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L’indissociabilité du bien et du mal (3)

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Un autre cas est possible : que vous objectiez en disant que si nous ne professions pas la foi en un Dieu de l’univers, la justification de ces questions serait avérée. Cela se justifie par le fait que le principe qui serait à l’origine du monde ne peut pas être fautif parce qu’il ne comprend pas et son intelligence est trop faible. Que dire et à qui allons-nous objecter ?

 

Il n’y a même pas moyen d’objecter, ni de raison de le faire. Cependant, cela ne signifie pas que le mal n’est plus le mal, sinon le mal reste encore avec la même acception que nous lui donnons quand nous le qualifions de mal ; le chaos reste aussi le même chaos que constate le théiste, mais voilà, il n’y a plus de responsable dans l’univers.

 

Dans ce cas, « le monde n’est que ce qu’il est, quoiqu’il soit » est tout ce que l’on pourrait dire et il n’y aurait plus de questions à poser, puisqu’il n’y a pas de responsable.(1) Ainsi, si nous nions l’existence de Dieu, nous n’évacuons pas par ce fait même le problème du mal. Cela veut dire que si l’on niait l’existence de Dieu, on ne pourrait pas en conclure que la question du mal ne se pose plus, qu’elle a été résolue.

 

Quand bien même il n’y aurait plus un seul mal dans le monde, nous devrions admettre que la question resterait non résolue. Bien évidemment, la loi de la causalité ne serait pas malmenée ni remise en cause. L’important serait de reconnaître que la question du mal va demeurer insoluble, qu’il en est ainsi, et que cela devrait être et qu’il n’y a rien à faire à cela.

 

Si l’ensemble des êtres étaient mauvais selon la loi de la matière et qu’il n’y avait pas le moindre bien dans l’ « atelier de l’existence » (2) (comme ont statué à ce sujet les philosophes sceptiques en disant que tout l’être n’est que mal), nous aurions dit : « D’accord ! admettons que l’être est, et qu’il n’y a point de responsable en vue, et que ce qu’il y a, c’est un être inconscient, et l’inconscient aussi est affairé à quelques péripéties dont le mal ne cesse de se produire. Quant aux questions que par la suite cela génère, elles ont déjà été toutes soulevées. » Mais la question demeure de savoir si Dieu a créé l’univers de propos délibéré ou forcé, malgré Lui ? Avait-Il la puissance mais Il n’a pas voulu créer, ou bien n’avait-Il pas la puissance ?

 

Il a été établi que c’est par volition qu’Il a créé le monde et non par contrainte. Il avait aussi la puissance de ne pas créer. Mais de la puissance qui convient à l’Essence du Créateur, c'est-à-dire une puissance parfaite, qui n’est pas comparable à celle des êtres possibles. La puissance dont nous disposons est quelque chose de potentiel, alors que chez l’Etre nécessaire, elle est une puissance en acte. Il en va de même pour la volonté et le libre arbitre en Dieu.

 

Lorsque nous disons que nous avons la puissance pour accomplir tel acte, nous avons aussi la puissance de ne pas l’accomplir : cela veut dire que si nous le voulons, nous le faisons, sinon nous ne le faisons pas. Tout dépend de notre volonté. Mais nous possédons aussi cette caractéristique que cette volonté en nous n’est nôtre que comme possible.

 

Il est possible que nous ne disposions pas de cette volonté, tout comme il est possible que nous en disposions. Ce sens et cette réalité existent dans l’Essence de l’Être nécessaire : s’Il veut faire venir le monde à l’existence, Il le fait « existencier ». Et s’Il ne veut pas existencier le monde, il n’y aura plus de monde. Mais Sa Volonté n’est pas pareille à la nôtre qui dépend d’autres facteurs qui sont réunis parfois et qui font défaut d’autres fois. Dieu a une Volonté et l’univers est né de cette Volonté et de Sa Puissance.

 

Ce « si » aussi se retrouve sous la forme d’un autre « si », à savoir que puisque le monde résulte de Sa volonté, si Lui ne le voulait pas, le monde n’aurait pas existé, et non pas qu’Il l’ait voulu ou pas voulu, le monde aurait existé. Il ne s’agit pas de « qu’Il l’ait voulu ou non » ; le concomitant de Son Essence est que le monde soit, cela ne signifie pas que si dans son Essence, il n’y avait pas de volonté, le monde aurait quand même existé. Cette volonté qui est la Sienne était dans Son essence et c’est bien elle qui a donné naissance au monde. Il possède un libre arbitre éternel et le monde aussi résulte forcément de Son libre arbitre.

 

La deuxième question est celle des finalités, à savoir quel est le but ultime de Dieu ? Dans tout ce qu’il entreprend comme objectif, l’homme complète son perfectionnement grâce à cet objectif, c’est-à-dire que tout en visant son but, il cherche aussi à se promouvoir afin de se rapprocher de la perfection. L’action la plus bénévole et la moins intéressée qui soit accomplie par l’homme le rapproche de son accomplissement.

 

La différence entre une action humanitaire ou bienveillante et une action intéressée est la suivante : lorsque quelqu’un qui n’a pas de motivation charitable fonde une école par exemple, il le fait dans l’intention d’attirer les regards des gens sur sa personne, il gagne leur confiance et les fait travailler, mais tout cela afin de tirer tout le profit à son seul bénéfice.

 

Par contre, celui qui agit bénévolement cherche le profit d’autrui et non pas le sien, car il éprouve en son for intérieur un besoin moral, humanitaire ou divin, qu’il cherche à satisfaire, ou du moins à calmer sa conscience. Une autre motivation est d’accomplir un acte pour la « Face de Dieu » (3), à savoir dans le but d’obtenir la satisfaction de Dieu à son égard. Bref l’homme se perfectionne par ses actes. Dans l’Essence de Dieu, il n’y a que de la générosité pure, il n’y a même pas le besoin d’avoir de la générosité pour être généreux. Mais Sa Générosité est un concomitant de Sa Volonté en acte, un concomitant de la perfection de Son Essence, de la perfection de Sa science, de la volonté du Parfait.

 

Quoiqu’il en soit, considérant la discussion au sujet de la « discrimination », et de la « relativité » du mal, on voit clairement que le mal est indissociable du bien, parce que les maux qui relèvent de « manques », de « non-existants » et d’absence (de bien), en d’autres termes, les « vides », les lacunes - comme l’ignorance (manque de savoir), l’incapacité (manque de puissance) et la pauvreté (manque de moyens)- qui existent dans le monde, dans la mesure où ils sont rattachés au système universel (takwînî), sont dans le cas de l’absence de réceptivité des réceptacles et de la pénurie des moyens. Dans le système de la création, à chaque être correspond une carence en raison de la faiblesse de capacité du réceptacle et non en raison de la rétention de l’effusion de l’être qui entraînerait une injustice et une discrimination.

 

Ce qui, dans tout cela, ne relève pas de l’absence de capacité des réceptacles et de la carence des moyens, ce sont ces choses qui relèvent du domaine du libre-arbitre, de la responsabilité et de la volonté humaine. En tant qu’êtres doués du libre arbitre, les humains ont la responsabilité de réaliser leur propre édification et leur unité originelle parfaite, ce pour quoi ils ont été créés. Ils doivent combler les vides et subvenir aux carences, et cela est l’une des dimensions de la fonction de lieu-tenance (khelâfat) divine qui est dévolue aux hommes.

 

Si l’homme a été créé ainsi, et qu’une telle responsabilité lui a été confiée, c’est en vertu du système universel qui doit faire dominer le meilleur.

 

Quant aux maux qui existent extérieurement et qui en eux-mêmes sont le bien même et le mal par rapport à autrui, leur dimension mauvaise, en tant que relative et concomitante insécable de leur être réel, sont indissociables du bien.

 

L’univers jouit de la solidarité et de la synergie de ses parties, et l’univers est un ensemble indissociable. Ainsi, non seulement les néants ne sont pas dissociables des êtres, mais les êtres relatifs sont aussi indissociables des êtres réels. Et les êtres réels sont indissociables des autres êtres réels. Et c’est pourquoi le mal est indissociable du bien.

 

Notes :

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1-Etymologiquement, celui qui répond de quelque chose, responsa.

2-(En persan : کارگه وجود , Kârgah-e vujûd) expression imagée empruntée à Hâfez.

3-Travailler « pour la Face de Dieu » (en arabe :لوجه اله , li Vajhi al- Allah), est une expression coranique pour dire : accomplir un acte dans le but de plaire à Dieu.

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