite Moïse et son frère Aaron, pourvus de Nos signes et d’un pouvoir manifeste à Pharaon et à son conseil de notables qui se montèrent orgueilleux. C’étaient des gens hautains. Croirons-nous, s’écrièrent-ils, en deux individus semblables à nous et dont les congénères sont nos esclaves ? » (Al-Mu’minuna, 54,47).


Les gens dirent : nous ne pouvons croire à cet idéal que nous propose Musa car il menace notre réalité. Par conséquent, l’immobilisation de la réalité vécue par un groupe émane de souci de ceux qui ont assis leur domination à assurer leur existence et le maintien de leurs privilèges. Le Saint Coran nomme cette puissance qui fait de la réalité vécue un état absolu taghut.


« Bonne nouvelle pour ceux qui s’écartent du culte des idoles et reviennent à Dieu ! Annonce-[la] à mes serviteurs qui écoutent ce qu’on dit et suivent ce qu’il y a de plus vrai. Ceux-là sont ceux que Dieu dirige. Ceux-là sont ceux doués d’intelligence » (Az-Zumar, 17-18).


Remarquons, dans ce verset, comment sont décrits ceux qui refusent de suivre le taghut, « qui écoutent ce qu’on dit et suivent ce qu’il y a de plus vrai ». Ce qui signifie qu’ils n’ont pas enchaîné leurs propres esprits, qu’ils ne se sont pas imposés ses cadres prédéfinis, ils se sont fixés pour but la recherche de la vérité, ainsi, ils écoutent ce qui se dit et suivent ce qui est le meilleur. En d’autres termes, ils ont des ambitions, ils sont en situation de recherche et d’objectivité qui leur permet de trouver la vérité. Alors que s’ils adoraient al-Taghut, ils seraient incapables d’écouter et de suivre le meilleur mais écouteraient seulement ce qu’il leur est demandé d’écouter.


Ces idéaux médiocres prennent souvent l’apparence des religions ou plutôt on leur donne cette apparence pour maintenir leur domination car la relation qu’une communauté entretient avec son idéal, quel qu’il soit, est une relation d’adoration.


Même si l’idéal se cache derrière d’autres slogans et s’affirme comme étant autre chose que la religion, il est fondamentalement une religion puisqu’il exige soumission et adoration. Mais ces religions issues des idéaux médiocres sont limitées puisque les idéaux le sont aussi, elles furent élevées au rang d’absolues alors qu’elles ne sont issues que de visions partielles que l’homme conçoit tout au long de son chemin.


Ces religions que l’homme produit en se fixant ce genre d’idéal sont des religions limitées et déficientes, des religions de partition qui se posent en face de la religion de l’Unicité.


Ces divinités fabriquées par l’homme et dont le vénérable Coran dit :


« Ce ne sont que des noms que vous-mêmes et vos ancêtres leur avaient donnés » (An-Najm, 23), cet idéal fixé par humain, ne peuvent être la religion droite et ne peuvent prétendre à être le véritable facteur de l’ascension humaine.


Les sociétés et les notions qui vient cet idéal médiocre issu de la réalité vécue vivent un état répétitif, leur passé constitue le présent et leur présent, l’avenir.


Lorsque nous observons et analysons la situation de ces nations, nous remarquons qu’elles se retrouvent progressivement sans idéal car il perd son efficacité à mobiliser et à donner puisque n’étant qu’un reflet de la réalité, il ne peut aider à développer l’humanité. En perdant son idéal, la nation se déchire, car son unité était basée sur l’unité de l’idéal. Elle sera, comme le décrit le Coran : « Leurs dissensions internes sont extrêmes. On les croirait unis, mais leurs cœurs sont divisés et il en est ainsi parce que ces gens-là ne raisonnent pas » (Al-Hashr, 14). Les contradictions internes la tirailleront, les individus, que plus rien ne rattache à l’ensemble, se consacreront à leurs affaires et soucis minimes, limités, car aucun idéal n’arrive à rassembler leurs énergies, leurs capacités et leurs aptitudes, ni leurs prédispositions au martyr.


Lorsque l’idéal se meurt, les individus se tournent vers leurs besoins limités, leurs intérêts personnels et ne pensent qu’à assurer leur vie quotidienne dans ses moindres détails, recherchant le repos et la stabilité de leur propre personne. L’individu devient esclave de ses propres besoins et désirs.


Dans ce cas, lorsque la nation devient l’ombre d’elle-même et que rien ne ressemble les individus qui la composent, trois possibilités lui sont offertes :


La première est d’être envahie par des forces militaires extérieures, c’est ce qui arriva aux musulmans lorsqu’ils abandonnèrent leur idéal. La seconde possibilité consiste à se fondre dans un idéal externe, importé, après que son propre idéal ait perdu son efficacité et la troisième possibilité concerne la renaissance, au plus profond de la société, de l’idéal perdu de façon à ce qu’il soit capable d’élever la nation contemporaine.


Les deuxièmes et troisième possibilités se sont offertes à la nation au cours du colonialisme, des voix se sont élevées pour prôner l’intégration et l’assimilation de l’idéal extérieur et importé, et c’est ce qu’ont effectivement fait Rida khan en Iran et Atatürk en Turquie, lorsqu’ils adoptèrent l’idéal de l’homme blanc victorieux et voulurent le faire adopter par les Musulmans qui avaient perdu le leur. D’autres voix se sont, au contraire, insurgées et appelèrent à la renaissance de l’Islam. Ils consacrèrent leurs efforts pour revivifier l’idéal perdu en le présentant dans un langage contemporain et capable de répondre aux besoins des Musulmans.


Toute nation qui devient l’ombre d’elle-même fait face à ces trois possibilités.


La deuxième sorte d’idéal est un idéal issu de l’ambition d’une nation qui regarde vers l’avenir. Il ne s’agit pas d’un état répétitif de la réalité mais d’un regard vers l’avenir, d’une mobilisation vers le nouveau, la créativité et le développement. Mais cet idéal ne traduit qu’une étape de l’avenir, qu’une partie de ce long chemin ou en d’autres termes, cette ambition d’où est issu cet idéal demeure limitée, enchaînée, incapable de survoler de longues distances. Elle s’appuie sur une vision limitée de l’avenir.


Cet idéal renferme en lui un aspect positif mais également de grandes possibilités de danger. Il est vrai qu’objectivement, l’homme ne peut assimiler à lui seul le long chemin de l’humanité, il ne peut comprendre l’absolu étant donné son intelligence limitée. Il peut tout juste assimiler une part de cet absolu, ceci est normal et naturel.


Le danger réside, cependant, lorsque cette part d’absolu saisie par l’être humain, cette poignée limitée, cette étincelle de la lumière, est transformée par l’homme en lumière des cieux et de la terre, transformée en idéal, en absolu.


Car lorsque l’idéal émane d’une représentation mentale limitée de l’avenir et qu’il devient absolu, il peut servir l’homme dans l’étape présente et peut lui assurer les possibilités de développement, il peut, à la mesure de l’énergie accumulée, mobiliser l’homme mais très vite, il arrive au sommet de ses capacités et devient alors une entrave au développement, il devient une divinité, une religion, une réalité en soi.


L’erreur qui consiste à faire du limité un absolu est généralisée soit verticalement soit horizontalement. La génération consiste à considérer que l’idéal regroupe toutes les valeurs humaines pour lesquelles la société se bat et lutte. Alors qu’en réalité, l’idéal qui le motive, bien que juste, ne représente qu’une partie de ces valeurs.

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