La traduction et l’exégèse de la Sourate al-Falaq (la fission)
بِسْمِ اللَّهِ الرَّحْمَنِ الرَّحِيمِ
Bi-smi-Allâhi ar-Rahmâni ar-Rahîmi,
Par [la grâce du] Nom de Dieu, le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux,
قُلْ أَعُوذُ بِرَبِّ الْفَلَقِ (١)
Qul : a‘ûdhu bi-rabbi-l-falaqi,
Dis : « Je cherche refuge auprès du Seigneur de la fission (1)
Révélée à La Mecque pour certains savants, à Médine pour d’autres à cause des circonstances de sa révélation qu’ils évoquent, la sourate al-Falaq a été révélée avec celle an-Nâs (vue précédemment). Sayyed TabâTabâ’i a rapporté à leurs sujets un propos du Prophète(s) qui dit: « Il est descendu sur moi (il m’a été révélé) des versets dont il n’a jamais été révélé de semblables précédemment : les deux demandes de protection. »
Sans doute pour indiquer qu’il n’y a pas d’autres sourates qui ont été exclusivement réservées à la demande de protection. Sans doute est-ce aussi une indication d’une Faveur divine exclusivement offerte à la Communauté du Prophète Mohammed(s) (à tous les Musulmans) en l’honneur de Son Messager(s).
Après le « Basmalah », la sourate commence par l’Ordre divin adressé à Son Messager(s) de chercher refuge auprès de Lui pour obtenir de Lui une sorte d’immunité, d’affranchissement de tout effet du mal. Le début est semblable à la sourate an-Nâs et les commentaires exposés dans les trois premiers articles peuvent être repris tels quels.
بِسْمِ اللَّهِ الرَّحْمَنِ الرَّحِيمِ
Bi-smi-Allâhi ar-Rahmâni ar-Rahîmi,
Dans cette sourate, le « Basmalah » prendra un sens un petit peu différent de celui de la sourate an-Nâs en tant que la demande de protection auprès de Dieu Tout-Puissant se fait par l’intermédiaire de l’évocation de l’Attribut de Dieu « rabb al-falaq » (Seigneur d’al-falaq). Il nous faudra attendre de comprendre le mot « falaq » pour déterminer cette spécificité, le sens visé de ce « Basmalah » étant de se placer sous l’Autorité divine en tant qu’Il est le Seigneur d’« al-falaq », contre le mal … qui sera également déterminé un peu plus loin.
قُلْ أَعُوذُ بِرَبِّ الْفَلَقِ « Qul : a‘ûdhu bi-rabbi-l-falaqi»
« Qul » : vient du verbe « Qâla » (= dire) à l’impératif à la deuxième personne du singulier. Qui parle ? Dieu. A qui s’adresse-t-Il ? Apparemment à Son Messager, le Prophète Mohammed(s) puisque c’est à lui qu’a été révélé le noble Coran. En fait le Prophète Mohammed(s) reçoit l’ordre de Dieu Tout-Puissant de chercher refuge auprès de Lui en tant qu’il(s) est un exemple et un modèle à suivre. C’est-à-dire que tous les Musulmans doivent rechercher refuge et protection auprès de Dieu contre tout mal.
« A‘ûdhu bi.. min.. » du verbe « ‘Adha » à la première personne du singulier. Il s’agit sans doute du Prophète, puisqu’il est introduit par le verbe « Qul » (« dis »), au temps présent (mudâra‘- se terminant par un « u »). Le verbe est suivi par la préposition « bi- » introduisant « auprès de ». Et « min » (présent dans les versets suivants) « contre/de » qui ou quoi, « fuyant » qui ou quoi. Implication personnelle en vue de la demande d’un refuge, d’une protection, d’une immunité contre quelque chose dont on craint la nuisance.
Cette demande de refuge apparaît être une moyen pédagogique pour amener l’homme à s’éduquer, à se corriger, à se purifier en faisant appel à la Protection de Dieu et pour ainsi lui faire atteindre la Perfection et la Satisfaction divine.
« Rabbi » : du verbe « rabba » qui veut dire « conduire quelqu’un ou quelque chose vers sa perfection, enlever les manques en se débarrassant des imperfections, et en se parant des vertus, que ce soit en soi, de façon essentielle ou accidentelle, au niveau des croyances, des connaissances, des qualités, du comportement, ou des actes (ou autres) en fonction de la personne ou de l’animal, de la plante ou de la chose.
« Rabbi » = Seigneur, Celui qui dirige, guide, gère. Le mot se termine par un « i » parce qu’il est introduit par la préposition « bi ».
« al-falaq » : de « falaqa » dont le sens fondamental unique est : fendre, couper en deux, séparer, diviser.
D’où « al-falaq » : la division (mettant en évidence deux voies), la fission, la scission.
Ainsi, on évoque Dieu en tant qu’Il est le Seigneur de la « fission », de la « division », de la scission.
Et parmi les corroborations (masâdîq) : la séparation de la lumière de l’obscurité, (comme la lumière du jour de l’obscurité de la nuit d’où l’« aube naissante », comme la lumière de l’existence de l’obscurité du néant d’où la « création », la « mise à l’existence ») ; la fission de la graine pour faire germer la semence (« Fâliq al-habb »).
(Dans certains propos rapportés, le mot « falaq » désigne un puits grandiose en Enfer, une sorte d’immense crevasse à l’intérieur de l’Enfer. Ce sens fait sans doute allusion à une des corroborations de ce mot, non au sens fondamental qui le définit.)
Reprenons..(en nous aidant de l’interprétation de cette sourate de Sayyed TabâTabâ’i dans « al-Mîzan », et de celles de sheikh Makârem Shîrâzî dans al-Amthâl, et sayyed Hassan al-Mustafawî dans son « Tahqîq fî kalimât al-Qurân al-karîm».)
Au niveau de la sourate, les commentateurs divergent.
La majorité des commentateurs a retenu le « Seigneur de l’aube naissante », c’est-à-dire le « Seigneur de la division/séparation du jour de la nuit ». Cette interprétation s’harmoniserait avec la demande de protection contre le mal qui cache le bien, le voile.
D’autres, comme Sayyed al-Mustafawî ou sheikh Makârem Shîrâzî et d’autres savants contemporains préfèrent la référence au sens le plus large et proposent le « Seigneur de toute chose qualifiée de « fendue », « apparue après une division, une coupure », que cette chose soit la création (apparue du néant), l’aube (apparue de l’obscurité de la nuit), le grain (pour faire germer la semence ou libérer une énergie) ou autres.
Ainsi, on fait appel à Dieu du point de vue qu’Il est un Educateur, un Juge ayant Pouvoir et Autorité sur la création, sur son bien, son mal et ses effets.
Il y a là un appel à la réflexion : sur l’origine de la création ou le comment de son apparition (l’apparition de toute chose se faisant par une division, une scission) et sur le Principe de l’origine de toute chose ou le Début de l’Ordre, Dieu le Créateur.
Pourquoi l’allusion à cet Attribut de façon spécifique « Seigneur », complété avec « falaq » ?
Pourquoi Dieu nous demande d’évoquer qu’un seul de Ses Attributs, à la différence de la sourate an-Nâs ?
Après la demande de protection auprès de Dieu en tant qu’Il est le « Seigneur de la fission », vient la détermination de ce contre quoi la demande de protection auprès de Dieu est nécessaire.
مِنْ شَرِّ مَا خَلَقَ (٢)« min sharri mâ khalaqa »
« sharr » : le contraire de bien : le mal quel qu’il soit, matériel ou moral, de façon absolue, comme les déviations, l’égarement, l’obscurité extérieure et celle qui enveloppe le cœur, en opposition à la lumière (matérielle et spirituelle) et la guidance.
« mâ » : pronom relatif indéfini invariable renvoyant de préférence à des choses mais pouvant tout inclure = « ce que » de façon absolue, complément d’objet direct du verbe qui suit « khalaqa ».
« khalaqa » : créer (ne se dit que pour Dieu) Dieu est le Créateur non à partir de quelque chose.
مِنْ شَرِّ مَا خَلَقَ (٢)« min sharri mâ khalaqa »
Ce qui est visé dans ce verset est la demande de la Protection de Dieu contre tout mal quel qu’il soit qui est apparu dans la création, qu’il provienne des hommes, des djinns, des animaux, même de la nature (les catastrophes « naturelles »), de l’âme instigatrice du mal, ou de l’ensemble de la création.
Dans tout, il y a un « mal » en tant que « manque », « défaut ».
Cela ne veut pas dire que la création divine contient en soi du mal parce que la création est une mise à l’Existence (al-îjâd) et la mise à l’Existence est un Bien pur. {Celui qui a fait de la meilleure façon toute chose qu’Il a créée.} (7/32 La Prosternation)
Le mal est attribué aux créatures quand elles dévient des règles de la création et s’écartent de la voie qui leur est déterminée. Par exemple, les crocs des animaux sont un moyen de défense qui sont habituellement utilisés contre un ennemi, comme les armes pour les êtres humains. S’ils (ou elles) sont utilisés contre un ami par exemple, ils deviennent un mal. Le mal n’existe pas en soi, mais ce que nous appelons « mal » vient de l’utilisation des choses créées déficientes.
Parfois des choses sont considérées comme un mal, quand on se place sur un point de vue limité dans le temps et dans l’espace ou en ne prenant qu’un seul aspect de la question, alors qu’elles sont en leur intérieur un très grand bien. Comme les catastrophes ou les épreuves qui époussètent l’individu de la poussière de la négligence/insouciance (ghaflah) et le poussent à se tourner vers Dieu. Cela fait partie de la fonction du mal : le Retour à Dieu.
Nous avions vu, lors de l’étude de la sourate an-Nâs, que l’ensemble des perfections proviennent de la Beauté du Beau Absolu et la manifestation de la Lumière Sainte revient à la Perfection Absolue. Quant aux autres êtres, ils sont rien en eux-mêmes, ils sont la pauvreté pure, le néant absolu. Ainsi l’ensemble des perfections proviennent de l’Existence et reviennent à Elle, toute émanation qui est l’ombre du Beau Parfait est beau de façon absolue, est une beauté complète, une perfection complète, parce qu’Il est Beau en Son Essence, en Ses Attributs, en Ses Actes. Le « placement » et la « mise à l’existence » ne reviennent qu’à l’existence, ne concernent qu’elle.
Nous avions vu aussi que l’ensemble des maux, la mort, les maladies, les catastrophes, les animaux nuisibles, etc. les souffrances dans ce monde matériel, naturel proviennent des antagonismes et des chocs qui arrivent entre les existants. Ces oppositions, qui ne proviennent pas de l’aspect existentiel des existants, mais de leur côté du manque et de l’étroitesse de ce monde où ils se trouvent, reviennent à la limitation et aux manques extérieurs au cadre de la lumière du « placement ». Elles n’ont pas d’existence en elles-mêmes. Si le principe du monde matériel ne se réalisait pas ni le « placement » (au niveau) de l’existence du monde de la nature, il n’y aurait pas de manque ni de mal.
En résumé, ce qui est créé, « placé en soi » est à Dieu (qu’Il soit Glorifié) et il est le Bien et la Perfection ; la pénétration des maux, des nocivités et autres dans le Décret divin vient par suite, en étant « trainé/tiré ». Le verset suivant dans le noble Coran: {Tout bien qui t’atteint vient de Dieu et tout mal qui t’atteint provient de toi-même.}(79/4 Les Femmes) indique le premier niveau – l’Existence est l’origine de tout Bien, de toute Perfection – et le verset suivant : {Tout est de Dieu.}(78/4 Les Femmes) indique le second niveau – placé en soi, et les maux, les manques placés en contingence, par « accident » –.
De nombreuses indications sont données sur ces deux considérations dans les nobles versets et les propos rapportés des membres de la famille infaillibles(p), notamment ce propos rapporté : « J’ai créé la création et j’ai créé le mal. » (‘Arba‘în Hadîthan de l’imam al-Khomeynî(qs), le 39e Hadith pp715-717)
Ainsi, dans ce verset, on demande la Protection auprès de Dieu contre tout mal de ce que Dieu a créé, quel qu’il soit, de façon absolue.
Les versets suivants vont spécifier le mal dont il s’agit, résultat des actes et des mauvaises intentions des créatures qui ont des effets dans l’organisation de la vie et entrainent nécessairement une défaillance de l’ordre, apparemment ou de façon cachée.
Le choix de ces trois maux dans cette sourate de façon spécifique est sans doute un moyen utilisé pour mettre en évidence, attirer notre attention sur leur gravité et leur danger d’une façon ou d’une autre et nous mettre en garde contre eux, ou sur le fait qu’ils sont à l’origine de tous les autres maux..
وَمِنْ شَرِّ غَاسِقٍ إِذَا وَقَبَ « wa min sharri ghâsiqinn idhâ waqaba »
« wa min sharri » Répétition du mot « sharr » introduit par la même particule « min » et la conjonction de coordination « wa ».
« ghâsiqinn » de « ghasaqa » qui a pour sens fondamental unique : l’obscurité descendante, enveloppante (matérielle ou morale).
D’où la première obscurité de la nuit, c’est-à-dire quand la nuit est devenue obscure après la disparition du crépuscule (de la lumière qui reste encore après le coucher du soleil).
Certains savants ont situé cette grande obscurité vers le milieu de la nuit et l’ont considérée comme marquant la fin du moment de la prière impartie au maghreb.
« ghâsiqinn » nom de l’agent, masculin singulier indéterminé, indiquant celui qui fait l’action de façon absolue, quel qu’il soit : toute chose qui descend et enveloppe d’obscurité : matériellement comme l’obscurité à la tombée de la nuit et moralement comme les impuretés ou obscurités qui s’abattent sur le cœur et qui mènent à l’égarement, à la déviation, à l’incroyance, de façon absolue ou même l’injustice et l’oppression d’un despote.
« idhâ » : particule introduisant
-soit une subordonnée de temps suivi d’un verbe au temps du passé = lorsque
-soit une conditionnelle exprimant une éventualité = si.
Il est plus probable qu’il s’agisse ici d’une subordonnée de temps qui donne une limitation soit à « ghâsiqinn », soit au « mal de toute chose qui descend et enveloppe d’obscurité », soit à la demande de protection.
« waqaba » : de « waqab » qui indique le creux, la cavité.
Ensuite est venue la forme verbale pour : « entrer dans un trou », « s’introduire dans une cavité » (pour s’y cacher). Parmi ses corroborations (masâdîq) : l’entrée de la lune dans l’ombre de la terre (éclipse), l’entrée dans l’obscurité avec la tombée de la nuit.
En reprenant ce qui a été dit précédemment, on pourrait dire qu’après avoir évoqué le mal de façon absolue, Dieu demande à tout Musulman (par l’intermédiaire de son Prophète(s)) de chercher protection auprès de Lui, de façon plus spécifique, contre le mal de la tombée de la nuit quand elle devient obscure. Comme s’il y avait un lien entre le mal et la nuit, le malfaiteur profitant de l’obscurité de la nuit pour faire son méfait, la nuit le dissimulant par son obscurité et la victime étant plus faible durant la nuit pour affronter les attaques du mal.
Cela voudrait dire que l’on recherche la protection du Seigneur de l’aube naissante contre le mal de la tombée de la nuit quand elle devient obscure.
Or la nuit est souvent évoquée dans le Coran comme étant une source de repos, de quiétude. De plus, la plupart des crimes à grande échelle ont lieu en plein jour !
Aussi, dans la mesure où « al-falaq » peut être compris de façon plus générale que « l’aube naissante », faire appel au Seigneur d’« al-falaq » pourrait vouloir dire de ne pas seulement faire appel à Dieu en tant que « Seigneur de l’aube naissante » mais de façon plus générale en tant que « Seigneur de ce qui fend en général » c’est-à-dire «qui fend les ténèbres du néant pour faire apparaître la lumière de l’Existence, de toute existence ».
Et le mal dont Dieu veut nous mettre en garde ne se limite pas à l’obscurité de la nuit mais à toute obscurité qui descend et qui enveloppe (en prenant argument sur le fait que « ghâsiqinn » est au singulier indéfini : quel qu’il soit, tout.., de façon absolue) – notamment celle qui entre dans le cœur du serviteur et l’enveloppe au point d’empêcher le passage de la lumière, même ! que la lumière, quel que soit son niveau, ne sorte de son cœur ! Le serviteur se trouve coupé de la Manifestation des Lumières de Dieu et des profondeurs des mondes. Et aussi le mal qui peut venir des despotes, des Etats qui exploitent les gens à couvert, qui agissent de façon cachée, voilant leurs agissements sous de belles paroles.
Ainsi, il est d’abord évoqué le « Seigneur d’al-falaq » qui est une indication que l’éducation des créatures qui viennent à l’existence par fission, fendage, scission, séparation, sont dès le début sous Son Regard et Son Pouvoir.
Vient ensuite, la demande de protection auprès de Lui contre le mal de ces créatures, c’est-à-dire des maux causés par leurs mauvaises actions et leurs mauvaises intentions qui ont une influence sur l’organisation de la vie et qui entraînent nécessairement une défaillance de l’ordre apparemment ou en profondeur.
Ainsi, en se plaçant du point de vue de l’éducation et du cheminement du cheminant spirituel vers Dieu, on peut constater qu’il ya :
-d’abord une indication que la fission (ou fendage, scission, séparation) et l’apparition du premier niveau de l’éducation, même ! que la fission (ou fendage, scission, séparation) à tous ses niveaux, sont dans les mains du Seigneur le Très-Elevé. D’où la nécessité de se tourner vers Lui pour Lui demander Son Aide et Sa Protection contre les obstacles.
-puis l’indication des obstacles généraux auxquels l’homme est affronté en provenance de l’extérieur, de la création selon des différents aspects, matériels ou moraux.
-enfin l’indication de l’arrivée d’obstacles plus précis et plus percutants dans le cœur dans la mesure où disparaît la guidance et que le lien entre le serviteur et son Seigneur se coupe, qu’ils soient provoqués de l’extérieur, de mauvaises intentions ou des actes.
Ainsi l’arrivée de l’obscurité est le point de départ de tout mal. Viennent ensuite deux autres corroborations des obstacles que le cheminant vers Dieu est amener à affronter et que nous verrons la prochaine fois.
وَمِنْ شَرِّ النَّفَّاثَاتِ فِي الْعُقَدِ « wa min sharri -n-nafathâti fî-l-‘uqadi »
« wa min sharri »
Répétition du mot « sharr » pour la troisième fois introduit par la même particule « min » et la conjonction de coordination « wa » répétée une seconde fois, qui indiquent l’énumération.
« an-nafâthâti »
de « nafâtha » qui indique le souffle fort qui sort de la bouche dans lequel il y a un peu de salive (= un souffle fort avec des petits crachats) ou un petit crachat lié au souffle.
« al-‘uqadi »
de « ‘aqada » qui signifie : « rejoindre, réunir deux parties ou plusieurs, [faire un nœud]et serrer ou tirer sur un point particulier. Le contraire de dénouer, de résoudre ou de défaire un nœud, d’un point de vue matériel et moral. Parmi ses corroborations : un nœud au niveau de la corde, un « cheveu sur la langue » au niveau de la langue, un accord, un contrat au niveau de la vente, du mariage, un dogme (‘aqîdah) au niveau des croyances.
et « al-‘uqadi » : pluriel de « ‘uqdat » qui indique un nœud, une complication sur un point particulier. Le contraire de la résolution, du dénouement.
النَّفَّاثَاتِ « an-nafathâti »
Certains commentateurs ont dit que les « nafâthâti » sont les femmes sorcières ou les femmes qui insinuent dans les oreilles des hommes, surtout de leurs maris. Mais aucune preuve ne permet de confirmer ce sens.
D’autres, comme sayyed al-Mustafawî dans son « Tahqîq », ont vu en ce mot les âmes qui s’efforcent à rendre difficiles les ordres ou affaires des gens, qui cherchent à compliquer leurs problèmes.. qui jettent sur eux ce qui entraîne une déviation, un égarement dans les ordres matériels et moraux.
Si le mot est au féminin, ce n’est pas parce qu’il indique les femmes mais parce qu’il indique les « âmes » (même si les femmes sont des plus apparentes corroborations).
فِي الْعُقَدِ « fî-l-‘uqadi »
Ce qui est visé dans ces mots : faire des nœuds, rendre compliquées des affaires, renforcer les divisions et la gêne dans les affaires des gens, de façon apparente, à l’opposé de résoudre et dénouer les problèmes.
Cela concerne certaines gens qui s’efforcent de dévier la pensée des gens, d’égarer leurs âmes. Il n’est pas juste de limiter le verset aux femmes sorcières (même si elles en constituent une corroboration (tasdîq)), ni même à la sorcellerie. Aucune preuve ne le confirme.
Ce verset viserait plutôt tout ce qui cherche à détourner ou affaiblir la volonté, la détermination des gens, que ce soit par des moyens occultes comme la sorcellerie, que ce soit des groupes de gens, des institutions, voire même des Etats qui cherchent à affaiblir la Révolution islamique ou un Etat islamique ou encore la dernière « guerre douce » (softwar).
Cependant sayyed TabâTabâ’î(qs) tire profit de ce verset pour confirmer la possibilité d’influence de la sorcellerie en général (avec l’Autorisation de Dieu). Il s’appuie pour cela sur l’histoire de Hârût et Mârût (évoquée dans les versets 102-103 de la deuxième sourate La Vache) et celle des sorciers avec le Prophète Moussa(p) et Pharaon.
Nous saisissons cette occasion pour exposer la position de l’Islam concernant la sorcellerie, et autres choses de ce genre comme la magie, la prestidigitation. Avant de poursuivre l’étude des versets de cette sourate « al-falaq ».
LA SORCELLERIE SELON L’ISLAM
« sahara » (le mot employé en arabe, présent dans le Coran) veut dire : détourner de ce qui EST réellement, en vérité, vers son contraire (le faux), comme détourner le regard de ce qu’ils voient apparemment vers son contraire (une illusion) ; comme détourner les cœurs de ce qu’ils savent vers le faux.
Il y a d’un côté le sorcier ou le magicien et de l’autre celui qui a été ensorcelé.
« Un jour, un athée interrogea Abû Abdallah, l’Imam as-Sâdeq(p), sur la sorcellerie :
-« Parle-moi de la sorcellerie ! Quel est son principe et comment le sorcier (ou le magicien) peut-il [faire] ce qui est décrit de ses prodiges, et que fait-il ? »
-Il(p) lui répondit : « Il y a plusieurs sortes de sorcellerie/magie.
une sorte au rang de la médecine. Comme les médecins attribuent à chaque maladie un médicament, il en est de même de la sorcellerie. Ils manigancent pour toute santé un vice, pour toute santé/salut une déficience et pour tout sens (signification - ma'nânn) une ruse ;
une autre qui revient à de l’escroquerie, à une rapidité [de mouvement], à des impostures et de la dissimulation ;
une autre où les maîtres des « shayâtîns » prennent d’eux (s’en chargent à leur place). C’est-à-dire les sorciers ou magiciens font appel à l’aide des « shayâtîns » et deviennent leurs suppôts. » »
(Bihâr al-Anwâr, vol.60 p21)
La sorcellerie (as-sihar) est le contraire de la vérité et mène à l’égarement et à la perte. Elle regroupe aussi bien la magie, la sorcellerie, le charlatanisme que l’habileté, les tours de passe-passe, la prestidigitation. Elle n’a aucune réalité, comme il est dit dans Sa Parole. Dieu Tout-Puissant dit à propos des sorciers de Pharaon et de leur sorcellerie : {Quand ils jetèrent, ils ensorcelèrent les yeux des gens et les épouvantèrent et vinrent avec une puissante magie.} (116/7 al-A‘raf)et {Il dit : « Jetez plutôt » Et voilà que l’on s’imagina de leur sorcellerie que leurs cordes et leurs bâtons rampaient.} (66/20 Taha) Ces mots « ensorcelèrent les yeux des gens » et « on s’imagina » évoquent l’aspect illusoire, imaginaire des activités des sorciers (ou magiciens).
Le quatrième verset parle du deuxième mal cité de façon spécifique, celui de celles qui soufflent dans les nœuds que les commentateurs du noble Coran ont rapproché à la pratique de la sorcellerie. C’est pourquoi nous avons commencé la dernière fois, d’exposer la position de l’Islam concernant la sorcellerie et nous allons l’achever cette fois-ci, en nous aidant de l’interprétation de cette sourate de sayyed TabâTabâ’i dans « al-Mîzan », et de celles de sheikh Makârem Shîrâzî dans al-Amthâl, et de sayyed Hassan al-Mustafawî dans son « Tahqîq fî kalimât al-Qurân al-karîm».
LA SORCELLERIE A-T-ELLE DES EFFETS ?
La sorcellerie, si elle est illusoire et imaginaire, peut-elle avoir des effets sur les gens, leur faire du mal ?
C’est ce que laissent entendre certains versets du Coran comme : et {Ils apprennent auprès de eux deux ce qui sépare l’homme de sa femme (…) Ils apprennent ce qui leur nuit et ce que ne leur profite pas.} (102/2 La Vache)
Toutes les forces du monde ont pour point de départ la Puissance de Dieu Très-Elevé. Le feu ne brûle qu’avec l’Autorisation de Dieu, le couteau ne coupe qu’avec l’Autorisation de Dieu..
Il n’est pas possible au sorcier d’entrer dans le monde de la création, en dehors de la Volonté de Dieu et en opposition à Elle. Il ne peut agir qu’avec Son Autorisation. Sa sorcellerie ne peut avoir d’effets qu’avec l’Autorisation de Dieu.
Certes, la sorcellerie a été pratiquée de tout temps et exprime une série d’actes inhabituels qui peuvent avoir des effets, une influence sur l’existence de l’individu, sur son imagination, sur son psychisme. Parfois certaines magies utilisaient des produits chimiques et physiques pour tromper les gens qui ne les connaissaient pas alors. Est-ce que la magie n’a qu’une influence psychique, est-ce qu’elle peut avoir des effets nocifs également sur le corps ? Les versets ne l’indiquent pas.
LE PROPHÈTE MOHAMMED UN SORCIER OU UN ENSORCELÉ ?
Le Prophète Mohammed(s), comme tous les Prophètes, a été accusé d’être un sorcier pour son influence sur les gens : {Aucun Messager n’est venu avant eux sans qu’ils n’aient dit : « C’est un magicien ou un fou. ».} (52/51 adh-Dhâriyât) et {Et ils [les Mecquois] s’étonnèrent qu’un avertisseur parmi eux leur soit venu, et les incroyants disent : « C’est un magicien et un grand menteur. »} (5/38 Sad)
Certains citent un propos rapporté selon lequel le Prophète Mohammed(s) aurait été ensorcelé par un juif (c’est-à-dire qu’il aurait perdu la raison). Dieu lui aurait alors envoyé cette sourate.
La sorcellerie est associée au mensonge (le contraire de la Vérité) et à la folie (le contraire de la raison). Or, le Prophète(s) était immunisé de l’influence de la sorcellerie, pour ses qualités de perfection et d’infaillibilité, dont celles de la Sincérité/Véracité et de la Raison. Le verset suivant : {Les injustes disent : « Vous ne suivez qu’un homme ensorcelé. » Vois à quoi ils te comparent ! Ils se sont égarés, ils ne pourront pas trouver la voie.} (8-9/25 al-Furqâne) en témoigne.
ET SES MIRACLES ?
Dans l’accomplissement d’un miracle, il n’y a pas de « moyens » ou de « trucs » dissimulés. Il n’est pas dû, par exemple, à un mouvement rapide de la main au point de duper les gens et d’éloigner la raison de la réalité.
Le miracle est un acte contraire à la marche habituelle naturelle, effectué par la force de la Volonté et la Puissance de l’âme croyante en Dieu, s’appuyant sur la Puissance divine et s’y soumettant totalement, accompagné de la prétention de la Prophétie en ce qui concerne le Prophète(s).
EST-IL PERMIS DE PRATIQUER LA MAGIE ?
L’ensemble des savants sont d’accord pour dire qu’il est interdit d’apprendre la magie et de la pratiquer. Il est rapporté du Prince des croyants(p) : « Celui qui apprend la sorcellerie, un peu ou beaucoup, est un incroyant. » (Bihâr al-Anwâr, vol.76 p210 Bâb 96 H2)
Il est cependant permis d’apprendre la sorcellerie pour annuler les sortilèges effectués par de mauvaises gens, des « sorciers ». Il est rapporté de l’Imam as-Sâdeq(p) : ‘Issa, fils de Shafaqî était un magicien chez qui les gens se rendaient et qui prenait de l’argent pour cela. Il lui(p) dit : « Que je sois placé en rançon pour toi ! Je suis un homme et je faisais de la magie et je prenais de l’argent en échange. C’était ma source de revenus. J’ai été au Hajj avec [cet argent] et Dieu m’a fait le don de te rencontrer. Je me suis repenti à Dieu Tout-Puissant. Est-ce qu’il y a une issue de cela pour moi ? » Abû Abdallah(p) lui répondit : « Dénoue et ne noue pas ». (al-Kâfî, vol.5 p115 H7 Bâb as-Sinâ‘ât)
Pour revenir à notre verset, Dieu nous demande de chercher refuge auprès de Lui, le Seigneur de la « fission » contre le mal de façon générale, et de façon particulière comme le mal de ceux qui utilisent la sorcellerie ou autres pratiques obscures, ténébreuses, pour faire du mal aux autres et rendre compliquées leurs affaires en ce monde.
Enfin, reste le dernier mal évoqué de façon spécifique dans le dernier verset de cette sourate : {Le mal de l’envieux quand il envie} sur lequel nous reviendrons la prochaine fois.
Vient le dernier verset de la sourate qui parle du troisième mal cité de façon spécifique.
وَمِنْ شَرِّ حَاسِدٍ إِذَا حَسَدَ « wa min sharri hâsidinn idhâ hasada »
« wa min sharri »
Répétition du mot « sharr » pour la quatrième fois introduit par la même particule « min » et la conjonction de coordination « wa » répétée une troisième fois.
« hâsidinn » vient de « hasad » : l’envie avec la demande de la disparition d’un bienfait, d’un bon état, d’une aisance présente en la personne enviée. « hâsidinn » désigne celui qui envie, au masculin singulier : l’envieux de façon absolue, n’importe quel envieux.
« idhâ hasada » : quand il envie.
Ce qui implique une certaine manifestation extérieure de l’envie. Comment ? Au niveau de la main et de la langue et peut-être aussi au niveau de l’œil.
Reprenons..(en nous aidant de l’interprétation de cette sourate de Sayyed TabâTabâ’i dans « al-Mîzan », et de celles de sheikh Makârem Shîrâzî dans al-Amthâl, sayyed Hassan al-Mustafawî dans son « Tahqîq fî kalimât al-Qurân al-karîm» et du commentaire du 5e hadîth du 40 Hadîthann de l’Imam Khomeynî(qs).)
وَمِنْ شَرِّ حَاسِدٍ إِذَا حَسَدَ « wa min sharri hâsidinn idhâ hasada »
La répétition est sans doute pour attirer l’attention sur le mal des « maux » présentés et insister sur la nécessité d’y prendre garde et de chercher refuge auprès de Dieu qui est à l’origine de toute chose à partir de la scission ou fission.
L’introduction de chaque mal par une conjonction de coordination est sans doute pour montrer l’accumulation de ces maux dans le monde de la multitude et du manque. Chaque mal évoqué représente une imperfection, une déficience distincte l’une de l’autre, un obstacle qui se manifeste de façon particulière à l’individu qui doit les affronter. Mais en même temps, ils ont en commun de faire partie de ce qui répand l’obscurité à l’extérieur et à l’intérieur du cœur de l’homme. Seul Celui qui fend la Lumière de l’obscurité permet d’offrir un réel refuge et une réelle protection contre ces ténèbres.
DÉFINITION DE L’ENVIEUX
L’Imam Khomeynî(qs), dans son commentaire du 5e hadith de son fameux livre 40 hadîthann, donne une définition percutante de l’envie. L’envie est un état psychique durant lequel son détenteur souhaite la disparition de la perfection et du bienfait qu’il imagine chez les autres, qu’il les possède lui-même ou pas, qu’il les souhaite ou les désire pour lui-même ou pas.
« Qu’il imagine chez les autres » signifie que ce bienfait peut ne pas être en soi un bienfait véritable. Tant que l‘envieux imagine que des choses (qui sont en soi des manques et des déficiences) sont un bienfait et une perfection, ou, étant lui-même au niveau animal, voit une perfection en une qualité qui est en réalité un manque pour l’être humain mais une qualité pour l’animal, il désire leurs disparitions de chez les autres.
Il y a des gens qui pensent que massacrer les autres et verser le sang sont un don grandiose. Aussi quand ils voient quelqu’un le faire, il l’envie. Il y a des gens qui considèrent que la langue bien affilée et les propos obscènes sont des perfections, alors ils jalousent ceux qui les détiennent.
Le critère pour connaître cet état psychique est le [degré] d’illusion de perfection et d’imagination d’existence du bienfait, et non pas le bienfait lui-même.
Ainsi, celui qui voit chez les autres un bienfait, réel ou imaginaire, et désire sa disparition, est un envieux.
Il y a différentes sortes et divers degrés de l’envie selon l’état de l’envieux, de l’envié et de l’envie elle-même. Ceux qui ont été les plus enviés et qui ont le plus subi les effets de la jalousie des autres, ce sont les Prophètes(p) et leurs légataires(p).
LES CAUSES DE L’ENVIE
Quant aux causes de l’envie, elles reviennent la plupart du temps à une vision d’avilissement dans l’âme [un sentiment d’infériorité]. Il est possible de dire que la jalousie est une sorte de dépression et d’avilissement de l’âme dont le résultat est le désir de voir disparaître le bien et la perfection des autres.
D’autres savants ont évoqué comme causes de l’envie, l’inimitié, la fierté, l’orgueil, la fatuité, la peur, l’amour de la présidence et une mauvaise nature [ou un mauvais fond]. (…)
En tout cas, l’envie est en elle-même une des maladies du cœur les plus dangereuses et les plus destructrices. Elle donne également naissance à de nombreuses maladies du cœur comme l’orgueil et à la corruption des actes. (Commentaire du 5e hadîth in 40 Hadîthann de l’Imam Khomeynî(qs).pp139-141)
Nous reviendrons sur cette grave maladie du cœur dans le cadre de la rubrique « Santé morale ».
Dieu nous demande de nous refugier auprès de Lui contre « le mal de l’envieux quand il envie », à propos duquel le Prophète(s) disait : « L’envie a failli devancer al-Qader ». En évoquant de façon spécifique cette maladie dans la sourate, Dieu met en évidence son danger et sa gravité non seulement pour les éventuelles victimes mais aussi pour l’envieux lui-même, afin qu’elle ne soit pas négligée. Sans doute aussi parce qu’elle est une des plus répandues..
RÉCAPITULATION DE LA SOURATE
La sourate commence par un ordre divin – adressé à l’ensemble des Musulmans par l’intermédiaire du Prophète(s) – de chercher refuge auprès de Lui (Dieu), en évoquant un de Ses Attributs, celui du « Seigneur de la fission », contre le mal de ce qu’Il a créé. Puis Dieu évoque trois sortes de maux, de façon spécifique, choisis sans doute pour leur plus grand degré de dangerosité et pour la prédominance de l’insouciance par rapport à ces maux : le mal de ce qui descend et enveloppe d’obscurité (la nuit, l’injustice ou l’incroyance) ; le mal de tous ceux ou celles qui utilisent des moyens occultes pour affaiblir de leurs « nœuds » la volonté, la foi, les croyances des gens ; et enfin le mal des envieux.
Moyen pédagogique pour apprendre à l’homme à faire face à ces pires sources du mal, de l’obscurité et de l’égarement et à se tourner vers la source de la Lumière et de la Guidance.
Ainsi apparait le lien qui lie toute la sourate : nous faisons appel au Seigneur de la fission qui fait apparaître (sortir) la Lumière (lumière de l’Existence, de l’aube, de la croyance, de la guidance, du bien), de l’obscurité (l’obscurité du néant, de la nuit, de l’incroyance, de l’égarement, du mal) à partir d’une scission, pour nous protéger contre les maux de ceux qui agissent en vue de nuire aux autres et d’éteindre la lumière du Salut et de la Guidance.