La conscience tranquille
Plus qu’à toute autre chose, l’homme aspire, tout au long de sa vie, à préserver la tranquillité de sa conscience, sans cesse mise à rude épreuve. Faire face aux difficultés de la vie, sans s’être armé au préalable d’une conscience fortement établie, c’est aller tout droit à l’échec. Plus nos difficultés seront alourdies, et plus notre besoin de paix intérieure sera grand, impérieux et profond. Nous devons donc, dès à présent, apprendre à éviter les pièges de l’affectivité, et à nous réfugier dans la tranquillité d’âme et la stabilité.
La quête de l’opulence, de la puissance, de la gloire et de la jouissance est vaine si l’on espère par elle parvenir à la paix intérieure. Tous les efforts en ce sens seront inutiles, car la source du bonheur se trouve en l’homme lui- même, tout comme d’ailleurs la source du malheur.
«Prétends-tu n’être qu’un petit ver.
Alors qu’en toi se cristallise l’univers.
Ton remède est en toi, mais en as-tu conscience?
Et ton mal vient de toi, en as-tu clairvoyance?»
Le remède- comme l’a dit l’Emir des Croyants- se trouve donc en l’homme même.
Les ressources précieuses de l'énergie spirituelle de l’homme sont à cet égard de loin supérieures à celles que peut offrir la réalité objective. Toutes les conditions du bien-être extérieur, et tous les moyens utilisés à cette fin sont transitoires et éphémères, et ne pourraient jamais assurer à l’homme le calme intérieur total. Seules la pensée et les qualités morales présentent un caractère de permanence, et c’est grâce à elles que les hommes se libèrent du recours à la précarité.
Epictète, le célèbre philosophe stoïcien du 1er siècle enseignait:
«Il faut apprendre aux hommes qu’ils ne trouveront pas le bonheur et la bonne fortune là où ils les cherchent aveuglément et à tâtons. Le vrai bonheur n’est pas dans la force et le pouvoir. Ni Nemrod ni Euclyos n’étaient heureux, en dépit de leur puissance exceptionnelle. La félicité n’est pas dans la richesse et les biens incalculables. Crésus ne fut pas un homme heureux, malgré tous ses trésors et ses coffres innombrables. Le bonheur ne saurait se concevoir dans le pouvoir et les prérogatives politiques: les consuls romains n'en goûtèrent point du fait de leur vaste puissance.
Néron, Sardanapale et Agamemnon avaient coutume de pleurer et de se lamenter de leur sort, conscients qu’ils furent d’être les jouets des événements et des vicissitudes, alors qu’ils disposaient de tous les avantages et de tous les privilèges de leur rang. Il faut chercher le vrai bonheur en soi et dans sa conscience.»
Reconnaissons que la résolution de beaucoup d’énigmes stupéfiantes de la nature, et la multiplication des moyens du bien-être à notre époque, n’ont pas suffi pour susciter l’avènement d’une vie sans inquiétude et sans agitation. Non seulement, elles n’ont pas pu réduire les douleurs de la vie, mais elles ont aussi ajouté à l’humanité un train nouveau de soucis, de manies et de troubles.
Par conséquent, pour se prémunir contre les frustrations incessantes de la vie, et pour écarter le voile obscur qui tend à envahir notre âme, nous éprouvons un besoin impérieux de pensées claires. La pensée qui est à juste titre la plus noble de nos facultés, tout comme elle a pu conférer à l’homme la suprématie sur les éléments naturels, et causer des transformations bouleversantes dans tous les aspects de la vie, peut aussi assurer son épanouissement; de là son rôle fondamental.
Un esprit éclairé est une source intarissable. Il transporte l’homme à des horizons dépassant ses préoccupations matérielles, et le fait accéder à un monde meilleur.
L’homme dont les facultés intellectuelles sont achevées et parfaites, peut résister comme un roc devant les vicissitudes de la vie, et demeurer imperturbable aux coups du sort qui jalonnent le cours de son existence. Pour garder sa présence d’esprit et ne pas céder à l’émotion et aussi pour se maintenir toujours loin des excès dans l’un ou l’autre sens, nous devons conférer à nos idées des critères évaluant nos comportements, nous permettant de demeurer sur la bonne voie, et de nous armer contre le découragement et la perplexité.
Un savant occidental dit à ce propos:
«Il se peut que nous ne puissions pas trier les quelques rares individus ayant des affinités morales ou autres avec nous, mais nous sommes libres dans le choix de nos idées. Nousjugeons comme nous l’entendons. Les contraintes et les circonstances de toutes sortes que nous percevons dans le milieu extérieur ne pénètrent pas nos esprits pour nous contraindre à adopter des idées que nous ne voulons pas.
Nous devons par conséquent faire nôtre les pensées justes, et en repousser les défectueuses, car nous nous dirigeons toujours vers où nous guide notre esprit. En d’autres termes, ce sont nos idées qui nous orientent. Ne nous permettons donc pas de penser mal; et n’occupons pas nos esprits à des choses que nous condamnons, ou que nous regretterons en fin de compte.
Ce sont de pareilles idées qui font naître le sentiment de déchéance et conduisent à mille malheurs. Tâchons d’être toujours en quête de la perfection, et non de la dégradation, et nourrissons-nous d’espoirs ardents et d’objectifs sublimes. Car la pensée saine est la clef de toute réussite et de tout bonheur.»