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DE LA PREEMPTION

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DEFINITION


1- La préemption est le droit que tout copropriétaire d'un bien indivis d'acheter, de préférence à tout autre, la part du copropriétaire, toutes les fois que celui-ci s’en défait par voie de vente.

CHAPITRE PREMIER.


Des choses sur lesquelles le droit de préemption peut être exercé.

2- De l'accord unanime des jurisconsultes, le droit de préemption peut être exercé sur les propriétés foncières et immobilières en général, par exemple sur les maisons, les aires, les cours[1].

3- D’après une tradition que Yonos rapporte de l’Imam Abou Abdallah, le droit de préemption peut aussi, pour éviter les inconvénients d’un partage, être exercé sur les biens meubles, tels que les vêtements, les instruments, les ustensiles, les navires et les animaux. D’autres légistes sont, avec assez de raison, d’avis que le droit de préemption ne peut être exercé sur les biens meubles, parce que ce serait porter atteinte au droit de propriété d’un musulman ; d’ailleurs, l’authenticité de la tradition sur laquelle s’appuient ceux qui professent l’opinion contraire n’est pas parfaitement prouvée.

4- Le droit de préemption peut être exercé sur les arbres, les dattiers, et sur tout édifice quelconque, toutes les fois qu’ils sont vendus avec le terrain ; car, s’ils sont vendus séparément, l’exercice de ce droit est contestable, selon la teneur de l’article précédent.

5- Quelques légistes sont d’avis que le droit de préemption peut être exercé sur l’esclave, à l’exclusion de tous autres êtres animés.

DROIT MUSULMAN


6- Les opinions sont partagées quant à la légalité de l'exercice du droit de préemption sur les cours d'eau, les chemins,les bains et tous autres biens fonciers dont le partage ne peut être fait commodément et sans perte, c’est-à-dire qui, étant partagés, ne peuvent plus être d'aucune utilité. Il est préférable de ne pas admettre ici la légalité de la préemption, parce que la partie qui doit être lésée ne peut être, en aucun cas, contrainte au partage.

7- Si l'immeuble possédé indivisément peut être partagé commodément et sans perte, le droit de préemption peut être exercé, et la partie qui se refuse au partage peut y être contrainte.

8- La disposition précédente s'applique aussi à la possession indivise d'un terrain sur lequel existe un puits, si le puits peut, sans inconvénient, être attribuée à un seul des deux copropriétaires.

9- Les opinions sont partagées sur la légalité du droit de préemption à l'égard des roues et des manèges hydrauliques, lorsqu'ils sont vendus avec le terrain; mais il est préférable de l'admettre, ces choses ne consti­tuant pas, généralement, des meubles.

10- Les cordes servant à puiser l'eau ne font point partie du puits, et, par conséquent, ne peuvent être l'objet du droit de préemption, à moins que l'on n'adopte l'opinion des légistes qui soutiennent que ce droit peut être exercé sur toute chose vendable. (Art. 3.)

11- Le droit de préemption ne peut s'exercer sur les fruits, même s'ils sont vendus pendants par branches ou par racines, avec l'arbre ou avec la terre.

12- Le droit de préemption peut être exercé en cas de vente d'une partie d'un terrain déjà partagé, si la vente du terrain comprend en même temps la vente d'un chemin ou d'un cours d'eau existant sur ce terrain, et possédé indivisément par les copropriétaires.

13- Si, dans le cas précédent, le terrain déjà partagé est vendu à part, le droit de préemption ne peut être exercé sur ce terrain, mais il peut être exercé sur le chemin ou sur le cours d'eau, pourvu, toutefois, que le pre­mier soit assez large et le second assez considérable pour pouvoir être partagés sans inconvénient.

(Art. 6 et 7.)

14- Dans le cas de vente comprenant à la fois un terrain déjà partagé d’une partie d'un autre terrain possédé indivisément, le droit de préemption ne pourra être exercé que sur la partie indivise et sur la valeur exclusivement afférente à cette partie. (Art.6 et 7.)

15- Le droit de préemption ne peut être exercé que dans le cas où l’associé transfère sa part de propriété par voie de vente ; il ne peut être exercé quand le transfert a lieu à titre de douaire, d'aumône, de donation ou de conciliation. (Art. 1.)

16- Dans le cas où une partie d'un immeuble a été constituée en mainmorte et où l'autre partie est demeurée aliénable, l'usufruitier de la partie inaliénable ne peut exercer le droit de préemption en cas de vente de la partie libre, parce qu'il n'est pas propriétaire du fonds. Cependant, le Sheikh Mortezâ se prononce pour l'avis contraire.

CHAPITRE II


Des personnes capables d’exercer le droit de préemption. Al Shafiou

I. DE LA CAPACITE EN GENERAL


17- Tout copropriétaire d’un bien indivis, possédant les moyens de payer le prix de la part du coassocié, peut exercer le droit de préemption.

18- Si le premier acquéreur professe l'islamisme, l'associé ne peut exercer le droit de préemption que s'il professe la même religion.

19- Le droit de préemption ne s'acquiert point par le voisinage, et ne peut être exercé sur aucun bien divisé et distinctement partagé, à moins que ce bien ne comprenne un chemin ou un cours d'eau possédé indivisé­ ment. (Art. 12 et 13.)

20- Le droit de préemption ne peut être exercé qu'autant que le nombre des copropriétaires d'un bien indivis n'excède pas deux. Les jurisconsultes ne sont pas d'accord sur ce point : les uns sont d'avis que, relativement au droit de préemption, le nombre des copropriétaires n'est limité dans aucun cas, et qu'il peut être exercé par eux solidairement; d'autres res­treignent cette faculté aux biens fonciers, et la rejettent en cas de propriété indivise esclave ; d’autres enfin se ragent à la première opinion qui parait la plus vraisemblable[2].

21- Le droit de préemption est prescrit si le copropriétaire est dans l'impossibilité de fournir le prix de vente, s'il tarde trop à en faire le versement, ou s'il est en fuite.

22- Un délai de trois jours sera accordé au copropriétaire qui alléguera ne pas posséder, sur le moment, le prix de la part vendue, et si, à l'expiration du troisième jour, le versement n'est pas effectué, le droit de préemp­tion sera prescrit. (Art. 23.)

23- Quand le copropriétaire déclarera posséder le prix exigé, mais dans un lieu autre que celui où est sis le bien vendu, il lui sera accordé un délai suffisant pour le transport de la somme, selon la distance, ce délai dépassât-il trois jours, toutes les fois que la prolongation ne sera pas préjudiciable aux intérêts du premier acquéreur.

24- Le tuteur doit, toutes les fois qu'il y aura avantage pour le pu­pille, exercer le droit de préemption au nom de l'absent, du prodigue interdit, de la personne en état de démence ou d'imbécillité, et du mineur.

25- Si, dans le cas où il y aurait eu avantage pour le pupille, le tuteur a négligé l'exercice du droit de préemption, le mineur, à l'époque de sa majorité, et l'idiot, s'il recouvre la raison, seront admis à réclamer leur droit de préemption, le retard n'ayant pas eu lieu de leur fait et avant été causé par un empêchement forcé.

26- Dans le cas où le droit de préemption a été exercé par le tuteur contre les intérêts du pupille, l'acte est illégal et sera annulé.

27- L'infidèle peut exercer le droit de préemption contre un acquéreur également infidèle, mais non contre un acquéreur musulman, le vendeur fût-il infidèle. (Art. 18.)

28- Le propriétaire musulman a droit de préemption sur tout autre acquéreur, quelle que soit la religion que celui-ci professe.

DE LA PREEMPTION


29- Le père ou l'aïeul paternel tuteur du mineur a le droit d'exercer la préemption, au nom du pupille, en cas de vente, faite par le tuteur, d’un bien possédé indivisément par le tuteur et le pupille, le premier ne pouvant être soupçonné de vendre sa part à un prix supérieur à la valeur réelle. (Voir Vente et Interdiction.)

30- Le Scheikh Toussi refuse l'exercice du droit de préemption à l'exé­cuteur testamentaire copropriétaire d'un bien indivis avec le mineur, parce qu'il peut, dans ce cas, être soupçonné d'agir dans ses intérêts, au préjudice du mineur. Cependant, il est préférable d'admettre la faculté, pour l'exécuteur testamentaire, d'exercer le droit de préemption, ainsi qu'elle est accordée au mandataire. (Voir Testament et Mandat)

31- L’esclave peut exercer le droit de préemption, sans que le maître puisse y mettre aucune opposition. (Voir Tedbir)

32- Quand l’exploiteur achète, avec les fonds de la commandite, une partie d’un terrain sur laquelle le bailleur a, en vertu de la copropriété, le droit de préemption, la partie de terrain ainsi achetée est acquise au bailleur, du chef de la vente, mais non du chef de la préemption ; par conséquent, l’exploiteur ne peut s’opposer à la prise de possession, à moins que le capital de la commandite n’ait déjà donné quelque bénéfice. Dans le cas contraire, l’exploiteur ne peut exiger du bailleur qu’un salaire rémunérateur de ses peines dans l’achat du terrain en question. (Voir Commandite)
II. De l’exercice du droit de préemption lorsque la chose appartient à plus de deux copropriétaires.

33- Si, le bien indivis étant en la possession de quatre personnes, l’une d’elles vient à vendre sa part, et qu’une autre renonce à exercer le droit de préemption, les deux dernières peuvent l’exercer, à la condition d’acheter le total de la part vendue et de ne point se borner à exercer ce droit au prorata de leurs parts, parce que l’exercice du droit de préemption a pour but d’éviter le dommage résultant d’un morcellement, et que le dommage qui résulte d’un morcellement plus infime est encore plus considérable. (Art. 20)

34- Si, dans le cas de vente d’un bien indivise possédé par plus de deux personnes, une seule des personnes auxquelles appartient le droit de préemption se trouve présente, le copropriétaire présent peut exercer ce droit, mais seulement sur la totalité de la part vendue, ou y renoncer absolument, parce qu’il se trouve être le seul ayant droit présent. Lorsque le deuxième copropriétaire se présente, il a le droit de racheter la moitié de la part vendue ou d’y renoncer. Le troisième jouit de la même faculté à l’égard du tiers, et ainsi de suite jusqu’au dernier copropriétaire.(Art.20 et 23)

35- Si le copropriétaire présent se trouve empêché d'exercer le droit de préemption ou y renonce, le droit passe au copropriétaire absent qui se présente le premier, et ainsi de suite jusqu'au dernier, en cas de renoncia­tion ou d'empêchement de ceux qui se sont présentés avant lui. (Art. 34.)

36- Si l'un des copropriétaires, en l'absence des autres, a exercé le droit de préemption et a ensuite morcelé la partie achetée, le coproprié­taire qui se présente ensuite peut exiger l'annulation du partage et la mise en possession avec le premier. (Art. 20, 33-35.)

37- Si le copropriétaire présent a exercé le droit de préemption, et y ensuite renoncé pour cause de défaut de la chose vendue, le copropriétaire qui se présente ensuite a le droit d'exercer la préemption, la résiliation pour défaut de la chose vendue équivalant à une renonciation au droit de préemption.(Art. 33-36.)

38- Si le premier copropriétaire présent, ayant usé du droit de préemp­tion, a ensemencé la part achetée, le second qui se présente peut acqué­rir la moitié de celte part, mais sans pouvoir prétendre à aucune partie du produit.

39- Si le copropriétaire présent déclare ne pas vouloir user du droit de préemption avant l'arrivée des autres copropriétaires, le droit ne se trouve pas prescrit, parce que le retard causé par un motif plausible ne constitue pas une renonciation. Ce point est contesté. (Art. 21, 22 et 2 3.)

40- Si, l'un des copropriétaires ayant vendu sa part du bien indivis, le premier copropriétaire qui se présente use de son droit de préemption, rachète cette part et en verse le payement : et qu'un autre copropriétaire se présente ensuite et devienne également copropriétaire de la part ainsi ra­chetée; s'il appert que cette part appartient à une autre personne, il n'aura recours, pour le remboursement de sa part d'achat, que contre le premier acquéreur, qui, légalement, est considéré comme le mandataire du copropriétaire ayant droit de préemption. (Art. 1, 17, 19, 20, 33, 39)

41- Si, un immeuble étant possédé indivisément par trois personnes, l’une d'elles vend sa part à l'une des deux autres, la troisième seule, selon quelque légistes, a droit de préemption, à l'exclusion de celle qui a acquis là part vendue; mais il est préférable d'admettre que les deux autres copropriétaires conservent également l'usage du droit de préemption.

42- Si, un immeuble étant possédé indivisément par trois personnes, deux d'entre elles vendent, par un seul et même acte, leurs parts à trois acquéreurs, le troisième copropriétaire peut, à son choix, réclamer contre les trois acquéreurs, contre deux ou même contre un seul d'entre eux, la vente, quoique faite en bloc, constituant en fait trois actes distincts l'un de l'autre.

43- Si l'un des copropriétaires vend sa part à deux acquéreurs, le copropriétaire peut, à son choix, exercer son droit de préemption contre les deux acquéreurs où contre un seul d'entre eux.

44- Si deux des copropriétaires vendent en bloc leurs parts à deux acquéreurs, la vente constitue en fait quatre actes distincts l'un de l'autre, et le copropriétaire peut, à son choix, reprendre à titre de préemption la totalité des parts vendues ou renoncer à son droit, ou reprendre le quart, la moitié ou les trois quarts des parts vendues, sans que, de leur côté, les autres parties puissent exercer réciproquement le droit de préemption. Le transfert de la propriété a été fait en bloc, et, par conséquent, le preneur et le bailleur se trouvent également sans droit[3].

45- Si l'un des copropriétaires a vendu sa part à trois personnes et par actes séparés, le copropriétaire peut exercer le droit de préemption contre les trois acquéreurs, contre un ou deux d'entre eux, ou en faire l'abandon. S'il exerce son droit contre le premier acquéreur, les deux autres n'y par­ticipent point; il en est de même à l'égard du dernier acquéreur, si le copropriétaire a exercé son droit contre le premier acquéreur et contre le second. Si le copropriétaire renonce à son droit contre le premier acquéreur et l'exerce contre le second, le premier devient participant à titre égal. Il en est de même à l'égard des deux premiers acquéreurs, si, ayant renoncé à son droit contre le premier et le second, le copropriétaire l'exerce contre le troisième, les deux premiers étant confirmés dans la possession de leur part de propriété, par l'abandon, du fait du copropriétaire, du droit de préemption. (Art. 44, note)

46- Si deux seulement des copropriétaires sont présents, et que l’un vende sa part de propriété, le second a le droit de préemption, pare qu'il se trouve seul, en l'état, capable de l'exercer. Si, ensuite, l'un des copropriétaires absents se présente, il aura le droit de réclamer la moitié la part rachetée, à titre de préemption, par l'associé; et si le dernier copropriétaire se présente, plus tard, il aura le droit, à son tour, de réclamer le tiers de la part possédée par les deux coassociés. (Art. 20, 33- 40.)

47- Dans le cas où de deux frères possesseurs d'un immeuble indivis, l'un vient à décéder et laisse deux héritiers, dont l'un vend sa part, le droit de préemption appartient également au frère et à l'héritier du défunt, demeurés copropriétaires, leur droit de propriété étant égal. Il en est de même, quel que soit le nombre des héritiers[4].

CHAPITRE III.


Dispositions relatives au droit de préemption

48- Le copropriétaire d'un bien indivis est mis, ipso facto, en possession du droit de préemption par le contrat de vente de la part de l'associé, et aussitôt que le délai de dédit est expiré, celle époque étant celle à laquelle l'exécution du contrat devient obligatoire. Quelques légistes sont, avec rai­son, d'avis que ce droit peut être exercé aussitôt après la conclusion de la vente et avant l'expiration du délai de dédit, parce que le transfert de la propriété a lieu en vertu du contrat même. En tout cas, si le dédit est sti­pulé en faveur de l'acheteur seulement, le droit de préemption peut toujours être exercé aussitôt après la conclusion de la vente, le transfert de la propriété ayant lieu en vertu du contrat. (Voir Vente.)

49- Le droit de préemption ne peut être exercé sur une partie seulement de la part vendue ; le copropriétaire préempteur doit ou racheter la totalité de cette part ou renoncer absolument à son droit. (Art. 33).

50- Le préempteur est tenu de payer le prix convenu par le contrat de vente, quelle que soit, d’ailleurs, la valeur réelle de la part vendue.

51- Les frais déboursés par le premier acquéreur, tels que les frais de courtage, de mandataire, etc.… demeurent à sa charge, et ne seront pas supportés par l’associé préempteur.

52- L'augmentation du prix de la chose vendue consentie par l'acqué­reur, après la conclusion de la vente et l'expiration du délai de dédit, ne pourra être ajoutée au prix convenu; elle ne constituera qu'une donation, et l'associé préempteur ne sera pas obligé de la payer. Le Cheikh Toussi est d'avis que, si l'augmentation est consentie avant l'expiration du délai de dédit, elle doit être ajoutée au prix convenu, parce que, dans ce cas, le consentement constitue une clause faisant partie intégrante de l'acte de vente. Cependant, cet avis est discutable, si l'on admet que le transfert de la propriété a lieu par le fait même du contrat. (Art. 48. — Voir Vente.)

53- La disposition précédente s'applique de même au cas où le ven­deur a abandonné gratuitement une partie du prix convenu; c'est-à-dire que l'acquéreur n'est pas tenu de livrer à l'associé préempteur la part vendue tant que celui-ci ne paye pas le prix stipulé par le contrat.

54- Dans le cas où une part d'un bien indivis se trouve vendue en bloc avec une autre chose quelconque, mais non indivise, l'associé préemp­teur a le droit de racheter la part du bien indivis, mais en la payant au prorata de sa valeur au jour de la vente, sans que, pour cela, l'acquéreur puisse résilier la vente, la préemption n'ayant été exercée qu'après le transfert, à son nom, de la propriété de la chose vendue. (Art. 6,7, 14, 48 et 52. - Voir Vente.)

55- Le préempteur doit livrer à l'acheteur une valeur similaire et identique à celle qui est convenue par le contrat de vente, si toutefois cette valeur a un similaire, par exemple si elle consiste en espèces mon­nayées; au cas où celte valeur consiste en une chose spéciale, telle qu'un animal, une pièce d'étoffe ou un joyau, le droit du préempteur se trouve prescrit par suite de l'impossibilité où il se trouve de livrer la valeur venue. Cette opinion est basée sur une tradition rapportée de l’Imam Abou Abdallah (Paix soit sur lui) par Ali ibn Rébâb. Cependant, quelques légistes sont, avec raison, d'avis que, dans ce cas, le droit du préempteur ne se trouve pas prescrit, et que celui-ci conserve la faculté de livrer une valeur équivalente au prix de la chose au jour où la vente a été conclue.

56- Le copropriétaire d'un bien indivis est tenu de déclarer son inten­tion d'exercer le droit de préemption aussitôt qu'il a connaissance que l'exercice lui en est acquis. (Art. 48.)

57- Le droit de préemption n'est point prescrit si le retard à en récla­mer l'application en personne, ou par voie de mandataire, a été causé par un motif plausible, comme si le coassocié a été trompé sur le montant réel du prix de vente, s'il l'a cru plus élevé qu'il n'est en effet; s'il a été trompé sur la nature réelle de la contre-valeur, si, par exemple, il a cru qu'elle consistait en or ou en un animal, tandis qu'elle consistait en argent ou en étoffes; s'il se trouvait en état de détention légale, et, par conséquent, dans l'impossibilité de réclamer l'application de son droit ou de nommer un mandataire à cet effet.

58- Le coassocié préempteur est tenu de réclamer l'application de son droit aussitôt qu'il a connaissance du fait de la vente. Le délai nécessaire "à la connaissance du fait sera calculé d'après une moyenne basée sur la coutume et le temps ordinairement requis pour ce faire, sans que l'on ait égard aux aptitudes particulières de l'intéressé.

59- Si l'intéressé apprend le fait de la vente pendant qu'il s'acquitte d'un devoir religieux d'obligation ou de dévotion, il ne sera pas tenu de s'interrompre et aura la faculté d'achever avant de se prononcer.

60- La disposition précédente s'applique de même au cas où l'intéressé apprend, à l'heure de la prière, le fait de la vente; il aura la faculté de ne se prononcer qu'après avoir faitles ablutions prescrites et avoir achevé sa prière sans se presser.

61- Si l'intéressé apprend pendant qu'il est en voyage le fait de la vente, son droit sera prescrit si, ayant eu la possibilité de hâter son arri­vée ou de nommer un mandataire, il a négligé de le faire: mais le droit ne pas prescrit s'il a été impossible à l'intéressé d'agir de l'une ou de foutre manière, et lors même qu'il ne produirait pas la preuve testimoniale à l'appui du fait de son opposition.

62- La résiliation de la vente entre le copropriétaire vendeur et l'acquéreur n'emporte, pas la prescription du droit de l'associé préempteur, ce droit lui étant acquis, ipso facto, en vertu de la conclusion de la vente, , ni l'une ni l'autre des parties contractantes n'ayant le droit d'y porter teinte. En ce cas, l'acheteur demeure responsable envers le vendeur.

(Voir Vente.)

63- Si, l'intéressé ayant renoncé à l'exercice de son droit de préemp­tion, le marché a été conclu, et a ensuite été résilié par les deux parties, il ne recouvre pas son droit, parce que la préemption constitue l'annulation d’une vente, mais ne constitue pas a priori une vente. (Voir Vente.)

64- Si l'acquéreur d'une part d'un bien indivis a revendu cette part à un autre, le préempteur peut annuler la vente et recourir, à son choix, pour le recouvrement de la chose vendue, contre le premier acquéreur ou contre le second.

65- Dans le cas où l'acquéreur d'une part d'un bien indivis en a disposé à titre de fondation de mainmorte ou l'a convertie en mosquée, le préempteur a le droit d'annuler le contrat, selon la disposition précé­dente, et de s'en rendre acquéreur à titre péremptoire.

66- Le copropriétaire préempteur ne peut recourir que contre l'acquéreur, qui demeure aussi responsable, envers le vendeur; du prix convenu, et non contre le vendeur.

67- Dans le cas où la part faisant l'objet de la vente se trouverait encore aux mains du vendeur, le préempteur peut mettre l'acquéreur en demeure de s'en saisir ou d'y renoncer, mais, cependant, sans pouvoir le con­traindre, s'il s'y refuse, à en prendre livraison. Dans ce cas, le préempteur est substitué à l'acquéreur, qui, pourtant, demeure responsable envers le
vendeur.

68- Le copropriétaire préempteur ne peut annuler la vente; ainsi, toute convention par laquelle le préempteur déclare annuler la vente, pour se rendre ensuite acquéreur direct, est illégale.

69- Si la chose vendue a péri ou a été endommagée, avant la de mande en préemption, soit par la faute de l'acquéreur, soit accidentellement, le préempteur pourra, à son choix, accepter la chose en l’état où elle est et au prix de vente, ou y renoncer absolument. Dans le premier cas, les matériaux, s'il s'agit d'une construction, appartiennent préempteur, qu'ils soient demeurés sur place ou qu'ils aient été tramé portés ailleurs, parce qu'ils ont été compris dans le prix de vente.

70- Si, dans le cas précédent, le dommage a été causé par l'acquéreur après la demande en préemption, celui-ci en demeure responsable Selon quelques légistes, la responsabilité n'incombe pas à l'acquéreur, parce que la propriété de la chose vendue n'est pas acquise au préempteur par le fait de la demande en préemption, mais par le fait de la livraison de la chose en question. Mais la première opinion est préférable.

71- Si l'acquéreur a planté des arbres ou des plantes quelconques sur le terrain vendu, ou y a élevé quelque construction, il aura le droit, lors de la demande en préemption, d'arracher les plantes et de démolir la construction; mais il ne pourra être contraint à niveler le terrain. De son côté, le préempteur pourra, à son choix, racheter le terrain à sa valeur ou y renoncer absolument.

72- Si, dans le cas précédent, l'acquéreur refuse d'arracher les plantes ou de démolir les constructions, le préempteur aura la faculté, à son choix, de faire procéder à l'arrachement ou à la démolition, à charge de payer à l'acquéreur l'indemnité du dommage à lui causé, ou de payer la valeur des plantes ou des constructions, de même que dans le cas où l'acquéreur consent à leur destruction, ou de renoncer au droit de préemption.consent à leur destruction, ou de renoncer au droit de préemption.

73- L'accroissement inhérent à la chose vendue, comme le scion de dat­tier ou de toute autre plante, qui, vendu avec le terrain, est devenu un arbre, appartient au préempteur.

74- Les fruits civils et naturels de la chose vendue, mais non inhé­rents à cette chose, comme le loyer de l'usage d'une habitation, les fruits d'un dattier, appartiennent à l'acquéreur.

75- Si les dattiers, ayant fleuri après la vente, n'ont cependant été fécondés qu'après la prise de possession par le préempteur, les fruits appartiennent à ce dernier, parce que, dans ce cas, ils ne constituent, comme la branche, qu'un accessoire inhérent au principal. Cependant, il est préférable de n'admettre cette distinction qu'en cas de vente seulement. (Voir Vente.)

76- Dans le cas de vente de paris de deux immeubles différents, si intéressé à la préemption se trouve être le même pour les deux immeubles, peut, a son choix, exercer son droit sur les deux immeubles ou y renoncer, ou l'exercer sur l'un et y renoncer sur l'autre, contrairement à ce qui aurait lieu s'il s'agissait d'un seul immeuble; car, dans ce cas, le droit doit être exercé en entier ou abandonné en entier. (Art. 33 et 49.)

77- Dans le cas où le prix de la chose vendue appartient à un autre que l'acquéreur, le droit de préemption ne peut être exercé si la vente a eu lieu au comptant, cet acte se trouvant annulé. Si la vente a été conclue à crédit, elle demeure valide, et, par conséquent, l'intéressé peut exercer son droit de préemption. (Voir Vente.)

78- Si, dans les deux cas cités à l'article précédent, le copropriétés, ayant exercé son droit de préemption, a versé le prix d'achat avant qu’il eût été constaté que le prix versé par l'acquéreur appartenait à un autre, la transaction demeure valide, et le préempteur ne peut être inquiété.[5]

79- Si, la chose vendue étant entachée de défaut, l'acquéreur a ré­clamé et reçu l'indemnité voulue selon le cas, le préempteur n'est tenu de payer que le prix convenu par l'acte de vente, sauf déduction du mon­tant de l'indemnité.

80- Si, dans le cas précédent, l'acquéreur a consenti à garder la chose vendue et défectueuse sans exiger aucune indemnité, le préempteur est tenu de la payer au prix de vente, sans déduction, à moins qu'il ne pré­fère y renoncer.

81- Si le copropriétaire intéressé a été trompé sur le prix réel de la part vendue, soit que l'acheteur ait déclaré une somme supérieure, soit qu'il ait déclaré une somme inférieure, son droit de préemption pas prescrit par le fait de sa renonciation, parce qu'il se peut que, dans le premier cas, le refus ait été motivé par l'impossibilité de payer le prix déclaré, et, dans le second, par le désir de ne pas déprécier la part yen due. (Art. 56, 57-61.)

82- La demande en préemption ne sera valide que si l'intéressé a connaissance du prix de vente. Si l'intéressé n'a pas connaissance de ce prix sa demande sera nulle.

83- La disposition précédente s'applique encore au cas où l'intéressé forme sa demande en préemption en déclarant qu'il agit ainsi quel que soit d'ailleurs le prix de la vente. Cette disposition a pour but d'éviter la fraude.

84- Le préempteur est tenu de délivrer d'abord le montant du prix de la vente, et, en cas de refus de sa part, l'acquéreur n'est pas obligé de le mettre en possession de la chose vendue, avant d'en avoir reçu le prix.

85- Si l'intéressé a été trompé sur le nombre des acquéreurs, si, par exemple, il a été informé qu'ils étaient deux, tandis qu'il ne s'en trouvait11 qu'un seul, et vice versa; ou s'il a été trompé sur la personne de l'acquéreur, c'est-à-dire s'il a été informé que cette personne achetait en son nom tandis qu'elle achetait au nom d'un autre, et vice versa , le droit de préemption ne sera point prescrit, parce que le refus de l'intéressé a pu être le résultat de l'erreur.(Art. 56 , 57-61.)

86-Si la part vendue se trouve en culture au moment de la vente, les plantes ou les semences doivent demeurer, et l'intéressé peut, à son choix, exiger la livraison de la terre sur-le-champ ou attendre la fin de la récolte l'intéressé pouvant avoir un motif plausible d'attendre, c'est-à-dire de pouvoir faire usage de la terre, ce qui lui est impossible si elle est cultivée ou ensemencée. La légalité de ce délai est contestée par quelques légistes. (Art. 56, 57-61.)

87- La résiliation de la vente faite entre le préempteur et l'acquéreur est nulle, la vente ne pouvant être résiliée que par les deux parties con­tractantes. (Art, 62 et 63.)

CHAPITRE IV
Dispositions relatives à l’exercice du droit de préemption


كيفية الاخذ Keifiyet ul akhz

I -De l’exercice du droit de préemption

88. Si la chose a été vendue à terme, le Scheik Toussi est d'avis, dans le Mèbsoût, que le préempteur peut, à son choix, s'en saisir tout de !" suite en en payant le prix au comptant, ou attendre l'échéance du terme 1; convenu. Dans le Néhâyèt, le même auteur déclare que, dans ce cas, le Préempteur ne peut qu'attendre l'échéance du terme stipulé, demeure

responsable du prix convenu, et est tenu de fournir une caution, s'il n'offre lui-même aucune garantie pécuniaire. Cette dernière opinion paraît plus vraisemblable.

89- Le cheikh Mofîd et le cheikh Mortezâ sont d'avis que le droit de préemption peut être transmis par héritage ; mais le cheikh Toussi, se basant sur une tradition rapportée par Tèlhèt ebn Zéid, se prononce pour l'avis contraire. Cette opinion nous semble contestable, et la première pa­raît bien fondée, à cause de sa conformité avec le sens des versets qui se rapportent aux successions et avec ces paroles du Prophète : «Les droits du défunt se transmettent par héritage. »

90-Conformément à l'opinion des cheikhs Mofîd et Mortezâ, le droit de préemption se transmet par voie d'héritage, comme toute propriété. Si, par exemple, le copropriétaire décédé laisse une femme et un enfant, la femme hérite du huitième de la part possédée par le défunt, et l'enfant hérite du reste. Si, dans ce cas, l'un des héritiers renonce à l'exercice de son droit, le second peut l'exercer sur la totalité de la part transmise par voie d'héritage. Ce dernier point est contesté, (Voir Successions.)

91- Selon le cheikh Toussi, si le copropriétaire préempteur vend sa part après avoir été averti qu'il était en droit de former sa demande en préemption sur la part de son associé, son droit se trouve prescrit, parce que ce droit n'était acquis qu'en vertu de la copropriété. Mais si la vente a eu lieu que l’intéressé ait été averti qu’il y avait lieu de former une demande en préemption, le droit de l’intéressé n’est point prescrit, parce qu’il lui a été acquis antérieurement à la vente. Cependant, il est préférable d’admettre la prescription dans les deux cas.

92- Selon l’opinion du Sheikh Toussi citée à l’article précédent, si le copropriétaire a vendu sa part avec clause de dédit en faveur de l’acquéreur, et que le second associé préempteur vende aussi la sienne, l’acquéreur de la première part a droit de préemption sur le seconde, parce que le transfert de la propriété date du jour de la conclusion de la vente. Si, au contraire, le droit de délit a été stipulé en faveur de vendeur ou en faveur de l’un et de l’autre contractant, le droit de préemption appartient au premier vendeur, parce que, dans ce cas, le transfert de la propriété n’a lieu, en effet, qu’après l’expiration du délai de dédit. (Art. 48,52 et 54. voir Vente)

93- Si le copropriétaire, ayant vendu sa part pendant sa dernière maladie, a consenti à une diminution sur le prix de vente, la diminution demeure valide ainsi que la vente, et l’associé peut exercer son droit de préemption, pourvu que la quotité n’excède pas celle du tiers disponible.

Dans le cas contraire, et si les héritiers refusent leur ratification, la vente demeure seule valable au prix convenu, et la diminution ne demeure valable qu’au prorata de ce que peut supporter le tiers disponible. Quelques légistes sont d’avis que, dans ce cas, la vente et la diminution sont imputables sur la totalité de la succession, et que le copropriétaire du défunt peut exercer son droit de préemption, parce que les transactions faites au comptant pendant la dernière maladie sont imputables sur le total de la succession. (Art. 53 Voit Testaments)

94- Le préempteur peut légalement renoncer à son droit à titre de conciliation, mais ce droit se trouve alors prescrit, parce qu’il constitue une propriété et peut, par conséquent, faire l’objet d’une conciliation. (Voir Conciliation)

95- Le droit de préemption n’est point prescrit si le copropriétaire se porte caution du vendeur ou de l’acquéreur, ou si les deux partes stipulent un délai de dédit en faveur du copropriétaire préempteur.

96- La disposition précédente s’applique encore au cas où le copropriétaire préempteur agit à titre de mandataire de l’une ou de l’autre partie. Ce dernier point est contesté, parce que l’acceptation du mandat semble indiquer, de la part du préempteur, le consentement à la vente.

97- Dans le cas où le préempteur se serait saisi de la chose vendue et où celle-ci se trouverait entachée d'un défaut antérieur à la vente, ni le préempteur ni l'acquéreur ne pourront se dédire, s'ils ont été informés du fait. Dans le cas contraire, si le préempteur restitue la chose vendue, l’acquéreur pourra, à son choix, résilier la vente ou garder la chose, en exigeant du vendeur une indemnité. Si le préempteur garde la chose vendue, l'acquéreur ne pourra faire annuler la vente, parce que la chose vendue est sortie de sa possession. Le cheikh Toussi est d'avis que, dans ce dernier cas, l'acquéreur ne peut exiger une indemnité. Mais il est pré­férable de lui reconnaître ce droit. (Voir Vente.)

98- L'acquéreur ne peut faire annuler la vente si le préempteur a seul été informé du défaut de la chose vendue et consent à la garder.

99- Si l'acquéreur a seul été informé du défaut de la chose vendue, le préempteur aura le droit de la restituer.

100- La préemption ne peut être exercée dans le cas où le prix de la part vendue consiste en une chose déterminée et sans similaire identique, par exemple un esclave, si l'on admet l'opinion qui refuse, dans ce cas, l'exercice de la préemption. (Art. 55.)

101- Si l'on admet que le préempteur a, dans le cas précédent, la fa­culté d'exercer son droit en payant la valeur de la chose convenue à titre de payement; dans le cas où, le préempteur s'étant saisi de la part vendue, il appert que la chose constituant le payement et délivrée par l'acquéreur est entachée de défaut, le vendeur aura le droit de la restituer et d'exiger la valeur réelle de la part vendue, si toutefois cette chose n'a pas subi,
entre les mains du vendeur, une dépréciation qui s'oppose à sa restitution; mais le vendeur ne pourra réclamer la remise de la part vendue, parce que l'annulation faite après la conclusion d'une vente légale n'emporte pas la prescription du droit de préemption. (Art. 55. -Voir Vente.)

102- Si, dans le cas précédent, la "pari vendue et saisie par le préemp­teur vient ensuite à être transmise de nouveau à l'acquéreur par voie de succession ou de donation, il n'aura pas le droit de la restituer au vendeur, et, de son côté, il n sera pas tenu d’accepter l’offre, faite par le vendeur, d’en reprendre possession[6].

103- Si dans le cas de l’article précédent, la valeur de la part vendue se trouve être inférieure à celle de l’esclave donné en payement, le préempteur ne pourra réclamer la différence. Ce point est contesté, à tort selon nous, parce que l’esclave constitue le prix convenu par l’acte de vente. (Art 50 et 107.- Voir Vente)

104- Si la part vendue est demeurée aux mains de l’acquéreur, alors que le vendeur ne pourra s’opposer à ce que le préempteur exerce son droit, ce droit étant acquis avant la restitution. Le préempteur pourra donc s’emparer de la chose vendue moyennant une valeur équivalente au prix de l’esclave stipulé, cet esclave constituant le prix convenu par l’acte de vente, et le vendeur aura droit à la valeur de la chose vendue, lors même qu’elle serait supérieure à celle de la chose constituant le payement[7]

(Art. 50 et 107.- Voir Vente)

105- Dans le cas où la chose constituant le payement et entachée de défaut aura subi, entre les mains du vendeur, quelque dépréciation qui empêche sa restitution, celui-ci pourra exiger de l’acquéreur une indemnité compensatoire, à cause de la priorité du droit du préempteur, mais sans que l’acquéreur puisse, à son tour, réclamer cette indemnité au préempteur, si toutefois ce dernier a payé la part vendue au prix convenu par l’acte de vente, et sans aucune diminution en raison du défaut.

(Art. 50 et107.- Voir Vente)

106- Dans le cas où, des deux copropriétaires d’un bien indivis, l’un se trouve présent et l’autre absent, et où la part du seconde se trouve entre les mains d’un tiers et vient à être vendue par le détenteur, prétendant y être autorisé par le propriétaire absent, le droit de préemption peut, selon l’auteur du Khélaf, être exercé par le propriétaire présent. Cependant la négative nous semble préférable, parce que la préemption ne peut être que la conséquence d’une vente dont la conclusion est formelle et légale. Si la préemption a été exercée en vertu d’un jugement, elle sera confirmée si le propriétaire absent, reparaissant, ratifie la déclaration du vendeur. Dans le cas contraire, le propriétaire sera cru sur son serment, remis en possession de sa part vendue sans son consentement, et aura, de plus, le droit d’exiger le prix du loyer de sa part depuis le jour de la livraison jusqu’au jour de la restitution. Le propriétaire pourra, à son choix, recourir, pour le loyer, contre le vendeur, parce qu’il a été la cause indirecte de la privation des fruits civils ou naturels, ou contre le préempteur, parce qu’il en a été l’auteur direct. Si le propriétaire a eu recours contre le prétendu mandataire, celui-ci ne pourra recourir contre le préempteur. Si, au contraire, il a eu recours contre le préempteur, celui-ci pourra recourir contre le vendeur, parce qu’il a été trompé par lui. Cette opinion est contestée, mais elle nous paraît cependant bien fondée. (Voir Détention Injuste)

107- Le préempteur est tenu de payer le prix convenu par l'acte de vente, quelle que soit, d'ailleurs, la valeur de la chose livrée en payement par l'acquéreur. Exemple : si, la part ayant été vendue cent dinars, l'ac­quéreur a livré une chose n'en valant que dix, le préempteur est tenu de payer la somme de cent dinars, ou de renoncer à exercer son droit, parce qu'il ne peut se saisir de la chose vendue que moyennant le prix stipulé par l'acte de vente. (Art. 5o.)

II- DE LA PRESCRIPTION DE DROIT DE PREEMPTION


108- Le droit de préemption se trouve prescrit par le défaut de la demande, quand l'intéressé a été informé du fait de la vente, et qu'il n'a eu aucun motif plausible d’empêchement. Quelques légistes sont d’avis que la prescription n’a lieu qu’après la déclaration formelle de l'intéressé, quelle que soit, d'ailleurs, la durée du délai qu'il aura pris pour se pro­noncer. Mais la première opinion est préférable. (Art. 68, 56-6 1.)

109- La renonciation au droit de préemption, avant la vente de la part du copropriétaire, est nulle et sans effet, parce qu'elle constitue l’abandon d'un droit non encore acquis. Ce point est contesté.

110- La disposition précédente s'applique encore au cas où l'intéressé a assisté à la vente en qualité de témoin, s'il a félicité le vendeur ou l'acquéreur, ou s'il a autorisé ce dernier à conclure l'achat. La prescription est encore contestée dans ces différents cas, parce qu'ils ne constituent pas une évidence plus authentique que la renonciation du préempteur avant 1 conclusion de la vente.

111- Si l'intéressé a été informé de la vente de manière qu'il ne puisse arguer d'ignorance, par exemple 'si l'information lui a été donnée par plusieurs témoins, mais à divers intervalles, ou à la fois par deux témoins de bonnes mœurs, le droit sera prescrit, si l'intéressé n'a pas formé d'opposition. Lors même qu'il déclarerait ne pas avoir ajouté foi aux témoi­gnages, cette excuse ne sera pas admise. (Voir Témoignage.)

112- Si, dans le cas précédent, l'avis a été donné par un mineur ou par plusieurs individus de mœurs déréglées, le droit de préemption ne sera pas prescrit, et l'intéressé sera admis à faire valoir ses excuses. (Voir Témoignage)

113- La disposition précédente s'applique aussi dans le cas où l'avis de la vente a été donné par un témoin unique, fût-il de bonnes mœurs; l'in­téressé sera admis à faire valoir ses excuses, parce que le témoignage d'un seul témoin ne fait pas foi en justice. (Voir Témoignage.)

114- Si l'acquéreur et l'intéressé ont ignoré le prix de la vente, le droit de préemption se trouve prescrit, à cause de l'impossibilité, pour l'in­téressé, de livrer la somme convenue. (Art. 5o et 82.)

115- Le droit de préemption sera prescrit si l'intéressé, se trouvant dans un lieu éloigné de celui où se trouve la chose vendue et étant informé de la vente, a attendu, pour se prononcer, qu'il se fût rendu sur le lieu où est située la propriété indivise. (Art. 58 et 61.)

116- S'il appert que la quotité du prix de la chose vendue appartenait à un autre que l'acquéreur, il n'y aura pas lieu d'exercer le droit de préemption, l'acte en vertu duquel il peut être exercé étant annulé. (Art. 77 et 78.)

117- Il n'y aura pas non plus lieu d'exercer le droit de préemption, si l’intéressé et l’acquéreur avouent, ou si l’intéressé seul avoue, que la quotité du prix de vente a été dérobée à autrui, ou si cette quotité vient à périr aux mains de l’acquéreur, avant la remise au vendeur. (Art. 77 et 78 Voir Détention Injuste).

118- Parmi les fraudes qui peuvent être employées pour mettre obstacle à l’exercice du droit de préemption, il en est quelques-unes qui sont autorisées ; par exemple : le copropriétaire peut stipuler un prix plus élevé que la valeur réelle de la part vendue et se contenter de recevoir une quotité inférieure à celle qui est convenue ; le vendeur peut stipuler un prix plus élevé que la valeur réelle de la chose vendue, se contenter d’en recevoir une partie et faire remise gratuite du reste ; le vendeur peut simuler une donation ou tout mode de transfert autre que la vente.

Dans les deux premiers exemples, si l’intéressé accuse le copropriétaire d’avoir conclu une vente secrète, et si ce dernier, avouant le fait, déclare avoir oublié le montant du prix convenu, le serment lui sera déféré sur ce point, et s’il le prête, il n’y aura pas lieu d’exercer le droit de préemption[8].Mais si le vendeur déclare ignorer le prix de vente, il sera mis en demeure de s’expliquer et de le déclarer, cette excuse n’étant point admissible. Le Cheikh Toussi est d’avis que, dans ce dernier cas, le serment doit être déféré à l’intéressé. (Art. 50-53-82- et 114- Voir Procédure)

CHAPITRE V
DES CONTESTATIONS AU SUJET DE LA PREEMPTION


119. En cas de contestation, entre le préempteur et l’acquéreur, sur le montant du prix de vente, et à défaut de preuves, l’acquéreur sera cru sur son serment, qui lui sera déféré, parce que la plainte à pour but de lui enlever la chose qui est en sa possession.

120- La preuve, si elle a lieu, sera admise en faveur de la partie qui la fournira.

121- Le témoignage du vendeur en faveur de l’une ou l’autre partie ne peut etre admis.

122- Dans le cas où chacune des deux parties fournirait également la preuve, celle de l’acquéreur sera seule admise. Cependant, quelques légistes sont d’avis que l’on doit, de préférence, admettre la preuve fournie par le préempteur, parce qu’il n’est point le détendeur de la chose dont le prix est en litige.

123 En cas de contestation, entre le vendeur et l'acquéreur, sur la quotité du prix de vente, la preuve sera en faveur de la partie qui la fournira.

124- Le cheikh Toussi est d'avis que, si le vendeur et l'acquéreur four­nissent tous deux la preuve, il doit être procédé par voie de tirage au sort.


Mais cette opinion nous paraît contestable, parce que la décision par la voie du sort n'est admise qu'en cas de doute sur la manière de procéder ce qui n'a pas lieu ici, puisqu'il est reconnu en jurisprudence que, en cas de présomptions égales, le serment doit être déféré au vendeur, tant qu'existe la chose vendue, et que la preuve fournie par l'acquéreur doit
faire foi.

125- Une fois que la quotité du prix de vente aura été juridiquement fixée, le préempteur pourra, à son choix, se saisir de la chose vendue moyennant le prix fixé, ou renoncer à l'exercice de son droit.

126- L'auteur du Khélâf est d'avis que, si le copropriétaire d'un bien indivis déclare avoir vendu sa part à un autre que le coassocié, et que cet autre nie, l'associé se trouve, par le fait, en droit d'exercer la préemption, la déclaration du copropriétaire équivalant à un aveu. Cependant ce point est contesté, parce que le droit de préemption ne peut être exercé que sur une chose dont la vente a été formellement conclue. Mais la première opi­nion est, dans ce cas, préférable. (Art. 106 et 109)

127- En cas de contestation entre deux possesseurs d'un bien indivis, l'un prétendant que l'autre a acheté sa part à une époque postérieure à celle de l'achat de la sienne propre, le serment sera déféré au second, s'il nie le fait [9] ; le serment peut encore être déféré à chacune des deux parties sur le point qu'elles n'ont pas réciproquement le droit d'exercer la préemption , sans qu’on soit obligé de le déférer sur le point d’antériorité réciproque de la vente des parts respectives.

128- Si chacun des deux copropriétaires déclare être en droit d’exercer la préemption à l’égard de l’autre, le serment sera, à défaut de preuve, déféré à chacun d’eux, et s’ils le prêtent, la propriétaire du bien indivis leur sera confirmée dans l’état antérieur à la contestation. Si l’un des copropriétaires fournit la preuve de l’achat, mais sans date, étant insuffisante. Si, au contraire, un des copropriétaires prouve l’antériorité de son achat sur l’achat qui a été opéré par l’associé, la partie en faveur de laquelle la preuve est produite sera mise en droit d’exercer la préemption.

129- Si chacune des parties fournit la preuve de l’achat sans date ou à la même date, elles seront renvoyées toutes les deux de la plainte.

130- Si chacune des deux parties fournit la preuve de l’antériorité de l’achat des parts respectives, il sera procédé par la voie du sort. Quelques légistes sont d’avis que, dans ce cas, les parties sont renvoyées de la plainte et confirmées dans la propriété du bien indivis dans l’état où elle se trouvait avant le procès.

131- Dans le cas où le copropriétaire [10]affirme que le possesseur de la part ayant appartenu à l’associé l’a acquise par voie d’achat, tandis que le possesseur affirme qu’elle lui a été acquise par voie de succession, le Cheikh Toussi est d’avis qu’il doit être procédé par voie de tirage au sort, si chaque partie produit la preuve de sa déclaration, à cause de la contradiction des témoignages (Art. 1, 15, et 17- Voir Procédure et Témoignage)

132- Si le copropriétaire intéressé accuse le détenteur de la part de l’associé de l’avoir acquise par voie d’achat, et que le possesseur déclare en être le détenteur à titre de dépôt, la preuve fournie par l’intéressé fera foi, parce que le dépôt ne s’oppose pas à ce que la chose déposée puisse être achetée par le dépositaire. (Art., 1, 15, et 17. Voir Dépôt.)

133- Si, dans le cas précédent, le demandeur fournit la preuve de la vente, et si le défendeur fournit, de son côté, la preuve que la chose dont il est détendeur lui a été remise à titre de dépôt à une époque postérieure à celle de la vente, le cheikh Toussi est d'avis que la preuve du dépôt l'emporte sur celle de la vente, parce qu'elle n'a pour objet que le fait A la propriété de la chose en litige; puis on en référera au déposant et s'il confirme le dire du défendeur, le jugement sera prononcé en faveur de dernier, et le demandeur sera débouté de sa demande en préemption Si au contraire, le déposant infirme la déclaration du défendeur, le jugement sera prononcé en faveur du demandeur.

134- Si, dans le cas précédent, le demandeur fournissant la preuve de la vente de la chose qui se trouve en la possession du défendeur, celui-ci fournil la preuve du dépôt, mais sans en produire la date, il sera procédé en faveur du demandeur, sans qu'il soit nécessaire d'en référer au dépo­sant, cette formalité devenant alors inutile.

135- En cas de contestation entre le vendeur et l'acquéreur, d'une part, et le copropriétaire intéressé, de l'autre, les premiers déclarant que la quotité du prix a été dérobée à autrui, l'intéressé sera cru sur sa décla­ration, sans que le serment lui soit déféré, à moins que les demandeurs ne l'accusent d'avoir connaissance du fait[11]. (Arl. 77, 78 et 117.)

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[1] Ce droit ne peut être exercé, ainsi qu'il résulte des dispositions suivantes, que sur les biens possédés indivisément.
[2] C’est –à--dire que, selon l’opinion de ceux qui admettent la faculté de préemption quel que soit le nombre des copropriétaires, ce droit doit être exercé en entier sur la totalité de la part vendue, et non par l’un ni quelques-uns d’entre eux, au prorata des parts de propriété. (Art. 33-34)
[3] Le droit de préemption ne pouvant exister qu’en faveur du premier acquéreur, et, dans le cas présent, aucun d’eux n’ayant la priorité de possession, puisque la vente a été faite en bloc.
[4] Parce que le transfert de la propriétaire par voie de succession n’altère en rien son origine, toutes les fois, bien entendu, que l’immeuble est demeuré indivis et n’a pas été partagé, l’héritier se trouvant etre substitué au défunt.
[5] C’est -à- dire que l’acquéreur demeure seul responsable
[6] C’est –à- dire que ni l’un ni l’autre des contractants n’aura le droit de résilier la vente.
[7] C’est –à –dire que le préempteur paye la chose vendue selon le prix convenu par l’acte de vente, et que le vendeur, ayant dû restituer le payement pour cause de défaut, a le droit d’exiger de l’acquéreur la valeur réelle de la chose vendue, lors même que cette valeur excéderait celle de l’esclave constituant le payement, le défaut entraînant la rescision de la vente, rescision qui ne peut avoir lieu, à cause de la priorité du droit du préempteur.
[8] A cause de l’ignorance de la quotité du prix de vente
[9] Le droit de préemption ne pouvant être exercé que dans le cas où les parts respectives ont été acquises à des époques différentes
[10] Le texte désigne, dans cet exemple et les suivants, le défendeur et le demandeur par le terme شريك schérik, « associé », de sorte qu’il y a amphibologie ; car le lecteur peut croire qu’il s’agit de deux premiers copropriétaires, tandis qu’il s’agit de l’associé préempteur et de l’acquéreur devenus d’ailleurs copropriétaires.
[11] Dans ce cas, le serment sera déféré, sur ce point, au défendeur.

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