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Le Récit du Croyant des Gens de Pharaon

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Le Récit

 

La Sourate de "Croyant" renferme une série de récits qui gravitent autour des Âle Pharaon. Ces récits ou contes divers sont liés par un même fil qui les unit de telle sorte qu'on peut les considérer comme un seul récit sur la vie linéaire de ce peuple (les Âle Pharaon) depuis l'arrivée de Moïse (P) parmi eux, en passant par leur périssement, jusqu'à leur demeure finale le Jour dernier, le Barzakh, puis l'Enfer.

 

La construction ou la structure architecturale de ce récit repose sur la description de vies ou de milieux divers: le milieu de la vie terrestre, d'abord, le milieu du Barzakh ou du tombeau ensuite, et le milieu infernal enfin. Tous ces milieux mettent en scène la conduite des Âle Pharaon, sous une forme romanesque réjouissante dans laquelle sont enchevêtrés ces divers milieux à travers un enchaînement objectif du temps où se mêlent futur, présent et passé.

 

Ceci concerne le milieu du récit.

 

Quant aux personnages ou héros, le récit pullule de personnages secondaires tels Moïse (P), Pharaon, Hâmân, Qâroun. En outre les Âle Pharaon eux-mêmes représentent un personnage collectif principal dans le récit. D'un autre côté, le récit évoque le personnage de Joseph (Yousuf) aussi, dans un contexte particulier, comme nous allons le remarquer.

 

Mais le rôle principal qui domine le récit c'est celui du héros, le Croyant d'Âle Pharaon, comme le titre du récit le laisse deviner.

 

L'importance du rôle de ce héros tient à l'importance de la méthode d'action missionnaire du Croyant d'Âle (du peuple) Pharaon, que le récit nous présente.

 

Cette méthode d'action, ainsi que celle de la confrontation directe choisie par un autre héros, Moïse, constituent deux modes d'action dictés aux héros mujâhid par la nature du climat politique. A travers les champs de bataille dans lesquels les deux héros sont engagés, l'un est amené à choisir un combat secret, l'autre une action ouverte et publique.

 

Quant aux autres ingrédients du récit, constitués de péripéties et de situations diverses, ils sont agencés à leur tour selon un ordre architectural plaisant dont nous parlerons en détails, ainsi que de tous les autres éléments romanesques, plus loin.

 

Le récit commence par le personnage de Moïse (P) lors de sa confrontation franche avec Pharaon, Hâmân et Qâroun:

 

«Nous avons envoyé Moïse avec nos Signes et un pouvoir incontestable à Pharaon, à Hâmân et à Qâroun (Coré).

 

»Ils dirent: "C'est un sorcier, un imposteur".

 

»Mais quand il leur apporta la Vérité émanant de Nous, ils dirent: "Tuez les fils de ceux qui croient comme lui, et laissez vivre leurs filles".

 

»La ruse des incrédules ne fait que les égarer». (1)

 

Telle est la première parole du récit: le Ciel envoie Moïse à Pharaon, Hâmân et Qâroun.

 

Il s'agit de savoir maintenant quels sont les rôles joués par chacun de ces trois personnages?

 

En ce qui concerne Pharaon, il est le chef des tyrans et sa position dans les péripéties se passe par conséquent de commentaire. Quant à Hâmân, il est son ministre, et il occupe une position risible, comme nous allons le constater. Pour ce qui concerne Qâroun, le trésorier de Pharaon, il n'occupe pas une position dans ce récit, mais d'autres textes coraniques l'ont dépeint ailleurs, dans un autre récit que nous avons déjà abordé.

 

Est-ce que cela signifie (du point de vue purement romanesque) que le récit ne cherche pas à déterminer les rôles ou les fonctions que ces trois personnages y jouent, mais vise à mettre en scène les idoles qui occupent une position sociale dans le milieu où se meuvent les Âle Pharaon dans leur relation avec Moïse, et ce abstraction faite du mouvement effectif déterminé pour telle ou telle autre idole?

 

La réponse est très probablement positive, étant donné que les grandes idoles ont leur influence sociale dans le cadre de la place qu'elles occupent dans l'esprit de la populace, et que Satan a réussi à ensorceler celle-ci, malgré les preuves et les arguments irréfutables que Moïse a fournis à cette populace dont fait partie Qâroun qui représente l'une des figures de proue alliées aux Âle Pharaon autour desquels se déroulent les péripéties du récit.


  La réaction de ces idoles au message que leur avait présenté Moïse consistait à le traiter de sorcier et de menteur.

 

Toutefois, le récit a enjambé la chaîne chronologique pour anticiper sur des péripéties futures, avant de retourner de nouveau au présent pour suivre le déroulement des événements selon leur ordre chronologique normal.

 

Le laps de temps futur que le récit a anticipé concerne les réactions suscitées par Moïse chez la populace en question, et exprimées comme suit:

 

«Tuez les fils de ceux qui croient comme lui, et laissez vivre leurs filles». (2)

 

De ce dialogue on peut inférer - suivant le procédé romanesque emprunté par le récit - que le message de Moïse invitant les gens à Allah a fait ses effets, puisque beaucoup y ont cru, ce qui a poussé Pharaon et sa clique à réclamer l'assassinat des croyants et la violation de leurs femmes, comme le font les tyrans de notre époque contemporaine.

 

Toutefois, le récit a commenté cette réaction par ces propos: «La ruse des incrédules ne fait que les égarer» (3), ce qui signifie, du point de vue romanesque, que les péripéties suivantes révéleront que les tyrans seront voués à la défaite.

 

De là, le récit retourne vers l'enchaînement chronologique des péripéties, après avoir abordé une période future où il montre que le public - nombreux ou peu nombreux - a répondu positivement à l'Appel du Ciel et que la fin catastrophique des tyrans s'est bel et bien précisée.

 

Donc le récit revient de nouveau pour décrire les réactions engendrées par l'Appel à Allah, suivant l'ordre chronologique des péripéties qui ont commencé par cette réaction du tyran Pharaon:

 

«Pharaon dit: "Laissez-moi tuer Moïse! Qu'il invoque donc son Seigneur! Je crains qu'il n'altère votre religion et qu'il ne sème la corruption sur la terre"».(4)

 

Cette logique ridicule est l'un des outils de propagande auxquels recourent les tyrans à toutes époques et partout. Nous entendons par «cette logique ridicule», ce qu'on appelle dans la terminologie de la psychologie collective, la «projection» des traits de caractères négatifs qui sont propres aux corrupteurs sur les réformateurs. Ainsi, le corrompu, le vilain, l'avide, le mesquin etc. a tendance à projeter sur autrui le défaut qu'il porte afin d'une part que toute valeur morale saine s'écroule (au cas où les autres sont conscients de la mesquinerie d'un tel procédé de propagande), et que, d'autre part toutes les vérités soient altérées ou déformées, et ce pour pouvoir préserver son pouvoir (au cas où les autres sont inconscients de la vraie situation).

 

Pharaon, lequel est le chef des corrupteurs sur la terre, à son époque, accuse (comme le font les tyrans de l'époque contemporaine) Moïse de corruption et affecte sa crainte de voir altérer la religion du peuple. Il s'est imaginé que ce stratagème psychologique suffirait à tromper la lie du peuple et à susciter une réaction douloureuse chez les gens conscients qui répugnent vraiment à l'altération des vérités.

 

Mais ce qui lui a échappé, c'est que le Ciel est à l'affût de toute ruse à laquelle font appel les corrupteurs sur terre et que la fin des tyrans serait toujours impitoyable, et semblable à celle de Pharaon et des siens, péris noyés et complètement anéantis.

 

Donc, Pharaon, le tyran de son époque, a suggéré l'assassinat de Moïse afin de préserver son trône qu'il a essayé de renforcer en trompant les ignorants et en nuisant aux gens instruits par le recours à la désinformation: «Je crains qu'il n'altère votre religion et qu'il ne sème la corruption sur la terre». (5)

 

Toutefois, il semble que sa proposition de tuer Moïse se soit heurtée à l'opposition de certains de ses conseillers, comme nous le dévoilera le récit plus tard, selon un procédé romanesque indirect.

 

Mais avant de disparaître de la scène des péripéties de ce récit, Moïse nous a fourni à ce propos, un élément important pour la suite des événements (que le texte romanesque révélera) lorsqu'il a commenté les réactions suscitées par son appel à Allah, dans les termes suivants:

 

«Je cherche la protection de mon Seigneur et votre Seigneur contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugement». (6)

 

Là se termine le rôle de Moïse - ou disons plutôt sa position fonctionnelle - dans le récit pour céder la place à un nouveau héros, lequel exerce d'innombrables sortes d'activités qui occupent une grande partie de la surface du récit, ou qui influent considérablement sur son mouvement.

 

Ce nouveau héros commence à assumer l'opposition à partir du moment où Pharaon s'est mis à penser à l'assassinat de Moïse; et depuis qu'il est apparu sur la scène des événements, l'opposition à Pharaon a revêtu une forme flagrante et ouverte, et d'autant plus importante que ledit héros n'était autre que le trésorier ou le cousin (maternel) de Pharaon, et que l'importance de son engagement dans l'opposition n'était pas sans conséquence sur la décision ou le projet de l'assassinat de Moïse.

 

Comme nous l'avons dit, Moïse, avant de disparaître du théâtre des événements, a déclaré: «Je cherche la protection de mon Seigneur et de votre Seigneur contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugement». (7)

 

Et comme nous l'avons noté également, cette déclaration projettera une lumière sur le futur des événements et notamment sur la personnalité du Pharaon, marquée par l'orgueil et le refus de se rendre à l'évidence, comme nous le montreront ses agissements ridicules à ce propos.

 

Il est indubitable que lorsque Moïse a commencé à se mouvoir vers Pharaon et son peuple, son mouvement a été accompagné de plus d'une situation sur lesquelles le récit se tut. Mais le nouveau héros (le Croyant d'Âle Pharaon, dont nous aborderons les détails de la personnalité sous peu) dévoile un aspect des mouvements de Moïse (P). Cette façon de tisser le récit révèle certaines caractéristiques techniques que celui-ci a adoptées dans la construction des péripéties et des personnages.

 

En effet, le récit s'est contenté d'aborder du personnage de Moïse, le fait qu'il s'était présenté aux Âle Pharaon avec «des Signes et un Pouvoir incontestable» (8) et qu'il avait cherché refuge auprès d'Allah contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugement.

 

Quant aux détails de la situation dans laquelle il a appelé les gens à Allah, le récit les a passés sous silence, laissant d'une part, au lecteur le soin d'en déduire quelques-uns, estimant d'autre part que certains détails ne répondraient à aucune nécessité romanesque, chargeant enfin le nouveau héros (le Croyant d'Âle Pharaon) de nous faire découvrir à travers la présentation de sa personnalité, certains autres détails relatifs au personnage de Moïse et à la situation dans laquelle il a agi auprès des Âle Pharaon.

 

Un lecteur attentif ou averti ne peut qu'admirer ce procédé de présentation des personnages et des événements très intéressant et plaisant sur le plan de la technique romanesque.

 

Ceci dit, Moïse ayant disparu totalement de la scène romanesque, laissant la place à un nouveau héros qui va compléter le rôle qu'il a commencé dans le déroulement du récit.

 

Quels sont donc les traits caractéristiques de ce nouveau héros?

 

Le récit débute la présentation du nouveau héros comme suit:

 

«Un homme croyant, qui appartient au peuple de Pharaon et qui cachait sa foi, dit: ...». (9)

 

Ce qu'a dit le héros, nous le saurons plus tard. Mais il convient tout d'abord de mettre en exergue les traits caractéristiques de ce héros dont nous avons dit qu'il était au début opposé à l'assassinat de Moïse (P) et qu'il complétera les tâches que le Ciel avait confiées à Moïse.

 

Le récit nous a dévoilé trois traits de ce personnage: "homme croyant", "appartenant au peuple de Pharaon", "il cachait sa foi".

 

Là il faut méditer profondément sur l'importance romanesque de la présentation de ces trois traits de la personnalité du nouveau héros. Car cette présentation est riche en significations que nous devons suivre dans le domaine du «Combat sur le Chemin d'Allah» et adopter dans toute action politique, sociale ou individuelle que le Ciel nous demande d'entreprendre dans une situation particulière de terreur, où les tyrans ne laissent à la personnalité musulmane aucune latitude d'agir ouvertement, ou dans des circonstances ponctuelles où l'action secrète s'avère plus efficace que l'action ouverte, comme nous allons en avoir l'illustration dans la conduite de notre héros ici.

 

En effet, le simple fait que notre héros appartienne au peuple de Pharaon atteste que les membres des groupes, des peuples ou des bandes corrupteurs sur la terre ne sont pas forcément tous, réfractaires au bien et dépouillés de tout bon fond, étant donné que l'éducation sociale spécifique à chacun et la différence entre un individu et un autre déterminent et réforment les comportements individuels, ou même effacent le caractère héréditaire aberrant dans des cas particuliers, et à fortiori les influences du milieu dévié. La femme de Pharaon lui-même était croyante. Pourquoi pas son cousin maternel, par exemple!

 

L'observation de cette vérité, pourrait nous aider à mettre à profit des individus qui appartiennent à des peuples, des familles, des milieux ou des régimes déviés, à les arracher (secrètement ou ouvertement, selon les circonstances) à la déviation et à les sortir des ténèbres à la lumière, et ceci est d'autant plus important pour la bonne cause que de tels individus, du fait de la position qu'ils occupent auprès du régime, du milieu ou du groupe corrompu, pourraient s'avérer plus efficaces que d'autres.

 

En tout état de cause ce trait social souligné par le récit, c'est-à-dire le fait de l'appartenance du héros au peuple de Pharaon influera beaucoup sur le déroulement des péripéties, comme nous allons le constater.

 

Quant au second trait, le fait qu'il soit "Croyant". Le récit l'a entouré de silence. Même les textes exégétiques ne nous apprennent pas grand-chose sur ce trait, se bornant à nous informer que ce Croyant avait caché sa foi pendant des années ou des siècles, sans nous renseigner plus sur le comment et le pourquoi.

 

Même sur le troisième trait, la dissimulation de la foi, ces textes restent peu loquaces, se contentant d'aborder son aspect général et sa durée.

 

Il est clair, du point de vue purement romanesque, que le récit se soucie moins de la détermination des préliminaires de la foi ou de sa durée, que du soulignement de son caractère de «secret», à cause de l'importance de ce caractère pour la préservation de la vie du personnage, d'une part, pour l'accomplissement de sa tâche d'adoration (même dans un cadre individuel) de l'autre, et pour les possibilités de l'action sociale que le travail secret actuel pourra permettre: rétablir un droit, effacer un faux, ramener d'autres individus des ténèbres vers les lumière, ou enfin attendre une occasion propice pour agir ouvertement dans une situation décisive, comme le fera effectivement «le Croyant du peuple de Pharaon» qui interviendra à un moment d'extrême gravité, où les tyrans s'apprêteront à assassiner une personnalité élue par le Ciel (Moïse).

 

Le rôle ou la position fonctionnelle du nouveau héros, «le Croyant du peuple de Pharaon», débute avec la situation suivante:

 

«Un homme croyant, qui appartenait au peuple de Pharaon et qui cachait sa foi, dit:

 

»Tuerez-vous un homme parce qu'il a dit: "Mon Seigneur est Dieu", alors qu'il vous a apporté des preuves évidentes.

 

» S'il est menteur, son mensonge retombera sur lui, s'il dit la vérité, ce dont il vous menace vous atteindra. - Dieu ne dirige pas celui qui est pervers et menteur -

 

»Ô mon peuple! La royauté vous appartient aujourd'hui et vous triomphez sur la terre, mais qui donc nous délivrera de la rigueur de Dieu quand elle nous atteindra?». (10)

 

Cette séquence ou ce monologue nous permet de relever plusieurs traits de la technique romanesque utilisée dans le récit.

 

Ainsi, on peut deviner (de ce monologue) que lorsque Pharaon a dit: «Laissez-moi tuer Moïse», il avait vraiment l'intention de le tuer et qu'il était en train de consulter les autres à ce propos ou à obtenir un soutien pour son projet. La preuve en est l'intervention du Croyant des Âle Pharaon pour donner vraisemblablement son opinion à ce sujet, ayant peut-être promis au peuple le salut au cas où il croirait en Allah, ou la torture terrestre au cas où il refuserait d'entendre raison.

 

Ceci, on peut le déduire de l'allusion faite par le héros à l'adresse de son peuple de la possibilité pour eux d'obtenir une partie de ce que Moïse leur promet au cas où il dit la vérité, d'une part, et de subir la rigueur ou la torture d'Allah (comme en avait brandi la menace, Moïse): «qui donc nous délivrera de la rigueur de Dieu quand elle nous atteindra».

 

Ces positions prises par Moïse, le récit ne nous les a pas relatées lorsqu'il a abordé sa (de Moïse) confrontation avec le peuple. C'est le nouveau héros, le Croyant du peuple de Pharaon qui nous les révèle.

 

Ceci est un des traits de la présentation artistique du récit.

 

Mais en dehors de ce trait artistique, il importe de découvrir l'importance du rôle ou de la position fonctionnelle du nouveau héros relativement à sa façon d'intervenir, à son intervention intelligente pour sauver la situation, à l'incidence de cette intervention sur Pharaon lui-même et puis sur les événements en général, sans parler des situations équivoques diverses qui l'ont accompagné.

 

Le lecteur est porté à croire que Pharaon était bien déterminé à tuer Moïse. L'apparence du texte romanesque l'induit à concevoir une telle pensée. Toutefois, les textes de tafsîr, qui projettent un peu de lumière sur la situation, laissent entendre qu'il hésitait à mettre en exécution sa décision, et tentent de justifier cette hésitation, ou cette consultation ou l'ajournement du projet.

 

Ces textes exégétiques indiquent schématiquement que le fait que Pharaon, sachant que l'assassinat des Prophètes et de leurs enfants ne peut être commis que par des fils de prostituées, s'est abstenu d'être l'auteur de ce crime. De même quelques textes d'exégèse nous rapportent une partie d'opinions semblables des conseillers de Pharaon, lesquels lui ont suggéré de reporter l'exécution de Moïse et de son frère Hâroun à une date ultérieure, invoquant le même argument : seule la progéniture des débauchées oseraient assassiner les grandes personnalités.

 

Cela signifie, au moins, que Pharaon tenait à sa réputation, craignait qu'elle ne fût entachée, et voulait éviter que sa naissance ou son lignage fasse l'objet de clins d'œil et de chuchotements allusifs au cas où il commettrait l'assassinat d'un Prophète.

 

En tout état de cause, les ambiguïtés de la situation relative au projet de l'assassinat, nous montrent que Pharaon n'a pas mis à exécution sa décision immédiatement et que celle-ci a fait l'objet de tergiversations, d'atermoiements, de consultations et d'examens, dont l'une des conséquences était l'intervention du nouveau héros, le Croyant du peuple de Pharaon, intervention dont nous nous devons d'expliquer les détails maintenant.

 

Si le crime d'assassinat d'un serviteur d'Allah ne peut être perpétré que par les fils de débauchées, l'intervention en vue d'empêcher un tel crime révèle l'existence d'un trait de caractère tout à fait opposé chez l'auteur d'une telle intervention, à savoir la pureté et la bonne naissance. De même si l'assassinat d'un Prophète décèle la mauvaise naissance de l'assassin, le fait de rester les bras croisés devant le projet d'un tel assassinat (alors qu'on peut l'empêcher) indique la présence d'un trait semblable au trait pervers qui caractérise les assassins.

 

De là, notre héros (étant donné sa pureté et la bonté de son fond) qui avait dissimulé sa foi pendant une longue durée, a estimé que se taire sur un assassinat, constitue une contribution ou une participation au crime. Aussi intervint-il directement pour empêcher la perpétration de ce crime. Telle est l'explication et la cause psychologique et artistique de l'intervention de notre héros.

 

Mais ce nouveau héros, qui fait preuve d'une grande maturité, de sagesse, d'intelligence sociale et de pertinence, n'est pas intervenu d'une façon passionnelle ou naïve, mais avec intelligence et par une attitude fondée sur des arguments irréfutables qui ne laissent aux adversaires aucun prétexte et les désarment complètement, et ce peu importe quel sort lui sera réservé à la suite de cette intervention, sort à propos duquel les textes de tafsîr ne sont pas très tranchants, laissant entendre seulement que ledit héros a été sauvé avec Moïse en traversant la mer, ou qu'il a échappé à une tentative d'assassinat qu'on avait préparée contre lui.

 

En tout état de cause, son argument présenté au peuple a tenu compte de l'intérêt de celui-ci, de ses désirs et de ses sentiments, puisqu'il dit: «la royauté vous appartient aujourd'hui et vous triomphez sur la terre». (11)

 

En d'autres termes, il les a confirmés dans leur pouvoir dont ils jouissaient, et les a mis en garde contre le risque de le perdre au cas où la menace - brandie par Moïse - du châtiment se concrétisera. De même, il les a confirmés dans ce à quoi ils aspiraient et que Moïse leur a promis au cas où ils croiraient en Allah: «s'il dit la vérité, ce dont il vous promet vous parviendra». (12)

 

Bref, son intervention a été empreinte de marques de maturité, de sagesse et surtout elle a joué sur leurs fibres sensibles.

 

La question qui se pose à présent est quelle a été la réaction de Pharaon à cette intervention ou à ce conseil? Puis, quelles sont les données (est la portée) de cette intervention dans le cadre de l'action en vue des principes divins?

 

La réaction de Pharaon au conseil du "Croyant" ressort de la séquence suivante :

 

«Pharaon dit: "Je ne vous montre que ce que j'ai vu moi-même. Je ne vous dirige que sur le chemin de la certitude». (13)

 

Cela signifie que Pharaon reste sur sa position antérieure et dans le cadre du langage trompeur, fait de mensonges et de discours faussement moralisateurs.

 

Le récit se contente de présenter cette partie de la réaction de Pharaon sans entrer dans les détails de ses décisions pratiques à ce sujet, lesquelles traduisent pourtant mieux sa réaction réelle.

 

Puis le récit entreprend l'exposé de nouvelles positions du héros, comme nous allons le voir plus loin.

 

Mais là le lecteur peut s'interroger, sur un plan purement romanesque: Pourquoi le récit s'est-il abstenu de déterminer l'action que Pharaon entreprendra contre Moïse? S'est-il apprêté à le tuer? A-t-il ajourné son exécution?

 

Pourquoi le récit a-t-il enjambé ces détails pour poursuivre son exposé sur les positions du héros? Quelle est la raison artistique de ce procédé romanesque?

 

Il est à remarquer que le récit du «Croyant du peuple de Pharaon» est conçu selon une ossature romanesque spécifique, fondée sur la "théâtralisation" du récit, en ce qui concerne le dialogue de chacun de ses deux héros: le Croyant et Pharaon. Ainsi, le Croyant s'adresse trois fois ou plus à son peuple, et son dialogue est entrecoupé, plus d'une fois par le dialogue de Pharaon avec son peuple.

 

"Le Croyant", parlant à son peuple, dit: «ne tuez pas Moïse!». Puis, il se tait. Et là Pharaon, à ce moment précis s'interpose, pour dire que la sagesse est de tuer Moïse.

 

Jusque-là le dialogue semble se dérouler entre le Croyant et Pharaon, mais par peuple interposé, ou tout en faisant semblant, chacun à son tour, de s'adresser au peuple et non à l'autre. C'est donc un dialogue indirect.

 

Puis, le Croyant revient à la charge, s'adresse à son peuple et lui rappelle l'anéantissement des peuples des siècles passés, avant de se taire, comme pour céder la place à Pharaon, lequel s'adresse à son ministre Hâmân et lui dit: «construis-moi une tour pour que je puisse voir le Dieu de Moïse», et ensuite il se tait. Là le Croyant revient et dit à nouveau à son peuple: «suivez-moi, je vous conduirais vers la Voie de la rectitude», etc.

 

Ce dialogue divisé en parties, aurait pu être déroulé d'un seul trait, et c'est d'autant plus faisable, que le Croyant et Pharaon ne se parlent pas directement pour que leur dialogue requière des questions et des réponses et prenne la forme d'un dialogue multilatéral, mais parlent chacun à son tour, à leur peuple, au point que la parole de chacun semble n'avoir aucun rapport avec celle de l'autre.

 

Par exemple, alors que le Croyant du peuple de Pharaon parlait de l'anéantissement des peuples des siècles passés: le peuple de Noé, le peuple de 'Âd, le peuple de Thamûd, le récit rompt la chaîne de son exposé pour donner la parole à Pharaon. Mais qu'a dit Pharaon à ce moment-là? Il a demandé à son ministre Hâmân de lui construire une tour pour qu'il voie le Dieu de Moïse. Or, il n'y a aucun rapport apparent entre les propos du croyant et la déclaration de Pharaon. Le premier parle des expériences et sorts des peuples passés, et Pharaon de la construction d'une tour !

 

Puis, le Croyant a repris la parole, mais pour dire quelque chose qui n'a rien à voir, là non plus, avec ce que Pharaon venait de déclarer, puisque le Croyant dit à l'adresse de son peuple: «Suivez-moi! Je vous dirigerai sur le Chemin de la rectitude».

 

Donc les interruptions des dialogues de la sorte, sans qu'il y ait entre les deux personnages, Pharaon et le Croyant, une discussion qui l'exigerait, doivent répondre à un motif artistique important. Autrement, pourquoi, ce récit à la différence de tous les autres récits coraniques est-il le seul à adopter ce type de dialogue entrecoupé en séquences, sans qu'il y ait un rapport manifeste entre les dialogues interrompus tantôt par le Croyant tantôt par Pharaon, alors que l'un et l'autre ne se parlent pas.

 

A notre avis, nous avons affaire ici à un récit "théâtralisé", s'il est permis de s'exprimer ainsi.

 

Car il est familier (dans le domaine de la littérature romanesque) que certains romans ou récits, sont conçus pour être lus seulement, et d'autres sont écrits pour être joués sur scène. Certes, le roman et le théâtre se veulent deux genres bien distincts, mais il arrive que dans certains récits les situations sont totalement ou partiellement théâtrales, tout en conservant leur genre ou leur caractère romanesque. Or dans le texte dont nous traitons ici, bien qu'il soit romanesque et non théâtral, certaines parties en sont conçues avec une dimension théâtrale exigée par la situation romanesque.

 

On peut imaginer cette situation de la façon suivante:

 

Supposons qu'il y ait une salle de conférence ou de réunion dans laquelle sont présents Pharaon, Hâmân et tous les ministres du premier nommé, ainsi que les hauts fonctionnaires, et peut-être une foule du public.

 

Assiste à cette réunion également le Croyant du peuple de Pharaon en tant que haut fonctionnaire. Pharaon ouvre la séance en proposant l'élimination physique de Moïse.

 

Là, le Croyant du peuple de Pharaon intervient, exprimant son opinion et demandant à l'assemblée de ne pas le tuer.

 

Mais Pharaon l'interrompt, ou commente son opinion et affirme que l'assassinat de Moïse est la voie de la rectitude.

 

Là, le Croyant du peuple de Pharaon intervient de nouveau, s'adresse à l'assistance, leur rappelle les événements des siècles passés et comment les peuples de 'Âd, de Thamûd et de Noé y avaient péris, en raison de leur persistance dans la mécréance.

 

Puis le Croyant cesse de parler, et Pharaon reprend la parole, s'adresse aux auditeurs - comme s'il cherchait à discréditer la personnalité du Croyant, à réfuter ses opinions ou à le ridiculiser en parlant de tout autre chose - et dit à son ministre Hâmân: «construis-moi une tour pour monter au ciel et voir le Dieu de Moïse».

 

Mais le Croyant (conscient des propos ridicules et insignifiants de Pharaon), reprend encore la parole et dit à l'assemblée: «Ô mon peuple! Suivez-moi! Je vous dirigerai sur le Chemin de la rectitude», et continue à discourir sincèrement et sérieusement, à l'opposé de Pharaon qui leur a rebattu les oreilles d'insanités, de sottises et de sarcasmes.

 

Sur ce, la réunion se termine avec cette dernière intervention du Croyant.

Et puis, le récit s'engage dans un autre tournant.

 

En tout état de cause, le récit, selon notre opinion artistique particulière, était en train de rapporter le déroulement de la réunion à laquelle avaient assisté Pharaon, Hâmân, le Croyant, et tous ceux qui étaient concernés par cette affaire.

 

Voilà pourquoi l'élément "dialogue" était coupé en séquences, et Pharaon, en raison de sa personnalité corruptrice, déchirée et perverse avait empêché que ce dialogue prenne la forme de "question-réponse" ou de discussion soutenue et cohérente, il a même essayé de banaliser cette affaire en répondant par des sarcasmes, comme nous le montre le récit en détails.

 

Et c'est là donc l'explication de la formulation du dialogue "à bâton rompu" de telle manière qu'on croirait à l'absence de rapport entre ses répliques ou entre les interlocuteurs...

 

Il est clair que l'élaboration du dialogue de cette façon que la nature de la réunion ou de l'assemblée tenue par Pharaon, a dictée, reste très vital, très réjouissant, reflétant le mouvement de la réalité dans tout ce qu'elle comporte de simplicité et de complexité à la fois. Il nous transmet tous les faits de la réunion ou de l'assemblée, avec toutes ses contradictions qu'incarne Pharaon, et tout son sérieux que personnifie le Croyant du peuple de Pharaon.

 

Mais il le transmet - non pas directement, à travers une scène et un public d'assistants, mais indirectement - sous une forme romanesque et non théâtrale - par un procédé de dialogue spécifique, différent des autres procédés de dialogue qu'on rencontre familièrement dans les autres récits coraniques, et ce afin de nous amener, nous les lecteurs ou les auditeurs de Coran, à déceler, nous-mêmes, la présence d'un nouveau mouvement dans le récit, qui traduit l'existence d'une réunion privée ou publique, dictée par des circonstances particulières et marquée par des traits spécifiques, réunion dont nous détaillerons les résultats plus loin.

 

Avant d'aborder ces résultats, récapitulons pour mieux suivre le dialogue théâtral dont la majeure partie est constituée du discours du héros, le Croyant du peuple de Pharaon, entrecoupée par des commentaires ponctuels de Pharaon lui-même.

 

Après avoir constaté que Pharaon reste insensible à ses conseils, le Croyant a poursuivi son discours à l'adresse du peuple, en lui rappelant les sorts peu enviables réservés aux peuples passés et le sort abominable qui lui serait réservé dans l'autre monde, s'il persiste dans son polythéisme.

 

«Ô mon peuple! Oui, je crains pour vous un jour semblable à celui des factieux ;

 

» Un sort semblable à celui du peuple de Noé, de 'Âd, des Thamûd et de ceux qui vécurent après eux - Dieu ne tolère pas l'injustice envers ses serviteurs! -

«Ô mon peuple! Oui, je crains pour vous le Jour où les hommes s'interpelleront les uns les autres;

 

»Le Jour où vous vous détournerez. Vous ne trouverez, alors aucun défenseur contre Dieu. Personne ne dirige celui que Dieu égare». (14)

 

Et là le héros (le Croyant) va mettre l'accent sur la personnalité d'un Prophète en particulier, Joseph (Yousuf) (P), rappelant à son peuple l'attitude sceptique des Coptes envers le message de ce Prophète:

 

«Joseph leur avait autrefois apporté des preuves décisives; vous n'avez pas cessé d'en douter; mais lorsqu'il eut disparu, vous avez dit:

»"Dieu n'enverra plus jamais de prophète après lui".

» - Dieu égare celui qui est pervers et celui qui doute -

«Ceux qui discutent au sujet des Signes de Dieu sans en avoir reçu mandat, provoquent la grande haine de Dieu et des croyants.

» - Dieu met un sceau sur le cœur de tout tyran orgueilleux - ». (15)

 

Ceci dit, on peut se demander ici: quelle est la nécessité romanesque de cette évocation de la personnalité de Joseph à l'exclusion de tout autre Prophète?

 

La question est relative aux Coptes et au peuple de Moïse. Joseph avait lui aussi (comme l'affirment certains textes exégétiques) attiré l'attention de son peuple sur les difficultés qu'il rencontrerait dans l'avenir.

 

Cela signifie que l'évocation par le Croyant du peuple de Pharaon de la personnalité de Joseph implique un élément artistique et psychologique clair, relatif à la situation nouvelle (celle du peuple de Pharaon). Car en effet, la prédication de Joseph s'était réalisée, puisque les hommes ont été tués, les enfants égorgés et les femmes enceintes éventrées, de la façon qu'on sait à propos du traitement que les Coptes avaient réservé aux israélites.

 

Nous devons attirer l'attention sur le fait que lorsque le récit coranique rappelle à un peuple donné le sort qui a été assigné à un autre peuple, il vise à mettre ce dernier en garde d'une part, et à lui promettre un sort similaire, au cas où il refuserait de tirer la leçon de l'exemple des peuples passés, d'autre part.

 

Ainsi, nous remarquons dans l'un des récits coraniques relatifs à Moïse (P) que l'accent est mis sur les bienfaits prodigués par le Ciel aux Israélites, et en premier lieu, sur leur délivrance des griffes des Coptes. Mais les Israélites se sont montrés ingrats à l'endroit de ces bienfaits, et ont perdu la tête au point que leurs crimes ont surpassé ceux de leurs bourreaux et persécuteurs. Aussi le Ciel a-t-il dépeint dans le récit précité (relatif à Moïse) des sorts noirs proportionnels aux crimes qu'ils (les Israélites) avaient commis, ce qui veut dire que le rappel des bienfaits, fait à ces derniers est associé (sur le plan romanesque) au sort qui leur est réservé en fin de compte, en récompense de leur ingratitude envers les bienfaits dont ils avaient bénéficié.

 

Ici dans le récit du Croyant du peuple de Pharaon, le rappel du passé prend une direction différente dont le but n'est pas déterminé par le même souci de dessiner un sort particulier à un tel ou tel autre peuple, mais plutôt pour adresser seulement une mise en garde générale, afin d'amener les gens à croire en Dieu.

 

Effectivement, le Message du Ciel a frayé son chemin parmi de grands nombres de gens, sujet qui ne nous intéresse pas actuellement, étant donné que le récit vise autre chose.

 

En tout état de cause, lorsque, à travers le Croyant, le récit fait le rappel de la personnalité de Joseph à l'exclusion de toute autre personnalité historique, il cherche par ce procédé romanesque et psychologique à introduire la prédiction de Joseph d'une part, et l'incroyance des Israélites - après sa mort - aux messages des Prophètes, d'autre part: «mais lorsque Joseph eut disparu, vous avez dit: "Dieu n'enverra plus jamais de prophète après lui» (16), et à établir, enfin, un lien entre tout ce qui précède avec l'état d'incroyance que vivait le peuple de Pharaon, quand Moïse a présenté son message.

 

Pendant que le héros, le Croyant poursuivait, lors de la réunion sa mise en garde, Pharaon qui y était présent demandait à son ministre Hâmân de lui construire une tour pour qu'il voie ce qui se passe dans le Ciel (Pharaon dit: «Ô Hâmân, construis-moi une tour pour que j'atteigne les cordes célestes et je monterai vers le Dieu de Moïse» (17)).

 

Mais le héros, fait l'ignorance totale de ce propos ridicule de Pharaon qui montre davantage son insolence, et va continuer imperturbablement son discours qui porte implicitement entre les lignes une réponse indirecte au Tyran (Pharaon).

 

Remarquons que sur le plan romanesque, si le Croyant a conclu la dernière séquence de son discours par: «Dieu met un sceau sur le cœur de tout tyran orgueilleux» (18) - et si l'on considère cette phrase comme un commentaire du Ciel et non du Croyant - c'est parce que la dernière proposition sarcastique de Pharaon, apparaît comme l'application concrète de cette Parole d'Allah: «Dieu met un sceau sur le cœur de tout tyran orgueilleux», laquelle signifie qu'il n'y a plus aucun espoir de ramener la personne égarée de la sorte sur le Chemin de la guidance.

 

Donc, comme nous l'avons dit, le Croyant n'a prêté aucune attention à cette sottise (la construction d'une tour), et poursuivi son discours:

 

«Le Croyant dit: "Ô mon peuple! Suivez-moi! Je vous dirigerai sur le Chemin de la rectitude.

 

»Ô mon peuple! La vie de ce monde n'est qu'une jouissance éphémère. La vie future est la demeure de la stabilité». (19)

 

Il ne faut pas perdre de vue que dans la réunion Pharaon avait déjà adressé la parole au peuple, en prétendant qu'il le guiderait sur la voie de la rectitude:

 

«Je ne vous montre que ce que j'ai vu moi-même. Je ne vous dirige que sur le chemin de la rectitude». (20)

 

Mais le récit répond à cette prétention en faisant dire au Croyant que la rectitude réside dans la soumission aux principes du Ciel.

 

Suivons encore le héros qui continue son discours à l'attention de son peuple:

 

«Ô mon peuple! Pourquoi vous appellerais-je au salut, alors que vous m'appelez au Feu?

 

»Vous m'appelez à l'incrédulité envers Dieu, au polythéisme dont je n'ai aucune connaissance, mais moi, je vous appelle auprès du Tout-Puissant, auprès de Celui qui ne cesse de pardonner.

 

»Celui auprès duquel vous m'appelez ne peut, sans aucun doute, être invoqué ni en ce monde, ni dans la vie future. Oui, notre retour sera vers Dieu et les pervers deviendront les hôtes du Feu.

 

»Vous vous souviendrez de ce que je vous dis: je confie mon sort à Dieu. Dieu voit parfaitement Ses serviteurs». (21)

 

Par ces séquences, se termine le discours du héros, le Croyant du peuple de Pharaon, et le récit s'engage dans un autre tournant.

 

De là, il convient d'attirer l'attention sur l'importance de ces propos par lesquels le héros achève son discours. Leur importance réside en ceci qu'ils révèlent des traits spécifiques de l'art ou de la technique romanesque utilisés dans ce récit et dont la suite sera reflétée sur le mouvement des péripéties, le sort du héros et sur les fins que connaîtra son peuple, comme nous les détaillerons dans les pages suivantes.

 

La valeur des mots par lesquels le héros a clos son discours, considéré sur le plan de la structure organique du récit et l'adhésion de ses lignes architecturales, tient au fait qu'ils amènent le lecteur ou l'auditeur à se creuser la tête pour prédire ou deviner les fins ou les cheminements des péripéties. Si certains de ces propos du héros laissent entrevoir la suite des événements, d'autres restent entourés de mystère. Les uns suscitent chez le lecteur la crainte et l'appréhension relativement au sort du héros, d'autres éveillent en lui des sentiments de pitié et d'affliction pour les sorts réservés au peuple qui n'a pas voulu entendre raison.

 

En tout état de cause l'élément d'intéressement (ou de suspense) à la suite des événements, pourrait ne pas paraître à un lecteur non averti, mais pour un connaisseur ou un lecteur assidu de roman, cet élément de suspense est présent dans son esprit, puisqu'il ressent que chaque mot prononcé par le héros et chaque geste qu'il esquisse porte un sens ou une signification, surtout lorsqu'on sait que ce héros n'était pas un personnage ordinaire, mais un des tout premiers pionniers des Croyants, quelqu'un qui a cru en Dieu très tôt, au point que certains textes d'exégèse le considèrent comme au nombre des quatre personnages de l'histoire, à incarner ceux qu'Allah a désignés sous le vocable: «...les premiers arrivés(22), qui seront bien les premiers» (23), c'est-à-dire à la tête des "premiers" à avoir la Foi, dans des circonstances où personne d'autre n'avait cette chance.

 

Or une personnalité d'une telle piété, qu'Allah à entourer de Ses soins particuliers ne saurait prononcer une mise en garde ou lancer un avertissement sans que cet avertissement ou cette mise en garde n'influe sur le mouvement du récit et le futur des péripéties.

 

Cette mise au point faite, examinons les significations que comportent les propos du héros à la clôture de la séance ou de la réunion tenue en vue de débattre du projet de l'assassinat de Moïse (P).

 

Le Croyant du peuple de Pharaon dit: «Ô mon peuple! Pourquoi vous appellerais-je au salut, alors que vous m'appelez au Feu!». (24)

 

C'est la première des séquences dont nous attendons, sur le plan romanesque, qu'elle ait des incidences sur les sorts réservés au peuple de Pharaon, puisqu'elle fait allusion au Feu.

 

Le héros dit aussi: «Vous vous souviendrez de ce que je vous dis». (25)

 

Et là c'est la deuxième séquence qui promet une suite, puisqu'elle est chargée d'une menace sérieuse qui n'a rien de rodomontade.

 

Et le héros d'ajouter: «Je confie mon sort à Dieu». (26)

 

Cet énoncé laisse supposer que les tyrans vont pourchasser ce héros, mais le lecteur a en même temps tendance à se rassurer, en pensant que le Ciel n'abandonnera pas le héros à son sort et qu'IL l'entourera de Ses soins.

 

Donc lorsqu'on médite sur ces trois énoncés:

 

1- «Pourquoi vous appellerais-je au salut, alors que vous m'appelez au Feu?»;

2- «Vous vous souviendrez de ce que je vous dis» ;

3- «Je confie mon sort à Dieu»,

 

On se demande quelle suite le récit va-t-il y donner et on reste dans l'attente.

 

Effectivement, l'attente ne sera pas longue. Le récit annonce promptement et d'une façon brusque, le sort subi par le peuple de Pharaon et la délivrance du héros de la malveillance de ce peuple, et ce tout de suite et directement après que le Croyant eut terminé son discours:

 

«Dieu préservera ce Croyant de leurs méchantes ruses, et les gens de Pharaon, IL les enveloppera du châtiment le plus dur». (27)

 

Par ces mots le récit a tout tranché, achevant le rôle du héros et du peuple de Pharaon dans ce bas-monde.

 

Ensuite le récit abordera directement le sort réservé au peuple de Pharaon dans le milieu de Barzakh, puis dans le milieu de l'Enfer, comme nous en parlerons en détails ultérieurement.

 

Mais avant d'aborder cette phase, il est nécessaire de nous attarder encore sur la corrélation organique entre les mots du héros et les sorts réservés à Pharaon et à son peuple, et de tirer quelques leçons idéologiques qui nous serviraient dans notre conduite terrestre.

 

Nous avons vu concernant le sort du héros que la réplique du Ciel à l'énoncé de celui-ci «je confie mon sort à Dieu» fut: «Dieu préserva ce Croyant de leurs méchantes ruses».

 

Dans cette séquence, outre le trait romanesque qui consiste en l'établissement d'un lien entre le discours du héros à l'adresse de son peuple, et le commentaire du récit sur ce discours, il y a un message idéologique qu'il est important de retenir, car il est chargé d'enseignements.

 

En effet on doit remarquer que ce héros a dissimulé sa foi durant de longues années (pour des raisons relevant du principe de la taqiyyah (la dissimulation légale de la foi) qui requiert une telle dissimulation tantôt par souci de préserver la pratique religieuse, tantôt pour mieux servir sa foi, au moment propice, tantôt pour préparer une révolution pour les raisons précitées et par la nécessité qu'impose la nature de l'action clandestine des mouvements de libération. Et subitement, il nous surprend en manifestant sa colère au moment approprié, et selon une méthode psychologique intelligente: d'abord en se présentant sur un registre de neutralité.

 

«Tuerez-vous un homme parce qu'il a dit: "Mon Seigneur est Dieu?"». (28)

 

Puis en se montrant solidaire avec son peuple et soucieux de son intérêt: «la royauté vous appartient aujourd'hui, et vous triomphez sur la terre; mais qui donc nous délivrera de la rigueur de Dieu quand elle nous atteindra?» (29), et avant tout cela il a calmé le jeu ou tempéré l'enjeu en déclarant: «S'il est menteur, son mensonge retombera sur lui; s'il dit la vérité, ce dont il vous menace vous atteindra...». (30)

 

Par cette méthode le héros a modéré l'importance du problème d'une part, l'a lié à l'intérêt du peuple de l'autre (au cas où Moïse aurait dit la vérité) - ce qui sert à rassurer les gens quant à ses bons sentiments envers eux, avant de monter progressivement le ton en leur rappelant d'abord le sort réservé aux peuples passés et comment ils avaient mis en doute le message de Joseph (P), et en affichant enfin sa véritable position lorsqu'il a utilisé le même ton franc sur lequel Moïse (P) s'était adressé à eux, c'est-à-dire le langage de la confrontation directe avec les tyrans, mais formulé selon un style affectif propre à tous les messages du Ciel, et doublé du langage de la menace, mais une menace plutôt paternelle que vindicative, car elle vise à amener les gens à la Foi avec tout ce qu'elle apporte de bienfaits dans ce bas-monde et dans l'Au-delà, au peuple.

 

En tout état de cause, le héros a commencé par la taqiyyah (dissimulation de la Foi) pour avancer progressivement vers la "neutralité" et arriver enfin à "la confrontation franche", et d'autant plus directe qu'il était amené à envisager le pire pour lui-même: son arrestation ou son assassinat. Et là il s'est écrié: «je confie mon sort à Dieu». (31)

 

Moralité, il est important, d'une part, de savoir dissimuler parfois notre foi, pour pouvoir par la suite exploiter notre position, le moment venu, d'une façon intelligente, et non passionnelle ni naïve qui ne tient pas compte des circonstances ambiantes, et d'autre part de nous confier et de nous fier à Allah lorsque nous nous engageons dans la confrontation directe.

 

Le récit a conclu le sort du héros et ceux de ses ennemis d'une façon brève et sans détails.

 

Concernant le sort du premier, le héros, le récit s'est contenté de faire allusion à la préservation de sa vie terrestre: «Dieu préserva ce croyant de leurs méchantes ruses». (32)

 

Notons tout d'abord que ce qui importe pour le récit c'est d'établir un lieu de cause à effet entre le fait que le héros se soit confié à Allah et le fait qu'Allah l'ait sauvé des menées méchantes de ses ennemis. Et s'il a tissé un silence autour de la façon dont fut sauvé le héros, c'est parce qu'il s'intéresse uniquement au salut lui-même du personnage et non à son comment. Telle est donc la justification romanesque de l'absence de détails relatifs au sort du Croyant des gens de Pharaon.

 

En effet, ce que vise le récit, c'est d'attirer notre attention sur la soustraction du héros aux mauvais desseins des gens de Pharaon à son égard, dès lors qu'il s'était confié à Allah.

 

"La confiance en Allah", voilà le message que cette séquence du récit nous transmet, après nous avoir communiqué le message de la taqiyyah et le message de "la confrontation directe avec les ennemis" dans le domaine du jihâd.

 

"Se confier à Allah" signifie que le combattant dans les champs de bataille ou dans le domaine du combat intérieur (le grand jihâd contre le moi), ou encore dans tout acte envers d'Allah, est assuré de la protection du Créateur lorsqu'il se trouve dans les difficultés - si extrêmes soient-elles, à condition que cette confiance soit sincère, profonde et éprouvée dans tous les actes d'adoration en général. Et c'est ce que nous avons observé dans les actes ou la conduite du Croyant: il a dissimulé sa foi pour la cause d'Allah; il est intervenu dans le projet de l'assassinat de Moïse, pour la cause d'Allah ; il a conseillé son peuple, puis l'a menacé - au risque de s'exposer à la mort - pour la cause d'Allah.

 

Il avait confié son sort à Allah, et Allah ne l'a pas déçu: IL l'a préservé des méchantes ruses des gens de Pharaon et IL a administré à ceux-ci le châtiment le plus dur.

 

Passons maintenant au sort des gens de Pharaon.

 

Le récit, là encore, fait l'économie des détails du sort réservé à ces tyrans, se bornant à annoncer: «et les gens de Pharaon, Dieu les enveloppa du châtiment le plus dur», (33) réalisant ainsi une symétrie ou un équilibre entre le sort du héros sauvé par le Ciel sans plus de détails sur ce sauvetage et la vengeance du Ciel des ennemis, sans plus de détails sur cette vengeance.

 

On ne peut donc qu'apprécier cet art romanesque qui se signale clairement à travers cet équilibre géométrique entre le sort respectif des deux parties du conflit: la Vérité et le Faux.

 

Mais il est à noter que le récit n'est pas encore sorti du cadre du sort terrestre des gens de Pharaon. Car nous avons déjà dit, au début de notre exposé, que le milieu dans lequel évolue le récit est composé de trois milieux: le milieu de la vie terrestre, le milieu de Barzakh (tombeau), et le milieu de la vie de l'Au-delà. Il reste donc encore deux milieux qui attendent les gens de Pharaon: le Barzakh ou la tombe, et le milieu infernal dans la Vie future.

 

Mais avant d'aborder ces deux milieux, il est important d'établir un lien de causalité, sur le plan de l'art romanesque, entre lesdits milieux et les derniers mots par lesquels le Croyant a achevé son discours à l'adresse de son peuple...

 

Comme on s'en souvient, à peine ce Croyant a-t-il dit: «Je confie mon sort à Allah» (34), le récit a annoncé au début de la séquence suivante: «Dieu préserva ce croyant de leurs méchantes ruses». (35)

 

Mais le héros avait dit aussi: «Ô mon peuple! Pourquoi vous appellerais-je au salut, alors que vous m'appelez au feu» (36) et «vous vous souviendrez de ce que je vous dis». (37)

 

Ces deux dernières paroles du Croyant dénotent une signification romanesque de la première importance dans la mesure où elles se refléteront sur les sorts des gens de Pharaon dans ce monde et dans la Vie future en particulier, c'est-à-dire dans le milieu de Barzakh (tombe) et le milieu de l'Enfer.

 

En d'autres termes, ou en terminologie de la critique romanesque, les deux phrases par lesquelles le héros a clos son discours, "développent" le mouvement des péripéties et les font évoluer organiquement, de sorte qu'elles laissent un effet "causal" sur la variation des péripéties suivantes et sur leur attachement à tel sort ou tel autre.

 

En effet, l' "Enfer" dont le héros a menacé les gens de Pharaon et le salut auquel il les a invités se sont concrétisés par le "salut" (la vie sauve) effectif du héros et la "punition" effective de ses interlocuteurs (les gens de Pharaon).

 

En outre les péripéties du récit réalisent les prédictions du héros: «Vous vous souviendrez de ce que je vous dis», et font rappeler les gens de Pharaon, mais quand ce sera trop tard.

 

Présentons maintenant le milieu eschatologique, dans ses deux volets, en l'occurrence le milieu de Barzakh et le milieu du Jour dernier, et examinons leur rapport aux paroles du héros: «les pervers deviendront les hôtes du Feu» (38) et «vous vous souviendrez de ce que je vous dis».

 

Il est indubitable que les tyrans se souviendront de ce que le héros leur a dit de même qu'il ne fait pas de doute qu'ils deviendront comme l'a promis les héros, les hôtes du Feu subconséquemment à leur persévérance dans la tyrannie.

 

Le voilà donc le milieu de Barzakh qui arrachent les cœurs des tyrans sans relâche: «Le Feu, ils (y) seront exposés matin et soir». (39)

 

Et voilà le milieu du Jour dernier où ils doivent entrer dans le Feu auquel ils ont été exposés matin et soir, dans la tombe: «l'on dira, le Jour où se dressera l'Heure: "Introduisez les gens de Pharaon au sein du châtiment le plus dur"».(40)

 

Le lecteur peut s'interroger ici sur la justification (romanesque) de la présentation du milieu de Barzakh d'abord, et de celui du Feu (et notamment cette séquence: «introduisez les gens de Pharaon au sein du châtiment le plus dur») par la suite?

 

Nous verrons dans la dernière partie du récit une place spéciale pour les gens de Pharaon dans le milieu du Feu, dans laquelle sont exposées les discussions de ces derniers entre eux, et les blâmes que les uns adressent aux autres, ainsi que le reflet d'autres péripéties du récit sur la relation organique établie entre la conduite des gens de Pharaon dans la vie terrestre et son incidence sur leur position dans l'Au-delà, ainsi que sur leur façon d'agir avec le héros (le Croyant des gens de Pharaon).

 

Avant de traiter de la signification romanesque de la présentation de Barzakh, puis du milieu de l'Enfer lui-même à travers les discussions que les gens de Pharaon y engagent, il est nécessaire de noter que le héros (le Croyant) disparaîtra complètement de la scène, exactement comme l'a fait avant lui, Moïse, et que cette dernière partie du récit sera réservée exclusivement aux gens de Pharaon (dans le milieu eschatologique de l'après vie terrestre).

 

Quant à la raison technique de la disparition du héros des théâtres des événements, la question ne pose pas dans la mesure où nous avons déjà expliqué que le rôle du héros s'est achevé avec l'achèvement de sa mission de confronter les tyrans dans la vie terrestre.

 

En ce qui concerne son rôle dans la vie de l'Au-delà, il s'inscrit dans un autre registre et se limite à la réflexion de l'écho de ses paroles, ses prédictions et ses conseils sur les sorts réservés aux gens de Pharaon aussi bien dans la tombe qu'en Enfer.

 

Le Croyant des gens de Pharaon a allongé son discours à l'attention de son peuple, et cet allongement a, sans aucun doute, sa justification.

 

Ses interlocuteurs, Pharaon en tête, ont réagi à ce discours par le sarcasme, par une attitude encore plus orgueilleuse et par plus d'entêtement.

 

De là, proportionnellement à l'allongement du discours, on peut prévoir que la punition, dont le héros a menacé son peuple sera allongée aussi pour qu'il y ait équilibre (sur le plan de l'art romanesque) entre l'espace (ou la durée) consacré à l'exposé des conseils et des menaces du Croyant et la durée ou l'espace qu'occupe la description de la punition subconséquente au refus des gens de Pharaon d'écouter ses conseils, après avoir ignoré les conseils de Moïse, avant lui également.

 

Ainsi le récit a consacré à la description de l'environnement de Barzakh où sombrent les gens de Pharaon une place qui correspond à leurs attitudes et leurs menées criminelles: ils ont tué les hommes, laissé vivre les femmes en veuves et orphelines, égorgé les enfants, outre qu'ils se sont entêtés dans leur orgueil malgré les conseils sincères et désintéressés prodigués non seulement par un étranger comme Moïse, mais aussi par un jeune issu de leurs rangs, faisant partie de la clique au pouvoir, ou mieux un proche parent de Pharaon, un cousin selon certains textes d'exégèse.

 

Malgré tout cela, les gens de Pharaon ont persisté dans la mauvaise voie, attirés viscéralement par l'amour du pouvoir.

 

L'insolence et la vanité de Pharaon ont été portées à leur apogée lorsqu'il a demandé à son ministre impuissant Hâmân de lui construire une tour qui lui permettrait de voir le Ciel, se moquant ainsi de Dieu! Quel horrible sort peut-on prévoir dès lors à un tel tyran, à sa clique gouvernante et à son peuple dominateur!

 

Même la lie du peuple, les faibles de son peuple étaient éblouis par son faux pouvoir, et l'ont suivi et ont suivi sa clique, aspirant à de petits gains, préférant la vie d'ici-bas à celle de l'Au-delà, choisissant la tranquillité plutôt que le combat sur le Chemin d'Allah, bien que ce Chemin leur ait été bien montré par ceux, parmi eux, qui ont répondu à l'Appel de la Vérité, ont cru et ont épousé la cause d'Allah malgré toutes les épreuves qu'ils ont subies à cet égard.

 

Donc l'amour du pouvoir et la préférence de la tranquillité, malgré l'évidence de la Vérité et la profusion de conseils prodigués, déboucheront forcément sur un sort dont l'horreur est proportionnelle à la jouissance terrestre tant recherchée, et qui s'est évaporée en quelques secondes, emportée par la noyade qui les a livrés au fond de la mer.

 

Mais la mer n'a pas tardé à les livrer à son tour à la chaleur du Feu. Les eaux froides les ont remis aux flammes brûlantes.

 

Les voilà donc, après avoir été emportés par la mer, «exposés matin et soir au Feu», et tout ceci avant le Jour dernier où ce qui les attendra sera de tout autre ampleur.

 

Dans le milieu du Jour du Compte les gens de Pharaon commencent à se souvenir du héros et de ce qu'il leur a dit: «Vous vous souviendrez... ». Ne leur a-t-il pas montré clairement la voie du salut? Ne leur a-t-il pas dit que «les pervers deviendront les hôtes du Feu»?

 

Ils se mettent à se blâmer mutuellement. Chacun rejette sur l'autre la responsabilité de son égarement. Ils se souviennent tous des prédictions du héros. Mais à quoi bon. Ici il n'ont aucune alternative. L'Enfer et rien que l'Enfer; alors qu'ils avaient le choix le jour où le héros s'est adressé à eux en leur indiquant les deux voies opposées qui se dessinent devant eux: la voie du Paradis et la voie de l'Enfer.

 

Le récit s'achève sur cet exposé sur les gens de Pharaon dans le milieu d'Enfer:

 

«Lorsqu'ils se disputent dans le Feu, les faibles diront aux orgueilleux: "Nous vous avons suivis ; pouvez-vous, maintenant, nous préserver d'une partie de ce Feu?".

 

»Les orgueilleux diront: "Nous y sommes tous plongés" - Dieu juge Ses serviteurs - ». (41)

Tel est le dialogue qui se noue entre les deux classes des gens de Pharaon: les faibles et les orgueilleux.

 

Il est un autre dialogue qui s'engage entre les gens de Pharaon et les gardiens de la Géhenne:

 

«Ceux qui seront dans le Feu diront aux gardiens de la Géhenne: "Priez votre Seigneur de diminuer d'un jour notre châtiment".

 

»Les gardiens diront: "Vos Prophètes ne vous ont-ils pas apporté des preuves décisives? Ils répondront: "Oui, ils sont venus!". Les gardiens diront: "Invoquez Dieu!", mais la prière des incrédules n'est qu'aberration!» (42)

 

Cette présentation qui conclut le récit tranche tout. Elle est un développement organique et une évolution artistique d'un exposé riche en péripéties et en situations dans lesquelles le héros, le Croyant des gens de Pharaon, a occupé la place centrale, par son argumentation adressée aux gens de Pharaon et par la réplique de Pharaon à cette argumentation.

 

Moralité, le public qui avait assisté à la réunion tenue par Pharaon et sa clique, ou qui a reçu l'écho de l'intervention du héros, de son discours et de ses conseils sincères, ce public avec son tyran Pharaon et tous les autres orgueilleux, tiennent une réunion semblable dans la Géhenne, mais uniquement pour se blâmer les uns les autres, et non pour choisir la voie à suivre, comme ils en avaient la possibilité lors de la première réunion, celle de la vie terrestre.

 

Voilà les faibles, ceux qui se sont contentés de suivre, qui avaient léché les pieds de leurs chefs, qui se sont comportés en stipendiés pour satisfaire les désirs malsains de leurs maîtres, qui se sont préféré la tranquillité et la jouissance éphémère, les voilà qui blâment leurs maîtres:

 

«Nous vous avons suivis; pouvez-vous, maintenant, nous préserver d'une partie de ce Feu?» (43)

 

Et leurs chefs de répondre, sur un ton qui, exaspère leur sentiment de douleur, d'amertume et de regret: «Nous y sommes tous plongés. Dieu juge Ses serviteurs».

 

Combien ces stipendiés se sentent-ils bafoués, écrasés et frustrés lorsqu'ils entendent leurs commanditaires se dégager de toute responsabilité? Tout ceci concerne le dialogue des gens de Pharaon entre eux.

 

Quant à leur attitude envers les gardiens de la Géhenne, elle est pire encore. Lorsqu'ils ont demandé à ces derniers de prier Allah pour qu'IL diminue, même d'un seul jour, leur châtiment, ceux-ci leur ont rappelé (comme l'avait fait le héros) les Prophètes qui étaient venus vers eux avec des preuves évidentes à l'appui. Et ces gardiens d'ajouter: «Priez Dieu vous-mêmes!». Ils l'ont dit en se moquant des gens de Pharaon, de la même façon dont Pharaon s'était moqué du héros, dans la réunion terrestre, lorsqu'il avait demandé à son ministre Hâmân, sur un ton moqueur, de lui construire une tour lui permettant d'avoir une vue sur le Ciel afin de voir le Dieu du Croyant des gens de Pharaon.

 

La réplique artistique à la moquerie de Pharaon est donc cette réponse sarcastique lancée par les gardiens de la Géhenne à la figure des tyrans et de leurs agents stipendiés, qui avaient préféré la jouissance éphémère de la vie terrestre et qui avaient raillé les croyants.

 

Notes :

_____________________________________________________________

1- Versets 23 - 25

2- Verset 25

3- Verset 25

4- Verset 26

5- Verset 26

6- Verset 27

7- Verset 27

8- Verset 23

9- Verset 28

10- Versets 28 - 29

11- Verset 29

12- Verset 28

13- Verset 29

14- Versets 30 - 33

15- Versets 34 - 35

16- Verset 34

17- Verset 36

18- Verset 35

19- Versets 38 - 39

20- Verset 29

21- Versets 41 - 44

22- "Les premiers à avoir cru et obéi à Allah", Sourate al-Wâqi'ah (L'Echéant) 56, verset 10

23- Sourate "L'Echéant" 56, verset 10

24- Verset 41

25- Verset 44

26- Verset 44

27- Verset 45

28- Verset 28

29- Verset 29

30- Verset 28

31- Verset 44

32- Verset 45

33- Verset 45

34- Verset 44

35- Verset 45

36- Verset 41

37- Verset 44

38- Verset 44

39- Verset 46

40- Verset 46

41- Versets 47 - 48

42- Versets 49 - 50

43- Verset 47

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