Le fanatisme (al-‘asabiyyah) II
Nous avons commencé, la dernière fois, à donner la définition d’une nouvelle maladie du cœur : « al-‘asabiyyah » qui a des effets catastrophiques au niveau de l’individu et au niveau de la société et malheureusement, combien d’actualité. Nous allons finir de donner la définition de ce mot.
« Nous avons vu que « al-‘asabiyyah » – telle utilisée dans la morale en tant que vice banni dans les propos rapportés – relève de la nature ou humeur, ou disposition affective (sajiyyah)(1) intérieure de l’âme.
Il est l’état psychique qui, la plupart du temps, se plie aux cerclages culturels comme les habitudes, les coutumes, les traditions qui sont plus considérées que le juste/vrai (al-haqq) et qui sont privilégiées dans les rapports avec soi-même et avec les autres.
Le fanatisme, c’est défendre quelqu’un par son faux. Cela signifie que le fanatisme, dès son apparition, signifie l’aveuglement devant le vrai/juste et le choix du faux.
Le fanatisme est en soi blâmable parce que, même s’il est dans la voie du vrai/juste ou d’un ordre religieux, il n’est pas en vue de faire apparaître la vérité mais de renforcer son égo, sa voie ou l’objet de son fanatisme. Alors que le fait de faire apparaître le juste/vrai, la vérité, d’affirmer les choses justes, les diffuser, les protéger et les défendre n’est pas du fanatisme (ou, pour certains, ne fait pas partie du ‘fanatisme blâmable’).
Le fanatisme est un état, en sa substance, incompatible avec la foi (en tant que cette dernière est expression de l’acceptation du Vrai/Juste et du contact avec). »
al-Amrad al-qalbiyyeh, Sayyed Abbas Noureddine 2015–Dars 21
« La personne fanatique (« al-‘asabî » (le fanatique)) selon l’Imam al-Khomeyni(qs) indique la personne qui soutient sa communauté dans l’injustice, le faux, qui se met en colère pour son groupe (al-‘usbat) et le défend. »
« Le fanatique ne prend parti fanatiquement pour quelque chose que parce que cela lui revient à lui-même, d’une certaine façon et que parce qu’il en tire un intérêt ou un profit, même lointain. »
al-Amrad al-qalbiyyeh, Sayyed Abbas Noureddine 2015–Dars 21
Et « al-ta‘assub »(2) (le fait de prendre parti de façon fanatique) est dans le sens de la protection (al-himâyat) et de la défense (ad-difâ’).
8e Hadîth sur al-‘Asabiyyah in 40 Hadîthann, Imam al-Khomeynî(qs) p183
« Si on veut résumer le sens d’« at-ta‘assub »en quelques mots, on pourrait dire que c’est le fait de prendre parti pour défendre ou soutenir le faux. Le ‘faux’, dans la vie humaine, a besoin de campements, de regroupements, d’entités sociales. Qu’est-ce qui assure la formation de telles unités ? C’est le sectarisme/fanatisme qu’il soit national, racial, ethnique, patriotique, religieux.. Peut-être que l’on ne trouve pas dans la vie sociale de l’homme, une maladie plus destructrice que cette maladie.
Il indique les actes effectués de façon fanatique qui peuvent prendre un sens positif ou un sens négatif. » (Comme nous le verrons plus tard)
D’après la 1ère conférence donnée par Sayyed Abbas Noureddine printemps 2006 – cf. L.S. No32
« Ce mot « at-ta‘asub » est utilisé [en morale] pour indiquer tout lien fort au niveau de la pensée, des actes, la plupart du temps dans un sens négatif, blâmable – dans le sens de « lien illogique avec quelque chose au point de sacrifier le juste/vrai."
al-Akhlâq fî al-Qurân, de sheikh Nasser Makâram Shîrâzî p181& p190
Des exemples de « fanatisme » dans le noble Coran
-Un exemple de chauvinisme ou racisme
{Et si nous l’avions fait descendre sur quelqu’un des non-Arabes et qu’il le leur eut récité, ils n’y auraient pas cru.}
(198-199/26 ash-shu‘arâ’)
Ce verset indique une forme de fanatisme au niveau d’une nation ou race (le chauvinisme ou le racisme) de ces Arabes qui avaient atteint un tel degré que si le Coran avec pourtant l’ensemble de ses connaissances sublimes, l’éloquence et les contenus grandioses, était révélé à (descendu sur) d’autres que les Arabes [ils ne le reconnaîtraient pas]. Leur chauvinisme et leur racisme leur empêcheraient de croire en lui et feraient baisser un voile sur leurs yeux qui les empêcherait de connaître la vérité et d’atteindre le but. Il existe certes d’autres interprétations de ce verset, mais celle-ci est la plus claire.
al-Akhlâq fî al-Qurân, de sheikh Nasser Makâram Shîrâzî pp189-190
-Un exemple de fanatisme religieux
{Et les Juifs disent : Les Chrétiens ne tiennent sur rien ; et les Chrétiens disent : Les Juifs ne tiennent sur rien et eux lisent le Livre. De même, ceux qui ne savent pas disent la même chose (parole). Eh bien ! Dieu jugera entre eux le Jour de la Résurrection sur ce sur quoi ils s’opposent.}(113/2 La vache)
Ce verset parle d’un groupe de gens d’une même confession religieuse, qui se voient supérieurs aux autres ou meilleurs que les autres pour des raisons de fanatisme, de chauvinisme de sectarisme. Ils se voient des serviteurs de Dieu meilleurs que les autres peuples, meilleurs que les êtres humains sans raison réelle. Cette disposition affective cause des conflits permanents entre les groupes confessionnels.
On peut déduire du contexte de ce verset que cette sorte de fanatisme provient de l’ignorance.
al-Akhlâq fî al-Qurân, de sheikh Nasser Makâram Shîrâzî p190
Le Prince des croyants(p) donne deux exemples de fanatisme en se référant au noble Coran :
Le Prince des croyants(p) cite d’abord Iblis en exemple, le présentant comme étant la première créature qui a manifesté son fanatisme.
« Quant à Iblis, il a fait preuve de fanatisme contre Adam en son principe. Il le calomnia à propos de sa création. Il dit : « Je suis de feu et toi tu es d’argile. »
Puis il(p) cite une classe sociale encline au fanatisme :
« Quant aux riches des gens aisés des nations, ils font preuve de fanatisme pour les effets du lieu des bienfaits. Alors, ils dirent : {Nous avons plus de biens et d’enfants et nous ne serons pas châtiés.}(35/34 Saba') (Nahj al-Balâgha, Sermon 192 al-Qâsi‘at p428)
On peut déduire de ce qui a été dit que le ou les contraire(s) du fanatisme sont :
1) admettre et se soumettre à la vérité et ne pas suivre le faux.
2) l’équité et ne pas commettre d’injustice à l’encontre d’autrui.
Nous aurons l’occasion d’y revenir quand nous traiterons le traitement de cette maladie.
Avant de voir les différentes formes que peut prendre le fanatisme et les critères qui permettent de distinguer le fanatisme louable de celui blâmable, nous verrons l’origine de cette grave maladie.
(1) sajiyyah, pl. sajâyâ : nature, naturel, aptitude, caractère, humeur, disposition affective.
(2) nom d’action de la 5e f. dérivée du verbe « ‘asaba » (notant un sens réfléchi de la 2e f. qui indique en général l’intensité ou/et la répétition de l’action) qui est traduit dans les dictionnaires Ar/Fs par ‘le fait de prendre parti pour quelqu’un contre quelqu’un d’autre, d’être fanatique, sectaire’.